Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04876

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Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04876
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°38/2024

N° RG 20/04876 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q7OO

Mme [V] [E]

C/

SAS COPY CONCEPT, C PRO OUEST

Copie exécutoire délivrée

le :01/02/2024

à : Me TARDY-JOUBERT

Me LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Octobre 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [W] [R] médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 21 Décembre 2023, au 18 Janvier 2024 puis au 25 Janvier 2024

****

APPELANTE :

Madame [V] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Inès TARDY-JOUBERT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Renaud GISSELBRECHT, Plaidant, avocat au barreau de LAVAL

INTIMÉE :

SAS COPY CONCEPT, C PRO OUEST Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Lysiane KARKI de la SELARL 08H08 AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D’ANGERS

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE,Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Copy Concept dont le siège social est situé à [Localité 5] (35) a pour activité la vente de matériels bureautiques. Elle applique la convention collective nationale du commerce de détail de papeterie, de fourniture de bureau et informatique et de librairie.

Le 1er septembre 1997, Mme [V] [E] a été embauchée en qualité de VRP Monocarte dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée par la SAS Copy concept. Affectée à l’agence de [Localité 6] (53), la salariée était chargée de la représentation et la vente des photocopieurs, télécopieurs et systèmes de connexion informatique pour la société Copy Concept et se voyait attribuer le secteur Sud 53 [Localité 8].

Sa rémunération était composée d’un salaire fixé égal au SMIC et d’une rémunération variable correspondant à diverses primes.

Par avenant du 1er octobre 1998, elle a bénéficié d’un changement de son secteur d’activité recouvrant la totalité du département de la Mayenne.

Le 12 février 2013, Mme [E] a été reconnue travailleur handicapé à compter du 31 août 2012.

Durant la relation contractuelle, les parties ont conclu divers avenants relatifs au plan de commissionnement, au calcul des primes, au remboursement de frais.

En dernier lieu, le salaire fixe de Mme [E] a été fixé à la somme de 1 930 euros brut par mois par avenant du 23 mai 2016 avec effet rétroactif au 1er mai 2016.

Au mois de septembre 2016, les parts sociales de la société Copy Concept , détenues par M.[K] unique actionnaire, ont été cédées à la société C’Pro Ouest.

Des tensions sont apparues avec la nouvelle direction de la société C’Pro à partir du mois d’avril 2017 lorsque l’employeur a soumis à Mme [E] le nouveau plan de commissionnement qu’elle a refusé de signer en contrepartie de l’abandon du statut de VRP contre celui d’attachée commerciale.

Le 2 février 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu’au 10 avril 2018.

Lors de la visite de reprise organisée le 11 avril 2018, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude de Mme [E] en précisant que ‘tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.

Le 30 avril 2018, la société C’Pro a indiqué à la salariée, suite à la consultation des délégués du personnel, l’impossibilité de procéder à son reclassement au regard des conclusions du médecin du travail.

Le 2 mai 2018, la SAS Copy concept a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 14 mai suivant.

Le 22 mai 2018, elle s’est vue notifier son licenciement pour inaptitude sans possibilité de reclassement.

Par lettre recommandée datée du 1er juin 2018, la SAS Copy concept a informé Mme [E] qu’elle entendait ne pas la dispenser de l’exécution de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, sauf à la réduire à une durée d’un an comme la convention l’y autorise ; qu’elle lui versera la contrepartie financière aux échéances normales.

S’agissant de l’indemnité spéciale de licenciement VRP, l’employeur a précisé qu’il était opposé au versement de cette indemnité en application de l’article 14 alinéa 1er de la convention collective nationale des représentants.

Le 22 juin 2018, Mme [E] a contesté le motif de son licenciement et sollicité le versement de diverses indemnités.

Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes le 28 décembre 2018 et a présenté les demandes en paiement suivantes à l’égard de la SAS Copy Concept :

– Indemnité compensatrice de préavis : 18 259,62 euros

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 95 000 euros

– Dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral subi : 25 000 euros

– Manque à gagner au titre du versement de la prévoyance CERAP pendant l’arrêt maladie : 1778,03 euros

– Dommages-intérêts au titre de la perte financière allocation retour à l’emploi : 12 264 euros

– Indemnité de clientèle : 120 000 euros

– Rappel de commissions : 1 152 euros

– Congés payés afférents : 115,20 euros

– Congés payés rappel : 16 305,77 euros

– Rappel d’indemnité de non concurrence 2812,85 euros par mois pendant un an : 33 754,20 euros

– Indemnité de non-concurrence 4 463,46 euros par mois pendant un an: 53 561,52 euros

– Article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

– Ordonner la rectification des documents de rupture

– Rectification de l’abattement des frais professionnels sur les 2 dernières années

– Ordonner l’exécution provisoire du jugement

La SAS Copy concept s’est opposé aux demandes de la salariée et a sollicité :

– le remboursement du trop perçu avec intérêts de droit : 3 856,59 euros

– le remboursement de la différence entre l’indemnité spéciale de rupture et l’indemnité de clientèle lorsqu’elle sera chiffrée

– le paiement d’un article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

Par jugement en date du 24 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Dit et jugé que le licenciement de Mme [E] pour inaptitude est justifié.

– Débouté Mme [E] de toutes ses demandes.

– Condamné la SA Copy Concept à payer à Mme [E] la somme de 1 074,09 euros au titre de l’indemnité de congés payés restant due avec la remise d’un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés à compter du prononcé du jugement.

– Débouté la SA Copy concept de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Mis les dépens à la charge de la SA Copy concept y compris les frais éventuels d’exécution.

Mme [E] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 12 octobre 2020.

La SASU C Pro Ouest a précisé qu’elle intervenait aux droits de la société Copy Concept et qu’elle avait la dénomination commerciale de Koesio Ouest.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 15 mai 2023, Mme [E] demande à la cour de :

– Infirmer la décision entreprise

– Débouter la société C’Pro de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris de son appel incident,

– Dire et juger nul le licenciement intervenu, subsidiairement le dire sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société C’Pro à lui verser les sommes suivantes:

– 1 581,93 euros de dommages et intérêts au titre du manque à gagner des prestations CERAP

– 1 121,54 euros au titre du maintien de salaire

– 891,98 euros au titre du rappel de commissions

– 16 305,77 euros de rappel de congés payés

– 95 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

– 18 259,62 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 1 825,96 euros d’indemnité de congés payés idoine

– 8 7315,72 euros au titre de l’indemnisation de la clause de non-concurrence

– 120 000 euros au titre de l’indemnité de clientèle

– 16 490,70 euros au titre du manque à gagner Pôle Emploi

– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner la société C’Pro, sous astreinte de 100 euros par jour, à lui adresser les documents Pôle Emploi et bulletin de salaire rectifiés.

– Condamner la même aux entiers dépens.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 14 juin 2023, la SASU Pro Ouest , venant aux droits de la société Copy Concept, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– Débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes à ce titre,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Copy concept à payer 1 074,09 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés,

– Ordonner le remboursement de la somme de 1 074,09 euros bruts au titre de rappel de l’indemnité de congés payés,

En tout état de cause :

– Débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– Condamner Mme [E] au paiement des sommes suivantes :

– 5 000 euros au profit de la société Copy concept, au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1222-1 du code du travail, au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive, tenant compte du passif de la salariée,

– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 26 septembre 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 24 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les dommages intérêts correspondant aux indemnités prévoyance CERAP durant son arrêt maladie

Mme [E] maintient sa demande de dommages et intérêts de 1 581,83 euros en réparation du préjudice lié à l’absence de versement des indemnités complètes de prévoyance CERAP lorsqu’elle était en arrêt maladie entre le 2 février 2018 et le 10 avril 2018, en ce qu’elle a perçu la somme de 3 856,57 euros au lieu de celle de 5 438,50 euros, l’employeur ayant minoré son salaire annuel de référence déclaré auprès de l’organisme de prévoyant et ayant transmis le dossier de manière tardive.

Elle demande l’infirmation du jugement ayant rejeté sa demande sans examiner ses pièces.

La société C’Pro venant aux droits de la société Copy Concept s’oppose à cette demande au motif que la salariée a été remplie de ses droits et que la preuve de la carence de l’employeur dans la gestion du dossier n’est pas rapportée. A l’inverse, la salariée n’a pas fourni dans les délais nécessaires les justificatifs permettant à la CERAP de verser les indemnités correspondantes.

La salariée verse aux débats :

– les conditions du contrat collectif de prévoyance CERAP souscrit par la société pour le compte des VRP (pièce 97)

– un tableau récapitulatif de sa rémunération annuelle brute 66 575,51 euros février 2017/janvier 2018) servant de référence au calcul des indemnités journalières qui lui sont dues à partir de son arrêt de travail pour maladie du 2 février 2018 (pièce 101)

– un décompte des indemnités dues durant son arrêt maladie entre le 2 février 2018 et le 25 mai 2018, au titre du contrat de prévoyance CERAP (pièce 102) faisant apparaître un différentiel de 1 581,93 euros au détriment de la salariée compte tenu de la minoration du salaire annuel déclaré par l’employeur (52 340,39 euros au lieu de 66 575,51 euros ).

Force est de constater que l’employeur ne fournit aucune explication cohérente concernant la minoration de la rémunération annuelle perçue par la salariée au cours des 12 mois précédant son arrêt de travail du 2 février 2018, ce qui est de nature à entraîner des indemnités minorées au titre de la prévoyance souscrite pour le compte de Mme [E], dont les décomptes précis sont conformes aux conditions du contrat de prévoyance.

La carence de l’employeur à déclarer la rémunération annuelle de la salariée est à l’origine du préjudice financier subi par l’appelante qui est en conséquence bien fondée à obtenir la somme de 1 581,93 euros à titre de dommages intérêts lié au versement incomplet des indemnités prévoyance, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les dommages intérêts lié à l’absence de maintien de salaire durant l’arrêt maladie

Mme [E] sollicite le paiement de 1 121,54 euros liée à l’absence de garantie conventionnelle durant son arrêt de travail du fait de l’employeur qui a minoré le revenu annuel de la salariée (66 575,51 euros) servant de référence aux indemnités journalières et qui n’a pas assuré le maintien de salaire durant la période du 11 avril 2018 au 22 mai 2018.

La société intimée a conclu au rejet de la demande mais n’a articulé aucun moyen opposant.

Mme [E] verse aux débats :

– l’extrait de la convention collective nationale des VRP ( pièce 103) assurant le maintien de salaire du VRP en cas de maladie ou d’accident de trajet prévoyant pour une salariée de 20 ans d’ancienneté , le versement par l’employeur de 1/60ème , soit le maintien du salaire à 50 % du salaire moyen des 12 derniers mois précédant l’arrêt de travail, et à compter du 11ème jour (carence 10 jours) et durant un délai de 90 jours.

– un décompte (pièce 102) des indemnités dues durant son arrêt maladie entre le 2 février 2018 et le 25 mai 2018, au titre de la garantie conventionnelle de maintien de salaire (pièce 102) faisant apparaître un différentiel de 1 121,54 euros au détriment de la salariée compte tenu de la minoration du salaire annuel déclaré par l’employeur (52 340,39 euros au lieu de 66 575,51 euros).

– l’attestation de salaire établie le 23 février 2018 par l’employeur pour le paiement des indemnités journalières servies à Mme [E] , représentant un salaire annuel déclaré de 52 020,69 euros brut pour les 12 mois précédant l’arrêt de travail du 2 février 2018 (Pièce 104)

L’employeur ne fournit aucune explication sérieuse sur le fait qu’il a transmis à l’organisme social une déclaration minorée des revenus de Mme [E] servant de base de calcul aux indemnités journalières pour la période antérieure à l’arrêt de travail du 2 février 2018. Les éléments fournis par la société C’PRO et notamment le courriel du courtier CERAP (pièce 34) expliquant attendre des justificatifs de la part de Mme [E] concernant le montant de ses droits Pôle Emploi sont totalement inopérants sur la période litigieuse antérieure à la notification du licenciement du 22 mai 2018. Il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement de Mme [E] à concurrence de la somme de 1 121,54 euros , par voie d’infirmation du jugement.

Sur le rappel de commissions

Mme [E] maintient sa demande en paiement d’un rappel de commissions de 891,98 euros outre les congés payés , dont elle a été déboutée. Elle fait valoir que sur la demande initialement présentée en première instance de 1 152 euros, l’employeur lui a réglé 260 euros au titre des commissions générales dues en décembre 2017 de sorte qu’il reste dû 891,98 euros brut correspondant aux commissions dues sur marge des mois de juin, septembre et novembre 2017. Elle explique ce rappel par la déduction effectuée de manière irrégulière par l’employeur de frais de conditionnement plus élevés, soit 1000 euros au lieu de 460 euros, sans l’accord de la salariée alors qu’il s’agissait d’une modification substantielle de contrat de travail.

La société C’Pro concluant au rejet de la demande fait valoir qu’une régularisation des commissions a été effectuée sur le bulletin de salaire de février 2018 pour la somme de 1 770,29 euros, dont une partie (647,60 euros) correspondant au reliquat de l’année 2017 faute pour la salariée d’avoir transmis sa demande de régularisation avant la clôture de janvier 2018.

La salariée verse aux débats:

– un courriel du 21 novembre 2017 à M.[I], son N+1, s’inquiétant de la volonté du dirigeant M.[J] qui ‘ veut déduire 1000 euros de frais de reconditionnement sur ses matériels reconditionnés vendus alors que dans son plan de rémunération, il était convenu de déduire 460 euros ‘. Elle sollicite l’application de son contrat de travail dans le décompte de ses prochaines commissions ;

– le document de référence pour le calcul de ses commissions fixé par le ‘pay plan’ issu de l’avenant du 16 mai 2005 (pièce 8), d’où il ressort un tableau (annexe 30 page 55) fixant une tarification du forfait de prise en charge pour le matériel reconditionné – en moyenne 460 euros selon le type de matériel- . Ce montant forfaitaire est ainsi déduit de la marge brute de la salariée en cas de vente d’un photocopieur reconditionné selon les termes de l’avenant (article 11 page 13).

– divers courriels échangés en novembre et décembre 2017 avec Mme [F] Chef de service commercial chargée de procéder au calcul des commissions des fins de mois, Mme [E] s’inquiétant de ne pas recevoir la régularisation du rappel de commissions dues de février à juillet 2017, et de ne pas avoir réceptionné le tableau de suivi des ventes et règlements de septembre à novembre 2017.

– la réponse du 24 novembre 2017 de son supérieur hiérarchique (pièce 57) concernant la revalorisation du forfait des frais de reconditionnement passé de 460 à 1000 euros , estimant que ce forfait ‘n’avait pas de lien avec le plan de rémunération’ de la salariée qui lui rappelait que la base de 460 euros figurait dans son avenant .

– son courriel de réclamation du 15 décembre 2017 (pièce 56) se rapportant aux commissions dues entre février et octobre 2017, suite à la réception du décompte transmis le 13 décembre par l’employeur. La salariée pointe les erreurs et oublis de diverses primes et rappelle qu’en vertu de son plan de commissionnement, les frais de reconditionnement déduits sont fixés à 460 euros et non pas à 1 000 euros.

– la transmission du 12 décembre 2017 d’une note d’information à tous les salariés ‘ pour rappel de la tarification des matériels conditionnés’ (pièce 58), s’agissant de la mise en place d’un nouveau forfait de 540 euros de gestion des matériels reconditionnés, s’ajoutant aux 460 euros de frais de reconditionnement qui sera déduit de la marge commerciale, avec une application à compter du 1er juin 2017.

– un courriel en réponse de Mme [E] s’étonnant de ne jamais avoir reçu une première note d’information précédant ce rappel de tarification du matériel reconditionné,

– la réponse du 20 décembre 2017 de Mme [F] expliquant que la réctualisation de la grille tarifaire du prix d’achat des matériels reconditionnés avait été annoncée verbalement une première fois lors d’une réunion en avril 2017 à [Localité 7] et à nouveau lors de la réunion commerciale en juillet .

– des messages de deux de ses collègues (Mme [C] et M.[O]) disant n’avoir jamais eu de précédente note à ce sujet. Mme [C] observe que les autres commerciaux ayant signé le nouveau Pay Plan , Mme [E] était la seule à avoir conservé le statut de VRP et qu’elle était visée par cette note d’information.

L’employeur ne peut pas sans avoir obtenu l’accord exprès et non équivoque de la salariée apporter des modifications aux éléments de son contrat de travail. L’application de nouveaux frais de gestion des matériels reconditionnés, directement déduits de la marge commerciale à compter du 1er juin 2017, entraîne de fait une réduction du montant des commissions dues à Mme [E]. Elle doit s’analyser comme une modification unilatérale des éléments contractualisés fixés au profit de la salariée. Le fait pour l’employeur de diffuser aux salariés une note d’information de rappel sur les nouvelles conditions tarifaires et la majoration des frais de gestion est inopérante en l’absence d’un accord exprès de Mme [E] sur la modification des éléments de son contrat de travail. Il s’ensuit que la société C Pro n’était pas fondée à déduire des commissions dues à la salariée la somme de 1 000 euros , au lieu de celle de 460 euros prévue dans l’avenant du 16 mai 2005.

Au vu des pièces produites , en l’absence de contestation sérieuse de l’employeur, il sera fait droit à la demande de Mme [E] pour la somme de 891,98 euros au titre du solde des commissions, que la société C Pro sera condamnée à lui payer par voie d’infirmation du jugement.

Sur l’indemnité des jours de congés payés non pris

Mme [E] maintient sa demande en paiement de la somme de 16 305,77 euros au titre d’un rappel de l’indemnité de congés payés non pris entre juin 2015 et mai 2018.

Se fondant sur un avenant lui accordant 9 jours de congés payés supplémentaires par an, par dérogation du droit commun, elle demande l’infirmation du jugement qui a limité sa demande à la somme de 1 074,09 euros au seul motif que cette somme était reconnue par l’employeur. Elle produit un tableau récapitulatif des sommes réclamées, confortées par le calcul d’un expert-comptable mandaté par ses soins.

La société C’Pro s’oppose à cette demande au motif que la salariée a été remplie de ses droits, que l’ancien dirigeant avait octroyé 9 jours de congés payés supplémentaires au profit des VRP lors de la mise en place de 9 jours RTT pour les autres salariés ; que la régularisation de la situation a été faite en septembre 2020 au profit de Mme [E] à la suite du premier jugement au titre de l’indemnité des jours de congés payés; que la salariée déjà indemnisée des 9 jours de congés annuels ne peut pas présenter une nouvelle demande .

Mme [E] verse aux débats :

– un avenant à son contrat de travail signé les 27 mars et 7 avril 2002 ( pièce 64) aux termes duquel la société décide de faire bénéficier Mme [E] de 9 jours supplémentaires de congés payés et ce à compter du 1er juin 2002, à prendre sur la période de référence du 1er juin au 31 mai de l’année suivante.

– un tableau de calcul permettant de déterminer la rémunération globale annuelle servant de référence à l’indemnité d’un jour de congé payé ,

– un tableau récapitulatif ( pièce 72) des indemnités au titre des jours de congés payés non pris entre le 1er juin 2015 et le 22 mai 2018, faisant apparaître une somme due de 16 305,77 euros.

– des courriels du 11 décembre 2017 et du 14 février 2018 interrogeant M.[Z] , DAF de la société

C Pro, la salariée ayant constaté des anomalies persistantes sur le calcul de son ancienneté, et son ses congés supplémentaires .

– la réponse du 14 février 2018 de M.[Z] ( pièce 69) lui répondant que les jours figurent comme des RTT sur ses bulletins de salaire et qu’une régularisation de l’indemnité sur la base de la partie variable de son salaire ne sera effectuée qu’à la fin de la période de référence le 31 mai 2018.

– le décompte transmis le 2 août 2018 par M.[Z] (pièce 68) de la valorisation de 9 jours de RTT pour l’année 2016-2017, représentant une somme erronée de 992,15 euros (en fait le calcul aboutit à 2 556,72 euros.)

– un document établi le 11 mai 2021 par un expert-comptable (pièce 145) procédant au calcul de l’indemnité des jours de congés restant due pour la période en cause (juin 2015-mai 2018) pour un total de 16 850,41 euros. Il critique les bases de calcul – faussées- utilisées par l’employeur pour valoriser les jours de congés supplémentaires dues à Mme [E].

Il appartient à l’employeur , débiteur du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congés payés, d’établir qu’il s’est acquitté de son obligation à l’égard du salarié.

En l’espèce, la société C’Pro se borne de produire un tableau (pièce 35) pour calculer l’indemnité des jours de congés payés non pris par Mme [E] durant la période entre le 1er juin 2015 et mai 2018, faisant apparaître une régularisation de l’indemnité restant due de 1 074,09 euros, versée en septembre 2020 en exécution du jugement. Ce tableau , ni daté ni signé, ne permet de tirer aucune conséquence quant à la preuve de l’exécution de l’obligation de paiement de l’indemnité des jours de congés payés non pris par Mme [E], alors que celle-ci justifie qu’elle bénéficiait durant cette période de 9 jours de congés payés supplémentaires en sus des 25 jours ouvrés de droit commun. L’employeur, qui ne produit pas les bulletins de salaire correspondant à la période en cause, ne fournit aucun élément probant quant au respect de son obligation de paiement envers Mme [E].

A l’inverse, les éléments fournis par la salariée, au travers de l’analyse de l’expert-comptable M.[A] (pièce 145) en date du 11 mai 2021, permettent de remettre en cause la fiabilité du décompte proposé par l’employeur. Ce dernier ne s’explique pas sur la minoration des salaires annuels retenus pour l’année 2017-2018, en omettant certaines commissions dues à la salariée, ni sur le fait qu’il a déduit à tort des jours de congés payés pris en juillet 2015 se rapportant à une période antérieure (3 200,30 euros/2014-2015)

Dans ces conditions, compte tenu du caractère erroné du décompte fourni par l’employeur qui ne rapporte pas la preuve qu’il s’est acquitté de son obligation de paiement, notamment au travers d’éléments comptables et des bulletins de salaire permettant à la cour de procéder aux vérifications nécessaires, il convient de faire droit à la demande en paiement de Mme [E] de 16 305,77 euros au titre de l’indemnité des congés payés non pris conforme aux dispositions contractuelles lui accordant 9 jours de congés payés supplémentaires par an. Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral

Selon l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 du code civil. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [E] soutenant avoir été exposée à un harcèlement moral de son employeur antérieurement à la procédure de licenciement, invoque les faits suivants :

– ses conditions de travail se sont progressivement dégradées à compter d’avril 2017, soit plusieurs mois après la rachat de la société Copy Concept par le société C’Pro en août 2016, lorsque le nouveau dirigeant M.[J] a annoncé la disparition à terme des VRP de l’entreprise et que la salariée va subir des pressions de la nouvelle direction pour abandonner son statut de VRP et accepter un nouveau plan de rémunération s’avérant moins avantageux pour elle,

– à compter de cette date, elle impute à l’employeur des pressions, des fausses promesses voire des menaces.

– elle a constaté qu’à partir de cette période et durant plusieurs mois, ses clients se sont plaints auprès d’elle des difficultés anormales quant à la qualité de service et à l’absence de service-après vente ; qu’elle a rencontré parallèlement des problèmes matériels (copieur), de messagerie et du logiciel commercial CRM Crystal générant des pertes de temps alors qu’elle était seule au sein de l’agence de [Localité 6] et que personne ne lui prêtait main forte.

– les tensions se sont accrues lorsque l’employeur lui a appliqué en décembre 2017 une majoration des frais du matériel reconditionné ayant un impact direct sur sa marge commerciale (1 000 euros), avec un effet rétroactif au 1er juin 2017 au moyen d’une simple note d’information et ce en méconnaissance des dispositions contractuelles prévoyant un forfait de 460 euros.

– elle a alors compris que son employeur cherchait à lui imposer le nouveau plan de commissionnement qu’elle était la seule à avoir refusé de signer puisque ses autres collègues avaient accepté le nouveau Pay Plan avec changement de statut en commercial.

– parallèlement, elle a constaté de multiples erreurs sur ses bulletins de salaires sur sa date d’ancienneté, sur la confusion entre RTT et les 9 jours supplémentaires de congés payés, qu’elle était exclue d’un challenge commercial,

– elle a été contrainte de réclamer à maintes reprises en janvier 2018 le versement du solde de ses commissions de février à octobre 2017 et le tableau de commissionnement depuis novembre 2017.

– confrontée à cette situation, elle s’est retrouvée dans un état d’épuisement physique et moral à l’origine d’un arrêt de travail pour maladie à compter du 2 février 2018, prolongé jusqu’au 10 avril 2018.

– durant son arrêt maladie, la salariée s’est heurtée à des difficultés d’indemnisation faute pour la société d’avoir intégré ses commissions versées en retard dans le calcul de ses indemnités journalières, d’avoir régularisé le dossier de prévoyance.

– elle a alerté le délégué du personnel confirmant avoir reçu les doléances d’autres salariés et avoir été interpellé par l’inspection du travail sur des problématiques de souffrance au travail.

A l’appui de ses dires, la salariée verse aux débats :

– son entretien annuel de développement du 7 juin 2017 avec son responsable M.[I], que Mme [E] est un excellent élément, très professionnelle et impliquée, travaille seule à l’agence de [Localité 6], a une parfaite maîtrise de sa clientèle et de ses produits avec une marge excellent (173 000 euros)

– le témoignage de M.[D], ancien collègue durant 12 ans de Mme [E] décrite comme une commerciale impliquée et acharnée ( pièce 108, rapporte avoir assisté lors d’une réunion le 5 avril 2017 lors de la présentation du nouveau Pay plan à l’échange public de Mme [E] et du nouveau Directeur Général M.[J], qui lui a répondu ‘de manière très sèche qu’il n’avait pas envisagé d’autre plan de rémunération pour les VRP’

– les propositions de La Direction impliquant un nouveau ‘Pay plan’ et l’abandon du statut de VRP présentée le 7 juin 2017 (pièces 109,110) qui ce sont révélées moins avantageuses pour la salariée selon l’étude comparative effectuée par ses soins ,

– les échanges de courriels avec M.[J] des 9, 12 et 14 juin 2017, révélant des points de désaccord de la salariée manifestant son refus de renoncer au statut de VRP. Elle demandait au dirigeant de lui confirmer ses propos de la réunion du 7 juin à savoir qu’il ‘ne ferait pas de proposition à la carte et qu’elle devrait le rencontrer pour une négociation sur un départ éventuel.’

– des échanges de courriels des 31 août et 5 septembre 2017 au cours desquels Mme [E] évoque des pressions exercées par M.[J] le 28 juin, lui disant finalement ‘ne pas vouloir la licencier après avoir consulté un avocat ‘ en raison du coût d’une telle mesure mais ‘qu’ elle allait mourir de sa petite mort à petit feu, et que certaines affaires difficiles ne seraient plus prises en compte même si elle les signait’, ce à quoi le dirigeant répliquait que Mme [E] n’avait subi aucune pression, que toutes les commandes lui seront payées intégralement avec les règles de son Pay Plan et que la salariée ‘reprenait des phrases sorties de leur contexte’.

Concernant le poste de responsable d’agence évoquée avec elle précédemment, il lui indiquait qu’il devait être ‘certain de ses motivations et que certains événéments risquaient de suspendre ce projet et qu’elle en saurait plus à la fin du mois de septembre.’

– de nombreuses plaintes de ses clients à propos de la qualité de service et de l’absence de service après vente du matériel,

– de nombreux courriels échangés à propos des difficultés matérielles persistantes rencontrées dans l’utilisation de sa messagerie, du logiciel Crystal, du phocopieur, malgré ses demandes infructueuses ou des interventions tardives auprès du service technique et de la Direction,

– des échanges de courriers du 24 et 25 novembre 2017 avec son responsable hiérarchique à propos de la majoration des frais de reconditionnement portés de 460 euros à 1 000 euros, malgré les dispositions de son Pay Plan. (pièce 57)

– la diffusion le 12 décembre 2017 de la note d’information pour un rappel de la tarification des matériels reconditionnés, passant de 460 à 1 000 euros à déduire de la marge commerciale, à effet rétroactif au 1er juin 2017.

– son courriel de rappel du 11 décembre 2027 à Mme [F], Chef de service commercial chargée d’établir les régularisations de commissions, à propos de la rectification des commissions de février à juillet 2017 et de l’absence de transmission de son tableau de suivi des ventes et règlements des mois de septembre, octobre et novembre malgré un mail précédant du 6 décembre 2017. Il lui a été transmis le lendemain les documents demandés à l’exception de ceux concernant le mois de novembre 2017.(Pièce 59)

– un courriel du 15 décembre 2017 (pièce 56) contestant l’application du nouveau forfait de 1 000 euros déduit de sa marge commerciale aux lieu et place de 460 euros prévu dans son Pay Plan , représentant un manque à gagner de 562,59 euros pour les commissions de juin 2017 et de 1113,10 euros pour celles de septembre 2017.

– du courrier adressé les 9 janvier 2018 à M.[I] son supérieur hiérarchique et Mme [F] et courrier de rappel du 25 janvier 2018 à M.[I] réclamant à nouveau la communication de ses tableaux de commissionnement des mois de novembre et de décembre 2017. Elle évoque des relances téléphoniques et s’interroge alors que les résultats de tous les commerciaux sont communiqués , sauf les siens, sachant qu’elle est classée 2ème sur 12 commerciaux à fin 2017.

– les courriels échangés en décembre 2017 et février 2018 avec le DAF sur l’absence de versement de l’indemnité des jours de congés payés non pris depuis plusieurs années.

Des échanges ultérieurs confirment que Mme [E], placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 février 2018, a sollicité son employeur pour obtenir une régularisation des salaires déclarés auprès de la CPAM, aux fins de détermination son revenu de référence avant son arrêt de travail ; qu’elle s’est inquiétée, dans son courriel du 19 mars 2018 (pièce 84) du retard pris par l’employeur qui n’avait toujours pas transmis son dossier à l’organisme de prévoyance. La réponse de M.[Z] du 22 mars 2018 (pièce 84) confirmant que l’organisme de prévoyance n’est pas encore saisi du dossier de la salariée , fait valoir que cette situation ne lui est pas préjudiciable, compte tenu du maintien de salaire assuré par l’employeur.

A l’appui de sa demande, elle produit aussi:

– des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant du 2 février 2018 au 19 février, prolongé jusqu’au 25 mai 2018,

– diverses prescriptions d’anxiolytique,

– un courrier de son médecin traitant (pièce 126) confirmant que l’état de sa patiente ne nécessitait jusqu’en 2017 aucun suivi particulier, mais qu’à partir de début 2018, elle a présenté de multiples symptômes ( perte de poids, pleurs..)

Nécessitant un arrêt de travail à compter du 2 février 2018. Elle est suivie régulièrement depuis et se montre très anxieuse par rapport à la procédure en cours.

– l’avis du médecin du travail en date du 11 avril 2018 au terme duquel elle a été déclarée inapte à son poste et que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Les éléments ainsi produits par Mme [E] établissent la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. Il est en effet détaillé des pressions répétées exercées par l’employeur à l’égard de la salariée, en réaction à son refus d’abandonner son statut de VRP et de signer un nouveau plan de rémunération, se traduisant à partir du mois de juin 2017 par une modification unilatérale de sa rémunération au travers de la majoration de frais de gestion impactant directement sa marge commerciale, par la transmission tardive de ses tableaux de suivi de commissionnement, par l’allongement du délai de traitement de ses commissions et de ses indemnités de jours de congés; que le caractère répété des comportements de l’employeur a créé une situation humiliante à l’égard de la salariée, dont les réclamations transmises par messagerie au regard de l’éloignement géographique, n’étaient pas traitées dans des délais habituels , notamment pour les commissions. Durant son arrêt de travail, la salariée établit la défaillance de son employeur alors qu’elle a été confrontée à une minoration de ses revenus du fait de la minoration par l’employeur de son revenu de référence.

Il importe pour l’employeur de prouver que les éléments établis par la salariée étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. Le fait d’imposer à Mme [E], devenue la seule VRP de l’entreprise, des frais supplémentaires impactant directement sa marge commerciale en méconnaissance des dispositions contractuelles n’est pas justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il en est de même pour l’inertie de l’employeur dans la transmission des tableaux de suivi de commissionnement à compter du mois de septembre 2017 et dans la régularisation de commissions, pour laquelle il n’est ni invoqué ni démontré aucun élément étranger au harcèlement moral permettant de l’objectiver.

Dans ces conditions, le harcèlement moral invoqué par Mme [E] est caractérisé et il convient de prononcer par l’effet des dispositions de l’article L 1152-3 du code du travail, la nullité du licenciement pour inaptitude prononcé le 22 mai 2018. Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur les conséquences d’un licenciement nul

Le salarié victime d’un licenciement nul ne sollicitant pas sa réintégration a droit à une indemnité pour licenciement nul, au mois égale à 6 mois de salaire, ainsi que les indemnités de rupture de son contrat de travail.

Mme [E], âgée de 44 ans et bénéficiant d’une ancienneté de plus de 20 ans au moment du licenciement, percevait un salaire moyen de 6 086,54 euros brut par mois. Elle bénéficiait de la reconnaissance de salarié handicapé, depuis 2012, prolongée en 2017. Mère de deux enfants à charge, elle explique avoir rencontré des difficultés sur le marché de l’emploi de sorte qu’elle bénéficiait depuis le 16 juillet 2018 d’indemnités chômage d’un montant allant de 2 535, 18 euros à 2 372,40 euros net par mois (novembre 2019), ce dont elle justifie / pièces 116 et 117). Elle produit un courrier de Pôle Emploi daté du 28 juillet 2020 faisant apparaître qu’elle a déclaré reprendre une activité professionnelle depuis le 15 juillet 2020 (pièce 160) et l’attestation de M.[U] dirigeant de la société Touiller qui dit avoir recruté Mme [E] en CDD au 1er septembre 2020 en qualité de consultante avant vente spécialisé dans les logiciels.

Alors que la société C’Pro soutient que Mme [E] a travaillé depuis son départ au sein du groupe Touillé, ce qui ne résulte pas des pièces produites, force est de constater que l’appelante reste taisante sur sa situation en l’absence de justificatifs sur ses revenus et/ou indemnités chômage perçus depuis le premier semestre 2020 et sur la stabilisation de son emploi au sein de la société Touiller.

Il résulte de ces éléments que le préjudice subi en conséquence de la perte injustifiée de son emploi lié au licenciement nul pour harcèlement moral sera réparé dans le respect de l’article L 1235-3 -1 du code du travail par l’octroi de la somme de 60 000 euros au regard des éléments d’appréciation dont dispose la cour au regard notamment de son âge et de son ancienneté, de ses difficultés à retrouver un emploi stable.

Il sera fait droit à sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, dont le quantum n’est pas remis en cause, de 18 259,62 euros , représentant trois mois de salaire, outre 1 825,96 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Les faits de harcèlement moral dont la salariée a été victime de la part de son employeur au regard des éléments développés précédemment, sont à l’origine d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi pour licenciement nul, et qui sera justement indemnisé par l’octroi de la somme de 5 000 euros , par voie d’infirmation du jugement.

Sur le rappel d’indemnité au titre de la clause de non-concurrence

Mme [E] sollicite le versement d’une somme de 87 315,72 euros correspondant à un rappel (33 754,20 euros) des indemnités de non-concurrence durant une période de 12 mois et à la majoration des indemnités non perçue (53 561,52 euros). Elle explique que si l’employeur lui a versé une indemnité en contrepartie de la non-concurrence, il a limité de manière unilatérale la durée de deux ans à 12 mois et le montant d’un tiers au lieu de 2/3 de son salaire, en se prévalant des dispositions de la convention collective que les clauses du contrat de travail plus favorables pour le salarié auraient dû être appliquées. Elle ajoute que son contrat de travail aurait été falsifié pour les besoins de la procédure par l’employeur en ce que son exemplaire ne comporte pas les annotations manuscrites de l’exemplaire de son employeur, qui ne lui sont donc pas opposables.

L’employeur fait valoir à l’inverse qu’il était autorisé par la convention collective national des VRP à réduire à un an et à un tiers le montant de l’indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence ; qu’il a satisfait à son obligation de sorte que la salariée est remplie de ses droits. S’agissant des prétendus modifications manuscrites sur le contrat de travail qui lui a été transféré par son prédecesseur, la société C ‘Pro précise que la plainte pénale pour faux et usage déposée par la salariée a été classée sans suite et que l’expertise confiée à un graphologue a confirmé que les annotations étaient bien de la main de l’ancien dirigeant.

Il ne fait pas débat que l’employeur a versé entre les mains de Mme [E] l’indemnité de 1650,61 euros par mois en contrepartie de la clause de non-concurrence, durant une période abrégée de 12 mois.

La clause prévue dans le contrat de Mme [E] en date du 1er septembre 1997 est ainsi libellée:

‘ en cas de violation de cette interdiction ( de concurrence), Mme [E] s’expose au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses 24 derniers mois d’activité sans préjudice du droit pour le société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation du préjudice subi. Pour le reste, la présente clause de non-concurrence est régie par les dispositions de la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP du 3 octobre 1975.

La société se réserve la possibilité de délier Mme [E] de son obligation de non-concurrence ou de réduire la durée de celle-ci. En pareil cas, Mme [E] en sera informée par courrier recommandé au plus tard dans les 15 jours avant la notification , par l’une ou par l’autre des parties de la rupture.’

La convention collective nationale à laquelle se réfère de manière expresse le contrat de travail de Mme [E] dispose :

– l’interdiction contractuelle de concurrence après la rupture du contrat de travail n’est valable que pendant une durée maximale de deux années à compter de cette rupture(..)

Pendant l’exécution de l’interdiction, l’employeur versera au représentant une contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale dont le montant sera égal à deux tiers de mois si la durée est supérieure à un an et à un tiers de mois si la durée en est inférieure ou égale à un an; ce montant sera réduit de moitié en cas de rupture de contrat de représentation consécutive à une démission.

Cette contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, après déduction des frais professionnels ( ..) La contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale cesse d’être due en cas de violation par le représentant de la clause de non-concurrence, sans préjudice des dommages intérêts pouvant lui être réclamés.(..)

Sous condition de prévenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours suivant la notification par l’une ou l’autre des parties, de la rupture (..) l’employeur pourra dispenser l’intéressé de l’exécution de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée.(..)’

Contrairement à ce qui est soutenu par la salariée, la clause du contrat de travail selon laquelle l’employeur peut renoncer de manière unilatérale à la clause de non-concurrence dans les délais de 15 jours avant la notification par l’une ou l’autre des parties de la rupture, n’est pas cohérente avec les règles impératives en matière de licenciement, au regard notamment du délai devant s’écouler entre l’entretien préalable (14 mai )et la décision de l’employeur de licencier la salariée (le 22 mai). Il s’ensuit que cette clause, au demeurant non conforme avec les dispositions conventionnelles instituant une période de 15 jours suivant la notification du licenciement, doit être considérée comme nulle et sans effet.

Il convient en conséquence de constater que la société C’ Pro a respecté les dispositions conventionnelles en ce qui concerne aussi bien le délai de 15 jours suivant la notification du licenciement que la réduction du délai et du montant de l’indemnité versée en contrepartie de la clause de non-concurrence.

Mme [E] qui a été remplie de ses droits sera donc déboutée de sa demande de rappel des indemnités en contrepartie de la clause de non-concurrence, par voie de confirmation du jugement.

Sur l’indemnité de clientèle

Mme [E] présente une demande de 120 000 euros au titre de l’indemnité de clientèle , dont elle a été déboutée par les premiers juges. Elle soutient en substance avoir créé, développé et fidélisé sa clientèle pendant plus de 20 ans pour le compte de son employeur et réclame l’indemnité de clientèle prévue par l’article L 7313-7 du code du travail en réparation du préjudice réel et effectif, qu’elle a subi à la rupture de son contrat de travail, et qui doit être évaluée, en l’absence de critères légaux, en fonction de la valeur de cette clientèle créée, apportée ou développée durant la période contractuelle, de la part personnelle dans l’importance de cette clientèle, de son âge, mais aussi de la part fixe de rémunération puisque destinée à compenser forfaitairement le taux de commission. Elle s’oppose à toute déduction de ses frais professionnels puisqu’ils n’étaient pas intégrés et faisaient l’objet d’un remboursement à part et rappelle n’avoir perçu aucune rémunération spéciale ayant le même objet durant la relation contractuelle.

Elle soutient que le montant du chiffre d’affaires annuel réalisé par son prédécesseur (381 122 euros), non accompagné d’une liste de clients, était fictif et ne concernait pas la Mayenne, la clientèle étant quasi inexistante à ses débuts (1997) et générant très peu de chiffre d’affaires; que le rachat d’autres sociétés Breizh Bureautique ou Led Pro ne lui a pas profité en termes de clientèle, hors de son secteur. Elle se fonde sur l’accroissement important de ses commissions révélant une augmentation en nombre et en valeur de la clientèle, et sur une clientèle représentant lors de son départ une somme annuelle de 839 186,46 euros. Elle ajoute que si elle a pu subir une diminution de la clientèle préexistante, il n’y a pas lieu de la prendre en compte pour réduire l’indemnité de clientèle dès lors qu’elle ne provient pas de son fait mais de la conjoncture économique ou du comportement de l’employeur.

La société C’Pro s’oppose à la demande au motif que la salariée est dans l’incapacité de prouver qu’elle aurait personnellement créé, développé et fidélisé la clientèle et subi un quelconque préjudice, étant rappelé que le tableau de clients établi par ses soins n’est pas étayé et fondé sur des durées inexactes, que la salariée a englobé à tort d’anciens clients représentant un montant de 54 957,39euros , qu’elle a omis de mentionner les apports de clientèle dont elle a bénéficié (société Reprodis chiffre d’affaire de 381 122 euros avec 239 machines) et lors des rachats de sociétés par son employeur (Breizh Bureautique 1998, Led Pro en 2017); que les témoignages produits par la salariée selon lesquels elle n’avait aucune clientèle préexistante ne sont pas conformes à la réalité et sont contredits par les éléments du dossier; qu’enfin, la salariée ne démontre pas la réalité de son préjudice alors qu’elle a repris un emploi pour le groupe Touiller, spécialiste en solutions d’impression et informatiques dans la région Pays de la Loire, dans un secteur d’activité similaire à celui de la société C’Pro; que depuis ce recrutement, des demandes de résiliation de contrat de maintenance se sont multipliées chez des clients de son ancien portefeuille. Le fait que les devis des systèmes d’impression établis par la société Touiller [Localité 6] ne soient pas signés par Mme [E] mais par des collègues ne permet pas d’exclure l’intervention de Mme [E] dans la récupération de ses anciens clients. Enfin, la société C’Pro fait valoir que la salariée ne s’explique pas sur l’augmentation en nombre et en valeur de la clientèle, ni sur son influence personnelle dans le développement de cette clientèle alors qu’elle a toujours travaillé dans les ex locaux de la société Reprodis à [Localité 6].

L’article L 7313-13 du code du travail dispose qu’en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le VRP a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié . Ces dispositions s’appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié.

L’indemnité ayant pour objet de compenser la perte pour le VRP la clientèle qu’il a créée, apportée ou développée au profit de son ancien employeur, il incombe au salarié de prouver l’accroissement de la clientèle par son action personnelle, à la fois en nombre et en valeur. En l’absence de critères fixés par la loi, il est constant que le montant de cette indemnité de clientèle est déterminé d’un commun accord par les parties faute de quoi, en cas de litige, son quantum est laissé à l’appréciation souveraine du juge.

Cette indemnité ne se cumule pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, seule l’indemnité la plus élevée étant due en application de l’article L 7313-17 du code du travail.

Il est constant que la demande d’indemnité de clientèle incluant nécessairement l’indemnité légale de licenciement, le juge doit vérifier que la somme allouée n’est pas inférieure au montant de cette dernière, et si tel est le cas, retenir le montant de l’indemnité légale de licenciement.

Il convient dans un premier temps de chiffrer la part de clientèle apportée, créée ou développée par le VRP,en effectuant une comparaison entre la consistance de la clientèle à la date où Mme [E] a pris ses fonctions , le 1er septembre 1997, et l’importance de la clientèle existant à la date de la cessation du contrat le 22 mai 2018.

A l’appui de sa demande, la salariée verse aux débats :

– son contrat de travail de VRP Monocarte en date du 1er septembre 1997 , prévoyant que ‘ l’activité de Mme [E] s’exerce à titre principal auprès d’une clientèle d’utilisateurs professionnels , éventuellement de particuliers, dans le secteur SUD 53 avec les clients déjà présents sur ce secteur ( se référer aux annexes 1,2 et 3 pages 9, 10 et 11, Secteur non hachuré) ( ..) L’annexe 4 page 12 au présent contrat précise le chiffre d’affaires hors taxes réalisé dans la zone d’influence ci-dessus définie au cours du précédent exercice de la société, soit du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996.’, comportant les annexes 1,2 et 3 ( cartes de la Mayenne ) et l’annexe 4 en page 12 /16 mentionnant ‘un chiffre d’affaires hors taxes de 2,5 millions de francs réalisé dans la zone d’influence confiée à Mme [E] pour la période du 1/09/1995 au 30/09/1996″ .

– ses bulletins de salaire du 1er septembre 1997 au 31 octobre 1998 faisant apparaître la faiblesse de ses commissions en début de période (septembre à novembre1997) (pièce 134)

– l’avenant du 1er octobre 1998 prévoyant une nouvelle zone d’influence à compter du 1er octobre 1998, à savoir la totalité du département de la Mayenne (pièce 3).

– des tableaux en format A3 intitulés ‘ Fichier client’ ( pièce 137) faisant apparaître des noms de clients, le type de matériel installé, la date d’installation, la date de fin du contrat de location, le montant du loyer annuel, le montant du service annuel, représentant ‘un total global annuel de 839 186,46 euros.’

– le témoignage de M.[T] (pièce 133)ancien VRP de la société Copy Concept entre le 1er octobre 1998 au 22 décembre 2000 sur le secteur de [Localité 8], expliquant qu’il ‘avait remplacé Mme [E] qui occupait occasionnellement en prospection le secteur de [Localité 8] sans réaliser aucun contrat de vente de matériels. La Direction souhaitait la présence de Mme [E] sur le département de la Mayenne uniquement pour développer ce secteur où l’entreprise n’était pas implantée. Lors de mon arrivée, aucun contact client ne m’a été transmis car [V] [E] n’avait aucun fichier clients sur ce secteur.(..)’

– le témoignage de Mme [G], ( pièce 135) propriétaire du local de reprographie loué à [Localité 6] par la société Copy Concept à partir du mois de septembre 1997, dans lequel Mme [E] disposait d’un bureau. Elle décrivait Mme [E] comme travailleuse, que celle-ci devait parcourir le département de la Mayenne dans le cadre de la prospection des clients car elle a su développer et fidéliser la clientèle alors qu’ ‘ elle était partie de zéro et devait tout construire’.

– le témoignage de M.[P] , ancien technicien (2000-2003) puis attaché commercial (2003-2017) , ayant eu l’occasion de cotoyer Mme [E] ‘ partie de rien, sans le moindre client pour débuter dans le secteur de [Localité 6]’

– le témoignage de M.[L], ancien dirigeant de la société Reprodis ayant vendu à la société Copy Concept en 1997 ‘ un parc de machines’ dans le cadre d’une cession de parts sociales, ayant donné à une négociation à la baisse du prix compte tenu de la variation du nombre de photocopieurs – parc de 139 machines- sous contrat de maintenance (courrier du 18 juillet 1997 pièce 156)

– le courriel du 6 octobre 2017 de M.[J], dirigeant de la société C’Pro, intitulé ‘ La Mayenne s’agrandit’ annonçant le rachat d’une société LED Pro, composée de 5 personnes à [Localité 6].

– le témoignage de M.[U], nouvel employeur (société Touiller) de Mme [E] depuis le 1er septembre 2020 en CDD comme consultante avant vente spécialisée dans les logiciels. Les devis signés pour les systèmes d’impression sont attribués à deux autres commerciaux (M.[N] et M.[S]), et non par Mme [E].

Il résulte des pièces produites que :

– Mme [E] a commencé son activité de VRP à la suite de la reprise de la société Reprodis au cours de l’été 1997 par la société Copy Concept , ce qui est confirmé par le fait qu’elle a occupé les locaux de l’ancienne société Reprodis, dont M.[L] et Mme [G] étaient les actionnaires.

– son contrat de travail fait référence explicite au montant du chiffre d’affaires HT de 2,5 million de francs soit 381 122 euros (annexe 4) réalisé dans la zone d’influence confiée à la nouvelle VRP au cours de la période du 1er septembre 1995 au 30 septembre 1996.

Mme [E] , qui remet en cause le montant , qu’elle qualifie de fictif, du chiffre d’affaires figurant dans l’annexe 4 de son contrat de travail, paragraphé par ses soins, et se prévaut du caractère inopposable de cette mention, ne fournit pas les éléments concrets et objectifs de nature à contredire les pièces contractuelles. En effet, les témoignages de M.[P] et M.[T] , salariés recrutés après Mme [E], ne font que rapporter les propos tenus par la salariée sur son portefeuille de clients . M.[L] et Mme [G] dont il résulte des pièces produites que cette dernière était co-associée de la société Reprodis -avec M.[L]-, se gardent de contredire le montant du chiffre d’affaires effectué au cours de l’année précédente dans la zone d’influence attribuée à Mme [E]. Les témoins sont également taisants sur la localisation du parc des 239 photocopieurs , cédés en juillet 1997 à la societé Copy Concept, et sur le fait qu’ils se trouvaient dans la Mayenne , où ils exerçaient leur activité et qui correspondait au secteur attribué à Mme [E] le 1er septembre suivant (pièce 156). Le fait qu’aucune commission ne figure sur les bulletins de salaire de septembre à novembre 1997, ne permet pas de déduire l’absence d’une clientèle préexistante étant observé que la salariée a perçu en décembre 1997 une commission importante en lien avec la prospection réalisée au cours des premiers mois d’activité. Enfin, l’absence de liste de clients dans l’annexe 4 du contrat ne suffit pas à établir que cette liste n’a pas été effectivement fournie à Mme [E], qui ne justifie avoir transmis à son employeur aucune réserve ni protestation sur le chiffre d’affaires réalisé dans son secteur d’activité.

Dans ces conditions, le chiffre d’affaire mentionné dans son contrat de travail doit tenir lieu, en l’absence de preuve contraire, de référence dans l’appréciation de la valeur du portefeuille de la salariée.

S’agissant de l’évolution de la clientèle à la fin de son contrat de travail, Mme [E] rapporte la preuve :

– d’un accroissement important de sa rémunération variable, au vu des tableaux établis par ses soins (pièce 120), dont il résulte au cours de la période antérieure à son arrêt maladie le 2 février 2018,

– en 2015 la somme globale de primes de 26 312,34 euros ( pour un fixe annuel de 21 360 euros);

– en 2016 la somme globale de primes de 46 238,01 euros ( pour un fixe annuel de 22 560 euros);

– en 2017 la somme globale de primes de 25 705,69 euros ( pour un fixe annuel de 23 160 euros).

– de ses bulletins de salaire entre le mois de janvier 2017 et le mois de décembre 2018.

S’il ressort une évolution positive continue de la rémunération brute annuelle de salariée entre 1997, date d’entrée de la salariée dans la société et décembre 2017 avant son arrêt de travail précédant la rupture, Mme [E] ne fournit pas de document comptable permettant de déterminer le chiffre d’affaire résultant de son activité commerciale et partant, de prouver un accroissement en valeur de la clientèle de son secteur.

Les tableaux ‘ fichiers clients’ qu’elle a établi à une date ignorée se bornent à récapituler un ‘ total global annuel’ de 839 186,46 euros, alors que plusieurs des contrats y figurant ont expiré depuis plusieurs années de sorte que la cour ne dispose pas des éléments objectifs de nature à lui permettre de déterminer le montant du chiffre d’affaire dégagé par l’activité commerciale de Mme [E] au vu de ces seuls documents. La salariée se garde par ailleurs de déterminer la clientèle nouvelle qu’elle prétend avoir apportée, créée ou développée pour le compte de son employeur. Ainsi , les tableaux ‘ Fichiers clients’ ne font aucune référence à l’origine des clients se trouvant dans son portefeuille étant rappelé que la société soutient sans être démentie que cette liste coïncide avec celle des clients de l’ancienne société Reprodis (page 42 conclusions). La preuve d’un accroissement en nombre de la clientèle n’est ainsi pas plus rapportée que celle d’un accroissement en valeur de la clientèle.

Enfin, la salariée ne fournit aucune explication cohérente sur l’apport complémentaire de la clientèle dont elle a nécessairement bénéficié lors du rachat par son employeur de la société Breizh Bureautique LED Pro, comme le confirme le courrier de son employeur la gratifiant d’une prime exceptionnelle en septembre 1998 en raison de son intervention chez ‘les nouveaux clients’ de la société rachetée (pièce adverse 28).

La salariée, à qui il incombait de rendre des rapports d’activité et qui disposait de la vision générale de ses clients n’apporte aucun élément relatif à l’importance en nombre et en valeur de la clientèle qu’elle prétend par son action personnelle avoir apportée, créée ou développée dans son secteur géographique pour le compte de la société C’Pro.

Dans ces conditions, Mme [E] ayant perçu la somme de 29 732 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, doit déboutée de sa demande de condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité de clientèle, par voie de confirmation du jugement.

Sur la perte financière Allocation retour à l’emploi

Mme [E] maintient sa demande en paiement de la somme de 16 490,70 euros au titre de la perte financière subie du fait de son employeur qui a commis des erreurs dans les attestations Pôle Emploi, en mentionnant des salaires erronés de 52 340,39 euros au lieu de 66 575,51 euros, ce qui représente la perte de 22,59 euros net par jour durant une période de 730 jours.

La société C’Pro s’oppose à la demande en l’absence de preuve du préjudice subi par Mme [E], dont la situation professionnelle actuelle n’est pas justifiée ; que le courrier de Pôle emploi du 28 juillet 2020 concerne la cessation de son statut de demandeuse d’emploi et ne permet d’en tirer aucune conséquence sur l’existence d’un éventuel préjudice financier.

La salariée fonde sa demande sur le fait que la société Copy Concept a minoré les revenus annuels de Mme [E] servant de base aux indemnités journalières au regard de l’attestation délivrée le 26 juin 2018, et base son décompte sur une indemnisation due de 105,65 euros au lieu de 83,06 euros net, soit une perte de 22,59 euros par jour durant une période de deux années. Toutefois, outre le fait qu’elle ne justifie pas avoir bénéficié d’indemnités journalières durant une période de 24 mois, il apparaît que son décompte procède d’un calcul théorique et n’est nullement validé par l’organisme gestionnaire des indemnités de chômage. Au surplus, l’employeur est tenu de remettre à Mme [E] une attestation rectifiée au regard des dispositions du présent arrêt à charge pour cette dernière de solliciter auprès de l’organisme gestionnaire la régularisation des sommes qui lui seraient dues le cas échéant.

La demande de Mme [E] qui échoue à établir la preuve de son préjudice financier, sera donc rejetée par voie de confirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de la société C Pro pour procédure abusive

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages-intérêts qu’en cas de malice, mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Aucun élément ne permettant de caractériser le caractère abusif de l’action initiée par Mme [E], dont les demandes ont été en majeure partie déclarées bien fondées, la demande reconventionnelle de la société C’Pro en dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les autres demandes et les dépens

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’office d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage payées à la salariée et ce à concurrence de six mois.

Aux termes de l’article R 1234-9 du code du travail, l’employeur doit délivrer au salarié au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d’exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d’ordonner à l’employeur de délivrer à Mme [E] le bulletin de salaire rectifié et les documents Pôle Emploi, devenu France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] les frais non compris dans les dépens. L’employeur sera condamné à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef de la société C’Pro.

L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Décerne acte à la SASU C Pro Ouest de ce qu’elle intervient aux droits de la SAS Copy Concept .

– Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

– rejeté la demande de Mme [E] au titre du rappel d’indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence,

– rejeté la demande de Mme [E] au titre de l’indemnité de clientèle,

– rejeté la demande de Mme [E] au titre des dommages intérêts au titre du manque à gagner Pôle Emploi,

– rejeté la demande de la société Copy Concept au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la société Copy Concept aux dépens.

– Infirme les autres dispositions du jugement.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– Prononce la nullité pour harcèlement moral du licenciement notifié à Mme [E] par la société Copy Concept le 22 mai 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

– Condamne la SASU C Pro Ouest venant aux droits de la société Copy Concept à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

– 1 581,93 euros net à titre de dommages intérêts lié au versement des indemnités de prévoyance Cerap,

1 121,54 euros net à titre de dommages intérêts lié à l’absence de maintien de la garantie de salaire,

– 891,98 euros au titre du solde de commissions,

– 16 305,77 euros au titre de l’indemnité des jours de congés payés non pris,

– 18 259,62 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-1 825,96 euros brut pour les congés payés y afférents,

– 5 000 euros net au titre des dommages intérêts pour harcèlement moral,

– 60 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonne à la SASU C Pro Ouest venant aux droits de la société Copy Concept de délivrer à Mme [E] le bulletin de salaire rectifié et l’attestation Pôle Emploi – France Travail conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt.

– Ordonne le remboursement par la SASU C Pro Ouest venant aux droits de la société Copy Concept à l’organisme gestionnaire les ayant servies, les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois.

– Rejette la demande reconventionnelle de la société C ‘Pro Ouest de dommages intérêts pour procédure abusive.

– Rejette la demande de la SASU C Pro Ouest venant aux droits de la société Copy Concept fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamne la la SASU C Pro Ouest venant aux droits de la société Copy Concept aux dépens de l’appel.

Le Greffier Le Président

 


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