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Parts sociales : décision du 22 janvier 2024 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02073

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Parts sociales : décision du 22 janvier 2024 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02073

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 22 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02073 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBJF

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 20/01375, en date du 31 août 2022,

APPELANTE :

S.C.P. D’INFIRMIERS [S] [D] [X] et [P], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [R] [Y]

née le 20 juillet 1960 à [Localité 3] (54)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Alexandre GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Janvier 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé en date du 18 septembre 2013, établi par Maître Henry Pasi, avocat, a été constituée la société civile professionnelle d’infirmiers ‘[S] [D] et [Y]’ au capital de 3000 euros, réparti par tiers entre Madame [E] [S], Monsieur [L] [D] et Madame [R] [Y]. Ce même jour, un règlement intérieur a également été adopté par les associés de ladite SCP.

Suivant acte sous seing privé en date du 8 octobre 2013, Madame [S] a cédé, au profit de la SCP [S] [D] et [Y], son cabinet d’infirmière libérale.

Parallèlement à son activité d’infirmière, Madame [Y] a entamé une formation de naturopathe entre 2018 et 2019.

Lors d’une assemblée générale tenue le 18 octobre 2018, il a été décidé de ne pas autoriser Madame [Y] à se faire remplacer pour suivre sa formation de naturopathe et de qualifier la poursuite de cette activité d’inexécution grave et répétée au sens de l’article 34 des statuts.

Madame [Y] a été informée par courrier en date du 22 octobre 2018, qu’en application des décisions de l’assemblée, les 20 % dus sur les honoraires de Madame [X], infirmière remplaçante, ne lui seraient pas rétrocédés.

Deux assemblées se sont tenues le 3 juin 2019, dont la première a notamment, pris acte du retrait forcé de Madame [Y] et révoqué cette dernière de son mandat de cogérante.

Par jugement contradictoire du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– condamné la SCP d’infirmiers [S] [D] à payer à Madame [Y] la somme de 5834,59 euros au titre des rétrocessions d’honoraires,

– condamné la SCP d’infirmiers [S] [D] à payer à Madame [Y] les intérêts au taux légal sur la somme de 26214,98 euros ayant couru à compter du 9 septembre 2019, date de la mise en demeure, jusqu’au 28 octobre 2020,

– condamné la SCP d’infirmiers [S] [D] à payer à Madame [Y] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,

– débouté la SCP d’infirmiers [S] [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné la SCP d’infirmiers [S] [D] aux dépens,

– condamné la SCP d’infirmiers [S] [D] à payer à Madame [Y] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Madame [Y] ne violait pas les dispositions réglementaires et statutaires de la SCP d’infirmiers [S] [D] et [Y] en poursuivant une formation de naturopathe au motif qu’elle était libre d’exercer toute autre activité professionnelle parallèlement à celle d’infirmière et indépendamment de cette société. Il s’est pour cela fondé sur les articles 2 et 26 alinéa 4 des statuts stipulant seulement une interdiction d’exercer la profession libérale d’infirmière en dehors de la SCP d’infirmiers [S] [D] et [Y].

Selon les termes du contrat de remplacement signé le 1er juillet 2014 entre Madame [X] et la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen et [Y], le tribunal a estimé que Madame [Y] pouvait régulièrement faire appel à Madame [X] pour la remplacer. Il a précisé que Madame [Y] pouvait valablement recourir à ce contrat dès lors qu’aucun des associés ne s’y était opposé avant l’assemblée générale du 18 octobre 2018. Il a ainsi relevé que la décision lors de cette assemblée de s’opposer au remplacement de Madame [Y] était dépourvue de fondement au motif qu’elle avait été prise en contravention des dispositions réglementaires et statutaires.

En tout état de cause, les premiers juges ont relevé que la SCP d’infirmiers [S] [D] et [Y] devait verser le montant des rétrocessions d’honoraires d’une somme de 5834,59 euros à Madame [Y] au motif qu’un manquement à une décision prise régulièrement par l’assemblée générale ne saurait conduire à la priver de la part de ses honoraires.

Ils ont par ailleurs considéré que la SCP d’infirmiers [S] [D] et [Y] avait attendu à tort l’issue de l’assemblée générale du 10 septembre 2020 pour verser à Madame [Y] la part de ses bénéfices, s’élevant à 26214,98 euros, dès lors que cette créance était certaine dès le 3 juin 2019. Ainsi, ils ont jugé que la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen et [Y] devait verser à Madame [Y] les intérêts au taux légal sur la somme de 26214,98 euros à compter du 9 septembre 2019, date de mise en demeure de payer par Madame [Y], au 28 octobre 2020.

Le tribunal a ainsi considéré qu’ayant été privée d’une partie de ses revenus et ayant dû quitter la société, Madame [Y] avait subi un préjudice moral et en a fixé la réparation à 8000 euros.

oOo

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 13 septembre 2022, la SCP d’infirmiers [S] [D] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions d’incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 27 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [Y] demande au conseiller de la mise en état, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, de :

– prononcer la radiation de la procédure pendante dans l’attente de la justification par l’appelante de l’exécution de la décision dont appel,

– condamner la SCP d’infirmiers [S] [D] à lui payer une somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par une ordonnance contradictoire du 28 juin 2023, le magistrat de la mise en état a :

– débouté Madame [Y] de sa demande de radiation, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

– débouté Madame [Y] et la SCP d’infirmiers [S] [D] de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale,

– renvoyé l’affaire à la mise en état du 18 juillet 2023.

Pour statuer ainsi, le magistrat de la mise en état a relevé qu’une saisie-attribution avait été effectuée le 5 juin 2023 pour un montant de 18406,54 euros, montant supérieur à la dette de la SCP d’infirmiers [S] [D] envers Madame [Y] d’une somme de 17288,37 euros. En raison de cette saisie-attribution, le magistrat de la mise en état a refusé de donner droit à la demande de radiation de Madame [Y].

Par ailleurs, il a refusé d’accorder des dommages et intérêts à Madame [Y] au motif que la SCP d’infirmiers [S] [D] n’avait pas fait preuve d’une résistance abusive et injustifiée lors de la procédure d’incident.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 26 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen Phulpin et Wucher demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé,

– y faire droit,

– débouter Madame [Y] de son appel incident,

Ce faisant,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

– déclarer irrecevables à défaut de respect de la clause de conciliation préalable, l’action et les prétentions de Madame [Y],

À titre subsidiaire,

– déclarer l’action de Madame [Y] non fondée,

– débouter Madame [Y] de l’intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

– condamner Madame [Y] à lui payer une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la Cour, ainsi qu’aux entiers dépens,

– débouter Madame [Y] de toutes ses demandes.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 23 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [Y] demande à la cour, au visa des articles 1203 et suivants et 1832 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 31 août 2022, en ce qu’il a :

* condamné la Société SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] à lui payer une somme de 5834,59 euros correspondant à sa part d’honoraires de remplacement de Madame [X], dont elle a été spoliée,

* condamné la Société SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] à lui payer une somme de 26214,98 euros correspondant à sa part du bénéfice arrêté au 03 juin 2019, outre intérêts au taux légal à compter du 09 septembre 2019,

* condamné la Société SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] à lui payer une somme 3000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile,

– l’infirmer pour le surplus,

Et,

– condamner la Société SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] à lui payer une somme de 10000 euros de dommages et intérêts correspondant au préjudice moral qu’elle a subi,

– condamner la Société SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] à lui payer une somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 novembre 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 20 novembre 2023 et le délibéré au 22 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen Phulpin et Wucher le 26 septembre 2023 et par Madame [Y] le 23 octobre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 7 novembre 2023 ;

Sur la recevabilité de la demande de Madame [N]

A l’appui de son recours la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen Phulpin et [P] fait valoir que l’action de Madame [Y] est irrecevable, dès lors qu’elle n’a pas respecté les stipulations des statuts de la société ; elle rappelle que, selon l’article 41 des statuts, les associés ne peuvent engager d’action contentieuse sans avoir procédé au préalable à une conciliation ; elle affirme que Madame [Y] n’a pas réalisé de tentative de conciliation, que sa saisine du Conseil de l’Ordre des infirmiers ne pourrait être considérée comme telle dès lors qu’il s’agissait d’une plainte disciplinaire, portant par ailleurs sur la déontologie du métier et non sur les litiges entre associés, et a fait peser sur la SCP d’infirmiers [S] [D] la menace de sanctions déontologiques ; elle concède qu’une phase de conciliation relative à l’instance disciplinaire a eu lieu, mais soutient qu’elle n’avait pas pour objectif de rechercher une issue amiable puisqu’elle n’était qu’une phase de la procédure entamée ;

Madame [Y] fait valoir que la fin de non-recevoir soulevée par l’appelante n’est pas fondée dès lors qu’elle l’a informée, par l’intermédiaire de son conseil, de son intention de déposer plainte ainsi que d’engager une tentative de conciliation préalablement à une action judiciaire ; Elle soutient que cette tentative a eu lieu le 23 janvier 2020 et qu’un procès-verbal de la même date atteste le refus de la SCP d’infirmiers [S] [D] de toute possibilité de conciliation ;

Aux termes de l’article 41 des statuts de la société d’infirmiers (pièce 1 appelante), ‘En cas de contestation apparaissant sur l’application ou l’interprétation des présents statuts, soit entre les associés, soit entre la société et un ou plusieurs associés, la juridiction civile est seule compétente pour statuer. Néanmoins aucune instance contentieuse ne peut être engagée sans qu’il ait été procédé au préalable à une tentative de conciliation’ ;

Par courrier du 20 novembre 2019, le conseil de Madame [N] a saisi Madame la Présidente du Conseil de l’Ordre des Infirmiers de Meurthe et Moselle aux fins d’exercer une tentative de conciliation dans le litige qui l’oppose à la SCP ; cette tentative concerne le refus par la SCP, qu’elle qualifie d’abus de droit, de lui verser la part de bénéfices arrêts au 3 juin 2019 qui lui revient, ainsi que le règlement de la rétrocession de ses honoraires soit 3433,77 euros de septembre à décembre 2018, puis de 20400.82 euros pour la période de janvier à mai 2019 ;

Dès lors les dispositions de l’article 41 sus énoncées, ont été respectées et les demandes de Madame [R] [Y] dans le cadre de la présente instance sont recevables, la saisine de l’Ordre des Infirmiers, n’ayant pas eu pour unique cause, le dépôt d’une plainte mais étant constitutive d’une tentative de conciliation ;

Sur son bien fondé

A l’appui de son recours la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen Phulpin et [P] fait valoir que Madame [Y] ne pouvait pratiquer une activité subsidiaire, concurrente à la société sans contrevenir aux statuts de la société et aux obligations de l’infirmière vis à vis de sa patientèle ; l’appelante soutient que, suivant l’article 9 du règlement intérieur de la société, les associés étaient en droit, lors de l’assemblée générale du 18 octobre 2018, de refuser la prise en compte du remplacement de Madame [Y], dès lors que ce recours était excessif ; elle ajoute qu’en respect des règles de la profession, le remplacement doit être ponctuel, temporaire et ne doit pas dépasser 10% de l’activité totale de la structure au risque d’aboutir à une cession de clientèle déguisée et qu’un remplacement excessif contrevient à l’obligation de continuité des soins à l’égard des patients ; ainsi, elle considère qu’en se faisant remplacer deux semaines par mois pendant 18 mois, Madame [Y] limitait le recours de ses associés à ces remplacements et faisait peser sur eux l’intégralité du travail de gestion et d’astreinte propre à la profession d’infirmier libéral ;

En réponse Madame [Y] conteste le fondement sur lequel s’appuie la SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] pour justifier son droit de lui refuser ses remplacements puisqu’elle soulève qu’il convient de se référer à l’article 5 du règlement intérieur relatif aux congés ou à l’indisponibilité d’un professionnel plutôt qu’à l’article 9 de ce règlement portant exclusivement sur les congés et les vacances ; elle affirme ainsi qu’il n’existe aucune limitation à sa formation ainsi qu’à son remplacement, dès lors que Madame [X], la remplaçante était connue des associés et que sa formation était indépendante de son activité professionnelle ; elle prétend que cette formation de naturopathe n’était pas préjudiciable aux associés, n’ayant aucune incidence financière pour eux et qu’elle n’entrait pas en conflit avec les dispositions réglementaires et statutaires de la société ;

Aux termes de l’article 5 du règlement intérieur intitulé ‘horaires’, ‘chacun des professionnels aura la libre dispositions des locaux (…) Chaque professionnel disposera du cabinet de travail valant salle de soins, selon le planning, partageant les horaires de consultation entre eux. Pendant les périodes de congés ou d’indisponibilité d’un professionnel un remplaçant ou un collaborateur pourra reprendre la charge de l’associé absent. Le contrat de remplacement devra mentionner le nom du professionnel remplacé’ ;

L’article 9 du même texte prévoit que ‘ au cours d’une année, chacun des professionnels, indépendamment des périodes imposées par des circonstances telles que la maladie, les événements familiaux etc (…) pourra suspendre son activité au maximum pendant une durée qui sera précisée d’un commun accord. Les professionnels s’entendront sur l’époque de leurs vacances respectives, de manière à ce que l’un d’entre eux soit présent au Cabinet et les patients souffrent le moins possible de leur absence.

Si les professionnels ne devaient pas s’entendre sur la répartition des congés et/oui que dans un tel cas, une période de vacance devait apparaître, le travail du remplacé serait intégralement pris en charge par le praticien restant, à moins que les professionnels ne se mettent d’accord pour un remplacement effectué par un confrère étranger à la société. Le professionnel indisponible devra indiquer la durée de son absence ou de tout empêchement. Au cas où un des soussignés exercerait seul en raison de l’indisponibilité d’un autre de ses associés, ou pour cause de maladie ou d’accident d’une durée supérieure à un mois, le ou les professionnels présents, comblant la vacance de leur confrère, supporteraient seuls la totalité des frais communs correspondant à la période en cause. Si le professionnel absent se fait remplacer par un confrère étranger à la société, les règles de répartition des frais de fonctionnement, telles que définies en annexe, seraient observées normalement entre les associés’ ; ces règles de répartition sont définies dans l’article 3 de l’annexe qui prévoit notamment en cas de remplacement par un confrère étranger, le paiement des honoraires bénéficie à l’associé qui reverse au remplaçant sous déduction d’un certain pourcentage étant la contrepartie des frais de fonctionnement du cabinet ;

En outre l’article 28 des statuts dispose ‘qu’en cas de maladie, infirmité, accident ou tout autre circonstance mettant un associé dans l’impossibilité provisoire d’exercer normalement sa profession, les autres associés assureront son remplacement moyennant une rétrocession, par le praticien remplacé, au(x) praticien(s) remplaçant(s), de 80 % des recettes générées dans le cadre du remplacement. Si l’indisponibi1ité se poursuit au-delà d’un mois jusqu’au sixième mois inclus, le même régime est applicable, sous réserve des clauses du règlement intérieur, et étant toutefois précisé que le praticien indisponible peut s’adjoindre un praticien remplaçant non associé, sous réserve du respect des dispositions de l’article 13 des statuts’ ;

Or l’article 13 prévoit que, la conclusion d’un contrat de collaboration ou de remplacement doit être préalablement autorisée par une décision collective adoptée à la majorité des trois quarts des voix et l’article 15 des statuts, énonce que ‘si les décisions qui excèdent les pouvoirs du ou des gérants sont pris par les associés réunis en assemblée, les décisions collectives des associés peuvent encore résulter du consentement de tous les associés’ ;

Selon contrat de remplacement du 1er juillet 2014, la SCP a conclu avec Madame [X] un accord de remplacement et percevra, une rétrocession d’honoraires en déduisant 20% pour couvrir les frais de fonctionnement du cabinet et travaux informatiques ;

Madame [Y] ayant décidé de suivre une formation de naturopathe à compter de septembre 2018, laquelle impliquait des absences de deux semaines par mois sur une période de 18 mois, la SCP a indiqué par la voix de son conseil, à celui de Madame [Y], que la formation qu’elle suit impliquera la nécessité de se faire remplacer sur des plages horaires qui impliqueront une désorganisation des remplacements ainsi que des nuisances pour la patientèle ; il y rappelle les termes de l’article 13 des statuts sus énoncé (pièce 5 intimée) ;

Dès lors, une assemblée générale a été convoquée le 18 octobre 2018, après lecture du rapport de la gérance (pièce 22 appelante) ; la majorité des membres de la SCP, s’est opposée à autoriser la poursuite de la formation débutée par Madame [R] [Y], ainsi a notifié que celle-ci enracinerait un manquement grave et répété à ses obligations (pièce 22 appelante) ;

Par courrier du 6 mai 2019 et procès-verbal d’assemblée générale du 3 juin 2019, la SCP d’infirmiers a notifié à Madame [R] [Y] sa volonté d’acquérir ses parts sociales ainsi que celle de mettre en oeuvre sa procédure de son retrait forcé de la société ; la délibération a cependant constaté l’absence d’objet à cette résolution, compte-tenu de la démission notifiée le jour même par Madame [Y] (pièces 23, 29 intimée et 20 appelante) ;

Il en résulte que Madame [R] [Y] a délibérément poursuivi son activité de naturopathe, contre l’avis de l’assemblée générale de la SCP d’infirmiers, dont elle n’a pas contesté les termes dans le délai légal ;

Que cependant son remplacement pendant ses périodes d’absences a été assuré par Madame [X], qui était d’ores et déjà liée par un contrat à cette fin avec la SCP d’infirmiers ;

Par conséquent aucun élément factuel ou juridique, ne justifie la retenue de la rétrocession des honoraires dus à Madame [R] [Y], telle que pratiquée par la SCP d’infirmiers, pour la période où Madame [X] a assuré son remplacement ; dès lors le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné l’appelante à lui verser la somme de 5834,59 euros à ce titre, montant non discuté ;

Sur la demande en paiement de sa part de bénéfices

Au regard des règles de droit des sociétés, la SCP d’infirmiers [S] [D] [X] et [P] considère qu’elle a versé sans retard la quote-part des bénéfices à Madame [Y], dès lors que sa créance n’est devenue certaine et liquide qu’à l’issue de l’assemblée générale du 10 septembre 2020 ; elle rappelle que l’assemblée générale est souveraine quant à l’affection de ces quote-parts lesquelles n’ont pu être versées le 3 juin 2019 puisque, bien que certaines, ces sommes sont seulement distribuables au terme d’une décision collective ; elle ajoute que cette exigence n’est pas modifiée par la pratique des associés de prélever des avances durant l’exercice social ; par ailleurs, elle allègue que Madame [Y] ayant reçu le règlement de son compte courant d’associé à hauteur de la somme de 52678,13 euros et n’était pas dans une situation financière délicate.

En réponse Madame [Y] fait valoir que la quote-part de ses bénéfices aurait dû lui être versée à la date du 24 juillet 2019, à laquelle l’expert-comptable avait préparé un résultat intermédiaire en mentionnant ce montant ; elle allègue que le refus de la SCP d’infirmiers [S] [D] de lui verser la part de ses bénéfices est fautif puisque, dans la pratique régulière des sociétés civiles professionnelles, ces parts sont versées sous forme d’acomptes régularisés ou ratifiés l’année suivante à l’occasion de l’approbation des comptes de l’exercice passé ; elle ajoute qu’elle n’a reçu le règlement de sa part des bénéfices qu’à la date du 28 octobre 2020 tandis que ses anciens associés ont perçu leurs parts avant le 10 octobre 2020, ce qui rend cette retenue abusive et vexatoire ;

En réparation de ce retard, l’intimée estime que la SCP d’infirmiers Vetier-Saintot Zwahlen Phulpin et [P] doit lui régler les intérêts au taux légal sur la somme de 26214,98 euros ayant couru du 9 septembre 2019 au 28 octobre 2020.

Tel que retenu par le premier juge, un bilan intermédiaire a été arrêté au 12 juin 2019 par le cabinet d’expertise comptable de la société, lequel a dégagé un bénéfice de 117817 euros au 3 juin 2019, dont 26214,98 euros au profit de Madame [R] [Y] ;

Cet état intermédiaire a été établi, pour tenir compte de la démission de Madame [R] [Y] de sa co-gérance dans la SCP ; il résulte en outre des termes d’un courrier établi par le conseil de l’intimé à l’attention de Madame la Présidente du Conseil de l’Ordre des Infirmiers de Meurthe-et-Moselle, que Madame [R] [Y] a payé des impôts sur le résultat de 26214,98 euros avant de l’avoir perçu (pièces 35 et 40 intimée) ;

Ainsi quand bien même la SCP a tenu une assemblée générale le 10 septembre 2020, celle-ci n’a eu aucun effet sur la détermination du bénéfice de Madame [R] [Y], mais uniquement sur celui des autres associés (bénéfice de 274517,93 euros au lieu de 117817 euros lors de la situation intermédiaire (pièce 12 appelante) ;

En outre le fait que l’intimée ait été payée par la société de son compte courant d’associée, ne légitime aucunement le report du versement de ses bénéfices lors de l’exercice 2019 contrairement aux assertions de l’appelante ;

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la SCP appelante, des intérêts au taux légal sur la somme de 26214,98 euros, du 9 septembre 2019 au 28 octobre 2020 ;

Sur les demandes faites au titre du préjudice moral

L’appelante soutient que les associés de Madame [Y] ont subi un préjudice moral dès lors que Madame [Y] a manqué à ses obligations d’associée et leur a fait supporter une charge de travail importante ; elle précise que les anciens et les nouveaux associés subissent financièrement les conséquences de ses agissements, qu’ils doivent réaliser un surcroît d’activité pour compenser la sur-évaluation de la valeur des parts de Madame [Y] et qu’en outre la continuité des soins à l’égard des patients a été impactée ;

Madame [Y] estime qu’elle a subi un préjudice moral dès lors qu’elle a été exclue de la société et privée de plus du tiers de sa rémunération annuelle pour l’exercice 2019 ;

Sur le premier point, il y a lieu de rappeler que l’intimée a mandaté Madame [X] pour la remplacer pendant ses absences pour cause de formation, ce qui contredit l’affirmation portant sur le report d’un excédent de travail sur les deux autres associés ;

En outre il résulte des échanges entre les parties, que Madame [R] [Y] a rapidement proposé de céder ses parts dans la SCP à Madame [X], proposition qui finalement a été écartée, les deux associés ayant exercé leur droit de préemption, pour finalement préférer que la cession des parts en litige, intervienne au profit de la SCP, accord qui a été donné sans condition par l’intimée le 16 mai 2019 (pièces 25 et 28 intimée);

Par conséquent l’appelante ne justifie en aucune manière de l’existence d’un préjudice tant économique que moral, concernant le départ de Madame [R] [Y] de la SCP d’infirmiers.

Sur le second point, l’intimée ne justifie pas plus de l’existence d’un préjudice qui n’est pas réparé par l’allocation d’intérêts moratoires et par la condamnation déjà obtenue en première instance ; en effet la violation des statuts et du règlement intérieur de la société professionnelle est seul à l’origine de son départ, qui résulte de sa démission, certes dans un contexte de retrait forcé diligenté par l’appelante ; par conséquent son appel incident sera rejeté comme non fondé ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SCP d’Infirmiers [S]-[D] succombant dans ses prétentions au principal, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La SCP d’Infirmiers [S]-[D], partie perdante, devra supporter les dépens ; en outre elle sera condamnée à payer à Madame [R] [Y] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Madame [R] [Y] de son appel incident,

Condamne la SCP d’Infirmiers [S] [D] [X] et [P] à payer à Madame [R] [Y] la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Deboute la SCP d’Infirmiers Vetier-Saintot-Zwahlen Phulpin et [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCP d’Infirmiers Vetier-Saintot-Zwahlen Phulpin et Wucher aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en onze pages.

 


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