COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2022
N°2022/
NL/FP-D
Rôle N° RG 18/09815 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCS7N
[K] [F]
C/
[Y] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
10 MARS 2022
à :
Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE
Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 07 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00486.
APPELANT
Monsieur [K] [F], demeurant 1715 chemin du Pas du Loup – 83300 DRAGUIGNAN
représenté par Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [Y] [R], demeurant Villa VERBOIS – 409 chemin des Salettes – 06570 SAINT PAUL DE VENCE
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et par Me Dominique GUIDON-CHARBIT, avocat au barreau de GRASSE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSARTet Madame Catherine MAILHES, Conseillers chargées du rapport.
Madame Frédérique BEAUSSART,conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2022.
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée indéterminée, M. [R] (l’employeur) a engagé M. [F] (le salarié) en qualité de responsable sécurité de nuit à temps complet moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 830 euros à compter du 07 janvier 2002.
Le lieu de travail a été situé à Saint-Paul-de-Vence dans la villa de l’employeur.
La convention collective nationale des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile a été applicable à la relation de travail.
En dernier lieu, le salarié a perçu une rémunération mensuelle brute de 2 799.87 euros comprenant une prime d’ancienneté.
Dans le cadre d’une visite périodique, il a été examiné les 11 mars 2015 et 26 mars 2015 par le médecin du travail qui a rendu un avis d’inaptitude à l’issue de la seconde visite.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 07 avril 2015, l’employeur a convoqué le salarié le 13 avril 2015 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 avril 2015, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 19 novembre 2015, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes outre diverses mesures.
Par jugement rendu le 07 juin 2018, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement pour inaptitude fondé, a débouté les parties de l’intégralité de leurs demandes et a condamné le salarié aux entiers dépens.
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La cour est saisie de l’appel formé le 13 juin 2018 par le salarié.
Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 19 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:
Recevoir l’appel interjeté par Monsieur [F] du jugement rendu par le CPH de Grasse en date du 7 Juin 2018,
Le dire régulier en la forme et bien fondé,
En conséquence, réformer la décision entreprise et statuant à nouveau :
Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [F] notifié par LRAR du 20 Avril 2015 produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du comportement fautif de l’employeur à l’origine de l’inaptitude et de l’inobservation de l’obligation de reclassement,
Dire et juger que Monsieur [F] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, qu’il n’a bénéficié d’ aucun repos compensateur ni des jours de repos conventionnellement dû,
Dire et juger que Monsieur [R] n’a pas respecté ses obligations contractuelles à l’égard de Monsieur [F],
Dire et juger que Monsieur [F] percevait en réalité un salaire mensuel net de 3050 €.
En conséquence,
Condamner Monsieur [R] à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :
Rappel de salaire sur heures supplémentaires du 31 mars 2012 au 31 mars: 2015 52.807,83 €
Congés payés sur heures supplémentaires: 5.280,78 €
Dommages et intérêts pour le préjudice dû fait de la surcharge de travail, conséquence des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées pendant 13 ans:8.000,00 €
Indemnité spécifique de repos hebdomadaire: 5.296,84 €
Repos compensateur de nuit jamais pris: 7.793,00 €
Indemnité de préavis: 6.100,00 €
Indemnité de congés payés sur préavis: 610,00 €
Défaut de visite médicale régulière: 5.000,00 €
Comportement fautif et déloyal durant la relation de travail ayant entrainé l’inaptitude:100.000,00 €
Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement: 3.050,00 €
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 80.000,00 €
Indemnité pour travail dissimulé: 18.300,00 €
Ordonner à Monsieur [R] de procéder à la régularisation tant auprès de l’URSSAF que des caisses concernées, des cotisations retraite de Monsieur [F] pendant toute sa période d’embauche en considération du salaire effectivement versé (soit en tenant compte du salaire reconstitué chèque et espèces) et dû (soit en tenant compte des heures supplémentaires effectuées et non réglées) sous astreinte de 300€ par jour de retard, dix jours après la notification de l’arrêt à intervenir.
Condamner Monsieur [R] aux entiers frais et dépens de l’instance et à payer à Monsieur [F] la somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC.
Par ses conclusions régulièrement notifiées le 11 décembre 2018 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’employeur demande à la cour de:
‘Avant dire droit
Si besoin était
Ordonner la comparution sous serment de Madame [P] [X]
Ordonner la production par Monsieur [F] de ses avis d’imposition et ses déclarations fiscales des cinq dernières années
Rejeter des débats les pièces produites par Monsieur [F] qui ont nécessairement été volées et dont certaines ne sont nullement nécessaires à la défense de ses intérêts dans la présente procédure
Dire et juger de plus fort que certaines pièces devront être écartées des débats portant atteinte à la vie privée de certaines personnes photographiées ou dont les coordonnées personnelles sont produites aux débats
Dire et juger que la Cour ne peut faire droit aux demandes en paiement d’heures supplémentaires , de congés payés , de repos hebdomadaire et de repos compensateur , Monsieur [F] ne rapportant pas la preuve par des éléments suffisamment précis de ses demandes et l’employeur établissant le peu de réalité de celles ci .
Dire et juger également que les demandes de Monsieur [F] à ce titre sont des demandes forfaitaires et les rejeter en conséquence
Dire et juger que l’employeur n’a commis aucune faute dans ses obligations de sécurité tant en ce qui concerne les conditions de travail que les visites médicales
Dire et juger que l’inaptitude de monsieur [F] n’est pas due à un comportement fautif de l’employeur
Rejeter en conséquence la demande de monsieur [F] tendant au paiement d’une indemnité pour comportement fautif de l’employeur
Rejeter également la demande de Monsieur [F] tendant au paiement d’une indemnité pour défaut de visite médicale
Dire et juger que le licenciement de Monsieur [F] est fondé en l’état de son inaptitude et de l’impossibilité de son reclassement
Débouter à ce titre Monsieur [F] de sa demande en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité pour licenciement irrégulier, d’une indemnité de préavis et de congés payés y afférents.
Confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions
Constater que monsieur [R] a gratifié Monsieur [F] lors de son licenciement d’une somme de 5000 euros
Condamner Monsieur [F] au paiement d’une somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 novembre 2021.
MOTIFS
Liminairement, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de l’employeur tendant à la comparution sous serment de Mme [P] et à la production par le salarié de ses avis d’imposition et déclarations fiscales des cinq dernières années, dès lors que l’employeur ne justifie d’aucun intérêt légitime au soutien de ses réclamations.
La cour confirme en outre le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de l’employeur tendant à voir écarter des débats diverse pièces produites par le salarié dès lors que faute de toute précision apportée par l’employeur, la cour n’est pas en mesure d’identifier parmi les pièces produites par le salarié celles qui sont concernées par la demande de rejet des débats.
1 – Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
La durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, l’employeur indique dans le corps de ses écritures que la loi du 13 juin 2013 relative à la prescription limite les demandes aux trois dernières années de travail.
Il apparaît donc que l’employeur oppose à la demande une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Conformément à l’article 954 du code de procédure civile, la cour dit qu’elle n’a pas à statuer sur cette fin de non-recevoir de la demande au titre des heures supplémentaires dès lors que l’employeur ne l’a pas énoncée dans le dispositif de ses conclusions.
Sur le fond, le salarié, qui était soumis à la durée légale du travail, affirme qu’il a accompli chaque semaine 50 heures de travail minimum en étant à son poste de 20h30 à 06h30 entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2015, soit 1 973.75 heures supplémentaires pour la somme totale de 52 807.83 euros sur la base d’un taux horaire de 18.2813 euros.
Il verse aux débats à l’appui de sa demande:
– plusieurs cahiers de contrôle sur la période du 07 janvier 2002 au 31 mars 2015 consignant pour chaque jour les heures de prise et de fin de service;
– les attestations de deux collègues (M. [U] et Mme [Z]) qui confirment ses heures de travail;
– un courriel qu’il a adressé le 30 septembre 2011 à son employeur pour l’informer de ses horaires quotidiens;
– les plannings de son successeur de mai à octobre 2016, de mars et avril 2017 et de juin et juillet 2017.
La cour dit que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre.
A ces éléments, l’employeur oppose que le salarié:
– ne fournit aucun élément précis;
– avait pour tâche de demeurer dans un local de surveillance et d’alerter les services de police ou de gendarmerie le cas échéant;
– pouvait être aidé dans ses missions par un couple de gardiens à demeure que l’employeur a recruté le 20 novembre 2008;
– nettoyait et repassait son linge personnel durant ses heures de service ainsi que cela résulte de la lettre du 12 septembre 2014 que lui a adressé l’employeur.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur, à qui il appartient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie pas d’éléments contraires à ceux apportés par le salarié de sorte qu’il y a lieu de retenir l’intégralité des heures supplémentaires invoquées.
En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne l’employeur à payer au salarié la somme de 52 807.83 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et la somme de 5 280.78 euros au titre des congés payés afférents.
2 – Sur les dommages et intérêts pour heures supplémentaires
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
En l’espèce, le salarié conclut au paiement de dommages et intérêts en se prévalant d’un préjudice constitué par la surcharge de travail résultant des heures supplémentaires qu’il a accomplies durant treize ans.
La cour relève qu’à supposer qu’il soit établi que le salarié a accompli des heures supplémentaires durant l’intégralité de la relation de travail, étant précisé que le rappel d’heures supplémentaires alloué ci-dessus concerne la seule période du 1er avril 2012 et le 31 mars 2015, il n’en demeure pas moins que le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à caractériser le préjudice dont il est ici demandé réparation, la cour indiquant au surplus que la demande est énoncée au dispositif des écritures mais qu’elle ne fait l’objet d’aucune énonciation de moyens dans leur partie discussion.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
3 – Sur la contrepartie obligatoire en repos
Faute pour le salarié de motiver sa demande, aussi bien dans son principe que dans son quantum, la cour dit qu’elle n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
4 – Sur le repos hebdomadaire
Selon les articles L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives.
En l’espèce, le salarié affirme qu’il n’a pas bénéficié de repos hebdomadaire régulier et qu’il n’avait ‘de repos que le mardi soir’.
La cour relève que:
– ces énonciations du salarié figurent de manière sommaire en page 10 de ses conclusions dans le paragraphe relatif aux heures supplémentaires et en page 17 dans le paragraphe relatif à l’origine de l’inaptitude;
– la demande en paiement d’une ‘indemnité spécifique’ au titre du repos hebdomadaire ne fait l’objet d’aucun paragraphe dédié incluant des moyens de fait, notamment des périodes, la demande se trouvant seulement énoncée au dispositif des conclusions.
Force est donc de constater que le salarié ne justifie pas dans quelle mesure il a été privé du repos hebdomadaire, étant précisé que la seule référence à ses décomptes relatifs aux heures supplémentaires étant inopérante, et qu’au surplus aucun décompte n’est fourni pour justifier du montant réclamé à hauteur de 5 296.84 euros.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
5 – Sur les visites médicales
Il résulte des articles R. 4624-18 et R.4624-19 du même code dans leur rédaction alors applicable que le travailleur de nuit bénéficie d’une surveillance médicale renforcée dont les modalités sont fixées par le médecin du travail.
En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande indemnitaire qu’à compter du 25 septembre 2013 il n’a pas pu bénéficier de la surveillance médicale renforcée à laquelle il avait droit en sa qualité de travailleur de nuit.
La société conteste la demande en soutenant qu’il n’a commis aucune faute compte tenu de la désorganisation du service de santé au travail.
Il convient d’abord de constater que l’employeur ne conteste pas son obligation reposant sur la surveillance médicale renforcée à l’égard du salarié en sa qualité de travailleur de nuit. Et il ne discute pas plus l’absence des visites médicales en cause.
Ensuite, la cour relève après analyse des pièces du dossier que le service de santé au travail a adressé à l’employeur un courier en date du 05 juillet 2011 pour l’informer que le sous-effectif de personnel médical, et notamment de médecins du travail, donne lieu à une dégradation temporaire du traitement des visites périodiques dans le secteur géographique dont il dépend.
En l’état de ce seul élément, dont il ressort que la dégradation du service de santé au travail n’était pas permanente, il convient de dire que l’employeur ne saurait être exonéré de sa responsabilité de sorte qu’il y a lieu de dire que le manquement est établi.
Pour autant, le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à établir que ce manquement de l’employeur à ses obligations lui a causé un préjudice dès lors notamment que la cour n’a pas trouvé trace d’une demande du salarié tendant à l’organisation de visites dans le cadre de la surveillance médicale renforcée.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
6 – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.
En l’espèce, le salarié sollicite le paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Force est toutefois de constater que le salarié n’invoque aucun moyen à l’appui de cette demande qui se trouve seulement énoncée dans le dispositif des écritures de l’appelant.
Il y a lieu de relever ici que le salarié a consacré des développements au comportement fautif de l’employeur sans toutefois les rattacher à une exécution déloyale du contrat de travail ici examinée puisqu’il a invoqué ce comportement fautif à la seule origine de l’inaptitude (en haut de la page 18).
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
7 – Sur le travail dissimulé
Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Il résulte de l’article L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il revient au salarié de rapporter la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé.
La dissimulation d’emploi prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail, à l’occasion de l’omission d’heures de travail sur le bulletin de salaire, n’est caractérisée que si l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Le montant de l’indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail.
En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande au titre d’un travail dissimulé que l’employeur n’a pas rémunéré les nombreuses heures supplémentaires accomplies.
Comme il a été précédemment dit, il est établi que le salarié a accompli des heures supplémentaires entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2015 pour la somme totale de 52 807.83 euros.
Compte tenu de l’ampleur des heures supplémentaires effectuées, tant dans leur durée que dans leur quantum, la cour dit que l’employeur ne pouvait pas les ignorer de sorte qu’il y a lieu de dire que l’élément intentionnel du travail dissimulé est établi.
S’agissant du calcul de l’indemnité revenant au salarié de ce chef, la cour relève après analyse des pièces du dossier que celui-ci a:
– perçu un salaire s’établissant à la somme de 2 799.87 euros;
– accompli des heures supplémentaires pour la somme totale de 8 226.59 euros au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail.
Il s’ensuit que le salarié peut prétendre à une indemnité forfaitaire d’un montant de 25 025.81 euros.
Mais dès lors que le salarié a limité sa réclamation à la somme de 18 300 euros en se fondant sur un salaire de référence de 3 050 euros, il convient de faire droit à la demande dans cette limite.
En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne l’employeur à payer au salarié la somme de 18 300 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.
8 – Sur la rupture du contrat de travail
L’employeur peut procéder au licenciement du salarié qui a été déclaré inapte physique à son poste et s’il justifie de l’impossibilité de le reclasser.
Le licenciement pour inaptitude physique est sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude est la conséquence des agissements fautifs de l’employeur ou si celui-ci a manqué à son obligation de reclassement.
En l’espèce, le salarié demande à la cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir d’une part que son inaptitude résulte du comportement fautif de l’employeur et d’autre part que celui-ci a manqué à son obligation de reclassement.
1.1. sur l’origine de l’inaptitude
En cas d’inaptitude du salarié causée par le comportement fautif de l’employeur, le licenciement en résultant est sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, le salarié fait valoir que l’inaptitude à l’origine du licenciement résulte d’une grande fatigue liée au comportement de l’employeur qui l’a fait travailler la nuit sur des horaires excessifs pendant plus de treize années, qui lui a imposé des horaires lourds, qui ne lui a pas accordé le repos hebdomadaire auquel il avait droit, qui lui a alloué du matériel obsolète, qui n’a permis de mettre en oeuvre la surveillance médicale renforcée à laquelle avait droit le salarié, qui a engagé de nombreux salariés étrangers munis de visas pour touristes ne leur permettant pas d’accéder à un emploi, et qui ne respecte pas les règles de l’urbanisme en construisant des bâtiments sans permis sur ses propriétés ainsi que cela résulte de documents que le salarié a trouvé dans les poubelles situées à l’extérieur de la villa.
Force est de constater que le salarié ne verse aux débats aucune pièce de nature à laisser présumer que l’inaptitude à l’origine du licenciement trouve son origine dans le comportement de l’employeur dès lors qu’il se borne à produire, à l’appui des faits dont il se prévaut, divers courriers qu’il a lui-même établis et qui ne se trouvent corroborés par aucun élément objectif, étant notamment précisé que le salarié ne démontre pas en quoi les faits reposant sur le non-respect des régles d’urbanisme auraient un lien avec l’inaptitude médicalement constatée.
Le moyen n’est donc pas fondé.
1.2. sur l’obligation de reclassement
En vertu de l’article L.1226-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise; que l’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Le particulier employeur n’est pas soumis à l’obligation de tenue d’un registre unique du personnel.
En l’espèce, dans le cadre d’une visite périodique, le salarié a été examiné les 11 mars 2015 et 26 mars 2015 par le médecin du travail qui a rendu à l’issue un avis d’inaptitude rédigé comme suit: ‘Inapte au travail de nuit’.
Le salarié fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement en ce que celui-ci:
– n’a procédé à aucune recherche sérieuse comme le prouve son courrier du 30 mars 2015 établi rapidement;
– ne justifie pas qu’il a procédé à des recherches dans sa villa ‘L’Eckerel’ ni dans son appartement parisien;
– ne produit pas le registre unique du personnel;
– s’est abstenu de lui proposer le poste de cuisinier qui était à pourvoir alors que le salarié dispose des compétences pour l’occuper;
– n’a pas donné suite à une demande de formation en anglais que le salarié lui avait présentée au mois de juin 2014.
L’employeur s’oppose au moyen en soutenant qu’il a respecté l’obligation de reclassement.
La cour relève après analyse des pièces du dossier qu’il n’est pas établi qu’un poste était susceptible d’être proposé au salarié pour son reclassement dès lors qu’à supposer que le poste de cuisinier dont se prévaut le salarié était à pourvoir, il apparaît que le salarié est certes titulaire d’un diplôme de cuisinier en date du 21 octobre 1976, mais le curriculum vitae remis par le salarié à l’employeur ne porte aucune mention relative à ce diplôme, et il n’est pas établi que le salarié, qui exerçait un emploi de responsable de la sécurité de la maison de l’employeur, a informé ce dernier tant antérieurement que postérieurement à l’avis d’inaptitude, qu’il disposait de compétences en matière de cuisine.
En outre, l’employeur, qui n’était pas tenu de tenir un registre unique du personnel, a raisonnablement pu dans un délai de quatre jours, et compte tenu de sa qualité de particulier employeur, établir un courrier indiquant au salarié qu’il n’existait aucun poste disponible pour son reclassement.
Et force est de constater que le salarié ne produit aucun élément laissant présumer que la maîtrise de l’anglais aurait permis son reclassement.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur a procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement du salarié de sorte que le moyen n’est pas fondé.
En définitive, il y a lieu de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la cour dit que la demande de voir juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse n’est pas fondée, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
9 – Sur la régularisation des cotisations retraite
Le salarié fait valoir qu’il perçoit depuis le 1er février 2021 une pension de retraite calculée sur un salaire erroné en ce que d’une part l’employeur procédait à la déclaration d’une partie du salaire, l’autre partie étant payée en espèces et échappant à toute imposition, et que d’autre part la rémunération des heures supplémentaires n’a pas été prise en compte.
En conséquence, et pour la première fois en cause d’appel, il demande à la cour d’ordonner à l’employeur sous astreinte de régulariser les cotisations retraite du salarié durant toute la période d’embauche.
La cour rappelle que ce sont les organismes sociaux qui sont créanciers des cotisations sociales dues par l’employeur au cours de l’exécution du contrat, de sorte que le salarié n’a aucun titre pour réclamer la régularisation des cotisations sociales.
Il s’ensuit que la demande en ce qu’elle est dirigée contre l’employeur n’est pas fondée.
En conséquence, et en ajoutant au jugement déféré, la cour la rejette.
10 – Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d’appel, suivant le principal, seront supportés par l’employeur.
L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de:
– comparution sous serment de Mme [P],
– rejet des débats des pièces produites par le salarié,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes:
– indemnitaires au titre de la surcharge de travail liée aux heures supplémentaires, au titre des visites médicales périodiques, au titre du repos hebdomadaire, au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail;
– au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de régularisation des cotisations sociales au titre de la retraite,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. [R] à payer à M. [F] la somme de 52 807.83 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 5 280.78 euros au titre des congés payés afférents,
CONDAMNE M. [R] à payer à M. [F] la somme de 18 300 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
DIT que les sommes allouées ci-dessus sont exprimées en brut,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
REJETTE la demande au titre de la régularisation des cotisations sociales au titre de la retraite,
CONDAMNE M. [R] à payer à M. [F] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,
CONDAMNE M. [R] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT