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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02058 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IB3Y
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON
02 avril 2021
RG:2019005226
[D]
S.A.R.L. SPV OPTIC
C/
[O]
[O]
Grosse délivrée
le 17 MAI 2023
à Me Stéphanie ROUSSELMe Philippe PERICCHI
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 17 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d’AVIGNON en date du 02 Avril 2021, N°2019005226
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTES :
Madame [A] [D]
née le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 12]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Grégory MANENTI de la SELARL SELARL MANENTI & CO, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.A.R.L. SPV OPTIC, société à responsabilité limitée au capital de 8.000 EUROS, inscrite au RCS d’AVIGNON sous le numéro 480 786 383, prise en la personne de son représentant légal en exercice Madame [A] [D], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée par Me Grégory MANENTI de la SELARL SELARL MANENTI & CO, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Madame [U] [G], [R] [O]
née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS substitué par Me Safia ABDELKRIM, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS
Monsieur [Y] [H], [X] [O]
né le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 9]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS substitué par Me Safia ABDELKRIM, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Avril 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 17 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE.
Vu l’appel interjeté le 27 mai 2021 par Madame [A] [D] et la S.A.R.L. SPV Optic à l’encontre du jugement prononcé le 2 avril 2021 par le tribunal de commerce d’Avignon, dans l’instance n°2019005226,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 mars 2023 par les appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 avril 2023 par Madame [U] [O] et Monsieur [Y] [O], intimés et appelants incidents, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 13 janvier 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 6 avril 2023
Monsieur [E] [O] et son épouse, Madame [A] [D], ont constitué deux sociétés :
En 2005, la société SPV Optic exploitant un magasin d’optique sous l’enseigne ‘Optic 2000″ à [Localité 11] (84)
En 2013, la société Aix Optic SMPV exploitant également un magasin d’optique sous l’enseigne ‘Optic 2000″ à [Localité 10] (13).
Madame [A] [D] et Monsieur [E] [O] détenaient chacun 250 parts sociales, soit la moitié du capital de la société SPV Optic.
Madame [A] [D] et Monsieur [E] [O] détenaient chacun 450 parts sur les 1 000 parts composant le capital social de la société Aix Optic SMPV, la société SPV Optic en détenant 100.
Le 13 mai 2015, Monsieur [O] est décédé, laissant pour seuls héritiers ses deux enfants issus d’une première union, Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O].
Par lettre du 31 mai 2015, les enfants de Monsieur [O] ont notifié à Madame [A] [D] leur qualité d’héritiers et ont sollicité qu’il soit statué sur leur agrément.
Par courriel et lettre recommandée avec accusé de réception du 11 août 2015, Madame [D] a fait savoir aux héritiers que leur agrément en tant qu’associés était refusé et qu’elle se portait acquéreur des parts sociales des deux sociétés personnellement, moyennant le prix de 1 euro pour les parts dépendant de la succession au capital de la SARL SMPV Optic et de 40 000 euros pour les parts dépendant de la succession au capital de la SARL SPV Optic.
Les enfants [O] ont alors exprimé leur accord sur le principe du rachat des parts mais leur désaccord sur le prix, soutenant que le prix des 250 parts sociales de la société SPV Optic était de plus de 149 000 euros au regard de leur estimation par l’expert-comptable qu’ils ont consulté.
Madame [D] a refusé cette évaluation au motif que celle-ci ne tenait pas compte des éléments extérieurs et de l’environnement de fonds de commerce.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2016, les héritiers ont mis en demeure Madame [D] d’acquérir leurs parts sociales pour un montant réévalué à 149 301 euros et ont sollicité le remboursement du compte courant créditeur de Monsieur [O], d’un montant de 10 000 euros dans la société Aix Optic SMPV et d’un montant de 11 124 euros dans la société SPV Optic.
Par courrier du 20 janvier 2017, Madame [D] a répondu que la situation comptable des deux sociétés rendait impossible le rachat des parts sociales de la société SPV Optic et le remboursement des comptes courants.
Le 2 mai 2017, Madame [D] a informé les héritiers de sa décision de céder le droit au bail du magasin d'[Localité 10] en leur demandant de la valider, faute de quoi le placement en redressement judiciaire de la société serait requis.
Par courrier du 16 mai 2017, Madame [D] a sollicité l’acceptation par les héritiers d’un échéancier de remboursement des comptes courants d’associés et leur a demandé de lui accorder un temps suffisant pour trouver un acquéreur pour le fonds de commerce d'[Localité 10].
Par courrier du 20 juin 2017, Madame [D] a indiqué aux héritiers que le remboursement des comptes courants n’était toujours pas possible en l’état de la situation financière des sociétés.
Par acte du 31 juillet 2017, le fonds de commerce exploité par la société Aix Optic SPMV a été vendu au prix de 59 000 euros.
Par exploit du 6 octobre 2017, signifié au cessionnaire, les héritiers ont alors formé opposition au prix de cession.
Par acte d’huissier du 10 septembre 2017, les consorts [O] ont saisi en référé le président du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence d’une demande en paiement du solde de compte courant d’associé dont leur père était titulaire dans les comptes de la société Aix Optic SPMV, soit la somme de 10 000 euros.
Par ordonnance du 11 décembre 2017, ils ont été déboutés de leur demande.
Par acte d’huissier du 20 octobre 2017, les héritiers ont saisi le président du tribunal de commerce d’Avignon pour que soit ordonné le remboursement du compte-courant d’associé dont leur père était titulaire dans les comptes de la société SPV Optic, soit la somme de 11 154 euros.
Par acte signifié le même jour, les enfants [O] ont également demandé que soit désigné un expert judiciaire avec pour mission de déterminer la valeur des parts sociales de la société SPV Optic et de la société Aix Optic SMPV au 13 mars 2015.
Par ordonnance du 23 janvier 2018, le président du tribunal de commerce d’Avignon statuant en la forme des référés a désigné un expert afin de déterminer la valeur des droits sociaux des sociétés SPV Optic et SARL Aix Optic SMPV au 13 mars 2015, date du décès de Monsieur [E] [O]. Par ordonnance de référé du même jour, il a condamné la société SPV Optic à rembourser aux héritiers la somme de 11 154 euros à valoir sur le compte courant de leur père.
Par exploits des 15 et 21 septembre 2018, les consorts [O] ont fait assigner la société Aix Optic SMPV et le cessionnaire du fonds de commerce devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence aux fins de voir condamner la société Aix Optic SMPV à rembourser le compte-courant d’associé dont leur père était titulaire dans les comptes de la société.
Par jugement du 23 septembre 2019, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a débouté les consorts [O] de leurs demandes aux motifs que la situation économique et financière de la société Aix Optic SMPV ne permettait pas le remboursement du compte courant de leur père.
Par arrêt du 24 novembre 2022, la cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence et condamné notamment la société Aix Optic SMPV à payer aux consorts [O] la somme de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2016, avec capitalisation.
Le 19 novembre 2018, l’expert judiciaire, désigné par ordonnance du 23 janvier 2018 du président du tribunal de commerce d’Avignon pour évaluer les parts sociales de la société SPV Optic, a déposé son rapport.
Par exploit du 3 avril 2019, Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] ont fait assigner Madame [A] [D], la société Aix Optic SMPV et la société SPV Optic devant le tribunal de commerce d’Avignon aux fins notamment de constater la cession des parts sociales dépendant de la succession de leur père au profit de Madame [A] [D] et condamner cette dernière à leur verser la somme de 117 122,50 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2015 au titre de la cession des parts de la société SPV Optic et l’euro symbolique s’agissant des parts de la société Aix Optic SMPV .
Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal de commerce d’Avignon a :
-Déclaré recevables les demandes de Madame [U] [O] et Monsieur [Y] [O];
-Pris acte de la cession des parts sociales, dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au profit de Madame [A] [D];
-Condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] l’euro symbolique au titre de la cession des parts de la société Aix Optic SMPV.
-Condamné la société SPV Optic à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 117 122,50 euros au titre de la cession de leurs parts dans la société, outre intérêts au taux légal, à compter du 15 novembre 2016
-Ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
-Condamné Madame [A] [D] à supporter les droits d’enregistrement de la cession des parts constatée par la décision à intervenir, ainsi que tous frais accessoires à ladite cession;
-Condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;
-Condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamné Madame [A] [D] aux dépens, dont ceux d’expertise s’élevant à la somme de 4 148,74 euros TTC et de greffe, s’agissant du seul coût du jugement, liquidés à la somme de 126,72 euros TTC.
Le 27 mai 2021, Madame [A] [D] et la S.A.R.L. SPV Optic ont interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu’elle a :
-Condamné la société SPV Optic à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 117 122,50 euros au titre de la cession de leurs parts dans la société, outre intérêts au taux légal, à compter du 15 novembre 2016;
-Ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
-Condamné Madame [A] [D] à supporter les droits d’enregistrement de la cession des parts constatée par la décision à intervenir, ainsi que tous frais accessoires à ladite cession;
-Condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;
-Condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamné Madame [A] [D] aux dépens, dont ceux d’expertise s’élevant à la somme de 4 148,74 euros TTC et de greffe, s’agissant du seul coût du jugement, liquidés à la somme de 126,72 euros TTC.
Le 20 mars 2023, Madame [D], en qualité de gérant de la société Aix Optic SMPV, a procédé à la déclaration de cessation de paiement de celle-ci et, par jugement du 23 mars 2023, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de cette société.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les appelantes demandent à la cour, au visa de l’article 1843-4 du code civil, de :
-Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en ce qu’il a condamné Madame [D] à payer aux consorts [O] la somme d’un euro symbolique au titre de la cession des parts de la société Aix Optic SMPV;
Mais :
1/Réformer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné la société SPV Optic à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 117 122,50 euros au titre de la cession de leurs parts dans la société, outre les intérêts au taux légal, à compter du 15 novembre 2016;
Statuant de nouveau,
-Juger que la société SPV Optic devra verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 59 000 euros au titre de la cession de leurs parts dans la société, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018, date du dépôt du rapport d’expertise, conformément à la valeur retenue par l’expert judiciaire désigné, et lui donner acte de ce paiement survenu dès avant la décision d’appel à intervenir;
2/Réformer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à supporter les droits d’enregistrement de la cession des parts constatée par la décision à intervenir, ainsi que tous frais accessoires à ladite cession;
Statuant de nouveau,
-Condamner la société SPV Optic à supporter les droits d’enregistrement de la cession des parts constatée par la décision à intervenir, ainsi que tous frais accessoires à ladite cession;
3/Infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;
Statuant à nouveau,
-Rejeter la demande des consorts [O] tendant à voir condamner Madame [D] à la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.
4/Infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
-Ordonner et juger que les parties conservent chacune à leur charge les frais de procédure et juger n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
5/Infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] aux dépens, dont ceux d’expertise s’élevant à la somme de 4 148,74 euros TTC
Statuant à nouveau,
-Ordonner et juger que les dépens, dont ceux d’expertise s’élevant à la somme de 4 148,74 euros TTC et de greffe, soient partagés entre les parties
En tout état de cause,
-Débouter Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions au fond
-Débouter Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] de leur demande avant-dire droit formulée à titre subsidiaire de désignation par la cour d’un nouvel expert judiciaire;
-Débouter Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] de leur demande avant-dire droit formulée à titre plus subsidiaire de sursis à statuer aux fins de leur permettre de saisir le tribunal de commerce d’Avignon pour solliciter la désignation d’un nouvel expert.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que l’estimation de l’expert, désigné en application de l’article 1843-4 du code civil, a force obligatoire et ne peut être remise en cause qu’en cas d’erreur grossière, de dol, violence ou si l’expert a outrepassé ses pouvoirs. Même s’il retient l’existence d’une erreur grossière, le juge ne peut pas procéder lui-même à l’évaluation, ni désigner un nouvel expert.
Les appelants soutiennent qu’en l’espèce, l’expert judiciaire a estimé la valeur des parts sociales de la société SPV Optic à 59 000 euros et a choisi une méthode d’évaluation comptable de la valeur des parts sociales pondérée par l’existence de facteurs externes d’instabilité voire de dévalorisation de l’activité; l’expert ne s’est pas fondé sur des prédictions relatives à la commercialité du centre-ville en 2018 mais sur la réalité du terrain à la date du décès ; la baisse de chiffre d’affaires a été amorcée dès l’année 2013, la plus significative se trouvant entre 2012 et 2014; il n’était donc pas possible d’évaluer la valeur des parts sociales de la SPV Optic à la date du décès de Monsieur [O] sans tenir compte de cette baisse les trois années précédentes ; l’emplacement actuel du magasin de la société SPV Optic est en perte de vitesse, la clientèle se tournant vers la zone commerciale à deux kilomètres ; la société a dû assumer une condamnation de 39 505 euros quelques mois avant le décès de Monsieur [O] suite à des travaux ayant donné lieu à des désordres dans l’appartement au-dessus du magasin ; la valeur des parts de la société est nécessairement affectée par le partage des parts à 50% entre les deux associés qui ne garantit pas une majorité de décision ; l’expert n’a pas, au regard de tous ces éléments, commis d’erreur grossière dans l’exercice de sa mission d’évaluation ; l’expert a justifié sa visite des locaux de la société en l’absence des consorts [O] puisqu’il devait connaître les lieux pour son évaluation et que la mission du tribunal prévoyait cette visite qui n’était pas un accrédit ; l’expertise fait ressortir de nombreux échanges contradictoires entre les parties ; de plus, l’expert n’avait pas l’obligation de faire preuve de telles diligences.
Les appelantes font observer que les héritiers ne font pas référence, dans leurs conclusions en réponse devant le tribunal de commerce, à la notion d’erreur grossière ; pour rejeter l’évaluation de l’expert, le tribunal aurait dû motiver sa décision par l’une des causes devant entraîner le rejet du rapport d’expertise ; le point de départ des intérêts dus par les appelantes ne pourra être fixé qu’à la date du rapport d’expertise, les parties ne s’étant pas entendues jusqu’alors sur le prix de cession et la procédure d’évaluation étant prévue par les statuts ; la date de fin des intérêts sera fixée à la date à laquelle l’appelante a entendu spontanément s’acquitter du montant arrêté par l’expert judiciaire, soit le 26 août 2021.
Les appelantes indiquent que toute désignation nouvelle d’un expert serait en contradiction avec la force obligatoire de l’évaluation de l’expert judiciaire.
S’agissant de la demande en dommages-intérêts formée à leur encontre, elles répliquent qu’un refus d’agréer ne peut être abusif ; de plus, les statuts de la société SPV Optic prévoient la possibilité de refuser l’agrément ; le rachat des parts sociales n’a jamais été contesté par Madame [D] et le fait que les parties ne trouvent pas un accord sur le prix de cession ne peut lui être reproché au titre d’une résistance abusive ; Madame [D] n’a jamais freiné les discussions, échangeant constamment avec les consorts [O] ; elle est prête à indemniser ces derniers, selon l’évaluation faite par l’expert judiciaire à 59 000 euros, tel qu’il en ressort du courriel officiel adressé aux héritiers par son conseil le 2 juillet 2021; les intimés ont néanmoins refusé d’encaisser le chèque et de commencer à entreprendre les démarches qui permettraient de solder le litige; le compte courant de Monsieur [O] dans la société SPV Optic a été remboursé sans difficulté immédiatement après la décision du tribunal l’ayant ordonné; la demande de dommages-intérêts fondée sur la prétendue résistance abusive à rembourser le compte courant d’associé aurait dû être portée devant le tribunal qui a statué sur la question; les statuts de la société SPV Optic n’indiquent aucune date limite pour le remboursement des avances des associés; les raisons de la longueur du dossier s’expliquent très simplement par les désaccords qui persistent sur le prix de cession des parts sociales et le temps judiciaire.
Enfin, les appelantes exposent que la procédure a été initiée dans l’intérêt commun des deux parties afin qu’un prix de cession soit évalué et qu’il serait plus équitable que les frais d’expertise soient partagés à parts égales entre les parties et que chacune conserve à sa charge les frais de sa défense. La cession intervenant après un décès, il est légitime que la société SPV Optic en supporte les droits d’enregistrement ainsi que les frais accessoires à la cession.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les intimés forment appel incident et demandent à la cour, au visa de l’article L. 223-13 du code de commerce, des articles L. 223-14 alinéas 3 et 4 du code de commerce et de l’article 1843-4 du code civil, de :
-Constater le caractère définitif du jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a pris acte de la cession des parts de la société Aix Optic SMPV au profit de Madame [A] [D], ès personne.
-Réformer pour le surplus le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné la société SPV Optic à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 117 122,50 euros au titre de la cession de leurs parts dans la société, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2016.
Statuant de nouveau,
-Constater la cession des parts sociales dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au profit de Madame [A] [D], à savoir : 250 parts numérotées 251 à 500 parmi les 500 parts composant le capital social de la société SPV Optic, société à responsabilité limitée au capital de 8 000 euros, dont le siège social est sis [Adresse 2]), immatriculée au RCS d’Avignon sous le numéro 480 786 383.
-Condamner Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 117 122,50 euros au titre du prix de cession des parts sociales dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au capital de la société SPV Optic.
-Ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
-Enjoindre à Madame [A] [D], sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de la décision à intervenir, d’avoir à procéder aux formalités d’enregistrement de l’arrêt de la cour constatant la cession des parts sociales,
Subsidiairement,
-Ecarter le rapport d’expertise du 18 septembre 2018 lequel est entaché d’erreurs grossières et avant dire droit,
-Ordonner une nouvelle expertise de la valeur des parts de la société SPV Optic dépendant de la succession de Monsieur [E] [O], et désigner tel expert de justice qu’il plaira à la cour avec pour mission :
De déterminer la valeur des droits sociaux dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au capital de la société SPV OPTIC, à la date du décès de Monsieur [E] [O], soit le 13 mai 2015,
A ce titre, se faire remettre par les parties tout document nécessaire à l’exécution de sa mission,
Dresser un pré-rapport, puis après avoir recueilli les dires des parties, dresser le rapport final qui sera déposé auprès de la cour,
-Statuer ce que de droit quant aux frais d’expertise;
Plus subsidiairement,
-Ecarter le rapport d’expertise du 18 septembre 2018 lequel est entaché d’erreurs grossières et avant dire droit,
-Surseoir à statuer dans l’attente de la saisine par Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] de Monsieur le président du tribunal de commerce d’Avignon aux fins d’ordonner une expertise de la valeur des parts dépendant de la succession de Monsieur [E] [O], au capital de la société SPV Optic, à la date du décès de Monsieur [E] [O], soit le 13 mai 2015, et ce dans les formes et conditions prévues par les dispositions de l’article 1843-4 du code civil;
En tout état de cause,
-Débouter Madame [A] [D] et la société SPV Optic de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, plus amples et contraires;
-Confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à supporter les droits d’enregistrement de la cession des parts de la société SPV Optic à son profit, ainsi que tout frais accessoire à ladite cession;
-Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts;
-Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] aux entiers dépens, dont ceux d’expertise s’élevant à la somme de 4 148,74 euros TTC et de greffe, s’agissant du seul coût du jugement liquidé à la somme de 126,72 euros TTC;
-Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O], la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
-Condamner Madame [A] [D] à verser à Monsieur [Y] [O] et Madame [U] [O] la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non répétibles exposés à hauteur d’appel;
-Condamner Madame [A] [D] aux entiers dépens de la procédure d’appel, dont distraction au profit de Maître Pericchi, membre de la SELARL AvouePerrichi, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les intimés et appelants incidents répliquent que Madame [D] a contesté leur droit au remboursement des parts dépendant de la succession leur père en prétextant que les héritiers auraient été associés de fait; de plus, elle a nié être l’auteur de la lettre du 11 août 2015 par laquelle elle refusait l’agrément des héritiers; il s’agit donc d’un comportement abusif ; Madame [D] s’est engagée en son nom personnel à se porter acquéreur des parts dépendant de la succession de Monsieur [E] [O], raison pour laquelle il a été demandé sa condamnation, et non celle des sociétés, à verser les sommes correspondant à la valeur des parts des deux sociétés à la date du décès; en faisant valoir une cession des parts sociales, Madame [D] a souhaité les piéger afin d’obtenir leur accord pour régulariser la cession au prix de 59 000 euros ; or, en acceptant une telle cession de parts sociales, les héritiers renonçaient par la même à leurs prétentions; la procédure ayant conduit à la désignation d’un expert pour fixer le prix des parts n’est pas contractuelle mais légale, la partie contractuelle portant sur les conditions de l’agrément des héritiers qui a été refusé par Madame [D]; si l’expert a bien fixé le prix des parts dépendant de la succession de Monsieur [E] [O], au capital de la société SPV Optic, à concurrence de la somme de 117 122,50 euros, il s’est livré à une pondération de ce prix sur des considérations contraires à sa mission ; l’expert a outrepassé sa mission et a commis une erreur grossière consistant à ne pas s’en être tenu à la fixation de la valeur des parts dépendant de la succession de Monsieur [O] à la date du décès, conformément à la décision prise en la forme des référés par le président du tribunal de commerce d’Avignon; il s’est livré à des lieux communs (confrontation entre centre ville et ZA, comportement des consommateurs) sans corroborer d’aucune pièce probante ses affirmations. Le fait pour l’expert de retenir une projection sur dix années futures pour évaluer les parts à la date du décès constitue une erreur grossière.
Les intimés indiquent qu’il n’existait aucun blocage entre 2010 et 2015 et pour autant, Madame [A] [D] n’a vu aucun problème à ce que sa rémunération soit de 3 000 euros mensuels; depuis le décès de son mari, elle est seule titulaire du droit de vote et a tout loisir de modifier sa rémunération si elle le souhaite; elle l’a d’ailleurs sûrement fait. Elle se garde bien de fournir les comptes des derniers exercices de la société SPV Optic.
Par ailleurs, les intimés soutiennent que Madame [D] n’a jamais accepté leur présence comme seuls enfants et héritiers de son mari ; sa résistance est abusive et relève d’une véritable intention de nuire; le comportement de Madame [D] est de mauvaise foi, considérant que les intimés ne sont plus associés, puis le redeviennent comme elle l’entend; elle a compté par l’envoi d’un chèque de 59 000 euros leur forcer la main afin qu’ils renoncent au bénéfice des condamnations prononcées par les premiers juges.
Enfin, les intimés font valoir que les droits d’enregistrement n’ont pas à être supportés par la société elle-même alors qu’il s’agit de l’enregistrement d’une décision constatant la cession des parts sociales au profit de Madame [D].
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
L’appel interjeté par Madame [D] et la société SV Optic est limité à certains chefs de jugement énumérés dans la déclaration du 27 mai 2021 et ne porte pas sur les dispositions relatives à la prise d’acte de la cession des parts sociales dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au profit de Madame [A] [D] et à la condamnation de cette dernière à verser aux intimés l’euro symbolique au titre de la cession des parts de la société Aix Optic SMPV.
En application de l’article 561 du code de procédure civile, la cour n’est pas saisie des chefs de jugement non critiqués de sorte qu’il n’y a pas lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à verser aux intimés l’euro symbolique au titre de la cession des parts de la société Aix Optic SMPV. A la demande des intimés, il sera constaté le caractère définitif du jugement déféré en ce qu’il a pris acte de la cession des parts sociales dépendant de la succession de Monsieur [E] [O] au profit de Madame [A] [D].
Les premiers juges ont retenu, à juste titre, que l’agrément des consorts [O] ayant été refusé, les associés survivants étaient tenus, selon les statuts, de racheter ou de faire racheter les parts des héritiers, conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil.
La décision critiquée doit être infirmée en ce qu’après avoir indiqué, en page 9 des motifs que le tribunal condamnait Madame [A] [D] à verser la somme de 117 122,50 euros au titre de la cession des parts sociales que détenait le défunt dans le capital de la société SPV Optic, c’est cette dernière société et non l’associée que les premiers juges ont condamné, dans le dispositif de leur décision.
Aux termes de l’article L.223-13 du code de commerce, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès conformément à l’article 1843-4 du code civil.
L’article 1843-4 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2020, dispose que:
‘Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. ‘ Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.’
En l’espèce, les statuts de la société SPV Optic n’ont pas prévu de règles et modalités de détermination de la valeur des parts sociales et se sont contentés de renvoyer aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil pour la fixation du prix d’acquisition par les associés en cas de refus de la société de consentir à la cession.
Il ressort du principe affirmé de manière constante par la Cour de cassation qu’en s’en remettant, en cas de désaccord sur le prix de cession de droits sociaux, à l’estimation d’un expert désigné conformément à l’article 1843-4 du code civil, les contractants font de la décision de celui-ci leur loi, et, à défaut d’erreur grossière, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de cette décision (Com., 25 janvier 2005, pourvoi n° 03-11.790).
L’erreur grossière est traditionnellement définie comme celle qu’un technicien normalement soucieux de ses fonctions ne saurait commettre, l’erreur étant appréciée par rapport au ‘comportement d’un appréciateur avisé et consciencieux’.
En l’espèce, il est reproché à l’expert judiciaire d’avoir commis une erreur grossière en ne se plaçant pas à la date du décès du défunt survenu le 13 mars 2015 pour déterminer la valeur des droits sociaux de ses héritiers dans la société SPV Optic.
Dans son rapport du 19 novembre 2018, l’expert judiciaire a tout d’abord déterminé la valeur des parts sociales de Monsieur [E] [O] dans la société SPV Optic à la moitié de la somme de 234 245 euros, soit à 117 122,50 euros, après avoir additionné un actif net de 101 528 euros au 31 décembre 2014 et une plus-value latente de 174 257 euros constituée par la différence entre la valeur vénale de 238 000 euros du fonds de commerce et sa valeur comptable de 63 743 euros au 31 décembre 2014, et avoir retranché les parts sociales de la société Aix Optic SMPV de 2 000 euros et l’avance de 39 540 euros consentie par cette dernière.
Cependant, l’expert judiciaire a indiqué que cette valeur de 117 122,50 euros ne pouvait être retenue que si tous les facteurs de stabilité étaient réunis. A cet égard, il a considéré que la baisse du chiffre d’affaires de 34,79% de 2012 à 2017 et la baisse de la marge sur la même période de 42,69% constituaient de sérieux obstacles pour trouver d’éventuels financements ; que le fonds de commerce était situé au centre-ville de [Localité 11], ce qui constituait un sérieux handicap à l’évolution du chiffre d’affaires et de la marge ; que la quasi-totalité des concurrents étaient installés dans des zones commerciales très facilement accessibles aux voitures; que le transfert d’un fonds de commerce était possible mais complexe du fait du bail commercial et de la nécessité de nouveaux investissements ; que, de plus, les résultats des exercices 2015 à 2017 de la société SPV Optic n’étaient pas satisfaisants ; qu’enfin, on pouvait assister à un blocage de la société ; que la rémunération de la gérante avait été fixée par l’assemblée générale du 27 décembre 2010 à la somme de 3000 euros par mois et qu’on pouvait penser que les résultats futurs des dix prochaines années seraient proches de zéro; qu’ainsi la valeur financière des 250 parts était proche de zéro.
L’expert judiciaire en a conclu que la valeur des parts sociales dont avaient hérité les intimés était comprise entre zéro et 117 122,50 euros et il a retenu au final la moyenne entre ces deux valeurs, arrondie à 59 000 euros.
Pour déterminer la valeur vénale de 238 000 euros du fonds de commerce et aboutir à valoriser les parts sociales du défunt à 117 122,50 euros si tous les facteurs de stabilité étaient réunis, l’expert judiciaire a utilisé trois méthodes différentes, à savoir, la marge brute dégagée, la variation du chiffre d’affaires et la variation en fonction du bénéfices au cours des exercices 2014 à 2016. Dans la suite de son rapport, l’expert judiciaire a considéré que les résultats futurs des dix prochaines années seraient proches de zéro, après avoir examiné les bilans des exercices 2015 à 2017 et retenu notamment les chiffres d’affaires, la marge brute dégagée et les résultats figurant dans ces documents comptables.
Si l’expert indique bien, dans son rapport, qu’il convient de valoriser les parts sociales au 13 mars 2015, il s’est basé pour ce faire sur des données établies à partir de l’activité postérieure telles que le chiffre d’affaires, la marge brute et les résultats des exercices 2015, 2016 et 2017. Ainsi, il ne s’est pas comporté en appréciateur avisé et consciencieux, en procédant à la détermination de la valeur vénale du fonds de commerce et à des projections de résultats pour les dix prochaines années, à partir d’informations qui n’étaient pas connues, ni même prévisibles, au moment du décès de l’associé.
L’erreur grossière commise par l’expert judiciaire conduit la cour à écarter totalement son rapport. En effet, adopter partiellement les conclusions de ce rapport, comme l’a fait le tribunal, reviendrait à porter une appréciation sur le prix de cession et à se substituer à l’expert judiciaire auquel il appartient seul de déterminer la valeur des droits sociaux.
La cour ne saurait procéder elle-même à la désignation d’un nouvel expert, l’article 1843-4 du code civil, dans sa version actuelle, attribuant cette compétence au seul président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, statuant par jugement selon la procédure accélérée au fond.
Il convient, par conséquent, d’inviter les intimés soit à désigner un expert, en accord avec Madame [A] [D], aux fins d’évaluation des parts sociales, soit à saisir le président du tribunal de commerce d’Avignon à cette fin.
Dans l’attente, il convient de surseoir à statuer sur les demandes des intimés en paiement du prix de cession des parts sociales dépendant de la succession de leur père.
C’est à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions de l’article 1593 du code civil en faisant supporter à la cessionnaire les droits d’enregistrement de la cession et les frais accessoires. Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.
Après avoir énoncé de manière pertinente, dans les motifs de sa décision, qu’en cas de refus de la société de consentir à la cession, l’article L.223-14 du code de commerce prévoyait que les frais d’expertise seraient à la charge de la société, le tribunal a commis une erreur de droit en condamnant la cessionnaire aux frais d’expertise, dans le dispositif de cette même décision.
Le refus de Madame [A] [D] d’accueillir les demandes des héritiers relatives aux comptes-courants de leur père est sans lien avec les prétentions élevées dans le cadre de la présente instance. Le défaut d’agrément des héritiers ne saurait être considéré comme abusif dès lors que cette possibilité est prévue par les statuts et qu’en l’absence d’affectio societatis entre Madame [A] [D] et les enfants de son défunt mari, il n’a pas été porté pas atteinte à l’intérêt social. Enfin, Madame [A] [D] n’a pas commis de résistance fautive en refusant de racheter les parts sociales des intimés à un autre prix que celui fixé par le rapport d’expertise judiciaire, quand bien même ce rapport doit être écarté.
Le jugement attaqué sera donc également infirmé en ce qu’il a condamné Madame [A] [D] à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de dire que l’instance ne figurera plus au rôle des affaires en cours, sur lequel elle sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente, dès que la cause de sursis à statuer aura disparu.