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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 MARS 2021
N° RG 18/03875
N° Portalis DBV3-V-B7C-SUWS
AFFAIRE :
[N] [C]
C/
[E] [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Août 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Cergy-Pontoise
N° Section : Activités Diverses
N° RG : F 17/00322
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
– Madame [N] [C]
– Me Me Nicolas RANDRIAMARO
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS MARS DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé 17 février 2021 puis prorogé au 03 mars 2021, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [N] [C]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5] (95), de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Yann MSIKA de la SCP GUILLEMIN – MSIKA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 107
ayant dégagé sa responsabilité par message Rpva du 12 janvier 2021
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [F]
né le [Date naissance 3] 1995 à [Localité 7] (78), de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Mme [D] [U] épouse [K] (Tutrice de [E] [F])
Représenté par M. [M] [F] (Tuteur de [E] [F])
Représentés par Me Nicolas RANDRIAMARO de la SELARL RD ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 339 et par Me Alexandre BUICANGES, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 215
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 janvier 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Perrine ROBERT, Vice-président placé chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Madame [N] [C] a été engagée le 1er janvier 2014 en qualité d’auxiliaire de vie par Monsieur [E] [F], majeur protégé représenté par ses parents et tuteurs, Madame [D] [K] et Monsieur [M] [F].
Durant le mois d’avril 2017, un système de vidéosurveillance a été installé au domicile de Madame [K] dans les pièces occupées par Monsieur [E] [F].
Madame [C] a signé une autorisation d’être filmée le 14 avril 2017.
Le jour même, elle a été reçue à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Monsieur [M] [F] et Madame [K] ont déposé plainte les 23 avril 2017 et 5 mai 2017 contre Madame [C] pour violences sur leur fils [E].
Madame [C] a été licenciée pour faute lourde par courrier du 18 avril 2017 signifié par huissier de justice.
Contestant son licenciement, Madame [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise le 6 juillet 2017 en paiement d’indemnités et salaires.
Par jugement du tribunal correctionnel de Pontoise en date du 07 février 2018, la salariée a été reconnue coupable de violence sur personne vulnérable, sans incapacité, pour des faits commis le 11 avril 2017 sur la personne de [E] [F] et condamnée à une peine d’emprisonnement de 8 mois assortie du sursis ainsi qu’à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle d’aide à domicile et d’auxiliaire de vie pour une durée de cinq ans. Sur l’action civile, Madame [C] a été condamnée à payer à Monsieur [F] et Madame [K] en qualité de tuteurs de [E] [F] la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et en leur nom personnel la somme de 500 euros chacun. Par arrêt du 22 mai 2019, la cour d’appel a confirmé cette décision.
Par jugement du 10 août 2018, le conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise a :
– dit que le licenciement pour faute lourde de Madame [C] fondé ;
– débouté Madame [C] de l’ensemble de ses demandes ;
– reçu Monsieur [E] [F], majeur protégé représenté par Madame [K] et Monsieur [F] en qualité de tuteurs, en ses demandes reconventionnelles ;
– condamné Madame [C] à lui verser les sommes de :
– 2 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ;
– 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile ;
– condamné Madame [C] aux éventuels dépens de l’instance.
Par déclaration du 14 septembre 2018, Madame [C] a interjeté appel du jugement entrepris.
Par conclusions signifiées le 19 novembre 2018, Madame [C], appelante, demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Pontoise du 10 Août 2018,
Statuant à nouveau
– dire et juger la demande de dommages et intérêts de Monsieur [E] [F], représenté par ses parents, à hauteur de la somme de 10 000,00 euros en réparation de son préjudice économique, comme étant tant irrecevable que mal fondée,
– condamner Monsieur [E] [F] représenté par ses tuteurs légaux, Madame [K] et Monsieur [F] à lui payer les sommes suivantes :
– dommages et intérêts pour rupture abusive nette : 30 000 euros nette de CSG, de CRDS et de toutes cotisations et contributions sociales,
– dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement nette de CRG, de CRDS et de toutes cotisations et contributions sociales : 2 376,77 euros nette,
– indemnité compensatrice de préavis : 2 376,77 euros X 2 mois = 4 753,53 euros brute,
– congés payés sur préavis : 475,35 euros brute,
– indemnité légale de licenciement : 2 376,27 eurosX 1/5X41,5 mois/12 mois 1 643,59 euros nette,
– indemnité compensatrice de congés payés ( 2014/2015, 2015/2016, 2016/2017) soit 100 jours ouvrables soit la somme de 100 X 5/6jours ouvrés = 83,33 jours X 8h X 13,28 euros = 8 852,98 euros brute,
– salaire du 15 avril 2017 au 26 avril 2017 (date de prise d’effet du licenciement) : 13,28 euros X 8 h X 7 jours =743,68 euros brute,
– congés payés sur salaire : 74,37 euros brute,
– heures supplémentaires 2015 et 2016 : 29 096,48 euros brute, ainsi que les congés payés y afférents pour 2 909,65 euros,
– dommages et intérêts pour défaut d’information du droit à repos compensatoire : 3 000 euros nette de CSG, CRDS et de toutes contributions et cotisations sociales,
– article 700 du Code de Procédure Civile : 4.000 euros nette,
– ordonner la remise d’un certificat de travail conforme, d’une attestation pôle emploi conforme, faisant apparaître une date d’entrée au 1er janvier 2014 et non le 1er février 2015 et une date de sortie au 26 avril 2017 ainsi qu’un bulletin de paie récapitulatif des condamnations et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document,
– se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte conformément à l’article 35 de la Loi du 9 juillet 1991
– rappeler que les intérêts légaux courent de plein droit à compter de la saisine conformément à l’article 1231-6 du Code Civil, sur les créances de nature salariale,
– faire courir les intérêts aux taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes sur les créances de nature indemnitaire conformément à l’article 1231- 7 du Code Civil,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code Civil, dès lors que les intérêts courront depuis plus d’un an et qu’une demande a été faite,
– condamner Monsieur [E] [F] représenté par ses tuteurs légaux, Madame [K] et Monsieur [F] aux éventuels dépens de l’instance qui comprendront les frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.
Par dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2020, Madame [S] [K], Monsieur [M] [F] et Monsieur [E] [F] représenté par ses parents en leur qualité de tuteurs demandent à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 10 août 2018 par le conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise en ce qu’il a débouté Madame [C] de l’ensemble de ses demandes
En toutes hypothèses
– débouter Madame [C] de l’ensemble de ses demandes contre [E] [F], représenté par ses co-tuteurs,
– confirmer le jugement rendu le 10 août 2018 en ce qu’il a condamné Madame [C] à indemniser Monsieur [E] [F] représenté par ses co-tuteurs à la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice économique subi,
Y ajoutant
– condamner Madame [C] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner Madame [C] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Nicolas Randriamaro, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 janvier 2021.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens et des demandes.
MOTIFS
A titre liminaire, il est noté que le conseil de Madame [C] n’a pas communiqué de pièces dans le cadre de la procédure d’appel. La cour statuera donc au vu des seules écritures de Madame [C], de celles de Monsieur [E] [F] et de ses tuteurs et des pièces produites par ces derniers ainsi que du jugement du conseil de prud’hommes de Pontoise.
1- Sur le licenciement
La lettre de licenciement adressée par Madame [K] à Madame [C] le 18 avril 2017 et qui fixe les limites du litige n’est pas produite aux débats.
Il ressort néanmoins tant du jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise que des conclusions de Monsieur [E] [F] et de ses parents qu’elle est rédigée comme suit :
‘ Nous faisons suite à notre entretien du vendredi 14 avril à 16h00 à notre domicile, votre lieu de travail ; et sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute lourde compte tenu des éléments suivants :
Maltraitance caractérisée et prouvée par enregistrement vidéo envers votre employeur, [E] [F], incapable majeur. Un dépôt de plainte a été enregistrée par la Gendarmerie de [Localité 6].
La gravité exceptionnelle de faits qui vous sont reprochés ont provoqué votre entretien de licenciement sans préavis et rend impossible votre maintien dans cet emploi, y compris pendant la durée de votre préavis.
Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnités de licenciement, ni indemnité compensatrice de congés payés.
Votre solde de tout compte est joint à ce courrier (…)’.
Madame [C] indique que si elle a reconnu la matérialité des faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de l’instance pénale, elle conteste qu’ils puissent constituer une infraction, que les accusations dont elle fait l’objet reposent uniquement sur l’exploitation d’une vidéosurveillance du 11 avril 2017 mise en place de façon irrégulière au domicile de la famille et dont elle n’a eu connaissance que le 14 avril suivant, qu’elle constitue dès lors une preuve illicite, que Monsieur [F] et ses parents ne démontrent pas son intention de nuire, que la lettre de licenciement qui se réfère à des maltraitances sans précision de leur nature et de la période au cours de laquelle elles seraient survenues reposent sur des motifs imprécis.
Monsieur [F] et ses parents, Madame [K] et Monsieur [M] [F], soutiennent que Madame [C] a reconnu dans le cadre de la procédure pénale les faits de violences constatés sur la vidéosurveillance, qu’elle en a été reconnue coupable par le Tribunal correctionnel de Pontoise par jugement du 7 février 2018 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 22 mai 2019, qu’elle n’est plus recevable à contester la réalité de ces faits, que Madame [C] était informée de l’existence de la vidéosurveillance ayant assisté à son installation le 11 avril 2017, que la faute lourde est caractérisée.
La faute lourde est celle, qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent des violations des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis.
La preuve de la faute lourde qui est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur incombe à ce-dernier.
En application des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail, lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
Par ailleurs, il est constant que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l’autorité de chose jugée à l’égard de tous et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif. L’autorité de chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la décision.
Il résulte de la lettre de licenciement que sont reprochés à Madame [C] des faits de maltraitance à l’encontre de Monsieur [E] [F], faits enregistrés par vidéosurveillance et ayant fait l’objet d’une plainte à la gendarmerie.
Contrairement à ce que soutient Madame [C], ces faits sont précis et matériellement vérifiables et peuvent, s’ils sont avérés, constituer un motif de licenciement.
Il est en outre établi que Madame [C] a été déclarée coupable de violences volontaires sans incapacité de travail sur la personne de Monsieur [E] [F], personne vulnérable par jugement du Tribunal correctionnel de Pontoise du 7 février 2018 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 22 mai 2019.
Dans sa décision, la cour a relevé que la culpabilité de Madame [C] résulte clairement des enregistrements de vidéo-surveillance dont une description précise a été donnée par les enquêteurs et dont il ressort que l’auxiliaire de vie ‘était vue le 11 avril 2017 à 19h50 en train de donner un coup de chaussure à la tête de [E] dans la chambre de ce dernier au moment du coucher. A 20h00, alors que le jeune homme n’arrivait pas à dormir et repoussait sa couette, Madame [C] était filmée en train de se ruer sur lui, lui tirant les cheveux à plusieurs reprises et lui assénant plusieurs coups à la tête. A 20h02 alors que [E] s’extrayait à nouveau de la couette, Madame [C] était décrite par les gendarmes comme se précipitant à nouveau sur [E], lui tirant les cheveux et lui assénant plusieurs coups sur la tête. Les gendarmes mentionnaient que les violencées étaient répétées à plusieurs reprises à 20h02″.
Elle rappelle que Madame [C] avait reconnu les faits qui lui sont reprochés au cours de l’enquête.
Les faits de violences reprochés à Madame [C] constatés par la juridiction répressive sont dès lors établis, le moyen tiré de l’illicéité du système de vidéosurveillance installé au domicile de Monsieur [E] [F] étant inopérant.
Ces faits qui par leur nature manifestent la volonté de nuire de Madame [C] à Monsieur [F] constituent une faute lourde et justifient son licenciement.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [C] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que de celles relatives à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents.
2- Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
Le licenciement d’un salarié pour faute lourde ne prive pas ce-dernier de l’indemnité compensatrice de congés payés à laquelle il est susceptible de prétendre.
Madame [C] indique au soutien de sa demande n’avoir pas pris de congés payés depuis qu’elle a été embauchée par la famille [F] en janvier 2014 et estime qu’il lui est dû une indemnité à ce titre correspondant à 100 jours ouvrables de congés soit 8 852, 98 euros (100 jours ouvrables x 5/6 jours ouvrés, 83,33 jours x 8h x 13, 8 euros).
Elle explique cependant en page 14 de ses écritures avoir réalisé des heures supplémentaires notamment au cours de l’année 2015 et 2016 dont elle n’a pas été payée et calcule la rémunération qui lui serait dûe à ce titre en déduisant cinq semaines de congés payés pour chacune de ces deux années.
Elle admet donc avoir pu prendre une partie des congés payés auxquels elle a droit.
Monsieur [F] représenté par ses tuteurs n’apporte pas la preuve qui lui incombe d’avoir mis la salariée en mesure de prendre l’intégralité de ses congés.
En conséquence, le jugement sera infirmé à ce titre et Monsieur [F] représenté par ses tuteurs sera condamné à payer la somme de 4 426 euros à Madame [C].
3- Sur la régularité de la procédure de licenciement
Madame [C] indique que l’employeur ne lui a adressé aucun courrier la convoquant à un entretien préalable et n’a pas organisé cet entretien.
Monsieur [F] et ses parents soutiennent qu’un entretien préalable a eu lieu le 14 avril 2017, entretien auquel ils avaient convoqué la salariée par SMS.
L’article L.1235-2 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il résulte en outre de l’article L.1232-2 du même code que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.
Si Madame [C] indique au soutien de sa demande d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière qu’aucun entretien préalable n’a eu lieu, elle affirme cependant en page 3 de ses écritures, lors du rappel des faits et de la procédure, que ‘l’employeur allait la recevoir en entretien préalable le 14 avril 2017 à 16h00″.
Dès lors, elle ne démontre pas l’absence d’entretien préalable à son licenciement.
En revanche, Monsieur [F] et ses parents reconnaissent ne pas avoir convoqué Madame [C] dans les formes prescrites par les dispositions susvisées, lui ayant adressé à cette fin, non pas un courrier recommandé, mais un SMS aux termes duquel ils lui ont demandé de se rendre à leur domicile le 14 avril à 16h00.
La procédure de licenciement est irrégulière et Monsieur [F] représenté par ses tuteurs sera condamné à ce titre à lui payer une somme de 300 euros.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé de ce chef.
4- Sur le paiement du salaire du 15 au 26 avril 2017
Madame [C] réclame paiement d’un salaire pour la période du 15 avril au 26 avril 2017, l’employeur lui ayant demandé brutalement de quitter l’emploi qu’elle occupait sans qu’aucune lettre de mise à pied conservatoire lui ait été notifiée.
Monsieur [F] et ses parents expliquent qu’ils ne pouvaient maintenir Madame [C] à son poste lorsqu’ils ont eu connaissance des violences commises par celle-ci.
L’employeur peut prononcer une mesure de mise à pied conservatoire lorsque les faits reprochés au salarié l’ont rendu indispensable.
Cette mesure est nécessairement à durée indéterminée et doit en principe être concomitante du déclenchement de la procédure de licenciement.
Aucun formalisme n’est imposé quant à la notification de cette mesure.
Sous réserve que le licenciement soit prononcé pour faute grave ou lourde, la mise à pied conservatoire n’est pas rémunérée.
Il ressort des déclarations de Madame [C] elle-même que les parents de Monsieur [F] lui ont demandé le 14 avril 2017, lors de l’entretien préalable au licenciement, de quitter ‘brutalement et immédiatement’ son emploi.
Ils lui ont ainsi notifié oralement sa mise à pied conservatoire, celle-ci étant justifiée par la nature des faits reprochés à la salariée.
En conséquence, aucune somme n’est dûe à Madame [C] pour la période du 15 avril au 26 avril 2017, date à laquelle lui a été notifié son licenciement.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
5- Sur les heures supplémentaires
Madame [C] indique qu’elle a fait des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, qu’elle est restée à temps plein pendant un mois à la disposition de Monsieur [E] [F] au cours des étés 2015 et 2016, qu’elle travaillait également le week-end une semaine sur deux pendant une durée de 28 heures.
Monsieur [F] réplique que Madame [C] a été embauchée et déclarée selon le système du CESU et que toutes les heures effectuées ont été déclarées et rémunérées, qu’elle n’a jamais contesté le nombre d’heures travaillées durant le temps de la relation de travail, que Madame [K] l’a effectivement emmenée avec elle en vacances en Espagne et dans le sud de la France, qu’elle a été hébergée, nourrie et rémunérée.
Au regard de l’activité professionnelle exercée par Madame [C], il est établi que la relation de travail entre les parties étaient soumise à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.
En application de l’article 15 de cette convention, les heures supplémentaires sont celles effectivement travaillées, effectuées au-delà de l’horaire hebdomadaire de 40 heures de travail effectif.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail qui demeure applicable aux employés de maison travaillant au domicile privé de leur employeur nonobstant l’application de la convention précitée, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande en paiement d’heures supplémentaires qu’elle aurait réalisées, Madame [C] indique qu’elle travaillait pour Monsieur [F], une semaine sur deux, selon les horaires suivants :
– du lundi au vendredi de 6h30 à 8h30 ( à partir de mars 2017 jusqu’à 9h30 du fait du changement d’école de Monsieur [F]) et l’après-midi de 16h00 à 20h30 sachant qu’il lui avait été demandé à plusieurs reprises de venir travailler à 14h00 ou 15h00 pour faire le ménage,
– le samedi et le dimanche de 6h30 à 20h30 en continu.
Elle ajoute qu’au cours des étés 2015 et 2016, elle est restée à temps plein à la disposition de son employeur pendant un mois.
Concernant les vacances 2015 et 2016, Madame [C] indique qu’elle travaillait à temps plein durant ces périodes mais ne précise pas son amplitude horaire de travail quotidienne alors qu’elle réclame paiement de 14 heures de travail supplémentaires par jour sur 30 jours. Sa demande à ce titre n’est dès lors pas suffisamment étayée pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En revanche, concernant les week-end des années 2015 et 2016, Madame [C] qui affirme qu’elle travaillait un week-end sur deux en plus des heures effectuées durant la semaine selon le décompte des heures précédemment rappelées, présente des éléments suffisamment précis quant à des heures supplémentaires non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d’y répondre utilement.
Monsieur [F] qui critique les éléments présentés et soutient que la salariée travaillait une semaine sur deux, du lundi au dimanche de 6h30 à 8h30 et de 16h00 à 20h30, n’apporte aucune pièce permettant de déterminer les heures effectivement réalisées par la salariée. Si il indique avoir déclaré et payé les heures supplémentaires qu’elle a pu réaliser dans le cadre du CESU, il n’en apporte aucune preuve.
Etant observé que la circonstance selon laquelle Madame [C] n’aurait jamais formulé de réclamation à ce titre durant l’exécution de son contrat de travail est indifférente, la cour a la conviction que Madame [C] a fait des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées mais en nombre moindre que celles qu’elle invoque.
Au vu des éléments produits et alors que le salaire horaire de 13,28 euros n’est pas discuté par Monsieur [F], il dû à la salariée au titre des heures supplémentaires réalisées par la salariée et non rémunérées la somme de 6 552 euros.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point et Monsieur [F] représenté par ses tuteurs condamné à payer à Madame [C] la somme de 6 552 euros en paiement des heures supplémentaires non rémunérées outre celle de 655 euros au titre des congés payés afférents.
6- Sur le défaut d’information relatif au droit à repos compensateur
Madame [C] sollicite une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, l’employeur ne l’ayant pas informée de son droit à un repos compensateur.
Cependant, il résulte de la combinaison des articles L.3121-11 et L.7221-2 du code du travail que les dispositions relatives à la durée du travail et au repos compensateur ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur.
Dès lors, Madame [C] ne peut prétendre à une indemnité pour défaut d’information sur son droit à repos compensateur.
Le jugement du conseil de prud’hommes qui l’a déboutée de cette sera donc confirmé.
7- Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [F]
Monsieur [F] représenté par ses parents sollicite une somme de 2 500 euros au titre du préjudice économique subi. Il explique que du fait du licenciement de Madame [C], ses parents ont été contraints de rechercher une nouvelle auxiliaire de vie et ont été contraints de s’occuper de leur fils durant leur temps de travail jusqu’à ce qu’ils trouvent une solution pour ce-dernier.
Madame [C] indique que le préjudice soulevé par Monsieur [F] et ses parents est un préjudice moral déjà réparé par les condamnations prononcées à son encontre par les juridictions répressives. En tout état de cause, elle ajoute qu’il n’est pas démontré d’un préjudice économique et que cette demande qui ne s’inscrit pas dans la rupture du contrat de travail, est autant irrecevable que mal fondée.
La demande de Monsieur [F] tendant à l’indemnisation de son préjudice économique et qui, contrairement à ce que soutient Madame [C], est bien la conséquence de son licenciement pour faute lourde, est recevable.
Néanmoins, il ne justifie pas ce faisant d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par le juge pénal.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé et Monsieur [F] débouté de sa demande formée à ce titre.
8- Sur la communication des documents sociaux
Compte tenu des condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [F], il sera fait droit à la demande de Madame [C] et Monsieur [F] représenté par ses tuteurs condamné à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi conforme faisant apparaître une date d’entrée au 1er janvier 2014 et de sortie au 26 avril 2017 et un bulletin de paie récapitulatif des condamnations, conformes à la présente décision.
En revanche, il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte. Madame [C] sera déboutée de cette demande.
9- Sur les intérêts légaux
Il est rappelé que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter à compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.
10- Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure
Monsieur [F] représenté par ses parents et Madame [C], qui succombe les uns et les autres pour partie dans la présente instance, prendront chacun à leur charge la moitié des dépens de la présente instance.
Il apparaît équitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés dans le cadre de la présente instance. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
S’il peut être rappelé qu’en application de l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, à l’exception des droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans les conditions fixées en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, la demande présentée à ce titre par l’appelant est irrecevable, faute d’intérêt à agir, en l’absence de litige né de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 10 août 2018,
et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE Monsieur [E] [F] représenté par ses tuteurs, Monsieur [M] [F] et Madame [S] [K] à payer à Madame [N] [C] les sommes suivantes :
– 4 426 euros brute à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 300 euros à titre d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière,
– 6 552 euros au titre des heures supplémentaires,
– 655 au titre des congés payés afférents,
DIT que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
DIT que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts,
ORDONNE à Monsieur [F] représenté par ses tuteurs Monsieur [M] [F] et Madame [S] [K] de communiquer à Madame [N] [C] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi conforme faisant apparaître une date d’entrée au 1er janvier 2014 et de sortie au 26 avril 2017 et un bulletin de paie récapitulatif des condamnations, conformes à la présente décision,
DIT n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte,
DÉBOUTE Monsieur [E] [F] représenté par ses tuteurs Monsieur [M] [F] et Madame [S] [K] de sa demande reconventionnelle en indemnisation de son préjudice économique,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [N] [C] d’une part et Monsieur [E] [F] représenté par ses tuteurs Monsieur[M] [F] et Madame [S] [K] d’autre part à prendre à leur charge la moitié des dépens de la présente instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nicolas Randriamaro, avocat.
DIT la demande de Madame [N] [C] relative aux frais d’exécution forcée irrecevable,
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,