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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° 2023/ , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13746 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDQI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 19/03397
APPELANT
Monsieur [A] [H]
né le 14 Novembre 1962 à [Localité 6]
[Adresse 1]
représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
ayant pour avocat plaidant Me Michelle GUEDE-BROSSOLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1976
INTIMEES
Madame [N], [S], [I] [K] épouse [U]
née le 07 Juillet 1963 à [Localité 5]
[Adresse 3] (TO) / ITALIE
Madame [D], [Y], [X] [K] épouse [P]
née le 23 Mars 1966 à [Localité 5]
[Adresse 9] – [Localité 5]
représentées et plaidant par Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier
***
EXPOSE DU LITIGE :
[C] [H], dont le dernier domicile se trouvait à [Localité 5], est décédée le 11 décembre 2017, laissant pour lui succéder :
– son neveu M. [A] [H] venant en représentation de son père M. [J] [H], frère de la défunte ayant renoncé à sa succession aux termes d’un acte reçu le 19 décembre 2017 par Maître [E],
– ses nièces Mme [N] [K] et Mme [D] [K] venant en représentation de leur mère Mme [B] [H], s’ur de la défunte ayant renoncé à sa succession aux termes du même acte reçu le 19 décembre 2017 par Maître [E].
Par testament olographe du 21 février 2014, [C] [H] avait pris les dispositions suivantes :
« J’institue pour mes légataires universels ayant vocation à recevoir tous les biens meubles et immeubles qui composeront ma succession, par parts égales mes trois neveux et nièces vivants ou représentés à savoir :
– [A] [H], [Adresse 2] ;
– [D] [P], née [K], [Adresse 9] [Localité 5] ;
– [N] [U] née [K], [Adresse 3] Italie ».
Par un nouveau testament olographe du 20 septembre 2017 déposé au rang des minutes de Maître [V] [E], notaire, le 19 décembre 2017, [C] [H] avait pris les dispositions suivantes :
« Je soussignée Madame [C] [R] [Z] née [H] à [Localité 7] le 10 octobre 1929 déclare révoquer toutes dispositions testamentaires antérieures et souhaite que la dévolution légale s’applique. »
[C] [H] était jusqu’au 29 novembre 2017 présidente du groupe EMAB-Garages Nation, distributeur historique de la marque Renault à [Localité 5] et dans l’est de la région parisienne.
L’actif de sa succession se composait d’actions, notamment de 99,99 % des actions de la société EMAB, d’actions de la société Garages-Nation, une de ses filiales, de parts de sociétés civiles immobilières, de plusieurs biens immobiliers situés à [Localité 5] (75), [Localité 4] (06), [Localité 8] (77) et en Italie, de mobilier et de liquidités, pour un actif net de 67 703 934,53 euros aux termes des déclarations de succession déposées séparément par les héritiers les 27 et 28 juin 2018.
Le 14 février 2018, M. [A] [H], Mme [N] [K] et Mme [D] [K] ont signé un protocole d’accord transactionnel prévoyant notamment que :
– Mmes [N] et [D] [K] entendent renoncer à faire constater l’annulation du testament olographe fait à [Localité 5] en date du 20 septembre 2017, accepter l’application des règles successorales ab intestat, et en conséquence, signer l’acte de cession au profit de la SAS SPN,
– M. [A] [H], considération prise de la situation financière du groupe Garages-Nation et afin d’en garantir la pérennité, accepte, quant à lui, de rééquilibrer partiellement l’actif net successoral au profit de Mmes [N] et [D] [K],
– M. [A] [H] s’engage à verser à chacune de Mmes [N] et [D] [K] une somme égale à 5,845 % de l’actif net successoral fixé dans la déclaration de succession (hors contrats d’assurance-vie), après déduction des droits de mutation à titre gratuit forfaitairement arrêtés à 45 % et des frais d’actes (i.e notoriété, inventaires, attestations de propriété immobilières, déclaration de succession).
Le 15 février 2018, les actions des sociétés EMAB et Garage-Nation ont été vendues pour les sommes de 42 292 025 euros et 813 940 euros à la société SPN.
D’autres actifs successoraux ont également été vendus, notamment un hôtel particulier sis [Adresse 9] dans le [Localité 5], un autre bien immobilier situé [Adresse 9], et un bien immobilier situé à [Localité 8].
La masse à partager se compose ainsi de liquidités, des parts de plusieurs sociétés civiles immobilières, de mobilier et de biens immobiliers situés à [Localité 4] et en Italie.
En raison de désaccords persistants sur l’exécution du protocole du 14 février 2018 et sur la valorisation de certains éléments d’actif successoral, par acte d’huissier du 1er mars 2019, Mme [N] [K] et Mme [D] [K] ont fait assigner M. [A] [H] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, aux fins d’obtenir le partage de la succession d'[C] [H] et la condamnation de M. [A] [H] a exécuter le protocole du 14 février 2018.
Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :
-déclare l’assignation en partage délivrée par Mmes [N] [K] et [D] [K] à M. [A] [H] recevable,
-ordonne le partage judiciaire de la succession d'[C] [H],
-désigne, pour y procéder, Maître Cécile Meunier,
-rejette la demande d’annulation du protocole d’accord du 14 février 2018,
-rejette la demande de résolution du protocole d’accord du 14 février 2018,
-condamne M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [D] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018,
-ordonne la capitalisation des intérêts,
-condamne M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [N] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018,
-ordonne la capitalisation des intérêts,
-rejette les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
M. [A] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, l’appelant demande à la cour de :
-déclarer recevable et bien fondé M. [A] [H] en son appel, et l’y dire bien fondé,
-déclarer irrecevables et mal fondées Mmes [K] en l’intégralité de leurs demandes et les en débouter,
ce faisant :
-infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
*déclaré l’assignation en partage délivrée par Mmes [K] à M. [A] [H] recevable,
*ordonné le partage judiciaire de la succession d'[C] [H],
*désigné pour y procédé Maître Cécile Meunier,
*rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
*rappelé que le notaire commis devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation,
*dit qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre un procès-verbal de dires et son projet d’état liquidatif,
*commis un juge de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris pour surveiller ces opérations,
*rappelé qu’en application de l’article R. 444-61 du code de commerce, le notaire doit être, préalablement à la signature de l’acte, intégralement provisionné du montant de ses émoluments, des frais et des débours et qu’à défaut, il ne peut commencer sa mission,
*fixé en conséquence la provision à valoir sur les émoluments, frais et débours du notaire commis à la somme de 3 000 euros qui lui sera versée par parts viriles par chacune des parties au plus tard le 17 août 2021,
*rejeté la demande d’annulation du protocole d’accord du 14 février 2018,
*rejeté la demande de résolution du protocole d’accord du 14 février 2018,
*condamné M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [D] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018,
*ordonné la capitalisation des intérêts,
*condamné M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [N] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018,
*ordonné la capitalisation des intérêts,
*rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*ordonné le partage des dépens entre les copartageants à proportion de leurs parts respectives,
*renvoyé l’affaire à l’audience du juge commis du 4 octobre 2021 à 13h45 pour transmission par le notaire commis d’une attestation de versement ou de non versement de provision, et le cas échéant, d’un procès-verbal d’ouverture des opérations,
*ordonné l’exécution provisoire de sa décision,
statuant à nouveau :
-déclarer M. [A] [H] recevable et bien fondé en ses demandes à l’égard de Mmes [K],
en conséquence :
sur l’action en partage :
sur la recevabilité :
-déclarer irrecevable l’action en partage d’indivision successorale suivant l’assignation délivrée le 1er mars 2019 à M. [A] [H] à la demande de Mmes [N] et [D] [K] aux fins de partage d’indivision successorale,
sur le fond :
-débouter Mmes [N] et [D] [K] de l’intégralité de leurs demandes dirigées contre M. [A] [H],
sur le protocole d’accord du 14 février 2018 :
-débouter Mmes [N] et [D] [K] de l’intégralité de leurs prétentions,
-prononcer la nullité du protocole d’accord en date du 14 février 2018 avec toutes conséquences de droit,
-ordonner en conséquence la restitution à M. [A] [H] :
*par Mme [N] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros,
*par Mme [D] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros,
à titre subsidiaire,
-prononcer la résolution du protocole d’accord en date du 14 février 2018 avec toutes conséquences de droit,
-ordonner en conséquence la restitution à M. [A] [H] :
*par Madame [N] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros
*par [D] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros,
plus subsidiairement,
-prononcer l’inexigibilité de l’indemnité prévue au protocole d’accord du 14 février 2018 avec toutes conséquences de droit,
-ordonner en conséquence la restitution à M. [A] [H] :
*par Madame [N] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros,
*par [D] [K] de la somme intérêts compris de 2 354 912,82 euros,
à titre infiniment subsidiaire,
-rejeter la demande formulée au titre des intérêts par Mmes [N] et [D] [K],
-ordonner en conséquence la restitution à M. [A] [H] :
*par Mme [N] [K] de la somme de 205 661 euros,
*par Mme [D] [K] de la somme de 205 661 euros,
en toute hypothèse,
-condamner in solidum Mmes [N] et [D] [K] à verser à M. [A] [H] les sommes de :
*150 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts,
*15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, dont distraction sera faite au profit de Maître Vincent Ribaut, avocat aux offres de droits, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 16 février 2023, Mmes [N] et [D] [K], intimées, demandent à la cour de :
à titre principal :
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à savoir en ce qu’il a :
*déclaré l’assignation en partage délivrée par Mmes [N] [K] et [D] [K] à M. [A] [H] recevable,
*ordonné le partage judiciaire de la succession d'[C] [H],
*désigné, pour y procéder, Maître Cécile Meunier,
*rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
*rappelé que le notaire commis devra dresser un projet liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation,
*dit qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre un procès-verbal de dires et son projet d’état liquidatif,
*commis un juge de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris pour surveiller ces opérations,
*rappelé qu’en application de l’article R. 444-61 du code de commerce, le notaire doit être, préalablement à la signature de l’acte, intégralement provisionné du montant de ses émoluments, des frais et des débours et qu’à défaut, il ne peut commencer sa mission,
*fixé en conséquence la provision à valoir sur les émoluments, frais et débours du notaire commis à la somme de 3 000 euros qui lui sera versée par parts viriles par chacune des parties au plus tard le 17 août 2021,
*rejeté la demande d’annulation du protocole d’accord du 14 février 2018,
*rejeté la demande de résolution du protocole d’accord du 14 février 2018,
*condamné M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [D] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 30 juillet 2018,
*ordonné la capitalisation des intérêts,
*condamné M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [N] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2018,
*ordonné la capitalisation des intérêts,
*rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*ordonné le partage des dépens entre les copartageants à proportion de leurs parts respectives,
*renvoyé l’affaire à l’audience du juge commis du 4 octobre 2021 à 13h45 pour transmission par le notaire commis d’une attestation de versement ou de non-versement de provision, et le cas échéant d’un procès-verbal d’ouverture des opérations,
*ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
si la Cour de céans devait confirmer le jugement entrepris sur l’exécution du protocole d’accord mais simplement infirmer sur la date du point de départ des intérêts légaux,
statuant à nouveau de ce seul chef :
-condamner M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [N] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 11 septembre 2018,
-condamner M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 11 septembre à Mme [D] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 11 septembre 2018,
à titre subsidiaire, si la cour de céans devait réformer le jugement entrepris sur l’exécution du protocole,
statuant à nouveau de ce chef :
-ordonner que l’inexécution du protocole du 14 février 2018 par M. [A] [H] délie les demanderesses de toute obligation fondée sur ledit protocole,
-juger que le testament du 20 septembre 2017 est nul en raison de l’insanité d’esprit de la testatrice et qu’en conséquence il ne peut produire effet,
-ordonner la restitution par M. [A] [H] à Mmes [N] et [D] [K] de la somme totale de 2 666 666,666 euros, soit 1 333 333,333 euros chacune,
-dire et juger que la dévolution successorale se fera selon les termes du testament du 21 février 2014,
-confirmer pour le surplus la décision entreprise,
en tout état de cause :
-condamner M. [A] [H] à payer à Mmes [N] et [D] [K] la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [A] [H] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la SELARL Casey Avocats par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’action en partage
M. [A] [H] conclut à l’irrecevabilité de la demande en partage en contestant l’existence de démarches amiables antérieures à l’assignation et au motif que :
-le courrier de Mmes [K] du 29 juin 2018 faisait simplement état de leur désaccord sur la valeur de la villa de [Localité 4], sans proposer une autre valeur ni formuler la moindre demande et soulignait les nombreuses opérations de liquidation de la succession mais ne comportait à l’évidence aucune tentative amiable aux fins de parvenir à un partage,
-il résulte de la mise en demeure du conseil de Mmes [K] du 2 novembre 2018 et de sa réponse du 19 novembre 2018 que, loin de proposer un partage au sens de l’article 1360 du code civil, Mmes [K] le menaçaient, à défaut de paiement de la somme réclamée au titre du protocole contesté, de remettre en cause ses droits dans le partage et donc le partage lui-même.
Il soutient que Mmes [K] n’auraient pas exprimé leur intention sur la répartition des actifs.
Il reproche au tribunal d’avoir confondu les opérations de liquidation entreprises par les parties avec des tentatives d’accord sur un partage.
Mmes [K] répondent que :
– leur courrier du 29 juin 2018, s’il informait M. [A] [H] de leurs réserves quant à l’estimation de la valeur vénale des biens immobiliers situés à [Localité 4], lui rappelait également les efforts d’ores et déjà consentis par les indivisaires pour parvenir au règlement amiable de la succession, notamment l’accord portant sur la vente d’actions, sur plusieurs ventes immobilières et les divers échanges entre les parties visant à effectuer une déclaration de succession commune,
-la mise en demeure du 2 novembre 2018 expose clairement leur position sur la vente des parts indivises des SCI, la valorisation et l’attribution du bien de Menton, le respect et l’exécution du protocole d’accord en date du 14 février 2018 et précise leurs intentions à savoir « un règlement rapide et global de la succession de [leur] tante et un respect du protocole qu’ [il a] signé ».
En application de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut-être toujours provoqué, à moins qu’il y ait été sursis par jugement ou convention.
L’article 840 du code civil expose que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le déterminer ou lorsque le partage n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.
L’article 1360 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
L’omission de tout ou partie des mentions prévues à l’article 1360 du code de procédure civile est sanctionnée par une fin de non-recevoir.
L’assignation qui ne fait pas état des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable n’est pas susceptible de régularisation.
En revanche, s’agissant des autres mentions, cette omission est susceptible d’être régularisée, de sorte qu’en application de l’article 126 du même code, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, la régularisation devant intervenir au plus tard lors de la clôture des débats ou de la mise en état. L’appréciation de la situation ne dépend donc pas du seul examen de l’assignation.
L’article 1360 du code de procédure civile, n’impose pas le formalisme des tentatives de règlement amiable.
En l’espèce, il est constant et non contestable qu’avant l’assignation en partage judiciaire des accords sont intervenus et ont été finalisés sur la vente d’actions et de biens immobiliers dépendant de la succession ainsi que sur une déclaration de succession commune et un protocole d’accord conclu.
M. [A] [H] joue sur les mots en voulant distinguer les opérations de liquidation ainsi entreprises des tentatives de règlement amiable exigées par le texte, alors que l’assignation lui a été délivrée parce qu’il a refusé d’exécuter le protocole et n’était pas d’accord sur les évaluations du bien de [Localité 4] qui lui étaient communiquées ; si dans cette assignation Mmes [K] demandaient une liquidation conforme au protocole d’accord du 14 février 2018, elles ont clairement exprimé dans leurs dernières conclusions de première instance leurs intentions concernant une répartition des liquidités de la succession tenant compte des engagements pris dans le cadre du protocole, et concernant une répartition par lots ou tirage au sort des biens immobiliers situés à [Localité 4] et en Italie.
L’article 1360 du code de procédure civile n’exige pas d’adresser à l’autre partie un état liquidatif détaillé ou encore un projet de répartition des biens indivis, mais de manifester l’intention de sortie de l’indivision sans recourir au juge.
C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que les aspects concrets du partage ont été discutés par les parties pendant plusieurs mois et par de nombreux échanges en amont de l’instance et que l’action était par suite recevable.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur le protocole d’accord
Sur l’annulation
M. [A] [H] conclut à la nullité du protocole signé le 14 février 2018 au motif qu’il l’aurait signé sous la contrainte et pressé par l’urgence parce que la société EMAB était en grande difficulté financière, menacée d’une liquidation avec risque de licenciements et devait, aux termes d’un pacte d’associés du 19 novembre 2014, être cédée à une autre société SPN entrée au capital de la société EMAB depuis 2014 et ayant effectué plusieurs avances en trésorerie pour éviter la cessation des paiements.
Mmes [K] répondent que les démonstrations de M. [H] sont insuffisantes à établir la contrainte économique qui aurait été la sienne de signer le protocole d’accord alors qu’il ne justifie pas n’avoir eu aucune autre option et qu’en tout état de cause, il l’a signé pour que ses cousines renoncent à remettre en cause le testament olographe du 21 février 2014 qui instituait les trois cousins pour légataires universels de la défunte.
En application de l’article 1131 du code civil, le vice du consentement est une cause de nullité relative du contrat. Un des vices du consentement est la violence.
La violence est définie par les articles 1140 à 1143 du code civil comme suit :
« Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable » (article 1140).
« La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif » (article 1141).
« La violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers » (article 1142).
« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif » (article 1143).
M. [A] [H] a produit :
-deux courriers datés d’octobre 2017 par lesquels la société SPN informe [C] [H] de sa volonté de lever l’option d’achat prévue par le pacte d’associés, et de finaliser la vente impérativement avant le 24 décembre 2017,
-un mandat donné par [C] [H] à M. [A] [H] le 24 novembre 2017 rappelant les principales dispositions du pacte d’associés et lui donnant pouvoir pour conclure au profit de la société SPN une convention relative à certains aspects de la cession (décote de fiscalité, obtention d’une garantie sur le paiement d’une somme de 3 000 000 d’euros, détermination du prix définitif),
-un virement de 500 000 euros de la société SPN à la société Garages-Nation le 19 janvier 2018,
-l’acte déclaratif de cession du 15 février 2018.
Il en résulte que la société SPN a levé l’option en octobre 2017 et que des négociations ont alors débuté pour réaliser les ventes.
M. [A] [H], qui a été nommé président de la SAS EMAB le 29 novembre 2017 alors qu'[C] [H] était encore en vie, et qui était présent lors de la signature du pacte d’associés conclu le 19 novembre 2014 entre la SAS SPN et [C] [H], n’établit aucunement les difficultés économiques de la société EMAB telles qu’elles rendaient la vente urgente notamment pour éviter des licenciements, cet élément étant contredit par l’attestation de M. [L] [F] en date du 24 février 2020 dont il résulte que M. [H] a attribué une prime au profit d’un salarié nommé M. [W]. Au surplus la pression due au risque de licenciements est douteuse puisque le repreneur n’a pas conservé le garage mais a construit des immeubles à sa place.
M. [A] [H] n’établit pas non plus qu’il ne disposait d’aucune autre option que la signature du protocole qui a lui même été négocié pendant plusieurs semaines au cours de plusieurs échanges et réunions, notamment pour parvenir au calcul de l’indemnité transactionnelle, et qu’il a signé assisté d’un notaire et d’avocats.
Le 15 février 2018, la vente s’étant réalisée, il a démissionné de la présidence de la société EMAB.
Le déroulement des opérations exclut toute notion de brutalité.
L’article 1 du protocole prévoit que, dans le cadre des concessions réciproques, « Mmes [N] [K] et [D] [P] entendent renoncer à faire constater l’annulation du testament olographe fait à [Localité 5] en date du 20 septembre 2017, accepter l’application des règles successorales ab intestat et en conséquence signer l’acte de cession au profit de la société SPN ».
M. [A] [H] tenait donc comme une concession de la part de ses cousines leur consentement à la cession de la société EMAB à la société SPN, et le protocole par lequel elles renonçaient à poursuivre l’annulation du testament lui était in fine plus avantageux que ledit testament puisque ses droits en vertu de la dévolution légale sont de 18 623 388 euros contre 9 311 694 euros pour chacune de ses cousines, et que, même versant une indemnité de 2 354 912,82 euros à chacune d’elles, ses droits nets restent de 13 913 564 euros alors qu’ils auraient été de 10 155 590 euros si l’on devait appliquer le testament de 2014.
C’est donc par une exacte appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont rejeté le moyen de violence ou de contrainte et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à l’annulation du protocole.
Sur la résolution
M. [A] [H] sollicite à titre subsidiaire la résolution du protocole d’accord du 14 février 2018 en indiquant que les intimées d’une part n’auraient pas respecté leur engagement de ne pas contester le testament du 20 septembre 2017 et d’autre part n’auraient pas respecté leur obligation de renoncer à toute contestation dans le cadre du règlement de la succession.
Mmes [K] répliquent qu’il est surprenant que M. [H], qui refuse de payer les sommes dues en exécution du protocole, leur fasse le reproche d’une inexécution contractuelle, alors qu’elles ne sollicitent l’annulation du testament de 2017 qu’à titre subsidiaire pour le cas où le protocole serait annulé.
Le premier juge a rejeté cette demande de résolution et jugé que Mmes [K] n’ont pas failli dans l’exécution de leurs obligations résultant du protocole du 14 février 2018.
Aux termes de l’article 1224 du code civil : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »
La transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions.
Aux termes du protocole d’accord du 14 février 2018, les parties se sont engagées dans les termes suivants :
« Les soussignés renoncent à toute autre réclamation, action, prétention ou procédure, pour quelque cause que ce soit concernant la succession de Madame [C] [H] [R], et notamment :
– ‘ La contestation du testament susvisé en date du 20 septembre 2017,
– Toute contestation dans le cadre du règlement de la succession ».
M. [H] a lui même refusé d’exécuter le protocole et de verser l’indemnité convenue, contraignant ses cousines à agir en justice.
Au surplus, c’est à juste titre que les premiers juges ont relevé que la clause de renonciation à « toute contestation dans le cadre du règlement de la succession » ne saurait s’interpréter comme imposant à un indivisaire d’accepter toutes les modalités du partage de la succession proposées par un autre indivisaire sous peine de résolution du protocole, de sorte que le fait pour Mmes [K] de ne pas accepter certaines évaluations de l’actif proposées par M. [A] [H] notamment sur le bien de Menton ou de ne pas consentir à la vente de parts sociales de SCI dépendant de l’indivision ne pouvait s’analyser comme une contestation du règlement de la succession mais était la simple expression d’un désaccord entre indivisaires concernant l’évaluation de certains actifs et les modalités pratiques du partage ; que la délivrance d’une assignation en partage, qui n’est que la conséquence des désaccords ci-dessus énoncés qui persistent, ne constituait pas une contestation mais la recherche d’une solution judiciaire aux désaccords persistants ; qu’enfin la demande d’annulation du testament du 20 septembre 2017 n’était présentée qu’à titre subsidiaire pour le cas où il serait fait droit aux demandes de M. [H] concernant le protocole qu’il remet lui même en cause.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur l’inexigibilité de l’indemnité prévue au protocole d’accord du 14 février 2018
M. [A] [H] soutient que l’indemnité prévue par le protocole ne serait pas exigible parce que le partage n’est pas achevé et qu’il ne s’est engagé que sur le principe du calcul d’une indemnité égale à un pourcentage de l’actif net successoral fixé dans la déclaration de succession en ces termes : « ‘ M. [A] [H] s’engage à verser à chacune de Mmes [N] [K] et [D] [P] une somme égale à 5,845 % de l’actif net successoral fixé dans la déclaration de succession », la déclaration de succession étant la condition même de l’obligation et non son terme.
Il soutient que le protocole attaqué renvoyait à la simultanéité des opérations, en prévoyant « les parties sont par ailleurs convenues de faire leurs meilleurs efforts à l’effet de déterminer le montant, d’effectuer le règlement de ladite somme et de procéder aux opérations de liquidation et de partage des biens successoraux au plus tard le 30 juin 2018 » et que les meilleurs efforts concernent, à l’évidence, l’ensemble des opérations finalisées au 30 juin 2018, compte tenu du court délai pour y parvenir.
Mmes [K] répondent que le paiement de l’indemnité est exigible depuis que les déclarations de succession ont été déposées, ces actes permettant de calculer précisément l’indemnité en cause, sauf à la réajuster en cas de dépôt d’une déclaration de succession rectificative ; que la volonté des parties s’est clairement exprimée en ce sens lors de la signature du protocole, et que toute autre interprétation constituerait une grave dénaturation dudit acte.
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1305 du même code prévoit qu’une obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine.
En l’espèce, les termes du protocole précisent que : « M. [A] [H] s’engage à verser à chacune de Mmes [N] [K] et [D] [P] une somme égale à 5,845 % de l’actif net successoral fixé dans la déclaration de succession (hors contrat d’assurance-vie), après déduction des droits de mutation à titre gratuit forfaitairement arrêtés à 45 % et des frais d’actes ».
Le calcul du montant de l’indemnité est basé sur la valeur de l’actif net successoral prévu par la déclaration de succession, déduction faite des droits de mutation à titre gratuit de 45 % et des divers frais d’acte et le protocole indique précisément les modalités de ce calcul.
Aucune disposition du protocole ne diffère l’exigibilité de l’indemnité transactionnelle à la clôture des opérations de partage qui sont en réalité la suite logique de ce paiement et non pas la condition puisque le partage final suppose encore soit de vendre certains biens immobiliers, soit de les attribuer à l’un ou l’autre des indivisaires, outre le sort des SCI, questions qui ne font aucunement l’objet du protocole.
Les indivisaires ont établi deux déclarations de succession retenant une valeur de l’actif net successoral identique de 67 703 934,53 euros, et bien que réalisées par actes séparés, elles portent les mêmes chiffres et ont été déposées le même jour, ce qui établit l’accord des parties quant à la valeur des biens servant d’assiette au calcul de l’indemnité transactionnelle.
C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que l’indemnité transactionnelle pouvant être calculée était exigible.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [A] [H] à payer en exécution du protocole d’accord du 14 février 2018 à Mme [D] [K] la somme de 2 149 251,82 euros avec intérêts au taux légal.
Le jugement fait courir ces intérêts à compter du 30 juillet 2018, mais l’appelant soutient que le courrier du 30 juillet 2018 est un envoi confidentiel entre l’étude Rochelois Besins, notaire de Mmes [K], et l’étude de Maître [E], son notaire, et qu’il ne peut avoir les effets d’une mise en demeure, puisque M. [H], qui n’en était pas destinataire, n’en a pas eu connaissance.
Cependant, le 11 septembre 2018 un courrier recommandé valant mise en demeure a été adressé à M. [A] [H] lui-même par le conseil de l’époque de Mmes [K] ; il en a accusé réception.
Par suite, il y a donc lieu, par infirmation du jugement sur ce point, d’assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2018.
Il n’y a pas lieu comme le demande M. [H] d’ordonner la restitution des intérêts indûment réglés au titre de l’exécution provisoire, le compte entre les parties résultant de l’exécution du jugement tel qu’amendé par le présent arrêt.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire droit à la demande des intimées présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; l’appelant est condamné à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.
Partie perdante, l’appelant ne saurait prétendre à l’allocation de dommages et intérêts et de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.