Particulier employeur : décision du 3 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03568

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Particulier employeur : décision du 3 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03568

C4

N° RG 21/03568

N° Portalis DBVM-V-B7F-LAD6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BAUDELET PINET

la SELARL FDA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 03 MAI 2022

Appel d’une décision (N° RG F 19/036)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 30 Juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [S] [L]

Mas le Plot, 331 chemin du Plot

26740 SAUZET

représenté par Me Pierre-Marie BAUDELET de la SELARL BAUDELET PINET, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

Madame [K] [T]

née le 29 novembre 1950 à OUJDA (Mroc)

de nationalité Française

3, Impasse Sainte Geneviève

86160 Gençay

représentée par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FDA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Celia THIBAUD, avocat au barreau de GRENOBLE,

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012234 du 27/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE),

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Valérie RENOUF, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 03 Mai 2022.

Exposé du litige’:

Madame [K] [T] a été embauchée en contrat à durée indéterminée à temps partiel le 1er décembre 2014 par M. [L] en qualité de gardien en même temps que son ancien compagnon, M. [O] sur le site dénommé Le Mas du Plot.

Le couple se voyait attribuer en contrepartie de l’exécution des tâches énoncées dans le contrat de travail, un avantage en nature logement dit «’logement de fonction’» d’une valeur de 450 € par mois, accompagné de la fourniture d’électricité, gaz et eau chaude, augmenté d’une rémunération de 400 € mensuels pour les deux.

Le 12 juin 2017, M. [L] demandait à M. [O] de bien vouloir reprendre ses fonctions dans les plus brefs délais ou de démissionner. M. [O] lui répondant qu’il démissionnait.

Par courrier du 21 octobre 2017 à M. Le Procureur de la république de Valence, Mme [T] dénonçait ses conditions de travail sans rémunération et son accueil dans un logement non meublé et le harcèlement qu’elle subissait de la part de son employeur.

Par courriel du 24 mars 2018, Mme [T] indiquait à M. [L] «’vue dans la situation financière grave ou je me trouve depuis des mois que vous n’ignorez pas. Je n’ai pas les moyens de réparer ma voiture pour aller travailler, par conséquent ce jour bloquer par celle-ci, je ne peux plus aller chez vos parents ni m’occuper du Mas. Donc j’arrête tout’».

M. [L] indiquait à Mme [T] par courrier du 30 mars 2018 «’accepter la démission verbale du vendredi 30 mars à compter du 24 mars 2018 et lui demander de restituer le logement dans les meilleurs délais l’autorisant à utiliser jusqu’aux 15 avril 2018’».

M. [L] a mis en demeure Mme [T], par lettre recommandée avec avis de réception en date du 09 mai 2018, de libérer les lieux et de s’acquitter d’un indemnité d’occupation de 450,00 € équivalant à la valeur locative du bien au titre du mois de mai 2018.

Par ordonnance de référé en date du 7 novembre 2018, le Tribunal d’instance de Montélimar a, après avoir rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Madame [K] [T], constaté l’occupation sans titre du logement de fonction par cette dernière depuis le 1er mai 2018, ordonné son expulsion et l’a condamnée à payer à M. [L], une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer de 450,00 € à compter du 1er mai 2018 jusqu’à la libération effective des lieux, une somme de 300,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe le 25 mars 2019, Madame [K] [T] a saisi le Conseil de prud’hommes de Montélimar de diverses demandes à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du’28 juin 2021, le conseil des prud’hommes de Montélimar,’a’:

‘ Dit et jugé que Mme [T] était bien à l’entière disposition de son employeur l’intégralité du temps

‘ Dit et jugé qu’au regard des missions qui lui étaient confiées, son contrat est requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein

‘ Dit et jugé que Mme [T] était bien en catégorie B niveau II coefficient 255

‘ Condamné M. [L] à lui payer la somme de 47’462 € bruts à titre de rappel de salaire outre 4746,20 € bruts au titre des congés payés afférents pour la période d’avril 2015 à avril 2018

‘ Dit et jugé que l’avantage en nature est du à Mme [T]

‘ Condamné M. [L] à lui payer les sommes de :

– 180 € nets pour la période 2 avril 2015 à mai 2017

– 185,40 € nets pour la période à compter de juin 2017

– 48,35 € nets hors période hivernale (gaz, électricité, eau chaude)

– 64,25 € nets en période hivernale (gaz, électricité, chauffage, eau chaude)

‘ Dit et jugé que M. [L] s’est rendu coupable de travail dissimulé

‘ Condamné M. [L] à payer à Mme [T] la somme de 9792 €, soit six mois de alaire, à titre de travail dissimulé

‘ Dit et jugé que le licenciement de Mme [T] est sans cause réelle et sérieuse

‘ Condamné M. [L] à verser à Mme [T] les sommes de’:

– 1 358,64 € nets à titre d’indemnité légale de licenciement

– 3 264 € à titre de préavis

– 326,40 € bruts à titre de congés payés sur préavis

– 1632 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1500 € nets au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

– 1500 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Fixé le salaire moyen de Mme [T] à la somme de 1632 € bruts

‘ Ordonné à M. [L] à remettre à la salariée et sous astreinte de 50 € par jour de retard à partir du 15e jour après la notification du jugement, un nouveau bulletin de salaire avec les sommes ordonnées outre l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile

La décision a été notifiée aux parties et M. [L] en a interjeté appel et sollicité une assignation à jour fixe .

Par conclusions du’2 novembre 2021, M. [L] demande à la cour d’appel de’:

‘ Recevoir M. [L] en son appel et l’y déclarer bien-fondé ;

‘ En conséquence

‘ Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf ce qu’il a débouté Mme [T] du surplus de ses demandes tendant à la transmission du dossier au Parquet et à la capitalisation des intérêts dues sur le montant des condamnations prononcées ;

‘ Statuant à nouveau,

‘ Dire et juger qu’autant la convention collective nationale des salariés du particulier employeur que celle des gardiens, concierges et employés d’immeubles ne sont pas applicables dans les relations de travail ayant existé entre Mme [T] et M. [L]

‘ Dire et juger que M. [L] rapporte la preuve de la durée exacte mensuelle convenue du contrat de travail et démontre que Madame [K] [T] n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition ;

‘ Ecarter, par voie de conséquence, l’application de la présomption simple de travail à temps complet procédant de l’omission de la mention de la durée et de la répartition du temps de travail dans le contrat de travail ;

‘ Dire et juger que la démission de Mme [T] procède d’une volonté claire et non équivoque ;

‘ En conséquence,

‘ Débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, ni fondées, ni justifiées ;

‘ A titre reconventionnel,

‘ Condamner Mme [T] à lui payer les sommes suivantes :

– 450,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis de démission ;

– 791,84 € au titre du solde créditeur de la caisse gérée par la salariée pour le compte de son employeur ;

‘ Condamner Mme [T] à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner la même aux entiers dépens d’instance et d’appel.

‘ A titre subsidiaire,

Sur la demande de rappel de salaire :

Dans l’hypothèse où, si par impossible, la Cour d’appel devait confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, ce qui ne sera pas,

‘ Limiter, en ce cas, le montant des condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [S] [L] aux sommes suivantes :

– 26.376,67 € à titre de rappel de salaire sur la base du SMIC ;

– 2.637,67 au titre des congés payés afférents ;

‘ A titre infiniment subsidiaire,

Dans l’hypothèse encore plus improbable où la Cour d’appel devait confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait application de la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeuble, ce qui ne sera pas non plus,

‘ Limiter, en ce cas, le montant des condamnations prononcées à l’encontre de M. [L] aux sommes suivantes :

– 38.659,49 € à titre de rappel de salaire, après déduction des avantages en nature logement et gaz, électricité, chauffage et eau chaude ;

– 3.865,95 € au titre des congés payés afférents ;

‘ A titre subsidiaire,

Sur la demande d’indemnisation d’un travail dissimulé :

Dans l’hypothèse où, si par impossible, la Cour jugeait que M. [L] a intentionnellement dissimulé l’emploi salarié de Madame [K] [T], ce qui ne sera pas,

‘ Limiter, en ce cas, à la somme de 8.990,82 € le montant de l’indemnité pour travail dissimulé mise à la charge de Monsieur [S] [L], calculée sur la base du SMIC en vigueur en 2018 :

‘ A titre subsidiaire,

Sur les demandes d’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Dans l’hypothèse où, si par impossible, la juridiction prud’homale faisait produire à la rupture les effets d’une licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Limiter, en ce cas, le montant des condamnations prononcées à l’encontre de M. [L] aux sommes suivantes, calculées sur la base du SMIC en vigueur en 2018 :

– 2.996,94 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis de licenciement ; outre 299,69 € au titre des congés payés afférents ;

– 1.217,51 € à titre d’indemnité de licenciement ;

– 1.498,47 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

‘ Operer, en ce cas, compensation entre le montant des sommes dues par Mme [T] au titre du solde de sa caisse et le montant des condamnations prononcées à l’encontre de l’employeur ;

Par conclusions en réponse du 29 novembre 2021, Mme [T] demande à la cour d’appel de’:

‘ Confirmer le Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE,

‘ Ainsi,

‘ Constater que Madame [T] était à l’entière disposition de son employeur l’intégralité du temps,

‘ Constater qu’au regard des missions confiées à Madame [T], elle ne saurait être embauchée à temps partiel,

‘ Dire et Juger que Madame [T] ne saurait être rémunérée en deçà des minimas conventionnels prévus pour sa catégorie.

‘ Dire et Juger que Madame [T] était sous rémunérée,

‘ Dire et Juger que le contrat de travail de Madame [T] doit être requalifié en contrat à temps plein.

‘ Constater que Monsieur [L] n’a pas rémunéré à Madame [T] des salaires qu’il avait pourtant déclarés.

‘ Constater que Monsieur [L] n’a jamais déclaré le moindre avantage en nature versé à Madame [T].

‘ Dire et Juger que l’avantage en nature devra être évalué de la manière suivante :

– Avantage en nature logement :

– 180 € d’avril 2015 à mai 2017,

– 185,40 € à compter de juin 2017.

– Evaluation des charges :

– 48,35 € hors période hivernale (gaz, électricité, eau chaude)

– 64,25 € en période hivernale (gaz, électricité, chauffage, eau chaude)

‘ Constater que Monsieur [S] [L] n’a pas régulièrement déclaré Madame [T] pour les mois où il l’a pourtant employée.

‘ Dire et Juger qu’il s’est rendu coupable de travail dissimulé.

‘ Dire et Juger que le mail de Madame [T] ne saurait être analysé comme étant une démission dans la mesure où il ne reflète pas une volonté claire et non-équivoque de la salariée de quitter son poste de travail.

‘ Dire et Juger que la démission de Madame [T] doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail au regard du contexte compliqué dans lequel Madame [T] avait écrit ce mail, à savoir en l’absence de versement des salaires depuis plusieurs mois.

‘ Statuant à nouveau :

‘ Condamner M. [L] à verser Mme [T] les sommes suivantes :

Les Rappels de salaires (avril 2015 à avril 2018)

‘ A titre principal, si le Conseil retient un positionnement en catégorie B’: 47.830,08€

‘ Congés payés afférents : 4.783 €

‘ A titre subsidiaire, si le Conseil retient un positionnement en catégorie A’: 42.095,08€

‘ Congés payés afférents : 4.209,50 €

‘ L’indemnité pour travail dissimulé’: 9.792 €

‘ Indemnité légale de licenciement’: 1.358,64 €

‘ Indemnité compensatrice de préavis’: 3.264 €

‘ Congés payés sur préavis’: 326,40 €

‘ Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’: 10.000 €

‘ Exécution déloyale du contrat de travail’: 1.500€

‘ Ordonner la transmission du dossier de Madame [T] au parquet afin qu’il puisse éventuellement être constaté une infraction pénale.

‘ Ordonner la remise à Madame [T] des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 200 € par jour de retard.

‘ Article 700 du code de procédure civile en cause d’appel 3 000€

‘ Ordonner la capitalisation des intérêts

‘ Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le’11 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI’:

Sur’la convention collective applicable :

Moyens des parties :

Mme [T] soutient, compte tenu de l’activité de loueur professionnel de meublés de M. [L] qu’elle a découverte au cours de la procédure, que la convention collective applicable à son contrat de travail est celle des «’gardiens d’immeubles’» et non la convention du «’particulier employeur’» dans la mesure où le particulier employeur est celui qui emploie plusieurs salariés à son domicile privé ou à proximité de celui-ci sans poursuivre de but lucratif et pour satisfaire les besoins de sa vie personnelle, notamment familiale et non de sa vie professionnelle. Elle précise que c’est d’ailleurs la convention collective qui est précisée dans le contrat de travail.

Elle sollicite être placée en catégorie B, niveau 2, coefficient 255 de la Convention collective des gardiens d’immeubles. Elle soutient par ailleurs que la définition de l’immeuble présentée par M. [L] ne relève d’aucun texte ni d’aucune jurisprudence et que l’attestation de M. [J] locataire [Y] en 2018 et 2020 ne concerne pas le litige, puisque à ces périodes elle ne se trouvait plus sur les lieux.

M. [L] soutient pour sa part qu’il convient d’écarter l’application de la convention collective des gardiens d’immeubles malgré sa mention dans le contrat de travail et sa profession de loueur professionnel de meublés, dans la mesure où le travail que Mme [T] effectuait pour son compte ne correspond pas aux tâches dévolues aux gardiens, concierges et autres employés d’immeubles relevant de ladite convention collective nationale.

Le fait que cette convention ait été mentionnée dans le contrat de travail ne saurait valoir reconnaissance de sa part de l’application volontaire de cette convention à l’égard de Mme [T], en raison de l’impossibilité matérielle d’en faire application au cas de la salariée.

M. [L] fait également valoir qu’il résulte du rappel des tâches dans cette convention incombant aux gardiens, concierges et employés d’immeubles que la notion d’immeuble à laquelle renvoie cette convention ne se rapporte nullement à la définition juridique d’un bien immobilier par opposition à un bien meuble. Elle concerne spécifiquement un bâtiment à usage collectif d’habitation ou de bureau comportant impérativement des parties communes qu’il faut garder, surveiller et entretenir pour le service des parties privatives occupées par leurs propriétaires respectifs ou donnés en location, dans le cadre de bonnes habitations, de baux commerciaux ou professionnels. Cette notion d’immeuble s’opposant à la notion de maisons individuelles où par définition le bâtiment et ses dépendances sont affectées à un usage strictement privatif. Or, son bien immobilier ne répond pas à la définition d’un bâtiment collectif s’agissant d’une grande maison individuelle qui lui servait jusque-là de domicile personnel et qu’il a choisi d’affecter à un usage de location saisonnière. Les locataires bénéficiant d’une jouissance privative de la totalité de la maison individuelle sans parties communes et équipements affectés à un usage collectif.

Sur ce,

Il est de principe qu’un employeur peut appliquer des conventions ou accords auxquels il n’est pas soumis. L’assujettissement de l’employeur à une convention collective peut ainsi résulter de sa volonté explicite d’en faire bénéficier son personnel.

En l’espèce, il résulte du contrat de travail en date du1er décembre 2014 objet du litige de Mme [T] et de son compagnon, intitulé «’contrat de travail d’un gardien à temps partiel’» , qu’ils sont employés en qualité de «’gardien’» et qu’elle mentionne expressément les dispositions de «’l’article L. 7211-2 code du travail aux termes desquelles «’Est considérée comme concierge, employé d’immeubles, femme ou homme de ménage d’immeuble à usage d’habitation, toute personne salariée par le propriétaire ou par le principal locataire et qui, logeant dans l’immeuble au titre d’accessoire au contrat de travail, est chargée d’en assurer la garde, la surveillance et l’entretien ou une partie de ces fonctions.’»

Il est également fait mention de la classification comme suit’:’ «’L’emploi de M. [O] et de Mme [T] est classé en catégorie B, niveau II coefficient 255’».

Il est enfin précisé que « le présent contrat est soumis aux dispositions de la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles du 11 décembre 1979 (brochure JO 3144)’».

D’autre part, il ressort des éléments versés aux débats par l’employeur qu’il a pu employer pour «’surcroît occasionnel de travail lié à la location saisonnière du mas du Plot’» d’autres personnels dont Mme [G], et qu’il l’a expressément fait cette fois par un contrat de travail CESU «’salarié du Particulier employeur’» régi par les dispositions de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.

Ces différents éléments permettent à la cour de se convaincre, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la notion d’immeuble développée par M. [L], que celui-ci a manifesté une volonté explicite de voir appliquer la convention collective des gardiens d’immeuble à la relation de travail conclue entre Mme [T] et lui.

Mme [T] doit par conséquent être qualifiée de gardienne et classée comme prévu dans son contrat de travail à la «’catégorie B, niveau II coefficient 255’».

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps plein’:

Moyens des parties :

Mme [T] soutient que son contrat de travail ne mentionnant pas, comme prévu par la loi et les dispositions de la convention collective, la durée précise de son temps de travail ni sa répartition, ni les tâches prévues et de nombre d’UV correspondantes, il existe une présomption de travail à temps plein et le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps complet.

Elle indique justifier qu’elle travaillait à temps complet au regard du nombre de tâches à accomplir prévues au contrat de travail, le Mas ayant une superficie d’environ 300 m² et le jardin une superficie de 5000 m². Qu’outre les tâches prévues au contrat de travail, elle avait également la charge de l’entretien de l’intégralité de l’intérieur du Mas lorsqu’il était inoccupé entre le passage de deux locataires. Elle était en réalité occupée sur la base de 10 heures par jour voire parfois plus, sept jours sur sept. Aucun décompte n’étant établi par l’employeur dans la mesure où elle était rémunérée pour un nombre d’heures identiques chaque mois pour une rémunération de 200 € par mois lorsqu’elle la percevait.

Les tâches n’étaient pas ventilées entre elle et son compagnon, et n’ont pas été modifiées suite au départ de celui-ci par un avenant au contrat de travail. Si après son départ, elle ne s’occupait effectivement plus de la tonte de la pelouse et de l’entretien des massifs, elle avait repris de nombreuses fonctions dont il se chargeait auparavant comme la gestion des arrosages automatiques des pelouses et l’entretien de la piscine, l’entretien du mobilier extérieur et l’entretien quotidien de l’extérieur (ramassage des feuilles, arrosages de toutes les plans d’humains’) mais également et plus généralement le gardiennage et la surveillance de la propriété. Elle était à la disposition constante des locataires et donc de son employeur, qui disposaient de son numéro de téléphone pour la solliciter pour diverses tâches (changement d’une prise ne fonctionnant plus, d’une bouteille de gaz, réparation de la machine à laver, changement d’emploi’). Une fois la saison finie, elle se devait d’être présente dans la mesure où elle recevait des artisans intervenant pour divers travaux pour leur ouvrir et fermer les logements et pour la surveillance du Mas. Elle n’a jamais occupé d’autres emplois sauf chez le père de l’employeur et ponctuellement chez son fils.

Elle fait enfin valoir que si son successeur a bénéficié d’un contrat à durée déterminée sans que la période d’emploi soit précisée et que ce profil ne correspond pas aux fonctions de gardiennage qui lui étaient attribuées, elle n’est pas logée sur place et n’a donc pas les mêmes missions.

M. [L] conteste que la salariée était occupée à temps complet et estime être en mesure de rapporter la preuve de la durée exacte mensuelle convenue et démontrer que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler ni qu’elle était dans l’obligation de se tenir constamment à sa disposition.

M. [L] soutient que Mme [T] assumait une partie seulement des tâches mentionnées dans le contrat de travail commun avec son ancien compagnon. Le couple était à la recherche d’un poste pour deux et non pas de deux postes, leur laissant suffisamment de temps pour travailler en dehors, que ce soit en tant que femme de ménage ou aide à domicile pour la femme et d’auto entrepreneur dans le bâtiment au service des particuliers pour son compagnon.

Monsieur [O] s’occupait de l’entretien du jardin, de la piscine, de la gestion de l’arrosage automatique, du bricolage, du nettoyage pré saison et de la remise en ordre pour l’hiver.

Mme [T] quant à elle, assumait l’accueil des locataires de l’habitation principale, l’établissement des états des lieux d’entrée et de sortie, le changement du linge entre deux locataires, la vérification de la propreté des lieux après le départ des locataires. Le poste était logé sur le lieu de travail. Après la démission de son compagnon, Mme [T] a continué à assumer ses tâches et M. [L] a fait appel pour remplacer M. [O] à une entreprise extérieure. Mme [T] n’avait pas à assumer comme elle le prétend, l’entretien quotidien de la piscine, du jardin et du mobilier extérieur pendant la présence des locataires alors que la location saisonnière ne comportait aucun entretien pendant la durée du séjour. M. [L] avait repris à son compte l’entretien courant du bâtiment et notamment le menu bricolage.

M. [L] fait valoir qu’à la suite du départ de son compagnon, il a proposé à la salariée un avenant prévoyant une réduction de sa rémunération sous deux formes mais qu’elle n’a pas répondu à cette offre et a néanmoins conservé le bénéfice de la jouissance de la maisonnette sans contrepartie.

M. [L] conteste le fait qu’elle occupait un poste d’emploi de dame de maison l’obligeant à se tenir constamment à la disposition de la famille et de ses locataires. Il affirme qu’il ne résidait plus au Mas lorsqu’il l’a embauchée, mais à Montélimar et qu’il faisait appel à une autre salariée pour effectuer le ménage dans son propre appartement.

Mme [T] ne travaillait par ailleurs que durant la saison touristique qui durait au plus 18 semaines sur l’année sur une période de six mois allant d’avril à fin septembre. Exceptionnellement M. [L] pouvait louer le Mas pour les fêtes de fin d’année. Mme [T] n’en était pas moins rémunérée pendant cette période d’inactivité. En cas d’intrusion dans les lieux, c’était l’entreprise de télésurveillance à qui il incombait de prévenir les services de police et de se déplacer. Mme [T] se devait seulement de répondre sur son portable en cas d’incident aux appels téléphoniques de l’entreprise de télésurveillance sans aucune obligation de présence imposée. Elle ne travaillait que les samedis en saison et deux fois en semaine par an avant et après la saison afin d’assurer le nettoyage du Mas. Elle était parfaitement en mesure de prévoir à quel rythme elle travaillait au regard des plannings de location qu’elle recevait chaque année de son mandataire et qu’il lui adressait. Elle n’était pas au service des locataires mais se contentait de les accueillir et d’établir les états des lieux d’entrée de sortie et de veiller à ce que le ménage ait été fait correctement.

M. [L] soutient enfin que la salariée occupait d’autres emplois en dehors du Mas, notamment avec son père et son fils.

Sur ce,

L’article L.3123-14 code du travail dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 10 août 2016, que contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne’:

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article’L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

La non-conformité du contrat de travail à temps partiel ou de ses avenants aux dispositions suvisées peut entraîner sa requalification en temps complet.

Il incombe à l’employeur, et non au salarié, qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, il ressort des contrats de travail à temps partiel de Mme [T] en date du 1er décembre 2014 qu’il est précisé au paragraphe intitulé « durée du travail », que’« M. [O] et Mme [T] exerceront leurs fonctions à temps partiel avec le droit de s’absenter à toute heure du jour et de travailler à l’extérieur. Ces tâches sont en effet limitées aux éléments :

‘ Entretien du jardin et des parties communes : tonte de la pelouse, taille et, ramassage des feuilles, plantations, désherbage des massifs, entretien de la piscine, gestion de l’arrosage automatique (mise en eau, vérification des zones, remplacement matériel cassé, hivernage), menu bricolage (maçonnerie, électricité, plâtrerie, peinture, changement des sols si nécessaires, carrelage, remise à niveau de propreté en fin de saison), nettoyages pré saison (deshivernage de l’arrosage intégré, mise en place mobilier de jardin, dépannage, plancha), et remise en ordre pour l’hiver (hivernages de l’arrosage intégré piscine, rangement mobilier de jardin, des bâches, plancha) et plus généralement toute action d’entretien et de gardiennage de la propriété notamment la réponse à la société d’alarme.

‘ Accueillir les locataires de l’habitation principale et établir un état des lieux contradictoire à leur entrée et assurer une présence lors de leur départ afin d’établir l’état des lieux de sortie et de percevoir le loyer dû, gérer le linge de maison (literie, linge de toilette et comprenant entre autres la mise en place, nettoyage et repassage et le rangement du linge sale), une attention toute particulière sera portée au nettoyage du locataire sortant. En cas de non-conformité, il sera nécessaire d’y remédier.

‘ L’attente et l’entretien du jardin, l’entretien des locaux, le changement du linge seront effectués après le départ des locataires et avant l’arrivée des locataires suivants.

‘ Établir pour M. [L] un compte rendu de chaque location avec les éventuelles difficultés rencontrées et transmettre le loyer correspondant. »

Il est également mentionné que M. [O] et Mme [T] bénéficieront d’un repos hebdomadaire le dimanche ainsi que des jours fériés légalement prévus par la loi. Le jour de solidarité sera fixé d’un commun entre et l’employeur.

Il y a lieu de constater que ni la durée hebdomadaire ou mensuelle ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit aux salariés, ne sont précisés au présent contrat de travail à temps partiel.

Ce contrat de travail est par conséquent présumé à temps complet sauf à l’employeur de démontrer que Mme [T] effectuait en réalité un temps partiel et était en mesure de connaître ses horaires de travail suffisamment à l’avance et n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Le seul fait de préciser dans le contrat de travail initial que les salariés disposaient «’du droit de s’absenter à toute heure du jour et de travailler à l’extérieur’» ne suffit pas à démontrer qu’au regard des tâches réellement accomplies, notamment après la démission de son conjoint, M. [O], Mme [T] n’avait pas à se tenir à la disposition de son employeur. L’éventuelle liberté d’organisation d’un salarié n’étant pas en contradiction avec la réalisation d’un travail à temps complet.

Aucune ventilation des tâches énumérées au contrat de travail n’est précisée entre M. [O] et Mme [T].

Il convient également de noter qu’à la suite de la démission de M. [O], aucun avenant au contrat de travail initial qui prévoyait un poste de gardiennage pour le couple constitué de Mme [T] et M. [O], n’a été conclu entre Mme [T] et M. [L] aux fins de redéfinir les tâches prévues en 2014. L’«’avenant 2’» au contrat de travail versé aux débats par l’employeur en date du 1er juillet 2017 non signé par les parties ne suffisant pas à démontrer qu’il a été effectivement proposé et refusé par la salariée et non établi pour les besoins de la cause.

M. [L] qui conclut que Mme [T] n’a pas été chargée d’assumer en totalité les tâches mentionnées à l’article 4 de son contrat de travail à la suite du départ de son compagnon ne le démontre pas.

Il doit être rappelé qu’il est de principe que les dispositions de l’article 202 ne sont pas prescrites à peine de nullité, et qu’il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement si l’attestation non conforme à l’article 202 présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

M. [L] justifie par la production de factures pour des interventions du 8 juillet 2017 au 28 avril 2018 pour le compte d’une société [D] SERVICES sans précision des tâches accomplies, corroborées par l’attestation de M. [D] du 23 juin 2020 qui certifie avoir assuré pour la propriété dite «’Mas le plot’» de M. [L] l’entretien régulier des espaces verts et de la piscine et ensuite un entretien des extérieurs «’soigneux’» les samedis de location au cours de la période du 1er juillet 2017 à septembre 2018, que cette partie des tâches a été réalisée par une société extérieure à partir de juillet 2017. Mme [T] ne contestant d’ailleurs pas qu’elle ne s’occupait effectivement plus de la tonte de la pelouse et de l’entretien des massifs.

Toutefois, s’agissant des autres tâches prévues au contrat de travail initial, la seule attestation d’un locataire saisonnier présent une semaine sur l’année, qui affirme «’durant cette semaine, je n’ai vu aucun intervenant tant au niveau jardin que maison’» (M. [B]) est inopérante s’agissant de l’activité de Mme [T] durant toute l’année d’autant qu’il est précisé dans la liste des tâches prévues au contrat de travail que « La tonte et l’entretien du jardin, l’entretien des locaux, le changement du linge seront effectués après le départ des locataires et avant l’arrivée des locataires suivants’» et donc non en présence des locataires.

L’attestation de M. [J] versée aux débats qui indique «’qu’il a loué la maison à deux reprises du 11 au 25 août 2018 et du 1er au 23 août 2020’ qu’il avait l’accès à l’ensemble de la propriété sauf d’un bureau et d’un bâtiment attenant appelé « maison de gardien » mais que nous n’avons jamais croisé. Il n’y avait pas de personnel de maison. Il est arrivé parfois qu’une entreprise passe pour assurer l’entretien de la piscine du jardin de samedis intermédiaires et le jour du départ.» n’est pas pertinente dans le présent litige, ce client ayant loué la propriété après que M. [L] ait pris acte de la prétendue«’démission verbale’» de Mme [T] à compter du 24 mars 2018.

Par ailleurs le calendrier de location prévu par M. [L] pour un de ses prestataires potentiels n’excluait pas la saison d’hiver et il ne démontre pas que le Mas n’a pas été occupé à des périodes de l’année autre que l’été dans le cadre d’une location en direct ou par le biais d’un autre prestataire.

Si M. [L] justifie que M. [O] pouvait effectuer ou faire effectuer des travaux non compris dans son contrat de travail pour le compte de son entreprise (‘[O] Revêtement sols et murs entretien espaces verts’), cet élément est également inopérant s’agissant de justifier du temps de travail effectif de Mme [T].

Il ne ressort pas des mails versés aux débats par M. [L], que les gardiens n’avaient pas d’occupation l’hiver mais uniquement qu’ils s’inquiétaient dès juillet 2015 de leur rémunération en l’absence de vacanciers l’hiver, ne voulant pas «’être payés à moindre ouvrage’» et que M. [L] considérait que Mme [T] était salariée de ses parents «’qui compte tenu de leurs âges ont besoin de plus d’heures’» pour la période du 1er octobre à la reprise des locations »» en compensation de la baisse d’activité dans le cadre de son contrat de travail. Cette activité ne peut par conséquent être considérée comme démontrant que Mme [T] connaissait suffisamment son planning de travail pour occuper un autre emploi, le caractère familial de cet emploi par ailleurs non intégralement déclaré de la part de l’employeur qui la considérait comme faisant partie des tâches incluses dans le contrat de travail de gardien, lui permettant en fait d’ajuster le temps de travail de la salariée en fonction des nécessités sans qu’elle ne soit pour autant en capacité de connaître par avance son rythme de travail et d’exercer un autre emploi.

Par ailleurs les déclarations CESU versées par l’employeur concernent la période postérieure à la prise d’acte de la démission de Mme [T] par M. [L] et ne sont pas toutes signées par son père ou la salariée. Il ne justifie pas non plus que Mme [T] travaillait chez un tiers (Mme [N]) en parallèle de son activité au Mas.

Enfin le fait pour Mme [T] d’avoir également occupé un emploi à caractère familial déclaré chez le fils de Mme [T] quelques heures par semaine de janvier 2016 à juin 2016 ne suffit pas à démontrer qu’elle était en capacité de déterminer son rythme de travail et d’occuper un autre emploi, compte tenu non seulement du faible nombre d’heures allégué, du caractère tout à fait temporaire de cet emploi et de son caractère intra familial à l’employeur permettant à Mme [T] également d’ajuster son temps de travail en fonction des nécessités.

Le contrat de travail d’une personne embauchée postérieurement à Mme [T] est également peu probant dans le cadre de la démonstration de la réalité de la relation contractuelle litigieuse, l’employeur ayant pu modifier ses conditions d’emploi et Mme [G] bénéficiant d’ailleurs d’un contrat CESU sans logement de fonction.

Il y a donc lieu de juger que M. [L] ne démontre pas que Mme [T] n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Il convient en conséquence de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet par voie de confirmation du jugement déféré.

Compte tenu de son emploi en qualité de gardienne classée comme prévu dans son contrat de travail «’catégorie B, niveau II coefficient 255’», faute pour l’employeur d’avoir déterminer le nombre d’UV correspondant aux tâches à accomplir, il convient de retenir comme l’ont fait les premiers juges un salaire de 1’632 € sur la base de 10’000 UV conformément à la convention collective des gardiens soit pour toute la relation contractuelle de 47’452 € outre 4’746,20 € de congés payés afférents pour la période d’avril 2015 à avril 2018.

Il ressort de la convention collective que lorsque le salarié est classé en catégorie B, le logement de fonction accessoire au contrat de travail est obligatoire et le gardien prend en charge les frais de chauffage, d’abonnements et les fournitures correspondant à son usage personnel.

Ces prestations de fournitures (gaz, électricité, chauffage, eau chaude) prises en charge au titre du contrat de travail par M. [L] constitue par conséquent un salaire complémentaire prévu par la convention collective qu’il ne convient par conséquent pas de déduire du salaire à percevoir. Il convient également de confirmer la décision déférée à ce titre.

Sur le travail dissimulé’:

Mme [T] soutient que M. [L] s’est rendu coupable de travail dissimulé puisqu’il ne l’a pas rémunérée pour l’intégralité des heures qu’elle accomplissait et a procédé à de fausses déclarations sur ses bulletins de salaire. Elle n’a par ailleurs plus reçu de salaire à compter du mois de juin 2017 jusqu’à la rupture du contrat de travail en avril 2018 alors que M. [L] contribuait de faire des déclarations de versement de salaires aux services de l’URSSAF et il n’a jamais déclaré l’avantage en nature.

M. [L] soutient que la rémunération qui était versée à Mme [T] correspondait bien à son temps de travail et que quand bien même il n’aurait pas payé une partie de sa rémunération, elle ne justifie pas de son intention coupable, c’est-à-dire d’avoir en connaissance de cause violé ses obligations légales. Il ne saurait lui être fait grief d’avoir exclusivement rémunéré Mme [T] sous la forme d’avantages en nature, ce qui est admis par la jurisprudence sous réserve que ce soit au moins égal au SMIG. Les salaires perçus par le couple en exécution du contrat de travail ont bien été déclarés au CESU avec cette précision que les déclarations effectuées au nom de son père, [E] [L], cumulent les heures que Mme [T] a effectué au service de M. [S] [L] et de M. [E] [L]. L’avantage en nature n’a pas été déclaré de juin 2017 au 24 mars 2018 parce que jusqu’en octobre 2019 cette déclaration ne pouvait être effectuée auprès du CESU et qu’il ignorait qu’il pouvait l’effectuer directement auprès de l’URSSAF.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 du code du travail dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.’8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n’est exigible qu’en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d’un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l’indemnité de mise à la retraite.

En l’espèce, il est constant que M. [L] n’a pas déclaré l’avantage en nature dont bénéficiait M. [O] et Mme [T] et qu’il a déclaré sous le nom de son père, [E] [L], une partie des heures de travail effectuées par Mme [T] à son service à compter du 30 juin 2016, n’a pas déclaré l’intégralité des heures de travail effectuées par Mme [T] qui en réalité travaillait à temps complet et a cessé de la rémunérer tout en déclarant verser son salaire après la démission de M. [O].

L’élément moral du travail dissimulé est en l’espèce caractérisé par le fait que M. [L] ne pouvait ignorer l’amplitude de travail de sa salariée, la déclarant partiellement par ailleurs sous le nom de son propre père qui devait payer une partie des cotisations sociales associées.

Il convient par conséquent de condamner M. [L] à verser à Mme [T] la somme de 9’792 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail’:

Mme [T] soutient que son employeur s’est affranchi des règles les plus élémentaires du droit du travail dans le seul but de profiter de ses services moyennant un salaire dérisoire qu’elle devait se partager avec son compagnon lui causant un préjudice qui doit être réparé.

M. [L] soutient pour sa part que la salariée ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui résultant du non-paiement des salaires causés par la mauvaise foi supposée de l’employeur. En réalité, la salariée prétend faire indemniser doublement l’infraction prétendue de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

Il résulte des éléments susvisés que M. [L] a abusé de sa position d’employeur afin de se soustraire au droit du travail et a maintenu Mme [T] dans une relation de travail avec une rémunération minimale ne lui permettant pas de vivre dans des conditions décentes. Mme [T] doit être indemnisée à hauteur de 1’500 € à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

Mme [T] conteste avoir démissionné et soutient que du mail litigieux, il ne ressort aucune volonté claire et non équivoque de sa part de rompre le contrat de travail, faisant juste état auprès de son employeur de sa situation financière désastreuse du fait de l’absence totale de versement des salaires de sa part depuis de nombreux mois l’empêchant de réparer sa voiture. Elle conteste également avoir refusé de travailler à la suite de sa prétendue démission et soutient que c’est en raison de la faute de l’employeur qu’elle s’est vue réclamer des sommes au titre de l’occupation de son logement alors qu’elle n’était à l’origine d’aucune demande de rupture; elle sollicite à titre subsidiaire la reconnaissance que la rupture de son contrat de travail a, à tout le moins pour origine, les manquements de son employeur à ses obligations les plus élémentaires en matière de droit du travail.

M. [L] fait valoir qu’il existe une volonté non équivoque de démissionner dans le mail du 24 mars 2018 de la part de la salariée qui indique sa volonté de « tout arrêter », et n’a pas honoré le rendez-vous convenu avec lui, manifestant par là même son intention de ne pas poursuivre la relation de travail, et a fait savoir verbalement à l’entreprise de télésurveillance qui avait contactée par téléphone à la suite d’un incident, qu’elle travaillait plus pour lui. Par ailleurs elle n’était pas sous l’empire de la contrainte.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l’article L. 1231-1 du code du travail que le contrat de travail peut être rompu par la démission du salarié.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle doit être librement consentie et le consentement du salarié ne doit pas être vicié. A défaut, la démission est nulle et la rupture du contrat de travail s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il appartient au salarié d’apporter la preuve que son consentement a été vicié.

Lorsque la démission trouve sa cause dans les manquements de l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, elle produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque ces faits le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

En l’espèce, il ressort d’un mail de Mme [T] adressé à M. [L] le 24 mars 2018 comme suit «’Monsieur, Vue dans la situation financière grave ou je me trouve depuis des mois’!!! que vous n’ignorez pas. Je n’ai pas les moyens de réparer ma voiture pour aller travailler, par conséquent ce jour bloquer par celle-ci, je ne peux aller chez vous parents ni m’occuper du Mas. Donc j’arrête tout.’»

Le 1er avril 2018, la SAS 26, société de surveillance du Mas écrit à M. [L], que suite à un défaut d’alimentation de son domicile de Sauzet, elle a contacté Mme [T] qui l’a informée ne plus travailler pour M. [L] et de prendre contact directement avec lui.

Toutefois, au vu des éléments versés aux débats, il est établi que depuis plusieurs mois M. [L] manquait à ses obligations essentielles d’employeur en ne rémunérant plus Mme [T] que par le seul avantage en nature que constituait le logement sans avenant au contrat de travail conclu entre les parties. Mme [T] fait d’ailleurs référence clairement à sa situation financière grave et la confiance par l’employeur de celle-ci depuis des mois dans le mail susvisé.

Ces manquements établis, faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail. La démission de Mme [T] doit donc produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de l’ancienneté de Mme [T] et en application des dispositions de l’article L. 12235-3 code du travail 3 ans 3 mois et 23 jours, elle est en droit d’obtenir une indemnité d’un mois de salaire, soit la somme de 1’632 € par voie de confirmation du jugement déféré.

Il convient de confirmer le jugement déféré s’agissant du quantum des autres condamnations financières liées à la rupture du contrat de travail.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur pour indemnité de préavis non effectué’:

Moyens des parties’:

M. [L] sollicite la somme de 450 € à titre d’indemnité correspondant au préavis d’un mois prévu par l’article 11 de la convention nationale des salariés du particulier employeur.

Toutefois faute pour la convention collective susvisée de s’appliquer à la présente relation de travail, il convient de débouter M. [L] de sa demande à ce titre.

Sur la demande de transmission du dossier au parquet :

Mme [T] sollicite conformément à l’article 40 du code de procédure pénale au regard de la gravité des manquements reprochés la transmission du dossier au parquet afin qu’il puisse éventuellement être constaté une infraction pénale.

M. [L] soutient qu’aucune infraction n’est établie et que la plainte déposée entre les mains du procureur de la république le 21 octobre 2017 n’a connu aucune suite, la demande étant par conséquent mal fondée.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale que le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Vu la saisine du procureur de la république par Mme [T] le 21 octobre 2017, il n’y a pas lieu de transmettre de nouveau au Ministère public les éléments de la situation de Mme [T].

Sur la demande de remboursement du solde de caisse :

M. [L] explique qu’il entrait dans ses attributions de procéder à des achats de produits ménagers et qu’elle était chargée également d’encaisser pour lui des forfaitsd’ électricité réglés en espèces par les locataires à leur entrée dans les lieux. La salariée gérait ainsi une caisse d’espèces dont elle a négligé d’établir le décompte qui fait apparaître un solde de 791,84 €.

Mme [T] conteste devoir des sommes à son employeur au titre de la prétendue gestion d’une caisse dans la mesure où elle versait systématiquement à l’employeur les sommes versées par les locataires en espèces.

Sur ce,

Il convient de noter que non seulement M. [L] n’expose pas les moyens de droit fondant sa demande de remboursement comme les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile le lui imposent, mais ne démontre pas que Mme [T] ait encaissé des sommes en espèces pour son compte et ne le lui ait pas restituées. Il doit être débouté de la demande à ce titre.

Sur la remise d’une attestation POLE EMPLOI et d’un bulletin de salaire rectifiés :

Il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les demandes accessoires’:

Il convient de confirmer le jugement déféré s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

M. [L] partie perdante qui sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il sera alloué à Mme [T], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 2 500’€ au titre de la loi 91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE’M. [L] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 code civil,

DIT qu’il sera alloué à Mme [T] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 2 500’€ au titre de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 en cause d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [L] aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,

 


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