Particulier employeur : décision du 13 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02221

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Particulier employeur : décision du 13 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02221

13/05/2022

ARRÊT N°2022/203

N° RG 20/02221 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NVTU

FCC/AR

Décision déférée du 08 Juillet 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( )

BLOSSIER A

[H] [K]

C/

[M] [L]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 13 MAI 2022

àMe Olivier ROMIEU

Me Line MIAILLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [H] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Line MIAILLE, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.020016 du 19/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIME

Monsieur [M] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Olivier ROMIEU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [K] a été embauchée à compter du mois de septembre 2014 par M. [M] [L], en qualité d’aide ménagère, sans qu’un contrat écrit n’ait été formalisé entre les parties. Elle était rémunérée par le biais de CESU. Mme [K] était la soeur de la belle-soeur de Mme [L].

La convention collective nationale applicable était celle du particulier employeur.

Par LRAR du 12 décembre 2016, M. [L] a convoqué Mme [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 décembre 2016, et reporté au 5 janvier 2017 par LRAR du 19 décembre 2016 sur demande de la salariée. Mme [K] ne s’est pas présentée à l’entretien du 5 janvier 2017.

Par LRAR datée du 10 janvier 2017, présentée le 13 janvier 2017, M. [L] a licencié Mme [K] pour modification de la situation financière de l’employeur ne permettant plus le maintien de l’emploi ; Mme [K] a été dispensée de l’exécution de son préavis de 2 mois, M. [L] indiquant qu’il lui serait payé.

Le 20 septembre 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse à l’encontre de M. [L] aux fins notamment de paiement de salaires à temps plein ou à titre subsidiaire sur une base de 56,33 heures par mois, de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts correspondant à l’ASS, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Reconventionnellement, M. [L] a demandé le remboursement du solde d’un prêt.

Par jugement du 8 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que Mme [K] n’avait pas été employée, ni dans le cadre d’un travail à temps partiel de 56,33 heures par mois, ni dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein,

– débouté Mme [K] de ses deux demandes de requalification de travail à temps partiel de 56,33 heures par mois et à temps plein, et par voie de conséquence, des paiements des indemnités y afférent (rappel de salaire, préjudice spécifique), et de sa demande de reconnaissance de travail dissimulé (et du paiement de l’indemnité y afférent),

– dit que le licenciement de Mme [K] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et était donc requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné M. [L] à verser à Mme [K] la somme de 6.500 € au titre de dommages et intérêts,

– débouté M. [L] de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [L] à verser à Mme [K] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

– condamné M. [L] aux entiers dépens.

Mme [K] a relevé appel de ce jugement le 7 août 2020, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 25 février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a considéré le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse, ainsi que sur le débouté de la demande reconventionnelle de M. [L],

– réformer le jugement pour le surplus quant aux demandes faites en exécution du contrat et aux montants des sommes allouées en conséquence du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner M. [L] à régler à Mme [K] les sommes suivantes :

sur l’exécution du contrat,

A titre principal,

* salaire à temps plein à compter du 1er septembre 2014 jusqu’au 15 janvier 2017 (articles L 3123-6 et L 1271-5 du code du travail) : 62.446,70 € (somme brute),

* sanction pour travail dissimulé (article L 8221-5-2) : six mois de salaire soit 3.033 € x 6 = 18.200 €,

* dommages-intérêts d’un montant équivalent à la somme que la salariée devra rembourser à pôle emploi, correspondant au montant de l’ASS perçue outre les pénalités et majorations de retard, du fait du travail dissimulé, préjudice spécifique existant en dehors de la perte de l’emploi soit la somme de 11.000 €,

A titre subsidiaire,

* salaire sur la base de 56,33 heures par mois à compter du 1er septembre 2014 jusqu’au 14 mars 2017 soit : 13.823,30 € (somme brute),

* sanction pour travail dissimulé (article L 8221-5-2) : six mois de salaire soit 6.759,60 €

* dommages-intérêts d’un montant équivalent à la somme que la salariée devra rembourser à pôle emploi, correspondant au montant de l’ASS perçue outre les pénalités majorations de retard, du fait du travail dissimulé, préjudice spécifique existant en dehors de la perte de l’emploi soit la somme de 11.000 €,

au titre du licenciement prétendument économique :

À titre principal sur la base d’un emploi à temps plein de 3.033 € :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12.000 €,

A titre subsidiaire sur la base de 56,33 heures 33 par mois de 1.126 € :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6.500 €

En toute hypothèse,

* article 700 du code de procédure civile : 3.000 €

– condamnation de M. [L] aux frais et dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [L] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [K] de ses demandes de requalification de travail à partiel à hauteur de 56,33 heures par mois et à temps plein et de toutes ses demandes financières en découlant,

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de Mme [K] comme ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse et la demande reconventionnelle de M. [L] comme infondée,

– juger que Mme [K] n’a pas été employée dans le cadre d’un temps plein et qu’elle ne devait nullement se tenir à la disposition de son employeur,

– juger que M. [L] n’est nullement coupable de l’infraction de travail dissimulé,

– juger que Mme [K] n’est pas fondée à solliciter une demande en dommages et intérêts spécifique visant au remboursement des sommes mises à sa charge par Pôle Emploi,

– juger que le licenciement de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– juger que M. [L] n’a nullement manqué à ses obligations dans le cadre du remboursement de prêt qu’il avait accordé à Mme [K],

– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [K] à verser à M. [L] la somme de 2.020 € au titre du prêt qui lui a été consenti par ce dernier et qu’elle n’a pas remboursé,

– condamner Mme [K] à verser à M. [L] une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que, dans sa déclaration d’appel, Mme [K] n’a pas relevé appel concernant le débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, et qu’elle ne forme pas non plus cette demande dans ses conclusions d’appel, de sorte que la cour n’est pas saisie sur ce point.

1 – Sur la requalification du contrat de travail à temps plein :

Mme [K] demande, au visa de l’article L 3123-6 nouveau du code du travail en sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 (ancien article L 3123-14), la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ; elle rappelle que les parties n’ont pas établi de contrat de travail écrit portant les mentions de ce texte alors même qu’elle effectuait plus de 8 heures de travail par semaine dès l’origine (13 heures par semaine), et estime que doit donc s’appliquer la présomption de contrat de travail à temps plein ; elle ajoute que ses horaires étaient variables et qu’elle était placée dans l’impossibilité de savoir à quel rythme elle allait travailler ; elle demande ainsi un rappel de salaire à temps plein de 62.446,70 € bruts de septembre 2014 à janvier 2015 puis de mai 2015 à février 2017, hors période de formation de février à avril 2015, sur une base horaire de 15 € jusqu’en mai 2015 puis de 20 € à compter de juin 2015.

A titre subsidiaire, elle demande un rappel de salaire sur la base d’un temps de travail convenu de 13 heures par semaine, de 13.823,30 € bruts, sur les mêmes périodes.

M. [L] réplique qu’au début de la relation contractuelle, Mme [K] travaillait moins de 8 heures par semaine, de sorte qu’aucun écrit n’était obligatoire dans le cadre du CESU et que la présomption de temps plein ne s’appliquait pas. Il indique que ce n’est qu’à compter du mois de juin 2015 qu’elle a effectué plus d’heures de travail, qu’elle ne se tenait pas à la disposition permanente de l’employeur, que les parties fixaient ensemble les jours et plages horaires d’intervention, que Mme [K] adaptait librement ses horaires pour convenances personnelles, que ses décomptes ne sont pas probants et qu’elle a été payée de toutes les heures qu’elle a effectuées.

Sur ce,

L’article L 7221-1 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016 applicable au litige, prévoit que le présent titre est applicable aux salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager.

L’article L 7221-2 énumère les dispositions du code du travail applicables aux salariés employés de maison des particuliers employeurs, qui sont soumis à un régime dérogatoire : sont seules applicables au salarié défini à l’article L 7221-1 les dispositions relatives :

1° Au harcèlement moral, prévues aux articles L 1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L 1153-1 et suivants ainsi qu’à l’exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l’article L 1154-2 ;

2° A la journée du 1er mai, prévues par les articles L 3133-4 à L 3133-6 ;

3° Aux congés payés, prévues aux articles L 3141-1 à L 3141-33, sous réserve d’adaptation par décret en Conseil d’Etat ;

4° Aux congés pour événements familiaux, prévues à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie ;

5° A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie.

Ainsi, l’article L 3123-14 ancien du code du travail, relatif aux mentions du contrat à temps partiel concernant la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat, faute de quoi la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein est encourue, n’est pas applicable aux employés de maison qui travaillent au domicile de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.

L’inapplicabilité de la présomption de temps plein concerne tous les CESU, que le temps de travail réel soit supérieur ou inférieur à 8 heures par semaine et que le contrat écrit CESU soit obligatoire ou non, et le débat sur le fait que la salariée aurait été ou non à disposition permanente de l’employeur n’a pas lieu d’être.

Ainsi, il convient de dire que la relation de travail entre M. [L] et Mme [K] n’était pas soumise à la présomption de temps plein. Pour avoir droit à un rappel de salaire sur la base d’un temps plein, Mme [K] devrait donc, en application de l’article L 3171-4, fournir des éléments suffisamment précis sur l’accomplissement effectif de 151,67 heures mensuelles, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Or, Mme [K], qui se borne à affirmer que ses horaires de travail étaient variables et qu’elle était à disposition permanente de M. [L], ne prétend pas avoir effectivement accompli 151,67 heures de travail mensuelles. Elle ne pourra donc qu’être déboutée de sa demande de rappel de salaire à temps plein, par confirmation du jugement.

S’agissant de la demande subsidiaire portant sur 56,33 heures par mois, la même règle de l’article L 3171-4 s’applique, la salariée devant fournir des éléments sur un temps de travail effectif de 56,33 heures par mois. Elle fournit le cahier où elle mentionnait ses jours et heures de travail de septembre 2014 à janvier 2015, et de mai 2015 à mars 2017, ainsi qu’un tableau récapitulatif sur ces périodes, reprenant les heures travaillées mentionnées sur le cahier, les heures payées et les heures déclarées à l’URSSAF. Or, le cahier et le récapitulatif mentionnaient systématiquement un temps de travail mensuel effectif inférieur à 56,33 heures, de septembre 2014 à janvier 2015 et de mai 2015 à octobre 2016 ; de février à avril 2015, la salariée qui était en formation n’a pas accompli d’heures au profit de M. [L] ; à compter du mois de novembre 2016 et jusqu’à mars 2017, elle n’a accompli aucune heure de travail, étant rappelé qu’elle était en période de préavis rémunéré du 13 janvier 2017 au 13 mars 2017. Mme [K] ne peut donc prétendre à un rappel de salaire sur une base mensuelle de 56,33 heures.

Il demeure que, sur la période de juillet 2015 à octobre 2016, selon le tableau récapitulatif établi par Mme [K], elle a accompli 767h30 de travail ; or, au vu du tableau et des relevés CESU, compte tenu des heures déclarées auprès de l’URSSAF et des paiements reconnus par Mme [K], parfois au-delà des heures déclarées, de juillet 2015 à janvier 2017, les règlements effectués par M. [L] représentent 663h, soit un différentiel de 104h30. Or, face à des éléments précis quant aux horaires de travail effectués, M. [L] ne produit aucun élément contraire, et il ne justifie pas non plus avoir réglé le solde de 104h30. Mme [K] alléguant un salaire horaire brut de 20 € depuis le mois de juin 2015, que M. [L] ne conteste pas, le rappel de salaire sera fixé à 2.090 € bruts – Mme [K] ne réclamant pas les congés payés. Le jugement sera infirmé en ce sens.

2 – Sur le travail dissimulé et les dommages et intérêts complémentaires :

Mme [K] demande une indemnité pour travail dissimulé au motif qu’à compter du mois de juin 2015, il n’existait pas de concordance entre les heures travaillées, les heures déclarées auprès de l’URSSAF et les heures payées. Elle sollicite également des dommages et intérêts spécifiques en soutenant qu’au vu de ses bulletins de paie, Pôle Emploi lui réglait l’ASS, qu’elle va être tenue de rembourser du fait des rappels de salaires, avec des pénalités et majorations de retard.

M. [L] réplique que c’est la salariée elle-même qui ne voulait pas être déclarée pour toutes les heures, car elle voulait continuer à percevoir des allocations chômage, de sorte qu’il n’y a pas d’intention de dissimulation, et que la salariée ne saurait prétendre à des dommages et intérêts complémentaires qui aboutiraient à une double indemnisation.

Il ressort des échanges de SMS entre Mme [K] et les époux [L] qu’en octobre 2014, Mme [L] disait à Mme [K] que seraient payées chaque mois les heures effectivement réalisées, de sorte qu’en octobre 2014 elle serait payée plus ; que Mme [K] répondait que cela ‘ne l’arrangeait pas pour Pôle Emploi’ car il ne fallait pas dépasser 500 € ; qu’en juin 2015, Mme [K] a demandé à être payée ‘au black’ non par virement ou chèque mais par ‘enveloppe’ ; qu’à compter du mois de janvier 2016, chaque mois Mme [K] demandait à M. [L] de ne déclarer qu’une partie des heures effectuées pour continuer à percevoir ses indemnités chômage ; qu’en mars 2016, M. [L] demandait à Mme [K] à ‘rééquilibrer les parties déclarées et non déclarées’ de manière à déclarer jusqu’à 500 € par mois, Mme [K] répondant qu’elle ne souhaitait pas que soient déclarées plus de 15 heures par mois ; que les échanges se poursuivaient ainsi, Mme [K] définissant elle-même le nombre d’heures de travail qu’elle souhaitait voir déclarer.

Ainsi, certes Mme [K] a profité des relations cordiales qu’elle entretenait avec M. [L] en insistant pour qu’il ne déclare pas l’intégralité des heures effectuées afin qu’elle cumule indûment salaires et indemnités chômage. Pour autant, M. [L] a sciemment cédé à la demande de Mme [K] ce qui caractérise l’intention de dissimulation de sa part, même si cette intention était partagée avec Mme [K].

Compte tenu des salaires des 6 derniers mois travaillés de mai à octobre 2016, il sera retenu un salaire moyen mensuel brut de 744,17 €. La cour ne peut donc qu’infirmer le jugement et condamner M. [L] au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé de 4.465,02 €.

S’agissant des dommages et intérêts complémentaires, il est rappelé qu’il n’est alloué à Mme [K] qu’un rappel de salaire de 2.090 € sur une période de 16 mois de travail. Mme [K] ne fournit aucun élément sur un potentiel indu Pôle Emploi, au surplus à hauteur de 11.000 €, et elle ne saurait invoquer sa propre turpitude. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, par confirmation du jugement de ce chef.

3 – Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, était motivée comme suit :

‘Je suis au regret de vous informer par la présente que j’ai décidé de procéder à votre licenciement en raison des modifications de notre situation financière ne permettant plus le maintien de votre emploi.

En octobre 2016 la garde d’enfant à domicile qui s’occupait de nos deux filles a démissionné.

Nous avons fait appel à une société de prestations de services à domicile qui a trouvé une assistante maternelle à domicile qui ne pouvait s’engager à être à notre service exclusif qu’à condition de travailler 20 heures par semaine. Cette condition est rendue nécessaire par nos activités professionnelles respectives : mon épouse est infirmière, je suis médecin néphrologue, nos horaires de travail étant imprévisibles à court terme.

Cette prestation de services à domicile à hauteur de 20 heures par semaine est rémunérée 28 euros de l’heure soit une moyenne de 2.520 euros par mois à laquelle il faut déduire 610 euros d’aide de la caisse d’allocation familiale. Il reste donc 1.910 euros à notre charge pendant 12 mois. Cette somme est nettement supérieure à ce que nous coûtait notre précédente garde à domicile dont le coût moyen mensuel charges comprises ne dépassait pas 500 euros.

La perte substantielle de revenus liés à cette nouvelle situation est liée à la perte d’un avantage fiscal sous la forme du crédit d’impôt sur le revenu égal à 50 % des dépenses engagées pour des prestations de services à la personne dans la limite de 15.000 euros par an (12.000 euros + 1.500 euros par enfant). Le coût de l’assistante maternelle à domicile dépasse largement ce seuil de 15.000 euros, nous sommes donc dans l’impossibilité financière de vous maintenir dans votre emploi sans souffrir une perte de pouvoir d’achat évaluée à 10.000 euros par an.’

Mme [K] soutient que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse car M. [L] ne fait pas la preuve des difficultés économiques et d’une baisse de ses revenus, qu’il a fait le choix de faire appel à une société de services à domicile, et qu’il n’a pas proposé à Mme [K] le nouveau poste pourvu par le biais de cette société, alors que Mme [K] aurait pu compléter ses heures de ménage par des heures de garde d’enfant.

Toutefois, s’agissant d’un emploi à domicile soumis à la convention collective nationale du particulier employeur, les dispositions du code du travail relatives au licenciement économique, notamment celles relatives au motif économique (article L 1233-3) et celles relatives au reclassement (article L 1233-4) ne sont pas applicables. Il suffit que l’employeur justifie d’un changement réel et sérieux dans sa situation économique, mais il n’est pas exigé qu’il prouve la baisse de ses revenus.

Or, il n’est pas contesté que l’ancienne employée à domicile qui s’occupait des enfants a démissionné, que M. [L] a fait appel, pour la remplacer, à la SARL Madame de, laquelle proposait des assistantes maternelles à domicile agréées qui pouvaient également effectuer quelques tâches ménagères, qu’avec l’assistante maternelle proposée cette société facturait un nombre d’heures supérieur et des prestations plus chères, que de ce fait M. [L] a perdu son avantage fiscal, et que payer cette société tout en continuant à payer Mme [K] entraînait pour M. [L] une augmentation de ses dépenses. M. [L] produit les attestations fiscales CESU 2015, 2016 et 2017 et l’attestation fiscale établie par la SARL Madame de pour la période du 1er décembre 2016 au 28 novembre 2017 pour un montant de 22.945,59 €. Mme [K] ne conteste pas le surcoût annuel de 10.000 € allégué par M. [L]. Par ailleurs, M. [L] était en droit de préférer faire appel à cette société qui était en mesure de proposer des assistantes maternelles présentant le profil recherché rapidement, plutôt que de demander à Mme [K] de garder les enfants alors qu’elle n’était pas agréée.

Ainsi, la cour estime qu’il existait une cause réelle et sérieuse de licenciement, infirmera le jugement sur ce point et déboutera Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4 – Sur le prêt :

M. [L] expose que :

– en août 2015, il a consenti à Mme [K] un prêt de 1.500 € ;

– en janvier 2016, il lui a consenti une avance de 200 € ;

– en février 2016, il lui a consenti une avance de 300 € ;

– en mars 2016, il lui a consenti un prêt de 3.000 €.

Il indique que, compte tenu des retenues sur salaires effectuées, il lui reste dû 2.020 € sur le prêt de mars 2016.

Il verse aux débats les échanges de SMS dans lesquels Mme [K] sollicitait les prêts, M. [L] y répondant favorablement ; dans ses SMS suivants, Mme [K] opérait elle-même les déductions de son salaire. M. [L] produit aussi son courrier du 15 mars 2017 réclamant à Mme [K] le remboursement du solde à hauteur de 2.020 €.

Quant à Mme [K], dans ses conclusions elle reconnaît l’existence des deux prêts, et elle produit ses propres relevés de compte bancaire faisant état de virements de 1.500 € et 3.000 € à son profit des 25 août 2015 et 18 mars 2016 de la part de M. [L]. Reprenant son cahier, elle estime qu’il a déjà été prélevé sur ses salaires les sommes suivantes :

– 200 € par mois de septembre à décembre 2015 ;

– 210 € en janvier 2016 ;

– 620 € en février 2016 ;

– 200 € en mars 2016 ;

– 80 € en avril 2016 ;

– 200 € en mai 2016 ;

– 280 € en juin 2016 ;

– 380 € en août 2016, outre un remboursement en espèces de 550 € ;

– 680 € en mars 2017 ;

soit un total de 4.000 €.

Néanmoins, il appartient à Mme [K], débitrice au titre du prêt, de prouver qu’elle a effectué des remboursements au-delà de ce qu’allègue M. [L]. Ses propres mentions sur son cahier ne font pas preuve des remboursements.

Par ailleurs, dans les motifs de ses conclusions, elle réclame des dommages et intérêts de 1.500 € en raison de retenues supérieures à 10 %, mais elle ne fait pas figurer cette demande au dispositif, de sorte que la cour n’en est pas saisie.

Infirmant le jugement, la cour fera donc droit à la demande en paiement de M. [L] à hauteur de 2.020 €.

5 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

In fine, M. [L] étant redevable de sommes envers Mme [K] supportera les dépens de première instance, mais l’appel de Mme [K] étant pour l’essentiel mal fondé, celle-ci sera condamnée aux dépens d’appel. M. [L] conservera à sa charge ses frais irrépétibles. Mme [K] qui est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale en première instance et en appel demande l’application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit et non pas au profit de son avocat, sans justifier de frais irrépétibles non pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [H] [K] de sa demande de requalification de son CESU en contrat de travail à temps plein ou en contrat de travail à temps partiel à 56,33 heures par mois,

– débouté Mme [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts correspondant à l’ASS,

– condamné M. [M] [L] aux dépens de première instance,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [M] [L] à payer à Mme [H] [K] les sommes suivantes :

– 2.090 € bruts de rappels de salaires,

– 4.465,02 € d’indemnité pour travail dissimulé,

Condamne Mme [H] [K] à payer à M. [M] [L] la somme de 2.020 € au titre du solde du prêt,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [K] aux dépens d’appel, étant rappelé qu’elle est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE

A. RAVEANEC. BRISSET.

 


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