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N° RG 22/01618 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LKW6
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
la SELARL AEGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 11 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG 2019J00240)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 12 janvier 2022
suivant déclaration d’appel du 20 avril 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. PS PACK agissant poursuites et diligences de ses représentants
légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Christian BORNE, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. SBCMJ mandataire judiciaire, pris en son établissement sis à [Adresse 5], représentée par Maître [D] [S], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société VJ PACK, société à responsabilité limitée à associé unique au capital de 100.000 €, ayant son siège social à [Adresse 4], immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 514 698 257, fonctions auxquelles elle a été nommée par jugement du Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE en date du 8 avril 2019, ayant converti le redressement judiciaire de la société VJ PACK en liquidation judiciaire,
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 février 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller,qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société VJ Pack a été constituée le 31 aout 2019 par [E] [T] et [I] [R], chacun détenant 50% du capital social, avec pour objet social la conception et la réalisation d’emballages de luxe pour le compte de clients prestigieux.. Les fonctions de gérant de cette société ont été occupées successivement par [E] [T] jusqu’au 15 septembre 2010, par [I] [R] du 16 septembre 2010 au 30 avril 2013, puis à nouveau par [E] [T] à compter du 1er mai 2013. Monsieur [R] est resté associé de la société VJ Pack jusqu’au 31 mars 2015, date à laquelle il a cédé l’intégralité de ses parts sociales à [E] [T].
2. En parallèle de leur association au sein de VJ Pack, monsieur [T] et monsieur [R] ainsi que l’épouse de ce dernier, ont créé le 31 août 2011 une société PS Pack avec sensiblement le même objet social et la même adresse que cette dernière. Monsieur [R] exerce depuis l’origine les fonctions de gérant de cette société.
3. Selon l’extrait du grand livre provisoire de la société VJ Pack, d’importantes facturations ont été comptabilisées sur la société PS Pack au titre de travaux de sous-traitance. Par ailleurs, la société VJ Pack a porté dans sa comptabilité certaines charges qu’elle aurait réglées pour le compte de la société PS Pack, comme des salaires, des loyers, le paiement de fournisseurs. La société PS Pack s’est ainsi retrouvée débitrice de 91.046.96 euros envers la société VJ Pack selon ce compte provisoire.
4. Par jugement du 8 février 2018, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société VJ Pack, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 8 avril 2019.
5. Dans l’intervalle, la société VJ Pack a mis en demeure la société PS Pack de régler la somme de 91.046.96 euros dont elle était redevable, sans effet.
6. Par assignation délivrée le 18 septembre 2019, la Selarl [D] [S], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société VJ Pack, a demandé au tribunal de commerce de Romans sur Isère de condamner la société PS Pack à lui régler la somme de 91.046,96 euros en principal.
7. Par jugement du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a’:
– condamné La société PS Pack à payer à la Selarl [S], liquidateur judiciaire de la société VJ Pack, la somme de 44.716,47 Euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2019′;
– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile’;
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de ce jugement’;
– rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires;
– liquidé les dépens visés à l’article 701 du code de procédure civile à la somme de 64,23 euros HT et de 12,85 euros de TVA soit la somme de 77,08 euros TTC pour être mis à la charge de la société PS Pack.
8. La société PS Pack a interjeté appel de cette décision le 20 avril 2022, en ce qu’elle a condamné la société PS Pack à payer à la Selarl [S], liquidateur judiciaire de la société VJ Pack, la somme de 44.716,47 Euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2019.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 9 février 2023.
Prétentions et moyens de la société PS Pack’:
9. Selon ses conclusions remises le 6 juillet 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L 110-4 du code de commerce, 2224 du code civil’:
– de recevoir son appel’;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la concluante à payer à la Selarl [S], liquidateur judiciaire de la société VJ Pack, la somme de 44.716,47 euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 07 janvier 2019 ;
– statuant à nouveau, de constater que la Selarl [D] [S] ne justifie pas sa demande ;
– en conséquence, de débouter la Selarl [D] [S] de sa demande en paiement’;
– de condamner la Selarl [D] [S] à payer à la concluante la somme de 4.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
– de condamner la Selarl [D] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle expose’:
10. – que si le tribunal a retenu que les actionnaires des deux sociétés étaient les mêmes, de sorte qu’ils connaissaient la situation comptable, cependant cette communauté d’actionnaires a cessé le 31 mars 2015 suite à la cession des parts de la société PS Pack par monsieur [T] à monsieur et madame [R]’; que postérieurement, les associés de la société PS Pack ne connaissaient pas la situation comptable de la société VJ Pack’; que l’attestation de l’expert-comptable du 10 mars 2017 a été établie par la société VJ Pack et n’a été communiquée à la concluante que le 7 janvier 2019′; que les extraits du grand livre ayant servi à la rédaction de cette attestation n’étaient que des extraits du grand livre provisoire, et n’étaient corroborés par aucune facture ou pièce comptable’;
11. – que le tribunal n’a pas pris en compte la prescription de la créance de la société VJ Pack pour 48.114,17 euros’; que si cette dernière a reconnu l’irrecevabilité de sa demande en paiement pour 46.330,49 euros, cependant l’assignation ayant été délivrée le 18 septembre 2019, toutes les créances antérieures au 18 septembre 2014 sont prescrites, pour un total de 48.114,17 euros’; qu’il en résulte un écart de 1.813,68 euros’;
12. – que les demandes ne reposent que sur une attestation tirée d’un grand livre provisoire, alors qu’il appartient au créancier de communiquer les factures justifiant les écritures fondant sa demande le paiement’; que quatre écritures concernent des virements effectués par la société VJ Pack à une société CFS, outre une facture de régularisation, pour un total de 39.079,82 euros, alors qu’il appartient au liquidateur de justifier de la réalité de ces écritures’;
13. – qu’il existe une discordance concernant le paiement d’un chèque de loyer, puisqu’il est enregistré pour 1.800 euros dans le compte PS Pack, alors que le relevé du compte de la société VJ Pack indique que ce montant est de 2.160 euros, ce qui démontre que le grand livre provisoire n’est pas fiable et que l’attestation de l’expert-comptable est dénuée de valeur probante, d’autant que la société d’expertise comptable a changé pour les comptes arrêtés au 31 décembre 2015, de sorte que monsieur [N], expert-comptable, n’a pu valablement attester au sujet de ces comptes.
Prétentions et moyens de la Selarl SBCMJ, représentée par maître [S], liquidateur judiciaire de la société VJ Pack’:
14. Selon ses conclusions remises le 6 octobre 2022, elle demande à la cour, au visa de l’ancien article 1134 du code civil (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux)’:
– de dire et juger la concluante recevable et bien fondée en ses demandes’;
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’;
– de débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes’;
– de condamner en conséquence la société PS Pack à régler à la concluante la somme de 44.716,47 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 janvier 2019′;
– de condamner la société PS Pack à verser à la concluante la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner la société PS Pack aux entiers dépens de l’instance.
Elle énonce’:
15. – concernant la prescription, qu’il n’est pas contesté qu’une partie de la créance est prescrite pour un total de 46.330,49 euros’; que le tribunal n’a commis aucune erreur concernant la fixation du montant de la créance résiduelle’;
16. – concernant la justification des sommes réclamées, que monsieur [N] était l’expert-comptable des deux sociétés et ainsi légitime à attester du montant de la créance’; que c’est ainsi l’expert-comptable de l’appelante qui atteste des sommes qu’elle doit’; qu’il a établi la correspondance de la créance dans les comptabilités des deux sociétés’; que monsieur [N] était salarié du cabinet d’expertise comptable au 31 décembre 2015, qu’il n’a quitté qu’en 2016 afin de fonder son propre cabinet Fidem Expertise Comptable’;
17. – que les sommes réclamées correspondent soit à des factures de vente, soit à des sommes réglées pour le compte de l’appelante’; qu’il appartient à l’appelante de produire sa propre comptabilité.
*****
18. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
19. Selon le jugement déféré, les actionnaires des deux sociétés VJ Pack et PS Pack connaissaient les situations comptables des deux sociétés puisque leurs actionnaires sont les mêmes. L’attestation de l’expert-comptable faisant état de la créance totale a été établie le 10 mars 2017, alors que la procédure de redressement judiciaire de la société VJ Pack a été ouverte le 8 février 2018 puis convertie en liquidation judiciaire le 8 avril 2019. Entre le 10 mars 2017 et le 8 avril 2019, les actionnaires des sociétés PS Pack et VJ Pack auraient pu à tout moment procéder aux vérifications de l’attestation, des créances qu’elle mentionne mais également les contester ou demander à leur expert-comptable de revérifier ces chiffres issus de la comptabilité et donc de bilans acceptés lors des assemblées générales.
20. Le tribunal a indiqué que cette créance conséquente, connue depuis 2017, établie préalablement à toute procédure collective et par l’expert-comptable choisi par les actionnaires de la société VJ Pack, n’a pas été contestée lorsque le redressement a été converti en liquidation judiciaire, qu’il n’est pas rapporté la preuve de l’inexactitude des extraits de comptes issus de la comptabilité de la société VJ Pack, ni de l’attestation de leur expert-comptable, qu’en outre, cette attestation n’a pas été contestée par les actionnaires de l’époque.
21. La cour constate, concernant la prescription, que l’assignation a été délivrée le 18 septembre 2019, de sorte que toute demande portant sur des sommes dues antérieurement au 18 septembre 2014 est prescrite. Ainsi que soutenu par l’appelante, les créances représentant un total de 48.144,17 euros sont effectivement prescrites, en raison des dates figurant dans le grand livre des comptes généraux (provisoire) de la société VJ Pack.
22. Concernant la preuve des autres créances revendiquées par le liquidateur de la société VJ Pack, sa demande en paiement repose sur l’extrait du grand livre provisoire concernant le compte de la société PS Pack, répertoriant les opérations de débits et crédits, imprimé le 26 avril 2019. Aucune pièce concernant les opérations mentionnées dans ce compte n’est produite, comme des factures ou des tickets de caisse concernant des dépenses réglées par la société VJ Pack pour le compte de la société PS Pack. En raison de la date d’édition de cet extrait, le tribunal n’a pu retenir que la créance était connue depuis l’année 2017.
23. Si monsieur [N], expert-comptable au sein du cabinet Fidem Expertise Comptable, a attesté le 10 mars 2017 que la somme de 91.046,96 euros portée au débit de la société PS Pack apparaît réciproquement dans les comptes des deux sociétés, le compte de la société PS Pack n’est pas produit, ce qui ne permet pas de vérifier le bien fondé de cette attestation. Cette attestation est en outre antérieure à la date de l’édition de l’extrait du grand livre provisoire. Aucune pièce ne permet en outre de constater que monsieur [N] a été l’expert-comptable des deux sociétés alors que la valeur probante de son attestation est contestée par la société PS Pack. Les relevés des comptes bancaires de la société VJ Pack ne permettent pas de caractériser le bien fondé des opérations figurant dans le grand livre provisoire.
24. Il en résulte que la demande en paiement ne repose que sur un extrait provisoire d’un compte du créancier, établi unilatéralement, non approuvé par un expert-comptable de la société à la date de son édition, et fondé sur aucune pièce comptable. Ainsi que soutenu par l’appelante, la réalité de ces écritures n’est pas justifiée. L’intimée ne rapporte pas la preuve de sa créance au sens de l’article 1353 du code civil, alors que la charge lui incombe. Le fait que les deux sociétés aient eu, à une époque, une communauté d’associés, est sans effet concernant la réalité des opérations comptabilisées. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu’être infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement du liquidateur judiciaire. Statuant à nouveau, la cour déboutera l’intimée de sa demande en paiement.
25. Succombant devant cet appel, l’intimée sera condamnée à payer à la société PS Pack la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel, la déclaration d’appel de la société PS Pack n’ayant pas porté sur les dépens mis à sa charge par le tribunal de commerce.