Particulier employeur : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02069

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Particulier employeur : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02069
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ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1117/22

N° RG 19/02069 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SUV4

FB/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

11 Septembre 2019

(RG 18/00051)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

Mme [W] [H]

[Adresse 4] [Localité 5]

représentée par Me Olivier CAYET, avocat au barreau de CAMBRAI

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022019012165 du 05/11/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

M. [R] [T] es qualité d’héritier de Monsieur [Z] [T]

[Adresse 3] [Localité 6]

M. [K] [T] es qualités d’héritier de [Z] [T]

[Adresse 2] [Localité 1] BELGIQUE

représentés par Me Jean-Baptiste HENNIAUX, avocat au barreau d’AVESNES-SUR-HELPE

DÉBATS :à l’audience publique du 01 Mars 2022

Tenue par Frédéric BURNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 27 mai 2022 au 24 juin 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 8 février 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [W] [H] a été engagée par Monsieur [Z] [T], pour une durée indéterminée à compter du 1er mars 2009, en qualité d’employée de maison.

Le 1er septembre 2010, Madame [H] a été victime d’un accident du travail au domicile de Monsieur [T]. Elle a fait l’objet d’arrêts de travail à compter de cette date.

Le 17 mai 2013, un médecin du travail a déclaré Madame [H] inapte à son poste de femme de ménage.

Monsieur [Z] [T] est décédé en mars 2015.

Le 17 juin 2016, Madame [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Cambrai de demandes afférentes à l’exécution de son contrat de travail et à la résiliation judiciaire de celui-ci.

Par jugement du 11 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Cambrai a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, à la date du jugement;

– condamné Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T] à payer à Madame [W] [H] les sommes suivantes :

– 5 330,27 euros à titre de rappel de salaires du 26 avril 2018 eu 12 juin 2019;

– 1 179,36 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L1226-15 du code du travail;

– 1 965,00 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement;

– 393,12 euros à titre d’indemnité de préavis incluant les congés payés;

– débouté Madame [W] [H] du surplus de ses demandes.

Madame [W] [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 octobre 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 janvier 2020, Madame [W] [H] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, condamné Messieurs [T] au paiement des sommes de 1 965 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement et 393,12 euros à titre d’indemnité de préavis.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement sur les autres chefs et de condamner Messieurs [T] à lui verser les sommes de :

– 28 304,54 euros à titre de rappel de salaire du 17 juin 2013 au 12 juin 2019;

– 2 830,46 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente;

– 4 717,48 euros au titre de l’indemnité prévue à l’article L1226-15 du code du travail;

– 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat;

– 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Au soutien de ses demandes, Madame [W] [H] expose que :

– son employeur puis ses héritiers ont fait preuve d’inertie après la déclaration d’inaptitude intervenue le 17 mai 2013 ; aucune proposition de reclassement n’a été formulée ; elle n’a jamais été licenciée ;

– elle a le droit au versement des salaires à compter du 17 juin 2013, à l’expiration du délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude ; si l’avis d’inaptitude ne porte pas la mention de Monsieur [T] en qualité d’employeur c’est que ce dernier n’avait pas cotisé auprès d’un service de médecine du travail ; les héritiers ont été informés de l’irrégularité de sa situation au plus tard lors de l’introduction de l’instance le 28 décembre 2015.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2021, Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T], en leur qualité d’héritiers de Monsieur [Z] [T], demandent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Ils justifient avoir versé à Madame [H] la somme de 9 306,75 euros en exécution de ce jugement.

Ils rappellent que Madame [H] a cessé ses fonctions auprès de Monsieur [Z] [T] en 2010. Ils soulignent que ce dernier n’a pas été informé de l’avis d’inaptitude, de sorte que ni celui-ci ni ses héritiers n’ont pu procéder au licenciement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de relever que l’appel ne porte pas sur :

– la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur,

– la date d’effet de cette résiliation,

– la condamnation des intimés au paiement d’une indemnité spéciale de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis.

Sur la demande en rappel de salaire

Aux termes de l’article L.1226-11 du code du travail, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Il ressort des éléments versés au dossier que Madame [H], qui exerçait la fonction d’employée de maison au service de Monsieur [Z] [T] depuis le mois de mars 2009, a été victime d’un accident du travail au domicile de cet employeur le 1er septembre 2010.

Elle a bénéficié d’arrêts de travail renouvelés jusqu’au 30 avril 2013.

Le 17 mai 2013, le médecin du travail a déclaré Madame [H] inapte à son poste de femme de ménage. Cet avis d’inaptitude indique la Pâtisserie Legrand en qualité d’employeur.

Le 11 juin 2013, la CPAM a fixé à 35% le taux d’incapacité permanente et a alloué à l’intéressée une rente.

Il n’est nullement établi que, à l’issue de son arrêt de travail, la salariée ait informé Monsieur [Z] [T] de son intention de reprendre son emploi, ou qu’elle ait demandé à celui-ci l’organisation d’une visite de reprise aux fins de faire constater son inaptitude, ou encore qu’elle l’ait informé de l’avis d’inaptitude délivré le 17 mai 2013 ou de la reconnaissance d’une incapacité permanente par la CPAM.

Il n’est produit aucun élément portant trace d’un quelconque contact, d’une quelconque manifestation ou sollicitation de Madame [H] à l’adresse de cet employeur.

Il ne peut, dès lors, être fait grief à Monsieur [Z] [T] de ne pas avoir organisé la visite de reprise ou de ne pas avoir tenu compte de l’avis d’inaptitude, rendu dans le cadre d’une relation de travail distincte avec autre employeur, qui ne lui était pas opposable faute de lui avoir été notifié.

En l’absence de visite de reprise ou de toute démarche visant à faire valoir l’avis d’inaptitude délivré dans le cadre d’une autre relation de travail, le contrat de travail conclu avec Monsieur [T] est demeuré suspendu, de sorte que les dispositions de l’article L.1226-11 du code du travail n’étaient pas applicables. Aucune rémunération n’était donc due.

Par ailleurs, nonobstant la décision, devenue définitive, du conseil de prud’hommes de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au 11 septembre 2019, celui-ci se trouve dépourvu d’objet depuis le décès de l’employeur survenu en mars 2015.

Conformément aux stipulations de l’article 13 de la convention collective des salariés du particulier employeur, le contrat de travail ne s’est pas poursuivi automatiquement avec les héritiers. Il n’est pas allégué que ceux-ci auraient manifesté le souhait de reprendre ce contrat de travail.

Dès lors, les héritiers, qui n’ont pas la qualité d’employeur, n’avaient pas à mettre en oeuvre les dispositions de l’article L.1226-11 et à reprendre le paiement des salaires après avoir été informés, dans le cadre de la présente instance, de l’existence d’un avis d’inaptitude.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Madame [H] ne pouvait prétendre à aucune rémunération au terme de ses arrêts de travail.

Néanmoins, la cour ne pouvant pas, en application de l’article 562 du code de procédure civile, aggraver le sort de l’appelante sur son appel en l’absence d’appel incident des intimés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T] au paiement de la somme de 5 330,27 euros à titre de rappel de salaire.

Sur l’indemnité prévue à l’article L1226-15 du code du travail

Selon l’article L.1226-15 du code du travail, lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l’article L.1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement, prévues à l’article L. 1226-14.

Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l’article L.1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement.

En l’espèce, après avoir retenu l’existence d’un manquement à une obligation de reclassement, les premiers juges ont condamné les intimés à verser à Madame [H] la somme de 1 179,36 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L1226-15 du code du travail.

L’appel de Madame [H] ne porte pas sur le principe de cette indemnisation mais sur son quantum. Pour leur part, les intimés ne remettent pas en cause ce droit à indemnisation retenu par le conseil de prud’hommes.

Dès lors, la cour n’est saisie que d’une contestation portant sur le montant alloué par les premiers juges.

Pour déterminer le droit de Madame [H], il convient de se référer à la version de l’article L.1226-15 susvisée, applicable à la date de la rupture du contrat de travail fixée par le conseil de prud’hommes. Il s’ensuit que le montant de l’indemnité pouvant être allouée ne peut être inférieure au salaire des 6 derniers mois.

Il y a donc lieu d’allouer à Madame [H], par réformation du jugement entrepris, la somme de 2 418,76 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat

Le contrat n’ayant pas été rompu de son vivant, et la salariée n’ayant entrepris aucune démarche auprès de son employeur pour faire valoir l’avis d’inaptitude rendu dans le cadre d’une autre relation de travail, il ne peut être fait grief à Monsieur [Z] [T] de ne pas avoir délivré à Madame [H] des documents de fin de contrat.

Par ailleurs, il n’est nullement démontré que les héritiers de Monsieur [Z] [T] avaient connaissance, avant leur convocation devant le conseil de prud’hommes, de l’existence et de la poursuite de ce contrat de travail, au moment du décès de l’intéressé en mars 2015, dans la mesure où ce contrat était suspendu depuis le mois de septembre 2010, aucune prestation n’avait été effectuée depuis cette date et la salariée ne s’était à aucun moment manifestée auprès d’eux. Il ne peut donc être retenu aucune faute à leur encontre.

Il ne peut, ensuite, leur être fait grief d’avoir attendu la décision du conseil de prud’hommes saisi d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.

Enfin, il ne peut être reproché aux intimés, qui ont, par ailleurs, volontairement exécuté le jugement en adressant un chèque de 9 306,75 euros à Madame [H], de ne pas avoir remis les documents de fin de contrat alors que certaines mentions devant y être portées dépendent de la solution apportée au litige en cause d’appel.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

L’équité et la situation des parties ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dans la limite de la saisine,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T] à verser à Madame [W] [H] la somme de 1 179,36 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L1226-15 du code du travail,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T], en leur qualité d’héritiers de Monsieur [Z] [T], à payer à Madame [W] [H] la somme de 2 418,76 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L1226-15 du code du travail,

Déboute Madame [W] [H] de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne Monsieur [R] [T] et Monsieur [K] [T], en leur qualité d’héritiers de Monsieur [Z] [T], aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Stéphane MEYER

 


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