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Arrêt n°
du 18/05/2022
N° RG 21/01491
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 18 mai 2022
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 1er juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, section Activités Diverses (n° F 21/00017)
Madame [I] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
Madame [S] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Défaillante
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 18 mai 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé des faits :
Madame [I] [O] a été embauchée en qualité d’assistante maternelle par Madame [S] [Y] à partir du 2 juin 2020 en contrat à durée indéterminée, régularisé le 10 juin 2020 à raison de 18 heures par semaine.
Par lettres recommandées du 25 août 2020 et du 2 septembre 2020, Madame [I] [O] a vainement réclamé le paiement du salaire de juillet d’un montant de 290,56 euros en précisant qu’elle était toujours à disposition pour l’exécution du contrat de travail.
Le 18 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne, saisi en sa formation de référé, constatait que la demande relative à la rupture du contrat de travail excédait ses pouvoirs et renvoyait la salariée à mieux se pourvoir. Toutefois, elle ordonnait à Madame [S] [Y] de payer à Madame [I] [O] les sommes suivantes :
-290,56 euros au titre du salaire du mois de juillet 2020,
– 30,00 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
– 250,00 euros d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
le paiement du salaire étant assorti d’une astreinte provisoire.
Le 25 janvier 2021, Madame [I] [O] a saisi au fond le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne de demandes tendant à :
– faire constater les graves manquements de Madame [Y] à ses obligations,
– faire résilier le contrat de travail aux torts de l’employeur à compter de la décision à intervenir,
– faire dire que la rupture s’analyserait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– faire condamner Madame [Y] à lui payer les sommes suivantes :
. 1 716,10 euros au titre de rappels de salaires et les congés payés afférents, à parfaire à la date de la décision,
. 115,20 euros d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,
. 1 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 500,00 euros de dommages-intérêts liés à l’absence de règlement des salaires,
. 1 500,00 euros de frais irrépétibles,
– faire ordonner sous astreinte la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement rendu par défaut le 1er juillet 2021, le conseil de prud’hommes :
– a constaté les graves manquements de Madame [S] [Y] à ses obligations,
– a ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 31 août 2020,
– a condamné Madame [S] [Y] à payer à Madame [I] [O] les sommes suivantes :
. 564,10 euros de rappels de salaires congés payés inclus,
. 115,00 euros d’indemnité compensatrice de préavis congés payés inclus,
. 200,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 200,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés de l’absence de règlement des salaires,
. 100,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a ordonné, sans astreinte, la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pole emploi,
– a condamné Madame [S] [Y] aux entiers dépens ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution.
Le 21 juillet 2021, Madame [S] [O] a régulièrement interjeté appel du jugement sauf en ce qu’il a constaté les manquements graves de Madame [S] [Y] et en ce qu’il l’a condamnée à lui payer la somme de 115,00 euros d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus.
Prétentions et moyens :
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par l’appelante le 28 février 2022 et signifiées le 2 mars 2022 selon procès-verbal de recherches infructueuses.
L’intimée n’a pas comparu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2022.
L’appelante demande à la cour d’infirmer les chefs du jugement objet de la déclaration d’appel, d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Madame [Y] à compter de la décision à intervenir, de dire que la rupture s’analyserait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner Madame [S] [Y] à lui payer les sommes suivantes :
. 4 377,60 euros de rappels de salaires, congés payés inclus,
. 115,20 euros d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,
. 1 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 500,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de l’absence de règlement des salaires,
. 60,12 euros d’indemnité de licenciement,
. 3 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle demande de plus à la cour d’ordonner la remise sous astreinte des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi, et de condamner Madame [S] [Y] aux dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que son employeur a manqué à ses obligations en s’abstenant de payer les salaires dus, en s’abstenant de lui fournir du travail alors qu’elle s’était tenue à disposition de sorte qu’elle est fondée à solliciter la résiliation du contrat de travail puisque celui-ci n’a pas été rompu ; que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a fixé au 31 août 2020, de manière non contradictoire, cette date de rupture du contrat de travail ; que l’employeur est redevable des salaires jusqu’à la date de résiliation outre les indemnités de rupture et les dommages-intérêts en réparation des préjudices subséquents.
Motifs de la décision :
Au préalable, il sera rappelé que l’appelante a été invitée lors de la mise en état à fonder ses demandes sur les textes du code de l’action sociale et de la famille, spécifiques aux assistantes maternelles.
C’est à tort que le conseil de prud’hommes a constaté la résiliation du contrat de travail.
En effet, selon les dispositions de l’article L 423-24 du code de l’action sociale et des familles, ‘ le particulier employeur qui décide de ne plus confier d’enfant à un assistant maternel qu’il employait depuis trois mois doit notifier à l’intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l’article L. 423-25. L’inobservation de ce préavis donne lieu au versement d’une indemnité compensatrice du congé dû’.
L’employeur de l’assistante maternelle dispose donc d’un libre droit de retrait de l’enfant qu’il exerce conformément aux dispositions du texte précité et à l’article 18 de la convention collective nationale étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004, sauf illicéité du motif. Ce droit ne peut être sanctionné que par l’allocation de dommages et intérêts en cas de retrait abusif.
En l’espèce, l’employeur qui employait l’assistante maternelle depuis moins de trois mois, a cessé définitivement de déposer l’enfant à compter du 24 août 2020, de l’avis même de Madame [I] [O], de sorte qu’il faut considérer qu’il a exercé son droit de retrait, ce qui emporte rupture du contrat de travail.
Toutefois, l’absence de notification de la décision caractérise le caractère abusif de l’exercice du droit de retrait, indépendamment de son motif, inconnu à ce jour, mais que l’employeur n’est pas tenu de justifier.
Aussi, le contrat ayant été rompu le 24 août 2020, il ne peut être fait droit à la demande de résiliation qui lui est postérieure.
Par conséquent, c’est à raison que le conseil de prud’hommes a limité la condamnation au paiement du rappel des salaires à la somme de 564,10 euros correspondant aux salaires impayés des mois de juillet et août 2020. Il sera précisé au dispositif qu’il s’agit de sommes nettes de charges salariales et sociales.
Pour le surplus, compte tenu de l’ancienneté de la salariée inférieure à un an, l’indemnité de licenciement n’est pas due en application des dispositions de l’article 18 de la convention collective applicable.
Par ailleurs, l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus, n’a pas fait l’objet d’un appel de sorte que la question n’est pas dévolue à la cour.
En revanche, l’exercice abusif du droit de retrait ouvre droit à des dommages et intérêts en réparation des préjudices matériels caractérisés par la mobilisation d’un temps de travail impayé et nécessairement non compensé immédiatement. La somme de 1 000,00 euros réclamée apparaît de nature à réparer entièrement les préjudices subis, de sorte que le jugement, qui a limité l’indemnisation à la somme de 200,00 euros sera infirmé.
Pour ce qui concerne les dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’absence de paiement des salaires, en application des dispositions de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, ils supposent la mauvaise foi du créancier et la preuve d’un préjudice distinct du défaut de paiement. Or, ni la mauvaise foi du débiteur, ni le préjudice financier allégué ne sont justifiés de sorte que le débouté s’impose par infirmation du jugement. Sur ce point, il faut faire observer que l’appelante développe des moyens relatifs au défaut de remise de l’attestation POLE EMPLOI mais ne sollicite de dommages et intérêts qu’en raison du défaut de paiement des salaires de sorte qu’il n’est statué que sur la demande figurant au dispositif en application des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile.
Pour ce qui concerne la remise des bulletins de salaire, il apparaît que le PAJE EMPLOI a déjà édité les bulletins de salaire des mois de juillet et août 2020, étant observé que celui de juin ne fait pas l’objet de contentieux.
En revanche, il faut condamner l’employeur à remettre à la salariée une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard à compter de la signification à personne de la présente décision. La liquidation de l’astreinte ne sera pas réservée à la cour.
Succombant au sens de l’article 696 du code de procédure civile, l’employeur sera, par confirmation du jugement, condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
En appel, à ce titre, elle sera condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 1 200,00 euros.
Par ces motifs :
La cour statuant publiquement, par décision rendue par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi,
statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Châlons en champagne en ce qu’il :
– a condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :
. 564,10 euros de rappel de salaires, congés payés inclus,
. 100,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– a condamné l’employeur aux dépens,
Infirme le surplus, à l’exception de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, non dévolus à la cour,
statuant à nouveau dans cette limite,
Déboute Madame [I] [O] de sa demande de résiliation judiciaire, de sa demande d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du défaut de règlement des salaires,
condamne Madame [S] [Y] à payer à madame [I] [O] la somme de 1 000,00 euros (mille euros) en réparation des préjudices nés de l’exercice abusif de son droit de retrait de l’enfant,
Ordonne la remise par Madame [S] [Y] à Madame [I] [O] d’une attestation Pole emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt,
Assortit la condamnation de remise des documents de fin de contrat précités à une astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard à compter de la signification à personne de la présente décision,
y ajoutant,
Précise que toutes les condamnations prononcées sont nettes de charges sociales et salariales,
Condamne Madame [S] [Y] à payer à Madame [I] [O] la somme de 1 200,00 euros (mille deux cents euros) en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel,
Condamne Madame [S] [Y] aux dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT