Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14170

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Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14170
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 16 MAI 2023

(n° /2023, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14170 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHZM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 15/18251

APPELANTE

S.C.I. ALICANTE, prise en la personne de son gérant, Monsieur [E] [W], domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 377 902 275,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010,

INTIME

Maître [S] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI ALICANTE,

Dont l’étude est située [Adresse 3]

[Localité 5]

Non constitué

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, chargée du rapport,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 14 mars 1990, MM.[E] [W] ( 40%) et [M] [L] [A] (40%) ont constitué avec Mme [C] [O] (20%), la SCI Alicante.

La SCI Alicante a fait l’acquisition en décembre 1990, au moyen d’un emprunt contracté auprès de la société financière Fico France, de deux appartements situés [Adresse 6] (Espagne) dans lesquels il était prévu l’installation d’une clinique dentaire. M.[M] [L] [A], dentiste, a toutefois souhaité utiliser les locaux comme habitation personnelle.

M.[L] [A] est décédé le [Date décès 1] 2006, laissant pour lui succéder sa fille Mme [Y] [L] [X] [T].

A la demande de M.[E] [W] et de Mme [O] le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, le 8 juillet 2010, désigné un expert à l’effet d’évaluer les parts sociales de la SCI Alicante. L’expert judiciaire M.[F] a déposé son rapport le 24 mai 2011.

Le 4 avril 2013, M.[E] [W] et de Mme [O] ont fait assigner Mme [Y] [L] [X] [T] devant le tribunal de grande instance de Paris pour se voir attribuer les parts sociales de la défenderesse et condamner celle-ci à payer à la SCI Alicante la somme de 960.429,60 euros et aux demandeurs la somme de 588.777,12 euros.

Par jugement du 4 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris a donné acte à M.[E] [W] et de Mme [O] de ce qu’ils entendaient exercer leur droit statutaire de préemption sur les parts de la SCI que détenait M. [L] [A], que compte tenu de la valeur négative de ces parts telle qu’elle résultait du rapport d’expertise, dit que celles-ci leur seront attribuées à parts égales, en conséquence que M.[W] détient désormais 60 % des parts de la SCI Alicante et Mme [O] 40%, et a condamné Mme [Y] [L] [X] [T] à payer:

– à la SCI Alicante la somme de 960.429,60 euros au titre des loyers impayés,

– à M.[W] et Mme [O] ensemble la somme de 588.777,12 euros correspondant à la part de remboursement des prêts consentis à la SCI incombant à M.[L] [A] et prise en charge par ses associés.

Sur déclaration de cessation des paiements du gérant, M.[E] [W], le tribunal de grande instance de Paris a ouvert le 28 janvier 2016, une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI Alicante, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 2 juin 2016, Maître [U] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 12 avril 2022, Me [S] [U], ès qualités, a sollicité la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif des opérations de liquidation judiciaire de la SCI Alicante et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le tribunal a estimé qu’il résultait des pièces produites et des informations recueillies que les opérations de liquidation judiciaire ne pouvaient plus suivre leur cours puisqu’aucun actif n’avait pu être appréhendé, et que le passif s’élevait à la somme

de 155. 831, 04 euros.

La SCI Alicante a relevé appel de cette décision le 26 juillet 2022 en intimant Maître [U] ès qualités.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 10 novembre 2022, la SCI Alicante demande à la cour, vu les articles L. 643-9 et R. 643-16 du code de commerce, de la recevoir en son appel et le dire bien fondé, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, dire n’y avoir lieu à clôture pour insuffisance d’actif des opérations de liquidation judiciaire de la SCI Alicante, débouter Me [U] ès qualités de cette demande, ordonner la poursuite de ces opérations et prolonger de deux années le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être prononcée et statuer ce que de droit sur les dépens.

Me [U] ès qualités , auquel la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à domicile le 29 novembre 2022, n’a pas constitué avocat.Il a toutefois transmis une note d’information datée du 13 janvier 2023 portée à la connaissance de l’appelante, dans laquelle il précise que la liquidation est totalement impécunieuse, qu’il a malgré tout tenté de mettre en oeuvre les mesures d’exécution qui s’imposaient pour réaliser les actifs en Espagne, mais n’a pu faire reconnaître en Espagne le jugement de liquidation judiciaire.

Le conseil de la SCI, ainsi qu’il y avait été autorisé a transmis à la cour le

22 février 2023 une note en délibéré pour répondre à la note d’information de Maître [U].

Le ministère public a visé le dossier sans observation le 14 octobre 2022.

SUR

– Sur la clôture des opérations de liquidation judiciaire

Maître [U], ès qualités, a sollicité la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour ‘insuffisance d’actif’. La requête aux fins de clôture indique que la liquidation judiciaire ne peut suivre son cours, ‘faute de fonds suffisants’. La note jointe à la requête précise que l’actif recouvré ou réalisé est néant, que le passif déclaré et non vérifié s’élève à 155.831,04 euros et que le tribunal de première instance d’Alicante, dans la procédure d’exécution forcée à l’encontre de la SCI Alicante, a refusé par deux fois de reconnaître en Espagne le jugement de liquidation judiciaire du 2 juin 2016 au motif qu’il n’ordonnait pas la suspension des exécutions judiciaires.

Il résulte de l’article L 643-9 alinéa 2 du code de commerce, que ‘ Lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance d’actif ou encore lorsque l’intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels, la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé.’

La SCI Alicante s’oppose à la clôture des opérations de liquidation arguant que l’insuffisance d’actif n’est nullement caractérisée et qu’ il n’est pas davantage établi que l’intérêt de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation de ces actifs. Elle fait valoir, d’une part, qu’elle est propriétaire de deux appartements à Alicante, d’une valeur très supérieure au passif déclaré (155.831, 04 euros), l’expert judiciaire ayant estimé la valeur vénale de ces deux biens à 480.000 euros, d’autre part, que la SCI détient une créance de 960.429,60 euros sur

Mme [Y] [L] [X] [T] et qu’il n’est pas établi que cette créance est totalement irrécouvrable.

Il est constant que la SCI Alicante est propriétaire de deux appartements à Alicante, qui ont été évalués en 2011 par l’expert judiciaire à 480.000 euros, les logements étant lors de l’expertise manifestement inoccupés et nécessitant des travaux.

La SCI détient par ailleurs en vertu d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 4 mars 2014 une créance importante de 960.429,60 euros sur

Mme [Y] [L] [X] [T], ayant droit de M.[L] [A], associé de la SCI décédé en 2006, montant correspondant aux loyers que ce dernier s’était engagé à payer à la SCI à raison de son occupation personnelle des logements et qui devaient permettre à la société d’assurer le remboursement de l’emprunt, cet engagement n’ayant pas été respecté. L’expert judiciaire a visé dans son rapport ‘ l’engagement sur l’honneur signé par M.[L] [A]’ et a conclu à une dette de ce dernier envers la SCI de 5.335,72 euros X 180 mois. Mme [Y] [L] [X] [T], domiciliée à [Adresse 6], n’avait pas constitué avocat dans le cadre de cette procédure. Le greffe a toutefois certifié ne pas avoir enregistré de déclaration d’appel contre ce jugement à la date du 14 novembre 2014 et, le 30 janvier 2015, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris a établi le certificat prévu par les articles 54 et 58 du Règlement 44/2001 mentionnant que le jugement du 4 mars 2014 était exécutoire dans l’Etat membre d’origine (France) à l’égard de Mme [Y] [L] [X] [T].

Il résulte d’un courrier de Maître Juan Carlos Heder, avocat au barreau de Valencia, mandaté par Maître [U], que l’Audiencia Provincial d’Alicante (cour d’appel d’Alicante) a refusé l’exécution en Espagne du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 mars 2014 (Arrêt du 8 juillet 2020) et qu’à la suite de cet arrêt, le tribunal de première instance d’Alicante, dans la procédure d’exécution forcée à l’encontre de la SCI Alicante, a refusé par deux fois de reconnaître en Espagne le jugement de liquidation judiciaire du 2 juin 2016 au motif qu’il n’ordonnait pas la suspension des exécutions judiciaires, la dernière décision datant selon l’avocat du 18 mars 2022. L’avocat ajoute ‘ Contre cette dernière décision, il n’y a pas de recours possible et donc des saisies immobilières sont en cours contre les biens de la SCI ALICANTE’.

Le liquidateur a communiqué la décision du ‘ Juzgado de primera instancia n°7 de Alicante’, portant un cachet de notification du 30 mars 2022 rendu entre [Y] [L] [X] [T] et M.[E] [W], [C] [J] et la SCI Alicante, non traduit.

La cour comprend des indications fournies par l’avocat espagnol qu’une procédure de saisie immobilière des appartements de la SCI est en cours en Espagne (l’auteur de cette procédure n’étant pas indiqué) à défaut pour le tribunal d’Alicante d’avoir reconnu au jugement français ouvrant la procédure collective un effet suspensif empêchant les mesures d’exécution.

Toutefois, les éléments aux débats n’établissent pas que la procédure d’exécution forcée diligentée en Espagne portant sur des biens immobiliers valorisés à 480.000 euros en 2011, est susceptible de priver intégralement la SCI de tout droit sur ceux-ci, ou de toute valeur s’y rapportant, de sorte que les conditions d’une clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne sont pas réunies.

En outre, la cour ne dispose pas de l’arrêt de la cour d’appel d’Alicante du 8 juillet 2020, dont fait état l’avocat espagnol du liquidateur judiciaire, qui aurait refusé l’exécution du jugement français du 4 mars 2014 sur le territoire espagnol, de sorte que les motifs de ce refus sont inconnus et qu’il n’est pas possible à ce stade de déterminer s’il s’agit d’une impossibilité définitive d’exécution en Espagne à l’encontre de Mme [Y] [L] [X] [T]. Il n’est pas non plus précisé si, à défaut de pouvoir exécuter le jugement français en Espagne, le liquidateur a examiné avec son conseil espagnol la possibilité d’engager une procédure pour obtenir un titre exécutoire d’une juridiction espagnole à l’encontre de Mme [Y] [L] [X] [T]. Il n’est pas fait état d’une renonciation de Mme [Y] [L] [X] [T] à la succession de son père.

Il ne résulte pas davantage des pièces au débat que le liquidateur a échangé avec le gérant de la SCI sur les conditions matérielles et financières dans lesquelles, à défaut de trésorerie pour la SCI, des poursuites pourraient être reprises en Espagne et partant qu’il serait impossible pour la SCI ou disproportionné d’engager des poursuites contre la débitrice, alors que la créance invoquée est très importante et que le passif de la liquidation, non vérifié, s’élève à 155.831,04 euros. Dans ces conditions, la circonstance que le gérant de la SCI n’a pas avant l’ouverture de la liquidation judiciaire tenté d’exécuter le jugement condamnant Mme [Y] [L] [X] [T] ne suffit pas à justifier une absence de poursuites dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Le jugement sera en conséquence infirmé et la cour statuant à nouveau, déboutera le liquidateur judiciaire de sa requête en clôture des opérations de liquidation judiciaire.

La SCI sollicite par ailleurs de voir prolonger de deux années le délai au terme duquel la clôture de la procédure pourra intervenir.

Le premier alinéa de l’article L643-9 du code de commerce dispose que si la clôture ne peut être prononcée au terme du délai fixé par le jugement d’ouverture, le tribunal peut en proroger le terme par une décision motivée.

Il résulte de ce qui précède qu’il est nécessaire de disposer d’un temps supplémentaire pour faire un point exhaustif sur la possibilité ou non de recouvrer ou de réaliser les actifs de la SCI. La cour prolongera en conséquence d’un an, à compter du présent arrêt, le délai au terme duquel la clôture de la liquidation judiciaire pourra intervenir.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Rejette la demande de clôture des opérations de liquidation judiciaire de la SCI Alicante,

Prolonge d’un an à compter du présent arrêt le délai au terme duquel la clôture de la liquidation judiciaire pourra intervenir,

Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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