Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16080

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Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16080
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 MAI 2023

N° 2023/ 179

Rôle N° RG 19/16080 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBCY

[N] [F]

SELARL JSA

C/

[T] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charles TOLLINCHI

Me Rémi JEANNIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02852.

APPELANTS

Monsieur [N] [F]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7] (Tunisie)

demeurant [Adresse 1]

SELARL JSA représenté par Maître [L] [P], pris en sa qualité de liquidateur de la société HACIENDA.

demeurant [Adresse 6]

tous deux représentés et plaidant par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉ

Maître [T] [W]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Rémi JEANNIN de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, substituée et plaidant par Me Sophie REDDING-TERRY, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 03 Avril 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Louise DE BECHILLON, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Danielle DEMONT, conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Société Internationale pour le Commerce et l’Industrie (Sici) est propriétaire d’un fonds de commerce de restauration sis [Adresse 3].

Par acte en date du 12 mai 2015, M. [N] [F], agissant en son nom personnel et pour le compte de la Sarl Hacienda en cours de constitution, s’est vu consentir par la société SICI un contrat de location gérance portant sur ce fonds de commerce de restauration, moyennant une redevance mensuelle de 20.000 euros hors taxes.

Le même jour, la Sarl Hacienda a acquis une part sociale de la société SICI et les deux sociétés ont régularisé une promesse de cession des 99 parts restantes.

La constitution de la Sarl Hacienda, la rédaction des actes et la réalisation des formalités y afférentes ont été effectuées par Me Arnaud Paulus, avocat.

Le 09 février 2016, la société SICI, a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d’Antibes.

Par décision du 29 juin 2016, le tribunal de commerce d’Antibes a prononcé la résiliation du contrat de location gérance pour non-paiement de ses redevances par la société Hacienda.

Selon jugement du 21 juin 2016, le tribunal de commerce d’Antibes a ouvert à l’égard de la Sarl Hacienda, une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 20 septembre 2016.

Considérant, à l’occasion de cette procédure, que Me [T] [W] avait commis des fautes dans la rédaction des actes dont s’agit, par acte du 6 juin 2017, la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur, et M. [N] [F], ont assigné Me [T] [W], devant le tribunal de grande instance de Grasse, en responsabilité et indemnisation du préjudice.

Par jugement en date du 5 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 30 avril 2019 et prononcé la nouvelle clôture à la date de l’audience avant l’ouverture des débats, soit le 29 mai 2019 ;

– rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt à agir et du défaut de qualité à agir, soulevées par Me [T] [W] ;

– débouté la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur Me [H], et M. [N] [F] de l’ensemble de leurs demandes à l’égard de Me [T] [W];

– débouté Me [T] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– condamné solidairement la Sarl Hacienda représentée par son Iiquidateur Me [H] et M. [N] [F] à payer à Me [T] [W] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur Me [H] et M. [N] [F] de leur demande fonnée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur Me [H] et M. [N] [F] aux entiers dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que l’action, recevable, était infondée, faute de démonstration d’un manquement fautif de la part de Me [T] [W] dans son activité de rédacteur d’acte.

Par déclaration en date du 17 octobre 2019, M. [N] [F] et la Selarl JSA ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées par voie électronique en date du 19 février 2023, la Selarl JSA, représentée par Me [L] [P] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Hacienda et M. [N] [F], demandent à la cour de :

– déclarer l’appel recevable et saisissant valablement la cour,

– réformer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Grasse le 5 septembre 2019 dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

– fixer le préjudice de la Sarl Hacienda et de M. [N] [F] à hauteur de 863.684,20 euros;

– condamner Me [T] [W] à régler à la Sarl Hacienda, représentée par Me [L] [P] et à M. [N] [F] la somme de 863.684,20 euros au titre du préjudice subi ;

– dire et juger que cette somme portera intérêt légal à compter de la signature des actes litigieux, soit le 12 mai 2015;

– débouter l’intimé de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– le condamner à régler à la Sarl Hacienda et à M. [N] [F] la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens, ceux d appel distraits au profit de la SCP Tollinchi Vigneron Tollinchi, Avocat, aux offres de droit.

En réponse au grief développé par l’intimé relevant l’absence de mention des chefs critiqués du jugement dans la déclaration d’appel, les appelants font valoir que ladite déclaration reprend précisément le dispositif du jugement les ayant déboutés de l’ensemble de leurs demandes et condamnés aux frais irrépétibles et aux dépens.

Quant à l’omission de l’objet de l’appel dans la déclaration, ils relèvent que la sanction du non respect de cette obligation est la nullité de la déclaration qui relevait de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.

Sur le fond, les appelants reprochent à Me [W] plusieurs manquements à l’obligation d’information, de vérification, et d’efficacité, reposant sur l’avocat rédacteur d’actes, pour, notamment, ne pas les avoir informés de la situation financière et locative de la société SICI, dont il avait été le conseil, leur dissimulant la dette locative dont cette société était débitrice, en ne leur indiquant pas que les travaux mis à la charge de la société n’avaient pas été réalisés, etc…

Il lui est également reproché d’avoir privé d’efficacité le contrat de location gérance, en ne respectant pas les dispositions de l’article L144-3 du code de commerce exigeant que la personne concédant une location gérance ait exploité pendant au moins deux années le fonds ou l’établissement mis en gérance, relevant que la charge de la preuve pèse sur le rédacteur de l’acte, celui-ci ne démontrant pas une exploitation pendant deux années au moins ;

Les appelants reprochent enfin à Me [W] un manquement général au devoir de loyauté, de prudence et de diligence en laissant la société Hacienda engager des sommes importantes sans lui faire part des risques encourus et de son engagement surdimensionné pour une affaire comme celle-ci, et avoir versé la somme de 652 000 euros le jour de la signature des actes, sans notamment communiquer le bilan de l’année 2014 de la société SICI qui lui aurait permis d’être plus méfiante, en retenant une somme de revalorisation du fonds de commerce surévaluée, en ne la mettant pas en garde contre les risques d’un apport en compte courant sans garantie, ni quant à la présence de nantissements mettant en exergue la fragilité financière de la société Sici, rappelant que l’avocat ne démontre pas que ces obligations ont été respectées;

Enfin, les appelants estiment que Me [W] a également commis un manquement au devoir de conseil lequel s’applique à toutes les parties, relevant que celui-ci était l’avocat de la société Sici avant de rédiger ces actes, et qu’il a, après la rédaction des actes litigieux, repris l’assistance de la société Sici.

Le liquidateur judiciaire de la Sarl Hacienda et M. [N] [F] estiment qu’en l’absence de ces fautes ils n’auraient jamais signé ces actes, de sorte que ces fautes sont en lien causal direct avec le préjudice subi, dont ils estiment qu’il est certain et total, s’agissant des sommes versées dans ce projet infructueux.

En réponse à l’irrecevabilité des demandes soulevées par l’intimé, quant à la dénomination du liquidateur, ils indiquent que c’est bien Me [K] [P], et non Me [H] qui a été nommé.

Enfin, ils demandent à la cour de donner acte de l’adresse de M. [F].

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées par voie électronique en date du 26 janvier 2023, Me [T] [W] demande à la cour de :

– constater qu’au vu des mentions de l’acte d’appel, l’effet dévolutif fixé par cet acte n’a pas opéré et qu’en conséquence, la cour n’est saisie d’aucune des prétentions de la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] ;

en conséquence, les écarter et confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions faisant grief aux appelants;

A défaut de retenir l’absence d’effet dévolutif:

– infirmer le jugement en ce qu’il « rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt à agir et du défaut de qualité à agir, soulevée par Me [T] [W]» ;

– statuant à nouveau, déclarer la la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] irrecevables en leurs demandes, fins et prétentions; en conséquence, les rejeter sans examen au fond ;

– déclarer les conclusions de la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] du 15 janvier 2020 irrecevables par application des dispositions des articles 954, 960 et 961 du Code de procédure civile ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] de l’ensemble de leurs demandes à l’égard de Me [T] [W] ;

A défaut, dire et juger que la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] n’apportent pas la triple démonstration, nécessaire pour engager la responsabilité d’un professionnel du Droit, d’une faute en lien de causalité direct avec un préjudice né et certain;

– débouter en conséquence la la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions;

A défaut, dire et juger que la réparation de la perte de chance alléguée ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée; en conséquence, écarter toute prétention plus ample ou contraire;

En tout état de cause:

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– statuant à nouveau, condamner reconventionnellement et solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner reconventionnellement et solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] à lui payer la somme supplémentaire de 7000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] aux entiers dépens de première instance;

– condamner reconventionnellement et solidairement la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] aux entiers dépens d’appel, qui seront distraits au profit de

Me Rémi Jeannin, Selarl Jeannin Petit Puchol, Avocat postulant, qui affirme y avoir pourvu.

Me [W] relève en premier lieu que la déclaration d’appel ne sollicite pas la réformation du jugement, ni son annulation, de sorte que l’effet dévolutif ne peut s’opérer et qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement.

Il relève en outre que les conclusions des appelants sont irrecevables en ce que le liquidateur judiciaire à l’initiative de l’action n’était plus désigné pour la liquidation judiciaire de la Sarl Hacienda, et que le nouveau liquidateur ne relève pas de la même société ; outre que l’adresse de M. [F] n’est pas conforme.

Sur le fond, Me [W] conteste tout manquement, reprenant en cela les motifs du jugement querellé observant que la Sarl Hacienda en signant l’acte litigieux, a reconnu avoir reçu communication des comptes des années 2012 à 2014 inclus comme mentionné dans le compromis de cession de parts sociales, que la société Sici a déclaré dans l’acte respecter les dispositions de l’article L144-3 du code de commerce quant à la durée minimale d’activité sans que les appelants ne démontrent que cette affirmation est fausse ; que l’état complet des inscriptions prises à la date du compromis ont été mentionnées, les appelants se plaignant d’inscriptions postérieures à son intervention ; s’agissant des travaux mis à la charge de la bailleresse, ceux-ci ont été effectués majoritairement, et ajoutent que le contrat de location gérance fait bien apparaître la clause de travaux à la charge du preneur.

Quant au grief tiré de la situation financière des actes, l’intimé indique que l’acte mentionne que le cessionnaire a pris connaissance de la situation financière de la société, de sorte que la société Hacienda disposait de toutes les informations comptables nécessaires à la bonne compréhension de la portée de son engagement.

S’agissant du devoir de loyauté et de l’obligation de conseil à l’égard de l’ensemble des parties, Me [W] indique qu’il est démontré que la société Sici avait d’autres conseils attitrés, et sollicite encore la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la mission de l’avocat ne peut être étendue durant toute la durée de vie de l’acte et dans tous les domaines, et il relève par ailleurs que l’avocat n’est pas expert évaluateur du prix de cession.

Enfin, il expose que les déboires de la Société Hacienda proviennent de sa propre turpitude, notamment dans sa défaillance du paiement des loyers (observant qu’aucune procédure d’expulsion n’a été initiée), ainsi que de la malchance, en raison de l’inondation du parc Marineland et de sa fermeture subséquente dont dépendait l’activité du restaurant.

Il conteste par conséquent tout lien causal entre son intervention et tout préjudice, relevant qu’aucune preuve de perte de chance, considérant qu’il n’est pas démontré que les dettes ont été réglées par la Sarl Hacienda, et en tout état de cause, qu’elle n’a jamais réglé ses redevances de location gérance ni des loyers des murs.

MOTIFS

Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’article 542 du code de procédure civile dispose que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

L’article 901 du même code indique que la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du jugement est indivisible.

La déclaration d’appel formée par M. [N] [F] et la Sarl Hacienda, représentée par son liquidateur judiciaire, vise les ‘dispositions du jugement ayant débouté la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et M. [F] de l’ensemble de leurs demandes à l’égard de Me [W] et condamné la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et M. [F] aux dépens et à une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’

Celle-ci reprend ainsi précisément les chefs du jugement critiqué, de sorte que ces mentions suffisent à établir le périmètre de l’appel interjeté, étant rappelé que les exigences formellement mises à la charge des parties sont applicables aux déclarations d’appel postérieures au 17 septembre 2020, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Il convient donc de rejeter la demande tendant au prononcé de la caducité de l’appel.

Sur les fins de non recevoir tirées du défaut d’intérêt à agir et du défaut de qualité à agir des appelants

Me [T] [W] estime que la Sarl Hacienda n’est pas valablement représentée en raison du changement de liquidateur judiciaire et du changement de structure d’exercice du liquidateur judiciaire nouvellement désigné.

S’il apparaît effectivement une erreur sur le nom et la structure d’exercice du liquidateur judiciaire dans les conclusions de première instance des appelants, il est néanmoins justifié de ce que Me [P] a valablement été désigné par le tribunal de commerce en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Hacienda par ordonnance du 30 janvier 2017, outre que les conclusions d’appelants sont correctement libellées.

Il convient donc de rejeter cette fin de non recevoir.

Quant au défaut d’intérêt à agir de M. [N] [F], il a été justement considéré par le premier juge que celui-ci reproche à Me [T] [W] des manquements dans la rédaction d’actes auxquels il est partie, l’analyse de la réalité de son préjudice personnel relevant du fond du litige.

Il convient également de rejeter cette fin de non recevoir.

S’agissant de l’adresse de M. [N] [F], celui-ci fournit une nouvelle adresse dans ses dernières conclusions, il convient de rejeter l’irrecevabilité soulevée.

Les fins de non recevoir seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le droit à indemnisation

L’engagement de la responsabilité civile professionnelle d’un avocat rédacteur d’acte suppose la démonstration d’une faute ayant directement causé un préjudice à son client, étant rappelé que cet avocat est débiteur d’une obligation d’information et de conseil de son client, outre de celle d’assurer la validité et l’efficacité de l’acte qu’il rédige.

Plusieurs manquements sont reprochés à Me [T] [W] et en premier lieu à son obligation d’information, notamment quant à la situation financière et locative de la société Sici, les appelants lui reprochant notamment d’avoir dissimulé la dette locative dont était débitrice cette société, de ne pas leur avoir indiqué que les travaux mis à la charge de la société n’avaient pas été réalisés.

L’analyse des actes rédigés par l’avocat permet en premier lieu de constater que sont annoncés en annexe du compromis de cession de parts sociales, acte signé par M. [N] [F],les comptes de la société ‘des trois dernières années’ de la société Sici, ce dont il se déduit que celui-ci a bien eu connaissance de ces documents, sans que la preuve de l’absence de cette annexe ne soit rapportée, de sorte que les appelants ne peuvent légitimement faire valoir n’avoir été informés de la situation de la Sarl Sici par leur avocat.

Quant au respect des dispositions de l’article L144-3 du code de commerce exigeant que la personne concédant une location gérance ait exploité pendant au moins deux années le fonds ou l’établissement mis en gérance, il apparaît qu’il est mentionné dans l’acte litigieux que le bailleur ‘déclare remplir toutes les conditions de délais’ exigés par ce texte, que l’extrait K Bis de la société est d’ailleurs annexé à ce même acte, et surtout qu’il est établi par ces pièces et non utilement contesté que la Sarl Sici a été en activité du 20 septembre 2011 au 1er février 2013, puis du 1erseptembre 2014 au 12 mai 2015, ce qui aboutit à une durée de plus de deux ans, conformément aux exigences du texte susvisé.

Aucun manquement à son devoir d’information ne peut davantage être retenu contre l’avocat quant à la situation hypothécaire de la société Sici, dès lors que l’état complet des inscriptions prises sur la société a également été annexé à ce même acte de cession de parts sociales, tout comme le bail commercial recensant les obligations relatives aux travaux litigieux, et ce alors que le preneur a déclaré dans le bail avoir une parfaite connaissance de ‘la consistance, des clauses et conditions du bail’ et donner ‘décharge par les parties au rédacteur de l’acte à ce sujet’.

Ainsi, la Sarl Hacienda et M. [N] [F] ont signé cet acte en affirmant disposer de toutes les informations nécessaires, comme ils l’ont également indiqué dans le contrat de location gérance signé le 12 mai 2015, faisant apparaître le bail signé entre la société Sici et la Sci La Bonne Auberge, et dans lequel est indiqué que ‘le preneur déclare avoir une parfaite connaissance de la consistance, des clauses et conditions du bail ; en conséquence, ‘les parties dispensent expressément le rédacteur de l’acte de les rappeler’.

Il s’évince ainsi des mentions contenues dans ces deux actes que la Sarl Hacienda a reconnu expressément avoir eu connaissance de la clause mettant la réalisation de travaux à la charge du preneur.

Les appelants ne peuvent donc valablement reprocher à l’avocat rédacteur d’acte un manquement à son devoir d’information de ce chef.

Les appelants reprochent également à Me [T] [W] un manquement général au devoir de loyauté, de prudence et de diligence en laissant la société Hacienda s’engager et engager des sommes importantes sans lui faire part des risques encourus et de son engagement surdimensionné pour une affaire comme celle-ci, et avoir versé la somme de 652 000 euros le jour de la signature des actes, sans notamment communiquer le bilan de l’année 2014 de la société SICI qui lui aurait permis d’être plus méfiante.

Etant rappelé que l’avocat ne peut être tenu de s’assurer de la viabilité économique du projet sous-tendant la rédaction d’un acte, et donc n’avait pas à conseiller ses clients quant à la somme dont il était demandé le paiement, il doit être relevé que la somme versée correspond notamment à un dépôt de garantie, dont ne peut se dispenser le preneur, pas davantage que du paiement de la part sociale acquise, ni de l’apport en compte courant, suite à la promesse d’achat des parts de la société.

Sur la fragilité financière de la société Sici et sa dette locative, fondant également un grief des appelants à l’encontre de leur conseil d’alors, à l’inverse de ce qu’exposent la Sarl Hacienda et M. [N] [F], le tribunal a justement noté qu’au 2 juin 2015, une dette locative de 26 739,07 euros était retenue, soldée par un chèque de ce montant émis le 17 juin 2015, remis par Me [T] [W] au conseil de la société La Bonne Auberge. Aucune autre dette n’est démontrée et dans le cadre de l’assignation en résilisation judiciaire du bail délivrée par la Sci La Bonne Auberge le 24 septembre 2015, celle-ci n’invoque aucune dette locative.

Il n’est ainsi pas démontré l’existence d’une dette dont Me [T] [W] aurait été informé et qu’il aurait caché à ses clients.

Enfin, les appelants estiment que Me [W] a également commis un manquement au devoir de conseil lequel s’applique à toutes les parties, relevant que celui-ci était l’avocat de la société Sici avant de rédiger ces actes, et qu’il a, après la rédaction des actes litigieux, repris l’assistance de la société Sici.

Le premier grief n’est pas démontré, et à l’inverse, est produite aux débats une facture du 5 juin 2015 adressée à la Sarl Sici par la SCP Ferlaud Menabe Amill, établissant que cette société a donc eu recours aux services d’un autre avocat dans le cadre de l’opération objet du présent litige.

Enfin, en réponse au second grief formulé à l’encontre de l’intimé, il n’est pas justifié d’un mandat donné à l’avocat qui excéderait la simple rédaction des actes, et le tribunal a justement relevé que la mission de l’avocat rédacteur ne peut être étendue au conseil durant toute la durée de vie de l’acte et dans tous les domaines, celui-ci ne pouvant par essence anticiper les aléas et

incidents d’exécution d’un acte.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve d’un manquement fautif imputable à Me [T] [W] n’est pas rapportée par les appelants.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires dirigées à son encontre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L’article 32-1 du code de procédure civile sanctionne l’abus du droit d’agir ou de se défendre en justice par le versement d’une amende civile au Trésor Public et de dommages et intérêts à l’adversaire.

L’abus suppose la caractérisation d’une faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit d’ester ou de se défendre en justice.

En l’espèce, il ne peut se déduire de leur seul positionnement procédural que la Sarl Hacienda et M. [N] [F] ont entendu abuser de leur droit d’agir en justice.

Me [T] [W] sera donc débouté de sa demande.

Sur les frais du procès

Succombant au principal, la Sarl Hacienda représentée par son liquidateur et de M. [N] [F] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance.

Ils seront par ailleurs condamnés à régler la somme de 3 000 euros à Me [T] [W] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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