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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 52Z
1re chambre 2e section
ARRET N°
BAIL RURAL
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2023
N° RG 21/00978 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UKBY
AFFAIRE :
M. [M] [J]
…
C/
M. [R] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Janvier 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES
N° RG : 51-18-0019
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 16/05/23
à :
Me Marie SOYER
Me Jean-christophe TREBOUS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [M] [J]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés – DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06
Monsieur [F] [J]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés – DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06
APPELANTS
****************
Monsieur [R] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Présent à l’audience
Représentant : Maître Jean-christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
En vertu d’un bail rural à long terme passé le 7 décembre 2001, M. [M] [J] et son épouse, Mme [Z] [J], ont donné à bail à M. [R] [J], pour une durée de 18 années, 15 parcelles de terre sises commune d'[Localité 6] (28), d’une contenance totale de 118 ha 81 a 55 ca.
Par acte de commissaire de justice délivré le 23 avril 2018, M [M] [J] a donné congé à M. [R] [J] pour le 31 octobre 2019 pour faire exploiter ces terres par son autre fils, M. [F] [J].
Par courrier recommandé reçu au greffe le 16 août 2019, M. [R] [J] a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres MM. [F] et [M] [J] aux fins principalement de contester la validité de ce congé et de voir prononcer sa nullité.
Par jugement contradictoire du 15 janvier 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres a :
– déclaré nul et de nul effet le congé délivré pour reprise à M. [R] [J] à la demande de M. [M] [J] le 23 avril 2018 par la société d’exercice libéral à responsabilité limitée Deruelle-Fenoli-Rebellato-Roques, commissaires de justice associés à [Localité 5],
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, notamment celle concernant la répétition de l’indu,
– dit n’y avoir lieu en l’espèce de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie à l’instance conserverait la charge de ses propres dépens,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue au greffe le 15 février 2021 MM. [M] et [F] [J] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 19 janvier 2023, ils demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres du 15 janvier 2021 en toutes ses dispositions sauf celle relative au rejet de la demande de répétition de l’indu, le jugement devant être confirmé sur ce point,
– valider le congé délivré le 23 avril 2018 à M. [R] [J],
– ordonner l’expulsion de M. [R] [J] et de tous occupants de son chef des biens objets du congé à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
En tout état de cause,
– débouter M. [R] [J] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [R] [J] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [J] aux entiers dépens.
Par conclusions du 9 janvier 2023, M. [R] [J], intimé, prie la cour de :
A titre principal
– confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres du 15 janvier 2021, en ce qu’il a déclaré nul et de nul effet, le congé pour reprise qui lui a été délivré,
– débouter MM. [M] et [F] [J] de la totalité de leurs demandes
à titre subsidiaire
– proroger jusqu’au 1er octobre 2024, la durée du bail objet du congé signifié le 23 avril 2018,
à titre plus subsidiaire encore, et en l’absence de confirmation de la nullité du congé et à défaut de prorogation du bail
– ordonner le maintien du fermier en place en attendant l’issue de la procédure judiciaire actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Chartres en partage des biens objet du congé
à titre infiniment subsidiaire
– commettre tel expert désigné par la cour pour établir les comptes de sortie de ferme et ordonner le maintien dans les lieux de M. [R] [J] tant que le montant de l’indemnité due au fermier sortant n’est pas versé,
en toute hypothèse
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [R] [J] de sa demande de condamnation de M. [M] [J] à lui restituer la somme de 14 007 euros en principal, augmentée des intérêts, somme indument perçue lors de la cession de son exploitation, dit n’y avoir lieu, en l’espèce, à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à charge de MM. [M] et [F] [J] et dit que M. [R] [J] conserverait la charge de ses propres dépens,
et statuant à nouveau
– condamner M. [M] [J] à restituer à M. [R] [J] la somme de 14007 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal majorée de trois points soit la somme de 23 948, 53 euros,
– condamner MM. [M] et [F] [J] à lui payer une indemnité de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner MM. [M] et [F] [J] aux dépens de première instance et d’appel.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la validité du congé délivré à M. [R] [J]
Les appelants font valoir que :
– le tribunal a commis une erreur de droit en ajoutant à la loi et aux conditions exigées par les articles L411-59 et L. 331-2-II du code rural en prétendant que M. [F] [J] devait justifier disposer d’un bail sur les parcelles considérées,
– M. [F] [J] doit seulement : répondre aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural ou bénéficier d’une autorisation d’exploiter, posséder le matériel ou le cheptel nécessaire à l’exploitation, ou, à défaut, les moyens de les acquérir, occuper lui-même les bâtiments d’exploitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds, être en conformité avec les règles relatives au contrôle des structures,
– contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, seul l’octroi d’un bail rural par l’usufruitier nécessite l’accord des nus- copropriétaires et donc, tous les actes relevant de la gestion normale des biens indivis pourront être effectués par les indivisaires, et les biens pourront être exploités en dehors de tout bail rural, par exemple, au moyen d’un prêt à usage à titre gratuit qui constitue un acte d’administration non soumis à la nécessité d’obtenir préalablement à sa conclusion l’accord des nus-propriétaires,
– le tribunal a statué en équité, en considérant que la reprise nuirait gravement au repreneur, et ajouté une nouvelle fois à la loi et aux exigences prescrites par les articles L.411-58 et L.411-59 du code rural, alors même que l’examen d’un congé n’implique en aucun cas celle de ses conséquences pour le preneur en place ; en outre, l’article L. 411-62, dispose que ‘ le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu’il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l’équilibre économique de l’ensemble de l’exploitation assurée par le preneur’ et ne trouve donc pas à s’appliquer au cas d’espèce, puisque la reprise n’est pas une reprise partielle mais une reprise totale concernant l’intégralité des biens que l’usufruitier loue, peu important qu’il ne s’agisse, pour le preneur, que d’une partie de son exploitation globale,
– M. [F] [J] satisfait à l’ensemble des conditions posées par l’article L.411-58 et L. 411-59 du code rural : il dispose de la capacité agricole, habite à proximité des parcelles objet de la reprise, dispose des moyens d’exploiter ces parcelles, et, enfin, est en règle avec le contrôle des structures, dès lors que la reprise litigieuse relève du régime de la simple déclaration préalable et ne nécessite, de ce fait, aucune autorisation d’exploiter.
M. [R] [J] de répliquer que :
– M. [F] [J] ne pourra pas obtenir un bail rural sur les parcelles reprises, faute d’accord des propriétaires de celles-ci, l’usufruitier ne pouvant, sans le concours des nus-propriétaires, donner à bail un fonds rural, en application des dispositions de l’article 595 du code rural et l’affermage d’un bien indivis requérant le consentement de tous les indivisaires (article 815-3 du code civil), et dès lors, M. [F] [J] ne pourra respecter les dispositions de l’article L.411-59 du code rural qui l’obligent à exploiter personnellement les bien durant neuf ans,
– la conclusion d’un prêt à usage au profit de M. [F] [J] aurait pour effet de priver l’usufruitier et ses ayants droit d’un fermage annuel de 18 000 euros et nécessiterait un accord de la part des intéressés.
– [R] [J], contrairement à ce que soutiennent les appelants, ne respecte pas les obligations posées par les articles L. 41158 et L.411-59 du code rural, en ce qu’il n’a aucun projet personnel d’exploitation, ne dispose pas des moyens d’exploiter et n’est pas en règle avec le contrôle des structures, ne disposant pas de l’autorisation d’exploiter requise du fait que la reprise ne relève pas du régime de la déclaration préalable comme le soutiennent à tort les appelants.
Réponse de la cour
En cas de démembrement de la propriété, le droit de reprise appartient en principe à l’usufruitier, qui peut notamment exercer la reprise au profit de l’un de ses descendants.
Cette prérogative n’implique toutefois pas l’obligation pour l’usufruitier de conclure un bail avec le bénéficiaire de la reprise (Cass. 3e civ., 16 mars 1988), de sorte que M. [R] [J] est mal fondé à soutenir que le congé qui lui a été délivré est nul, faute pour son père usufruitier de pouvoir consentir sans l’accord de tous les nus-propriétaires un bail à M. [F] [J], candidat a la reprise, en vue d’offrir a ce dernier le moyen de respecter son engagement de participer personnellement a la mise en valeur du bien loué pendant un delai minimum de 9 ans.
Comme le soulignent les appelants, l’exploitation des terres pourra se faire au moyen d’un commodat, la conclusion d’un prêt à usage s’analysant comme un acte d’administration que l’usufruitier a qualité pour passer seul.
C’est en vain que M. [R] [J] soutient qu’un prêt à usage est impossible, dans la mesure où il porterait atteinte aux droits de l’usufruitier-prêteur, qui se priverait ainsi d’un fermage annuel de quelque 18 000 euros, et à ceux de ses ayants droit.
En effet, d’une part, M. [M] [J] est libre de consentir un prêt à titre gratuit, et d’accepter ainsi, si telle est sa volonté, de perdre tout rendement de la chose mise à disposition à titre gratuit, d’autre part, si en cas de décès d’une partie, ses engagements sont transmis à ses héritiers, de sorte qu’il n’est pas mis fin au contrat de prêt à usage à titre gratuit, le régime du prêt à usage à titre gratuit n’étant pas d’ordre public, les parties pourront prévoir au contraire que le contrat cessera au décès de l’une d’elles, préservant ainsi les intérêts des ayants droit de M. [M] [J].
Il sera, en outre, relevé qu’un congé fondé sur les dispositions des articles L411-58 et L411-59 du code rural n’autorise pas le juge à examiner les conséquences de celui-ci sur l’exploitation du preneur en place, question réservée aux dispositions de l’article L411-62 et que la reprise en l’espèce correspond à l’intégralité des lieux loués.
L’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
‘Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions’.
Il appartient au bénéficiaire de la reprise de justifier qu’il remplit les conditions imposées et ces conditions s’apprécient à la date d’effet du congé ( Cass. 3e chambre civile, 8 Mars 2018 ‘ n° 16-25.906).
La capacité agricole de M. [F] [J], titulaire d’un brevet professionnel option ‘responsable d’exploitation agricole’ n’est pas discutée à hauteur de cour, comme il ressort des écritures de M. [R] [J].
M. [F] [J] justifie, en outre et comme l’ont relevé les premiers juges, par la production d’une attestation de sa banque, disposer à la date de la reprise d’une capacité financière suffisante pour acquérir le matériel nécessaire à l’exploitation des terres reprises, ayant reçu une indemnité de départ de son précédent emploi, s’élevant à la somme de 210 142, 18 euros et le coût du matériel à acquérir à 164 500 euros.
M. [R] [J] objecte que le bénéficiaire de la reprise ne dispose d’aucun matériel de récolte, d’aucune installation d’irrigation, ni d’aucune installation de stockage.
Le moyen est cependant inopérant, dès lors que M. [F] [J] est seulement tenu de justifier avoir, à la date d’effet du congé, la capacité financière d’acquérir le matériel nécessaire à l’exploitation, peu important donc qu’il ne soit pas propriétaire de ce matériel à cette date, qu’il n’est pas tenu, aux termes de l’article L. 411-59 du code rural, de justifier de l’acquisition d’un nouveau système d’irrigation, venant à se substituer à celui existant actuellement, qu’enfin, à la date d’effet du congé – le 31 octobre 2019 – il disposait bien d’un bâtiment de stockage, propriété de M. [T], peu important que ce dernier ne soit plus actuellement gérant de la SCEA de Bellevue, ou que le bâtiment en question soit inclus dans un projet de lotissement, qui n’a pas encore vu le jour.
Le domicile de M. [F] [J] remplit la condition de proximité prescrite par l’article L. 411-59 précité, pour être située à [Localité 7], soit à quelque trente minutes des parcelles reprises.
Enfin, s’agissant du défaut d’autorisation d’exploiter, les appelants soutiennent que l’opération ne relève pas du régime de l’autorisation préalable, mais de celui de la déclaration préalable, dès lors que sont remplies les conditions dérogatoires permettant à M. [F] [J] de se contenter de la simple déclaration préalable. Ce qui est contesté par M. [R] [J], qui fait valoir que le bien n’ayant pas été reçu par donation, location, vente ou succession, comme le prescrit l’article L.331-2 du code rural, le régime de la déclaration préalable ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce.
En application de l’article L 331-2 du code rural et de la pêche maritime,
I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d’une société n’est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu’elle résulte de la transformation, sans autre modification, d’une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l’unique associé exploitant ou lorsqu’elle résulte de l’apport d’exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants,
2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles ayant pour conséquence :
a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil mentionné au 1° ou de ramener la superficie d’une exploitation en deçà de ce seuil,
b) De priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé,
3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole :
a) Dont l’un des membres ayant la qualité d’exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle fixées par voie réglementaire,
b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d’exploitant,
c) Lorsque l’exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l’exception des exploitants engagés dans un dispositif d’installation progressive, au sens de l’article L 330-2,
4° Lorsque le schéma directeur régional des exploitations agricoles le prévoit, les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum qu’il fixe (…)
5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
II. Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies :
1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I,
2° Les biens sont libres de location,
3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins,
4° Les biens sont destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n’excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l’article L. 312-1.
En l’espèce, M. [R] [J] justifie que le seuil superficiaire de déclenchement du contrôle a été fixé par le schéma directeur régional de la région Centre-Val de Loire à 110 hectares – pièce n°44 de l’intimé – et il est constant que la reprise porte sur une superficie de 118 hectares, si bien que l’installation est, par principe, et en application du paragraphe I du texte précité, soumise à une autorisation d’exploiter.
Il est constant que M. [F] [J] ne bénéficiait pas d’une autorisation personnelle d’exploiter le bien à la date d’effet du congé.
M. [F] [J] soutient être en droit de bénéficier du régime dérogatoire prévu au paragraphe II, prévoyant une simple déclaration préalable en cas de reprise de biens de famille.
Cependant, aux termes du paragraphe II de l’article L. 331-2 du Code rural et de la pêche maritime, rappelés ci-avant, le déclarant qui est celui qui envisage de mettre en valeur les biens agricoles, doit, pour bénéficier du régime de la déclaration, les avoir reçus par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré.
Or s’agissant des modalités de mise à disposition, les appelants exposent qu’à défaut de bail, les terres pourront être exploitées par M. [F] [J], dans le cadre d’un commodat, c’est-à-dire, sans aucune contrepartie onéreuse pour le bailleur, ou en sa qualité d’indivisaire.
Néanmoins, le régime de déclaration préalable étant dérogatoire, il est d’interprétation stricte et ne saurait être étendu à des hypothèses qu’il ne prévoit pas expressément et, contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette interprétation stricte n’est pas en contradiction avec les dispositions de l’article L. 331-1 du code rural, qui prescrivent de ne tenir aucun compte du « titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée », dès lors que ces dispositions ne visent qu’à délimiter le champ de la réglementation des structures, et que s’il s’en infère que le commodat entre dans ce champ d’application pour définir, par exemple, le seuil superficiaire de déclenchement (Cass. 3e civ., 26 nov. 2008, n° 07-16679), elles demeurent sans incidence sur les modalités de cette réglementation, qui sont définies à l’article L. 331-2 du code rural.
Faute pour les appelants de justifier que le mode de mise à disposition des biens repris par le bailleur au profit du bénéficiaire sera l’un de ceux autorisés par l’article L. 331-2 du Code rural et de la pêche maritime, il apparaît que l’opération de reprise ne peut bénéficier du régime simplifié de déclaration préalable et, subséquemment, qu’elle n’est point conforme à la réglementation sur le contrôle des structures, M. [F] [J] ne contestant pas ne pas être titulaire d’une autorisation d’exploiter.
Par suite, et sans qu’il soit besoin de rechercher si M. [F] [J] remplit les quatre conditions posées par l’article L. 331-2- II, il y a lieu, par motifs substitués à ceux retenus par le tribunal paritaire des baux ruraux, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le congé litigieux.
II) Sur la demande incidente de remboursement des sommes versées en 2001 par M. [R] [J]
M. [R] [J] fait grief au jugement déféré de l’avoir débouté de sa demande en répétition de la somme de 14 007 euros, qu’il prétend avoir indûment versée au moment de la signature du bail litigieux en 2001.
Formant appel incident de ce chef du jugement, il sollicite à nouveau, à hauteur de cour, le remboursement de cette somme, au visa de l’article L. 471-74 du code rural, en faisant valoir, au soutien de cette prétention que :
– ses parents lui ont cédé, le 3 décembre 2001, 408 parts sociales sur les 800 parts de L’EARL [J], avant de lui consentir un bail le 7 décembre 2001, puis de lui céder, le 2 février 2005, les 292 parts restantes,
– son père lui a consenti une remise d’argent non justifiée dès lors que les immeubles – fosses, forages et installations d’irrigation auraient dû être cédés par des actes authentiques et que les améliorations du fonds ne sont justifiées par aucun élément prouvant leur existence,
– il a ainsi financé le capital de L’EARL pour un total de 175 095 euros et 8 % de cette somme, soit 14007 euros, est injustifiée, en ce qu’elle représente la proportion des apports d’immeubles et d’amélioration du fonds injustifiées et est sujette à répétition,
– l’apport d’immeubles et d’améliorations du fonds à une société dont les titres sont ensuite cédés au nouveau titulaire du bail constitue une cession prohibée au regard des dispositions de l’article L.471-74 du code rural.
Les appelants, concluant à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [R] [J] de sa demande en paiement, répliquent que :
– le versement de sommes indues lors des cessions de parts sociales n’est pas démontré,
– [R] [J] n’a jamais engagé la moindre action en répétition durant quinze ans,
– seules des parts sociales ont été cédées et non des fosses et des forages, qui ont fait l’objet d’une évaluation en 1998 lors de la constitution de L’EARL et c’est [R] ,[J] lui-même qui a fait appel à la société Deschamps, gérée par son beau-frère, pour procéder à cette évaluation.
Réponse de la cour
L’article L411-74 du code rural dans sa version applicable au présent litige, dispose :
‘Sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.
Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.
En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.
L’action en répétition exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé’.
M. [R] [J] échoue, au cas d’espèce, à rapporter la preuve lui incombant d’un trop-versé lors des sessions des parts sociales de L’EARL [J] dont il a été bénéficiaire en 2001 et 2005.
En outre, il résulte de ses propres écritures que le trop-versé allégué représenterait moins de dix pour cent, en l’occurrence 8 % de la somme totale payée qui s’élève à 175 095 euros, si bien que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement.
III) Sur les demandes accessoires
Les appelants, qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.