Parts sociales : décision du 12 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03513

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Parts sociales : décision du 12 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/03513
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2ème Chambre

ARRÊT N°230

N° RG 20/03513

N° Portalis DBVL-V-B7E-QZZN

(1)

M. [K] [V] [X]

SCI [J]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTIQUE VENDEE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me LE QUERE

– Me NAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mars 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [K] [V] [X]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10] (Syrie)

[Adresse 8]

[Localité 4]

S.C.I. [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Tous représentés par Me Claire LE QUERE de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous représentés par Me Priscilla LEBLE-DAYCARD, plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTIQUE VENDEE

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Louis NAUX de la SELARL L.R.B. AVOCATS CONSEILS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat du 2 août 2015, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée (le Crédit agricole) a consenti à la SCI [J] (la SCI) un prêt de trésorerie de 445 000 euros à taux révisable, remboursable en 15 annuités de 38 995,23 euros, outre la prime d’assurance emprunteur de 118,63 euros.

Par acte sous signature privée du même jour annexé au contrat, M. [K] [X], gérant de la SCI, s’est porté caution solidaire de cet emprunt dans la limite de 578 000 euros.

Prétendant que les échéances de remboursement étaient restées impayées à compter d’octobre 2017, le prêteur s’est, par lettres recommandées du 4 juillet 2018, prévalu de la déchéance du terme et a mis la caution en demeure d’honorer son engagement de caution.

Puis, par acte du 16 octobre 2019, il a fait assigner la SCI et M. [X] en paiement devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Nantes.

Par jugement réputé contradictoire du 2 juillet 2020, le premier juge a :

condamné solidairement la SCI et M. [X] à payer au Crédit agricole les sommes principale de 421 869,67 euros, avec intérêts au taux révisable prévu au contrat de prêt à compter du 4 juillet 2018, et de 29 530,86 euros au titre de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 2018,

dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du 16 octobre 2019 produiront intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil,

condamné la SCI et M. [X] in solidum aux dépens,

ordonné l’exécution provisoire de l’ensemble des dispositions qui précèdent,

débouté les parties de leurs autres demandes.

La SCI et M. [X] ont relevé appel de cette décision le 3 août 2020, pour demander à la cour de :

à titre principal, dire nulles les assignations délivrées à M. [X] et à la SCI,

par voie de conséquences, dire nul le jugement attaqué,

le Crédit agricole à mieux se pourvoir,

à titre subsidiaire, si les engagements de caution étaient reconnus valides, prononcer la déchéance des intérêts et pénalités de retard en application de l’article L. 341-6 du code de la consommation,

accorder à M. [X] et à la SCI un délai de deux ans à compter de l’arrêt à intervenir pour régler la dette,

dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

statuer ce que de droit quant aux dépens.

Le Crédit agricole conclut quant à lui au débouté des prétentions adverses et à la confirmation de la décision attaquée, et sollicite en outre la condamnation de la SCI et de M. [X] au paiement d’une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la SCI et M. [X] le 20 février 2023, et pour le Crédit agricole le 8 février 2023, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 février 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la nullité des assignations

L’assignation a été délivrée à la SCI le 16 octobre 2019 au siège de la société, sis [Adresse 2], mais, personne n’y étant présent selon l’huissier, l’acte a été signifié, conformément à l’article 656 du code de procédure civile, par conservation d’un copie à l’étude de l’huissier.

Au soutien de leur demande d’annulation de cet acte, la SCI et son gérant font valoir que, l’immeuble abritant un hôtel quatre étoile, il serait impossible que l’huissier n’ait trouvé personne lorsqu’il s’est présenté.

Cependant, il est constant que l’adresse à laquelle s’est présenté l’huissier était bien celle du siège sociale de la SCI, l’officier public instrumentaire indiquant par surcroît avoir eu confirmation de cette adresse par contact téléphonique avec M. [X], gérant de la SCI, le jour même.

L’huissier ajoute que, la signification à destinataire s’avérant impossible et en l’absence de toute personne présente capable ou acceptant de recevoir l’acte, il a été procédé selon les formalités de l’article 656 du code de procédure civile.

Les appelants prétendent la mention du procès-verbal selon laquelle ‘personne n’est présent’ serait ‘problématique’ et ‘inconcevable’, dès lors que la réception de l’hôtel ‘Le Colisée’ situé à la même adresse que le siège de la SCI serait ouverte 24 heures sur 24.

Pourtant, les mentions de l’acte énoncées par l’huissier lui-même font foi jusqu’à inscription de faux.

Or, la SCI et M. [X] n’ont pas mis en oeuvre de procédure d’inscription de faux relativement à cet acte, et n’offrent au demeurant pas même d’apporter la preuve contraire, se bornant à alléguer que les mentions de l’huissier seraient inconcevables.

Au surplus, l’hôtel est exploité par une société tierce, et ses collaborateurs n’avaient donc pas qualité pour recevoir un acte destiné à la SCI, sauf pouvoir dont l’existence n’est nullement avérée.

Par ailleurs, l’assignation destinée à M. [X] a été délivrée le 16 octobre 2019 au domicile de celui-ci, l’huissier mentionnant y avoir rencontré son épouse, Mme [Y] [X], qui a accepté de recevoir pour son compte l’enveloppe contenant copie de l’acte.

Ce dernier fait valoir, au soutien de sa demande d’annulation de l’acte, que l’huissier aurait ‘trop rapidement’ remis son acte à son épouse, sans accomplir les diligences nécessaires pour parvenir à une remise à personne.

Pourtant, il est constant que l’huissier s’est bien présenté au domicile du destinataire, situé [Adresse 7], et l’officier public instrumentaire indique n’avoir pu, lors de son passage, obtenir de précisions suffisantes sur le lieu où rencontrer M. [X].

Il n’y a donc pas matière à annulation des assignations destinées à la SCI et à M. [X].

Sur la disproportion de l’engagement de caution

Aux termes de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à ses obligations au moment où elle est appelée.

Il ressort à cet égard de la fiche de renseignements patrimoniaux annexée au contrat de prêt et établie le 16 avril 2015 par M. [X] que celui-ci a déclaré bénéficier de revenus de 5 000 euros et de charges mensuelles de 2 400 euros, être propriétaire de sa résidence principale d’une valeur de 550 000 euros et d’un immeuble à usage locatif d’une valeur de 430 000 euros financées au moyen d’emprunts dont les capitaux restant dus étaient alors de, respectivement, 376 000 euros et 150 000 euros, et disposer enfin d’une épargne de 50 000 euros mais être déjà engagé en qualité de caution à hauteur de 400 000 euros.

Il en résulte son encours de cautionnement était porté par l’opération litigieuse à 978 000 euros (400 000 + 578 000) et que l’actif patrimonial net déclaré par la caution était de 504 000 euros (550 000 – 376 000 + 430 000 – 150 000 + 50 000).

Ces renseignements n’avaient pas, sauf anomalies apparentes pour la banque, à être vérifiés par cette dernière, qui n’avait pas davantage à prendre en compte l’accroissement des encours de crédit et de cautionnement postérieurs à l’engagement de caution litigieux du 2 août 2015.

Par ailleurs, le Crédit Agricole fait valoir à juste titre qu’il doit aussi être tenu compte, pour apprécier la disproportion d’un engagement de caution, de la valeur des parts sociales détenues par la caution, appréciées en tenant compte de l’ensemble des éléments d’actif de ces sociétés, ainsi que des créances inscrites en comptes courants d’associé.

Or, M. [X] est l’associé unique de la société MAS, holding de son groupe dont le capital social nominal est de 115 000 euros, et il détient, personnellement ou au travers de cette holding, la totalité des parts de la SCI [J] ainsi que, personnellement ou au travers de la SCI [J], d’une SCI Philmer, propriétaire des murs de l’hôtel quatre étoile ‘Le Colisée’ mis en vente en décembre 2019 au prix de 6 451 200 euros selon le mandat produit par les appelants.

Il détient aussi des parts dans les SCI Malyhs et Investissements immobiliers [X], et est aussi le gérant et l’associé de la société Monseigneur qui exploite un fonds de commerce de restaurant à Nantes et a réalisé en 2016 un chiffre d’affaire de 581 000 euros.

Il s’évince de ce qui précède que M. [X], qui ne s’explique pas clairement sur la valeur de ses diverses participations au moment de son engament du 2 août 2015 et se borne à invoquer les difficultés financières des sociétés de son groupe en 2019, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la disproportion de son encours de cautionnement à ses biens et revenus à cette date.

Sur la déchéance du droit du prêteur aux intérêts

M. [X] sollicite la déchéance du droit du prêteur aux intérêts de la banque, auquel il reproche, sur le fondement exclusif de l’article L. 341-6 devenu L. 333-2 et L. 341-6 du code de la consommation, un manquement à son obligation d’information annuelle de la caution.

Il ressort à cet égard de ce texte, applicable aux situations consommées avant le 1er janvier 2022, que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, à défaut de quoi la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

En l’occurrence, le Crédit agricole se borne à produire les copies des courriers d’information qu’il prétend avoir adressés à M. [X], mais il ne prouve pas les avoir effectivement envoyés.

Il sera par conséquent, dans ses rapports avec M. [X], déchu de son droit à l’indemnité de défaillance et aux intérêts contractuel de retard.

Sur la créance de la banque

Selon le contrat, le tableau d’amortissement et le décompte de créance annexé au courrier de déchéance du terme du 4 juillet 2018, il était dû au Crédit agricole à cette date :

48 039,68 euros au titre des échéances échues impayées (dont 24 110,58 euros en capital),

397 759,09 euros au titre du capital restant dû,

31 328,98 euros au titre de l’indemnité de défaillance de 7 % des sommes dues.

Constatant que la banque renonçait à réclamer le paiement de la part en intérêts des échéances échues impayées et que, de ce fait, l’assiette de l’indemnité de défaillance s’en trouvait réduite d’autant, le premier juge a à juste titre condamné la SCI au paiement de la somme de 421 869,67 euros en principal (397 759,09 + 24 110,58), avec intérêts de retard au taux contractuel révisable à compter du 4 juillet 2018, et celle de 29 530,88 euros au titre de l’indemnité de défaillance, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018.

Compte tenu de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts de retard et pénalité, la condamnation de M. [X] sera cependant ramenée au seul principal de 421 869,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2018.

Sur le délai de grâce

Il n’y a pas matière à accorder un délai de grâce à la SCI et à M. [X], ceux-ci ayant déjà bénéficié des larges délais de la procédure et la créance étant à présent ancienne.

6

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole l’intégralité des frais exposés par lui à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 2 000 euros euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Rejette la demande d’annulation des assignations et du jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes ;

Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a condamné M. [X] au paiement des intérêts au taux révisable prévu au contrat de prêt sur la somme principale 421 869,67 euros ainsi que d’une somme de 29 530,86 euros au titre de la clause pénale ;

Prononce la déchéance du droit de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée aux intérêts contractuels de retard et pénalité ;

Condamne M. [K] [X] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée, solidairement avec la SCI [J], la somme de 421 869,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018 ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne solidairement la SCI [J] et M. [K] [X] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement la SCI [J] et M. [K] [X] aux dépens d’appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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