Particulier employeur : décision du 22 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00058

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Particulier employeur : décision du 22 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00058
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 FEVRIER 2024

N° RG 22/00058 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U5ZS

AFFAIRE :

[T] [J]

C/

Monsieur [Z] [K]

Madame [R] [K]

Madame [C]

[K] épouse [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le

1er Décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de COURBEVOIE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG :

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-laure ABELLA

Me Julie SANDOR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [T] [J]

née le 27 Novembre 1960 à

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Marie-laure ABELLA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000217 du 16/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Monsieur [Z] [K]

né le 25 Juillet 1955 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Julie SANDOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C00223

Madame [C] [K] épouse [U]

née le 26 Mars 1953 à [Localité 8]

de nationalité Française

13, moutic

[Localité 4]

Représentant : Me Julie SANDOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C00223

Madame [R] [K]

née le 25 Janvier 1960 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Julie SANDOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C00223

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [J] a été engagée en qualité d’auxiliaire de vie selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 8 mars 2014, par [E] [K], qui emploie moins de onze salariés.

La relation de travail relève de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.

Plusieurs avenants ont modifié la durée du travail de Mme [J].

Suite à un accident du travail survenu le 17 avril 2018, Mme [J] a été placée continûment en arrêt de travail.

Le 23 juillet 2018, la caisse primaire d’assurance-maladie des Hauts-de-Seine, reconnaissait le caractère professionnel de l’accident de Mme [J].

Convoquée le 9 avril 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 avril suivant, Mme [J] a été licenciée par courrier du 19 avril 2018 en raison d’un refus d’une modification substantielle de son contrat de travail.

Mme [J] a saisi, le 19 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre, en vue d’obtenir, au titre de l’exécution de son contrat de travail des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de loyauté, et, au titre de la rupture de son contrat de travail, la requalification de son licenciement en licenciement nul et des indemnités à ce titre ou, à titre subsidiaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités afférentes, et ce à quoi M. [Z] [K] et Mmes [C] et [R] [K], venant aux droits de [E] [K] décédé, s’opposaient.

Par jugement rendu le 1er décembre 2021, notifié le 8 décembre 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [J] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Condamne solidairement M. [K] et Mmes [K] venant aux droits de M. [K], à lui verser à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail, la somme de 5 000 euros nets ;

Condamne solidairement M. [K] et Mmes [K] venant aux droits de M. [K], à lui verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 500 euros nets ;

Condamne solidairement M. [K] et Mmes [K] venant aux droits de M. [K] aux entiers dépens ;

Déboute solidairement M. [K] et Mmes [K] venant aux droits de M. [K], de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la présente décision, soit le 1er décembre 2021 ;

Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’inexécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 2.253,79 euros bruts.

Par courrier du 5 janvier 2022, Mme [J] relevait appel de cette décision.

Le 16 mai 2022, Mme [J] s’est vu accorder l’aide juridictionnelle totale. 

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 29 novembre 2023, Mme [J] demande à la cour de :

Confirmer la décision en ce qu’elle lui a alloué la somme de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail et la porter à la somme de 9 015,60 euros

De l’infirmer en ce qu’elle a :

‘ Dit que son licenciement est un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

‘ Débouté Mme [J] de ses autres demandes ;

‘ Limité la condamnation à l’article 700 du code de procédure civile à 500 euros.

Et statuant à nouveau :

À titre principal :

‘ Déclarer le licenciement du 19 avril 2018 nul ;

‘ Condamner solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K] aux sommes suivantes :

‘ 13 522,74 euros au titre de dommages et intérêts en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail,

‘ 4 507,58 euros au titre de l’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,

‘ 182,46 euros à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement.

‘ Condamner solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K], à remettre à Mme [J] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, et un bulletin de paie sous astreinte de 50 euros par jour et par document.

À titre subsidiaire,

‘ Déclarer le licenciement intervenu comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse ;

‘ Déclarer abusif le licenciement intervenu le 19 avril 2018 ;

‘ Condamner solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K], à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

‘ 22 537 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article L.1235-3 du code du travail ;

‘ 4 507,58 euros au titre de l’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis

‘ 182,46 euros à titre de rappel de salaire sur indemnité de licenciement.

En tout état de cause,

‘ Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [J] à la somme de 2.583,79 euros brute ;

‘ Confirmer la décision en ce qu’elle a alloué à Mme [J] une somme au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et statuant à nouveau, porter le montant de la condamnation à 9 015,60 euros.

‘ Déclarer que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil pour les salaires, du jugement intervenu pour les dommages et intérêts obtenu et de la cour d’appel pour le surplus ;

‘ Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

‘ Condamner solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de [E] [K], à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 et en tous les dépens qui comprendront également ceux de première instance outre 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 15 novembre 2023, M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de [E] [K] demandent à la cour de :

Recevant en leur appel les héritiers de M. [K] et les disant bien fondés

Rejeter les demandes, fins et prétentions de Mme [J]

Déclarer irrecevables les conclusions de Mme [J] en réponse à l’appel incident des héritiers de M. [K] notifiées le 3 novembre 2023,

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a jugé que le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a condamné solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K] au paiement de la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en qu’il a condamné solidairement M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K] au paiement de la somme de 500 euros nets à titre au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté M. [K] et Mmes [K], venant aux droits de M. [K] de leurs demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

Fixer le salaire de référence à la somme de 2 202 euros (moyenne des trois derniers mois)

A titre principal :

Juger que le licenciement n’est pas nul

Par conséquent,

Débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

Par conséquent,

Débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Juger que l’employeur n’a pas violé son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail

Par conséquent,

Débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Mme [J] à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en 1ère instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Condamner Mme [J] à payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 4 décembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la demande d’irrecevabilité des conclusions de Mme [J] en réponse à l’appel incident des héritiers de M. [K] notifiées le 3 novembre 2023 :

M. [Z] [K] et Mmes [C] et [R] [K] concluent à l’irrecevabilité des conclusions de Mme [J] en réponse à leur appel incident en raison de leur tardiveté.

Aux termes de l’article 914 du code de procédure civile les parties soumettent au conseiller de la mise en état qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction leurs conclusions spécialement adressées à ce magistrat tendant notamment à déclarer les conclusions irrecevables en application de l’article 909 et 910.

En conséquence, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande qui aurait due être soumise au conseiller de la mise en état, de sorte que les conclusions de Mme [J] sont recevables.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Madame,

Suite à l’entretien que nous avons eu le 16 avril dernier, je suis au regret de vous informer que j’ai pris la décision de mettre fin à votre contrat.

En effet, en date du 9 mars 2018, je vous ai proposé une modification de votre contrat. Vous avez refusé cette proposition car vous n’y avez pas répondu dans le délai imparti d’un mois.

Vous êtes donc licenciée pour refus de modification substantielle de contrat.

La date de présentation de ce courrier fixe celle de la rupture de votre contrat et le point de départ de votre préavis d’une durée de deux mois. ».

Sur la nullité du licenciement :

En application de l’article L. 1226-13 du code du travail, toute rupture du contrat travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

Au soutien de sa demande en nullité du licenciement, Mme [J] reproche à l’employeur d’avoir prononcé son licenciement pendant la suspension de son contrat de travail pour accident du travail.

Les intimés contestent que Mme [J] était en accident du travail au moment du licenciement. Ils soulignent que la salariée a envoyé des arrêts de travail à la fois pour origine professionnelle et non professionnelle sans en justifier la date.

Ils sollicitent que soit écarté des débats, le témoignage de Mme [O] pour ne pas être conforme à l’article 202 du code de procédure civile, dont ils critiquent la valeur probante, en ce qu’il ne mentionne pas de chute au sol ou de douleur lombaire de la salariée.

Les intimés contestent la valeur probante des SMS communiqués aux débats par la salariée en soulignant que pour être produite devant un tribunal, la capture d’écran doit faire l’objet d’un horodatage électronique qualifié.

Il résulte des articles L. 1226-7 et L. 1226-9 du code du travail que les règles protectrices applicables aux victimes d’accidents du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de la maladie ou de l’accident, qu’au cours de la période de la suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre le contrat que s’il justifie soit d’une faute grave du salarié soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Selon l’article L. 1226-13 du code du travail que toute rupture du contrat travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

En l’espèce, le 17 avril 2018 Mme [J] a été placée en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 19 avril au 30 avril 2018.

Pour preuve de la connaissance de l’accident du travail par l’employeur dès le 17 avril 2018, Mme [J] communique :

– l’attestation sur l’honneur de Mme [B] accompagnée de la photocopie de sa carte d’identité, (pièce 22) auxiliaire de vie qui témoigne en ces termes : « Au matin du lundi 17 avril 2018, ma collègue Mme [T] [J] son auxiliaire de vie de journée, m’a prévenue du passage de Mme [C] [U] (fille de [E] [K]) qu’elle a eu au téléphone. À la demande de Mme [C] [U] j’ai assuré le remplacement de ma collègue, Mme [T] [J] ce même jour. ».

– le témoignage de Mme [O] accompagnée de la photocopie de sa carte d’identité (pièce n° 17) , infirmière qui indique : « M. [K] ayant fini de déjeuner s’est levé de sa chaise pour aller s’asseoir sur son fauteuil, afin que je puisse lui faire son soin, il a soudainement perdu l’équilibre et l’auxiliaire de vie s’est précipitée, et l’a rattrapé de justesse pour empêcher qu’il ne chute et ne se blesse. »

– un échange de SMS le 18 avril 2018 entre Mme [J] avec une personne prénommée [S] dont il n’est pas contesté par les intimés que cette dernière était en charge de la gestion administrative des affaires de [E] [K] aux termes duquel Mme [J] demandait : «  Bonjour [S], pouvez-vous me donner les coordonnées de la médecine du travail dont je dépends afin de passer la visite médicale. », ce à quoi il lui était répondu : « Bonjour [T], je vais voir avec l’organisme pour une prise de rendez-vous. Merci. ».

Dans l’exercice de son pouvoir souverain, il appartient au juge du fond d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

Les règles édictées par l’article 202 du code de procédure civile, relatives à la forme des attestations en justice ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante.

Il n’y a pas lieu d’écarter des débats le témoignage sur l’honneur de Mme [O] au motif qu’il n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, en l’absence d’éléments objectifs permettant de suspecter de sa sincérité.

Par ailleurs, les intimés n’ont déposé aucune plainte pour faux témoignage contre Mme [O], de sorte que le témoignage produit par la salariée présente des garanties suffisantes pour ne pas être écarté des débats.

Il est justifié (pièces n° 13 et 14 de l’appelante) que Mme [J] a bénéficié d’un arrêt de travail pour accident du travail le 17 avril 2018 avec effet au 19 avril suivant confirmé par l’attestation de salaire de l’employeur en date du 18 avril 2018.

S’il n’est justifié par la salariée de sa demande le 18 avril 2018, des coordonnées de la médecine du travail pour passer une visite médicale que par la communication d’un échange de SMS auprès du mandataire administratif de [E] [K] seulement dénommée « [S] » dans l’échange de messages, dont la date n’est pas certaine, la qualité de la destinataire du message et la réponse positive de celle-ci à la demande ne sont pas utilement contestées par les intimés.

Il résulte des pièces communiquées que Mme [J], a dû être remplacée dès le lendemain de l’accident du travail soit le 17 avril à la demande de la fille de l’employeur, tel qu’en témoigne Mme [B] et qu’elle a sollicité auprès de la personne en charge de la gestion administrative des affaires le 18 avril 2018 les coordonnées de la médecine du travail dans le but de passer une visite médicale. Il ne s’en déduit pour autant pas que l’employeur ait eu connaissance dès le 17 avril 2018 de l’accident du travail de la salariée.

Alors que Mme [J], ne justifie pas de la date d’envoi de son arrêt de travail à l’employeur, les intimés objectent à juste titre que l’arrêt de travail pour accident du travail délivré à Mme [J], le 17 avril 2018 n’a été connu de l’employeur que le 19 avril à 12h08 date à laquelle il a déclaré l’accident du travail de sa salariée, la lettre de licenciement ayant été envoyée le même jour, sans que puisse être déterminée l’heure exacte de son envoi, l’heure figurant sur l’avis d’accusé de réception produit aux débats n’étant pas lisible.

Il en résulte que licenciement notifié à la salariée le 19 avril 2018, pendant une période de suspension du contrat de travail, sans connaissance par l’employeur lors de la notification du licenciement de l’origine professionnelle de la maladie de la salariée, n’encourt pas la nullité prévue par l’article L. 1226-13 précité, laquelle sera rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Mme [J] soutient que le refus de voir modifier son contrat de travail ne peut justifier un licenciement sans que soit indiquées les raisons qui conduisent l’employeur à décider d’une telle modification.

La salariée affirme que la lettre du 9 mars 2018, lui proposant une modification du contrat de travail pour porter les horaires de travail du lundi 8 heures au vendredi 19 heures avec présence de nuit, soit un travail en continu, sans repos quotidien, n’était pas acceptable pour être illégale.

Les intimés qui concluent au caractère réel et sérieux du licenciement, opposent qu’une présence constante de la salariée était nécessaire auprès de l’employeur, et que ce motif était étranger à l’accident du travail.

Ils font valoir l’absence de réponse de la salariée à la proposition de modification dans le délai d’un mois.

Il est de principe que l’employeur ne peut apporter de modification unilatérale au contrat de travail. Le pouvoir de direction qui lui est reconnu l’autorise en revanche à changer les conditions de travail du salarié. Si la modification des horaires de travail ne constitue qu’un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur, et non une modification du contrat de travail, c’est à la condition de ne pas porter une atteinte excessive aux droits du salarié, au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, laquelle justifie alors l’opposition du salarié au changement envisagé par l’employeur.

C’est à bon droit que la salariée relève que la proposition de modification du contrat de travail par l’employeur aux termes de la lettre du 9 mars 2018 lui imposant un travail en continu sans pause ni repos, du lundi 8 heures au vendredi 19 heures avec une présence de nuit ne respectait pas son droit au repos.

En conséquence, Mme [J] est bien fondée à se prévaloir de la modification illicite de ses horaires de travail.

Son licenciement fondé sur son refus de la modification de ses horaires est donc dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement injustifié :

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de cinq mois de salaire brut.

La salariée sollicite une indemnisation globale à hauteur de 22 537 euros sur le fondement de l’article 1235-3 du code du travail mais aussi au titre des conditions vexatoires et brutales du licenciement.

Mme [J] qui se prévaut de plusieurs années de dévouement ne justifie pas de conditions particulièrement brutales et vexatoires ayant entouré son licenciement.

Au vu de l’âge de la salariée ( 57 ans au moment du licenciement), de son ancienneté de 4 ans, de sa rémunération mensuelle brute de 2 253,79 euros et du fait qu’elle justifie avoir travaillé en intérim après avoir suivi une formation de secrétaire médicale, il sera alloué à Mme [J] la somme de 11 000 euros bruts à titre de dommages intérêts.

La salariée peut prétendre, en outre, au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis peu important qu’elle n’ait pu l’exécuter du fait de son arrêt de travail pour cause d’accident du travail, indemnité correspondant conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé.

Eu égard à son ancienneté et application faite des dispositions de la convention collective de particulier employeur en son article 12 aux termes desquelles la durée du préavis est fixée à 2 mois, il sera alloué à la salariée la somme de 4 507,58 euros bruts, correspondant à deux mois de délai congé.

Le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.

Selon l’article R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté. Mme [J] avait 4 ans, d’ancienneté et percevait un salaire mensuel brut moyen de 2 253,79 euros.

Force est de relever que Mme [J] ayant antérieurement reçu la somme de 2400 euros a été remplie de ses droits à ce titre.

Sa demande sera donc rejetée par confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [J] affirme que l’employeur a exécuté le contrat de travail avec déloyauté en lui proposant une modification inacceptable de ses horaires de travail à savoir du lundi, huit heures au vendredi 19 heures sans interruption avec une présence la nuit.

La salariée souligne que cette modification n’était pas conforme à la législation du travail et aux dispositions conventionnelles et qu’elle avait pour but d’abuser de sa crédulité et de son ignorance à moindre coût.

Elle sollicite l’allocation de la somme de 9 015,60 euros à titre de dommages intérêts.

Les intimés opposent qu’il n’est rapporté la preuve d’aucune intention malicieuse de la part de l’employeur.

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuter de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

La proposition non conforme aux dispositions légales et conventionnelles faite par l’employeur à la salariée a eu pour conséquence le licenciement de Mme [J] pour refus de la modification proposée.

Cette proposition en cours d’exécution du contrat constitue un manquement à la bonne foi contractuelle à l’origine d’un préjudice distinct pour la salariée justement réparé les premiers juges par l’allocation à cette dernière de la somme de 5 000 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant en publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 1er décembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :

– débouté Mme [T] [J] de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande en paiement du solde de l’indemnité de licenciement,

– condamné solidairement M. [Z] [K], Mme [C] [K] et Mme [R] [K] venant aux droits de [E] [K] à verser à Mme [T] [J] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail et la somme de 500 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,

– a débouté M. [Z] [K], Mme [C] [K] et Mme [R] [K] venant aux droits de [E] [K], de leur demande de titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit les conclusions de Mme [J] recevables;

Juge le licenciement de Mme [T] [J] par [E] [K] dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne solidairement M. [Z] [K], Mme [C] [K] et Mme [R] [K] venant aux droits de [E] [K] à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

11 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement non fondé,

4 507,58 euros bruts titre d’indemnité compensatrice de préavis,

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, pour les créances salariales échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. 

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne M. [Z] [K] , Mme [C] [K] et Mme [R] [K] venant aux droits de [E] [K] aux entiers dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxièmealinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE , Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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