Particulier employeur : décision du 22 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04405

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Particulier employeur : décision du 22 juin 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/04405
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2022

N° RG 19/04405

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTTG

AFFAIRE :

[R] [K]

C/

[P] [V] épouse [Z]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 novembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : F 17/03454

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jeanne GAILLARD

Me Agnès CITTADINI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [R] [K]

née le 20 juin 1977 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jeanne GAILLARD de la SCP ACGR, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 748

APPELANTE

****************

Madame [P] [V] épouse [Z]

née le 23 novembre 1956 à [Localité 7] (Algérie)

de nationalité algérienne

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Agnès CITTADINI de l’AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C2185 substitué à l’audience par Me Anaïs MOLINIE, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 6 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section activités diverses) a :

– dit, irrégulier et abusif, le licenciement prononcé par Mme [R] [K], à l’encontre de

Mme [P] [V], épouse [Z],

– condamné en conséquence Mme [K] à verser à Mme [Z] les sommes de :

. 2 095,08 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2017,

. 209,50 euros bruts à titre de congés payés y afférents, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 25 novembre 2017,

. 848,92 euros à titre de l’indemnité légale de licenciement, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 25 novembre 2017,

. 3 000,00 euros nets de CSG CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour rupture abusive, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 6 novembre 2019,

. 1 000,00 euros nets de CSG CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 6 novembre 2019,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an à compter du 25 novembre 2017,

– condamné Mme [K] à payer à Me Agnès Cittadini la somme de 1 152 euros, à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, en vertu de l’article 700 2° du code de procédure civile, à charge pour Me [D] de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat,

– condamné Mme [K] à porter à Mme [Z] l’attestation de fin de contrat destinée à Pôle emploi, ainsi qu’un bulletin de paie conformes au dispositif du présent jugement mentionnant notamment le 2 septembre 2013 comme date d’embauche du salarié et le 19 septembre 2017 comme date de fin de contrat, et ce, dans les 30 jours suivant la notification du jugement,

– dit qu’à compter de l’expiration de ce délai courra une astreinte, pour l’ensemble des documents de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard, pendant un délai de 90 jours (quatre-vingt-dix jours), le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,

– débouté Mme [Z] de ses demandes plus amples ou contraires.

– débouté Mme [K] de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure et de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

– rappelé l’exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement des congés payés y afférents, dans la limite de 9 434,07 euros,

– condamné Mme [K] aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du jugement, par voie d’huissier.

Par déclaration adressée au greffe le 9 décembre 2019, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 22 décembre 2021, Mme [K] demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 6 novembre 2019 en ce qu’il a :

. dit, irrégulier et abusif, le licenciement prononcé, à l’encontre de Mme [P] [V], épouse [Z],

– l’a condamnée en conséquence à verser à Mme [Z] les sommes de :

. 2 095,08 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2017,

. 209,50 euros bruts à titre de congés payés y afférents, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 25 novembre 2017,

. 848,92 euros à titre de l’indemnité légale de licenciement, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 25 novembre 2017,

. 3 000,00 euros nets de CSG CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour rupture abusive, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 6 novembre 2019,

. 1 000,00 euros nets de CSG CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 6 novembre 2019,

. ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an à compter du 25 novembre 2017,

. l’a condamnée à payer à Me Agnès Cittadini la somme de 1 152 euros, à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, en vertu de l’article 700 2° du code de procédure civile, à charge pour Me [D] de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat,

. l’a condamnée à porter à Mme [Z] l’attestation de fin de contrat destinée à Pôle emploi, ainsi qu’un bulletin de paie conformes au dispositif du présent jugement mentionnant notamment le 2 septembre 2013 comme date d’embauche du salarié et le 19 septembre 2017 comme date de fin de contrat, et ce, dans les 30 jours suivant la notification du présent jugement,

. dit qu’à compter de l’expiration de ce délai courra une astreinte, pour l’ensemble des documents de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard, pendant un délai de 90 jours (quatre-vingt-dix jours), le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,

. l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure et de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

. rappelé l’exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement des congés payés y afférents, dans la limite de 9 434,07 euros,

. l’a condamnée aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement, par voie d’huissier,

et statuant à nouveau,

– dire que Mme [Z] a manqué à ses obligations contractuelles et qu’elle a commis une faute grave,

en conséquence,

– dire que le licenciement dont Mme [Z] a fait l’objet repose sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [Z] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP ACGR, société d’avocats au Barreau des Hauts de Seine, représentée par Me Jeanne Gaillard sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 8 juin 2020, Mme [Z] demande à la cour de :

– dire Mme [K] mal fondée en son appel et l’en débouter,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné Mme [K] à lui payer les sommes suivantes :

. 2 095,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 209,50 euros au titre des congés payés incidents,

. 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 1 152,00 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, en vertu de l’article 700 2°du code de procédure civile,

– confirmer, dans son principe, le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il lui a alloué une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, sauf à l’infirmer quant aux montants des sommes qui lui ont été allouées de ces chefs,

– la recevoir dans son appel incident,

et, statuant à nouveau,

– porter le montant des sommes qui lui ont été allouées au titre de l’indemnité de licenciement à la somme de 1 059,71 euros,

– porter le montant des sommes qui lui ont été allouées de 5 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– ordonner la remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme et d’une attestation destinée au Pôle emploi conforme, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,

– dire que la cour se réservera le droit de liquider l’astreinte,

– condamner Mme [K] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

– condamner Mme [K] aux entiers dépens, lesquels comprendront l’intégralité des éventuels frais de signification et d’exécution qu’elle pourrait avoir à engager,

– dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil.

LA COUR,

Mme [P] [V], épouse [Z], a été engagée en qualité de garde d’enfant à domicile par Mme [R] [K] et M. [C] [W] (Famille [K]) pour leur enfant [J], par contrat de travail à durée indéterminée du 5 juin 2013, à effet au 2 septembre 2013, avec une durée hebdomadaire de travail de 27 heures.

Le contrat de travail de Mme [Z] s’inscrivait dans le cadre d’une garde partagée avec la famille [S].

Par avenant à son contrat de travail du 1er septembre 2015, Mme [Z] s’est vue confier la garde de l’enfant [G].

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.

Mme [Z] percevait une rémunération brute mensuelle de 1 047,54 euros (moyenne des 3 derniers mois).

Par courrier du 19 juillet 2017, Mme [K] a proposé à Mme [Z] une rupture conventionnelle de son contrat de travail, en ces termes :

« N’ayant plus besoin de Mme [P] [Z] pour la garde de [G] [W] à compter de ce jour et pour la rentrée prochaine. Je propose, par la présente lettre, une rupture conventionnelle de contrat de travail.

Ne souhaitant pas effectuer les deux mois de préavis légaux dû à l’employeur en fin de contrat, la salariée [P] [Z] percevra ces simples jours travaillés pour le mois de juillet. Lorsque la salarié [P] [Z] retournera les papiers de rupture de contrat signé, ainsi que le formulaire l’accompagnant, elle percevra son solde de tout compte comprenant : ces jours travaillés pour le mois de juillet, ses congés payez à solder ainsi que vos indemnités anciennetés. Cette rupture de contrat lui permet de concervez ses droits sociaux et de percevoir le chômage.»

Le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle rempli et signé par l’employeur et le reçu pour solde de tout compte complété ont été joints au courrier du 19 juillet 2017.

Par courrier du 21 juillet 2017, Mme [Z] a répondu dans les termes suivants :

« Le 12 juillet 2017, vous m’avez annoncé oralement mon licenciement avec effet à la rentrée scolaire de septembre 2017, me précisant que la fin de contrat interviendrait à la fin de mes congés.

Cette décision était motivée, selon vos explications, par l’obtention d’une place en crèche pour votre fils [G].

La famille [S] était informée au même moment de la fin de la garde partagée. Elle s’est donc mise à la recherche d’une co-famille pour compléter la garde à compter de fin août.

Le 18 juillet 2017, vous m’avez finalement indiqué, ainsi qu’à la famille [S], que mon contrat de travail cesserait au 31 août 2017.

A cette occasion, la famille [S] vous a informé avoir trouvé une co-famille pour vous remplacer mais que conformément à vos indications initiales sur la date de fin de contrat, le début de cette nouvelle garde devait intervenir le 28 août 2017.

Le 18 juillet également, vous avez finalement indiqué à la famille [S] puis à moi-même, que mon contrat cesserait définitivement dès le lendemain soir, le 19 juillet.

Souhaitant tirer avantage de cette information afin de tenter de vous soustraire à vos obligations d’employeur en cas de licenciement [mise en place de la procédure de licenciement (…],vous m’avez indiqué le 19 juillet, que je n’aurai le droit à rien. Vous ne m’avez pas remis de lettre de licenciement et aucun document de fin de contrat. »

Par courrier du 5 août 2017, Mme [K] a indiqué à Mme [Z] qu’elle était en absence injustifiée depuis le 20 juillet 2017, l’a mise en demeure de reprendre son travail à compter de son retour de congé le 21 août 2017 ou de justifier son absence, l’a conviée à un rendez-vous le 19 août 2017 afin de justifier ses absences et convenir d’une fin de contrat et en cas d’impossibilité de se rendre au rendez-vous, de l’informer de ses souhaits pour le bon déroulement de sa fin de contrat.

Par courrier du 17 août 2017, Mme [Z] a contesté l’absence injustifiée alléguée, précisant que le 18 juillet 2017, Mme [K] l’avait informée d’une fin de contrat fixé au 19 juillet 2017, qu’elle ne devait donc pas garder les enfants les 20 et 21 juillet 2017 et que le 19 juillet 2017, Mme [K] lui avait adressée une proposition de rupture conventionnelle qu’elle a refusée.

Par courrier du 21 août 2017, Mme [Z] a réaffirmé qu’elle n’a pas été en absence injustifiée, a rappelé les règles relatives à la procédure de licenciement et au paiement de ses indemnités de rupture et remise des documents de rupture et a sollicité une régularisation de sa situation.

Par courrier du 22 août 2017, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 2 septembre 2017.

Par lettre du 10 septembre 2017, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave, dans les termes suivants :

« Je fais suite à notre entretien préalable du samedi 2 septembre 2017, à 11 heures, à notre domicile du [Adresse 2].

Je vous confirme votre licenciement à compter du 20 juillet dernier.

En effet, la persistance de votre absence non justifiée malgré mes mises en demeure de justifier ou de reprendre votre poste constitue une faute ne permettant pas le maintien du contrat de travail.

Pour preuve, un premier courrier envoyé par recommandé avec AR datant du 5 août 2017 et un second datant du 22 août 2017.

Par conséquent, je vous notifie, par la présente, votre licenciement pour faute grave, vous privant de préavis et d’indemnité de licenciement.

Vous recevrez par courrier votre solde de congés payés restant. »

Le 22 novembre 2017, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.

SUR CE,

Sur le licenciement :

Sur le licenciement verbal :

La salariée soutient qu’elle a fait l’objet d’un licenciement verbal le 18 juillet 2017 à effet au 19 juillet 2017, raison pour laquelle cette date apparaît comme date de fin de contrat dans la lettre de licenciement notifiée le 10 septembre 2017 et dans les documents de fin de contrat.

Elle ajoute que l’employeur n’a plus fait appel à ses services et ne l’a plus rémunérée à compter du 19 juillet 2017.

Elle précise par ailleurs que l’employeur a tenté de lui faire signer le 19 juillet 2017 une rupture conventionnelle qu’elle a refusée et que d’ailleurs la proposition de rupture conventionnelle émanant de l’employeur le 19 juillet 2017 indiquait qu’elle n’avait plus besoin des services de la salariée à compter de ce jour.

Elle indique également que son solde de tout compte lui a été remis le 19 juillet 2019 ce qui a nécessairement emporté rupture de son contrat de travail.

Enfin, elle conteste ainsi tout abandon de poste de sa part.

L’employeur conteste le licenciement verbal allégué par la salariée, précisant que la salariée n’en apporte aucune preuve et qu’elle n’a d’ailleurs jamais été constante sur la date du prétendu licenciement verbal.

Il réplique que la mention d’une date de rupture au 19 juillet 2017 sur l’attestation Pôle emploi relève d’une erreur signifiant uniquement que c’était le dernier jour travaillé par la salariée et que la mention du licenciement à compter du 20 juillet 2017 dans la lettre de licenciement n’est pas constitutive d’un licenciement rétroactif mais fait référence à la date à compter de laquelle la salariée était en absence injustifiée.

Le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d’en établir la réalité, l’appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond. Le licenciement verbal est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; il ne peut être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de rupture.

La volonté de rompre le contrat de travail doit être exprimée sans équivoque. A défaut la preuve d’un licenciement verbal n’est pas rapportée. Le salarié doit établir la réalité du prononcé d’un licenciement verbal antérieur à l’envoi de la lettre de licenciement, l’existence d’une telle rupture se déduisant des actes positifs de l’employeur.

L’article 12 de la convention collective applicable, dans sa version en vigueur lors du litige, prévoit que « (…) l’employeur, quel que soit le motif du licenciement, à l’exception du décès de l’employeur, est tenu d’observer la procédure suivante (…) La lettre de licenciement doit préciser clairement le ou les motifs de licenciement ».

Afin de démontrer l’existence d’un licenciement verbal, la salariée verse au débat les éléments suivants :

– le courrier de proposition de rupture conventionnelle du 19 juillet 2017 de l’employeur (pièce S n°32) indiquant expressément qu’il n’a plus besoin de la salariée pour la garde de son enfant à compter de ce jour et pour la rentrée prochaine, qu’il lui propose une rupture conventionnelle, que ne souhaitant pas que la salariée effectue son préavis, elle sera seulement payée pour ses jours du mois de juillet et que lorsque la salariée retournera les papiers de rupture signés, la salariée percevra son solde de tout compte,

– ses courriers des 21 juillet 2017 (pièce S n°26), 17 août 2017 (pièce S n°28), 21 août 2017 (pièce S n°29) adressés à l’employeur dans lesquels elle indique notamment que le 18 juillet 2017, l’employeur l’a informée oralement de sa fin de contrat le lendemain soir,

– le courrier de l’employeur du 5 août 2017 (pièce S n°7) dans lequel ce dernier évoque une absence injustifiée de la salariée à compter du 20 juillet 2017 et souhaite convenir d’une fin de contrat de la salariée,

– la lettre de licenciement évoquant un licenciement à compter du 20 juillet 2017 (pièce S n°31),

– les documents de rupture mentionnant une fin d’emploi le 19 juillet 2017 (pièces S n°32 et 33),

– l’attestation de Mme [S], co-employeur de la salariée avec Mme [K] (pièce S n°35) suivant laquelle “à l’occasion d’échange de textos avec [R] [K] et moi-même sur la date précise de la fin de la garde, [R] [K] a fini par m’envoyer un message qui n’a pas fini de me choquer “on arrête la garde le 20 juillet, tant pis pour [P], elle ne sera pas payée pour le mois d’août” .

L’ensemble de ces éléments concordants démontrent la décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail de la salariée au 19 juillet 2017 et l’annonce à la salariée de son licenciement le 18 juillet 2017 à effet au 19 juillet 2017, et ce avant l’engagement de la procédure de licenciement initiée le 22 août 2017.

Le licenciement verbal de la salariée le 19 juillet 2017 est ainsi établi de sorte qu’il est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ce qui conduit de ce chef à confirmer le jugement de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement verbal :

Sur les indemnités de rupture :

En application de l’article 12 de la convention collective, dans sa version applicable au présent litige, « Le préavis doit être exécuté dans les conditions de travail prévues au contrat. La durée du préavis à effectuer en cas de licenciement pour motif autre que faute grave ou lourde est fixée à (‘) deux mois pour le salarié ayant deux ans ou plus d’ancienneté de services continus chez le même employeur. En cas d’inobservation du préavis, la partie responsable de son inexécution devra verser à l’autre partie une indemnité égale au montant de la rémunération correspondant à la durée du préavis. »

La salariée percevait une rémunération de 1 047,54 euros par mois. Dès lors que les montants ne sont pas discutés, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement des sommes de 2 095,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 209,50 euros au titre des congés payés afférents.

Quant à l’indemnité de licenciement, il ressort de l’article 12 de la convention collective qu’une « indemnité distincte de l’éventuelle indemnité de préavis sera accordée, en dehors du cas de faute grave ou lourde aux salariés licenciés avant l’âge de 65 ans et ayant au moins deux ans d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur. Cette indemnité non soumise à cotisations et contributions sociales sera calculée comme suit : – pour les 10 premières années d’ancienneté : 1/10ème de mois par année d’ancienneté de services continus chez le même employeur, (‘) Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est le 1/12ème de la rémunération brute des douze derniers mois précédant la date de notification du licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l’intéressé, le 1/3 des trois derniers mois précédant la date de fin de contrat (étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification à caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne serait prise en compte que prorata temporis). Cette indemnité de licenciement ne se cumule avec aucune autre indemnité de même nature. ». L’indemnité prévue par l’article

R. 1234-2 du code du travail étant plus favorable en ce qu’elle prévoit une indemnité de licenciement correspondant à 1/5ème de mois par année de service, cet article doit trouver application.

Sur la base d’une rémunération de 1 047,54 euros et d’une ancienneté de 3 ans 10 mois et 17 jours (du 2 septembre 2013 au 19 juillet 2017) soit 3,88 ans en système décimal, la salariée peut prétendre à une indemnité de 812,89 euros (soit (1047,54/5)x3,88).

En conséquence, il conviendra, infirmant le jugement, de fixer l’indemnité de licenciement due à la salariée à la somme ainsi arrêtée, laquelle produira intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le conseil de prud’hommes de Nanterre.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Il n’est pas contesté que l’employeur n’avait à son service que la salariée.

Dès lors, il doit être fait application de l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qui dispose que “Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’article L. 1235-2 ;

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l’article L. 1235-2 s’appliquent même au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés”.

Ainsi, au regard de son âge au moment du licenciement (60 ans), de son ancienneté et de l’absence de justificatif de sa situation professionnelle à l’issue de son licenciement, c’est par une appréciation correcte que le premier juge a évalué son préjudice lié à la perte de son emploi à la somme de 3 000 euros nets de CSG/CRDS et cotisations à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive. Le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :

La salariée sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 000 euros nets de CSG/CRDS et cotisations à titre d’indemnité pour irrégularité de procédure, ce à quoi s’oppose l’employeur.

Dans la mesure où la salariée a fait l’objet d’un licenciement verbal, l’employeur a méconnu ses obligations issues des dispositions conventionnelles et légales applicables.

Cependant, au cas d’espèce, l’article L. 1235-5 du code du travail prescrit que « en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l’article L. 1235-2 s’appliquent même au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. ». Ainsi, l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n’est due qu’en cas de méconnaissance des règles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller. Or, l’article 12 de la convention collective prévoit : « 1 – Procédure de licenciement : Le particulier employeur n’étant pas une entreprise et le lieu de travail étant son domicile privé, les règles de procédure spécifiques au licenciement économique et celles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller lors de l’entretien préalable ne sont pas applicables. »

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à la salariée la somme de

1 000 euros nets de CSG/CRDS et cotisations à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Statuant à nouveau, il conviendra de débouter la salariée de ce chef de demande.

Sur la remise de documents de fin de contrat conformes :

Sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à la salariée une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt.

Sur la demande reconventionnelle au titre du préjudice moral :

L’employeur sollicite la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, arguant de la mauvaise foi de la salariée qui a quitté ses fonctions brutalement sans aucune justification, l’obligeant à organiser en urgence la garde des enfants.

Toutefois, dès lors qu’il a été établi que la salariée avait fait l’objet d’un licenciement verbal effectif le 19 juillet 2017, l’absence de la salariée à compter de cette date était justifiée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande.

Sur les intérêts :

Confirmant le jugement, les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 1 152 euros au titre des frais irrépétibles.

S’agissant des frais engagés en cause d’appel, il conviendra de dire n’y avoir lieu à condamnations sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE Mme [K] à payer à Mme [Z] la somme de 812,89 euros à titre d’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre,

DÉBOUTE Mme [Z] de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

ORDONNE à Mme [K] de remettre à Mme [Z] une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt,

REJETTE la demande d’astreinte,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

DIT n’y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile por les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE Mme [K] aux dépens.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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