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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 15/02/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/02422 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UJBC
Jugement (N° 21/00258)
rendu le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Valenciennes
APPELANT
Monsieur [S] [H]
né le 06 février 1969 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Antoine Bighinatti, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué substitué par Me Tiffany Cynkiewicz, avocat au barreau de Valenciennes
INTIMÉ
Pole Emploi des Hauts-de-France
pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Valérie Biernacki, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 16 octobre 2023, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Valérie Lacam, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 février 2024 après prorogation du délibéré en date du 25 janvier 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2023
****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 20 juillet 2009, M. [S] [H], M. [D] [H] et M. [X] [B] ont fondé la société [6], SARL, cette société avait pour objet social la maintenance industrielle. Chacun des associés détenait 1050 parts sociales.
Le 17 septembre 2009, par une décision collective, les associés désignaient M. [S] [H] gérant.
Le 02 janvier 2015, MM. [S] [H] et [D] [H] cédaient chacun à M. [X] [B] 355 parts sociales sur les 1050 qu’ils détenaient.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue le 02 janvier 2015, était décidée la conclusion d’un contrat de travail avec M. [S] [H] , l’assemblée délimitait les fonctions attribuées à M. [S] [H] qui se voyait confier les fonctions de responsable technique.
Le 15 janvier 2020, M. [S] [H] a cédé toutes ses parts au sein de la société.
Lors de l’assemblée générale du 15 février 2020, M. [S] [H] a démissionné de ses fonctions de gérant.
Le 31 juillet 2020, il été mis fin au contrat de travail de M. [S] [H] pour raison économique.
Le 31 juillet 2020, M. [S] [H] a sollicité son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, qui a été acceptée par Pôle Emploi.
Par Lettre du 24 août 2020, Pôle emploi a sollicité des informations complémentaires à M. [S] [H] sur son contrat de travail et sa situation.
Par courriel du 17 septembre 2020, Pôle Emploi a informé M. [S] [H] de ce que la qualité de salarié ne lui était pas reconnue pour la période du 05 janvier 2015 au 14 février 2020, mais qu’elle lui était reconnue pour la période allant du 15 février 2020 au 31 juillet 2020, de ce fait, il était exclu du régime d’assurance chômage.
M. [S] [H] a saisi le médiateur de Pôle Emploi, le 13 novembre 2020 le médiateur a confirmé l’analyse faite quant à la situation de M. [S] [H].
Par acte d’huissier du 22 janvier 2021, M. [S] [H] à fait assigner Pôle Emploi devant le tribunal judiciaire de Valenciennes pour obtenir la condamnation de cet organisme à lui verser l’allocation de retour à l’emploi, sous astreinte ainsi que les sommes de 72 776, 30 à titre de son préjudice financier et 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 avril 2022, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :
– débouté M. [S] [H] de sa demande tendant à bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi,
– condamné M. [S] [H] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mai 2022, M. [S] [H] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, M. [S] [H] demande à la cour de :
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Valenciennes le 21 avril 2022 en ce qu’il a :
– Débouté de sa demande tendant à bénéficier de l’Allocation d’Aide à Retour à l’Emploi et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
– Débouté de sa demande de condamnation de Pôle Emploi Hauts-de-France au versement des sommes de :
o 72 776,30 euros au titre du préjudice financier subi par lui, cette somme étant sollicitée à titre subsidiaire pour le cas où la condamnation sous astreinte ne serait pas ordonnée
o 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
Et, statuant à nouveau,
Condamner Pôle Emploi Hauts De France à verser l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi à Monsieur [S] [H] et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
Condamner Pôle Emploi Hauts De France à verser à Monsieur [S] [H] les sommes suivantes :
– La somme de 107 272,80 euros au titre du préjudice financier subi par lui, cette somme étant sollicitée à titre subsidiaire pour le cas où la condamnation sous astreinte ne serait pas ordonnée.
– La somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les entiers dépens.
M. [S] [H] fait valoir que la qualité d’associé et gérant n’est pas incompatible avec le statut de salarié. Il produit son contrat de travail et ses bulletins de salaires, justifiant d’un contrat de travail apparent, il appartient à Pôle Emploi de prouver qu’il n’était pas salarié.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2023, Pôle Emploi Hauts de France demande de :
-Débouter M. [S] [H] de son appel l’en déclarer mal-fondé,
-Confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 21/04/2022,
-Juger que M. [S] [H] ne justifie pas du lien de subordination dans le cadre de son activité professionnelle pour la période du 5/01/2020 au 14/02/2020,
-Juger ne pas y avoir lieu à octroi des indemnités d’allocation retour à l’emploi,
-Débouter M. [S] [H] de toutes ses demandes fins et conclusions contraires aux présentes,
-Condamner M. [S] [H] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner M. [S] [H] aux entiers dépens.
L’intimé soutient qu’il appartient à M. [S] [H], qui était par ailleurs associé fondateur et gérant de la SARL, d’établir que dès lors qu’il avait occupé les fonctions de gérant de la société il devait justifier de la réalité du contrat de travail, notamment en justifiant des taches exécutées et du lien de subordination, ce qu’il ne fait pas, les attestations de ses associés ne pouvant être probantes, de même que les courriels produits.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2023.
MOTIVATION
Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
L’article 1er du Règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 rappelle que :
« Le régime d’assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé « allocation d’aide au retour à l’emploi », pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d’emploi qui remplissent les conditions d’activité désignées, durée d’affiliation, ainsi que les conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi, de recherche d’emploi. »
La qualité d’associé et gérant d’une société n’est pas incompatible avec la conclusion d’un contrat de travail, toutefois, dans ce cas, il appartient à celui qui revendique la qualité de salarié de justifier d’un emploi effectif distinct des fonctions sociales.
Il doit également être justifié d’un lien de subordination, c’est à dire que celui qui revendique le statut de salarié, doit être placé dans un état de subordination juridique défini comme un contrôle continu de dépendance exercé par l’employeur. Le contrat de travail doit prévoir une rémunération en contrepartie du travail accompli..
Le contrat de travail n’a de réelle existence que s’il correspond à des fonctions techniques dissociables de celles découlant du mandat. Les fonctions occupées par celui revendiquant la qualité de salarié doivent ainsi clairement s’opposer aux fonctions de direction générale de l’entreprise.
En l’espèce, il est constant que M. [S] [H] est l’un des associés fondateur de la SARL [6], devenue [5], il est également constant qu’il a occupé les fonctions de gréant de la société depuis sa création et jusqu’au 15 février 2020.
La qualité d’associé de M. [S] [H] et ses fonctions de mandataire social ont précédé la conclusion du contrat de travail apparent revendiqué, l’un des associés était son frère.
Lors de l’assemblée générale du 02 janvier 2015, les fonctions découlant du contrat de travail de M. [S] [H] ont été délimitées, il est indiqué au procès-verbal communiqué que les fonctions de responsable technique, recouvre les missions suivantes :
« – établissement des tableaux de bord sous Excel : établissement des devis techniques (métrage sur site et sur plan, calcul forfaitaire) .
maintenance de réseau informatique et mise en place d’outils informatiques et conseils techniques auprès des utilisateurs. Création et maintenance du site web.
Formation du personnel dans le cadre des règles de sécurité sur chantier, VCA Cadre »
Au regard de la taille de la société (moins de 50 salariés) et du contenu des missions exercées, une partie des fonctions définies par l’assemblée générale entre toujours dans le champ du mandat social exercé par M. [S] [H], notamment l’établissement de tableaux de bord, la création et la maintenance du site Web et le conseil auprès des utilisateurs enfin, la formation du personnel.
Par ailleurs, si effectivement M. [S] [H] justifie de la déclaration préalable à l’embauche et de ses bulletins de salaire, il apparaît que sur ceux-ci que l’emploi occupé est le suivant « responsable administratif et financier » en février 2015, puis « responsable financier et technique », or ces fonctions sont distinctes de celles définies par l’assemblée générale et recouvrent pleinement des activités de direction relevant directement des missions de mandataire social, de sorte qu’il convient de considérer que les activités définies au contrat de travail ne sont pas distinctes des fonctions de mandataire.
Les attestations des anciens associés relativement à son statut de salarié avec lesquels il entretient des liens étroits ne sauraient avoir valeur probante.
En appel M. [H] pour justifier du caractère réel de son contrat de travail, produit des échanges de courriels avec les associés et soutien l’existence d’un lien de subordination.
Les échanges de courriels avec des clients ou des associés ne permettent pas de caractériser un lien de subordination c’est à dire l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction.
En effet, d’une part, il n’est produit qu’un nombre réduit d’échanges, d’autre part, la teneur des échanges ne sont pas représentatifs d’une situation de subordination, si M. [B] donne des directives à M. [S] [H], il s’agit de directives ponctuelles données dans le cadre de situations particulières. En revanche, la teneur des échanges avec les clients révèle une grande autonomie de M . [S] [H] qui demande notamment à la société [7] de lui adresser un bon de commande.
Il n’est pas non plus justifié de l’exercice par l’employeur de l’exercice d’un pouvoir de contrôle et de sanction, il n’est justifié d’aucun entretien d’évaluation de M. [S] [H].
Enfin, la circonstance que M. [S] [H] ait été autorisé à bénéficier du dispositif du contrat de sécurisation professionnelle ne constitue pas une reconnaissance par Pôle Emploi de sa qualité de salarié laquelle a de toute façon été reconnue pour la période où M. [S] [H] n’occupait plus aucun mandat social soit du 15 février 2020 au 31 juillet 2020.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] [H] de toutes ses demandes.
Sur les frais du procès
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
M. [S] [H] sera débouté de ses demandes d’indemnité de procédure et condamné au paiement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour
Y ajoutant
Condamne M. [S] [H] aux dépens d’appel ;
Condamne M. [S] [H] à payer à Pôle Emploi Hauts-de-France une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille