Parasitisme publicitaire

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Parasitisme publicitaire
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Parasitisme publicitaire

La société Wilkinson a été condamnée pour parasitisme publicitaire pour avoir indument profité de la notoriété du XV de France. La société avait diffusé une publicité présentant sur sa majeure partie, une moustache stylisée constituée de deux fougères (l’emblème de l’équipe néo-zélandaise) sur fond noir, couleur des maillots des “All- Blacks”, sous laquelle est inscrite la mention “Allez Marc, rase-nous cette moustache!”.

Ces éléments qui dominent la publicité parue à l’occasion de la finale France-Nouvelle-Zélande de la Coupe du Monde de rugby se rapportaient à l’ événement public d’envergure nationale devant avoir lieu le lendemain de la parution de l’encart dans le journal l’Equipe. Or, cet événement sportif public majeur était parfaitement connu de l’ensemble du public français, au regard de sa couverture médiatique très importante durant tout le temps de la compétition. En outre, il ressort des coupures de presse versées au débat que le sélectionneur national, Marc Lièvremont, s’était laissé pousser la moustache durant la compétition suite à une plaisanterie avec les membres de l’encadrement, ce qui était également de notoriété publique au regard des compte-rendus dans la presse.

Selon les juges, si la seule utilisation de la dénomination “XV de France” qui désigne usuellement l’équipe nationale de rugby à 15 depuis une centaine d’années et est à ce titre inappropriable, n’est pas fautive, cette inscription considérée dans son ensemble, dans un encart strictement publicitaire et sans aucune visée informative, révèle une volonté manifeste de rattacher directement la marque WILKINSON à l’équipe de France de rugby, sans s’acquitter des frais de partenariat nécessaires pour se prévaloir d’un tel lien.

L’absence de toute promotion d’un produit de la marque WILKINSON renforce ce lien direct. En effet, les marques Wilkinson, sous lesquelles sont commercialisées des rasoirs, sont directement rattachées à l’équipe nationale de rugby et à son entraîneur, en dehors de tout produit, à l’exclusion d’une allusion indirecte aux rasoirs par le biais de la moustache qui pourrait être rasée.

Le contexte et la formalisation de cette mention caractérisent ainsi la volonté de la société ENERGIZER GROUP FRANCE de réaliser opportunément un coup médiatique au moment le plus opportun, à savoir la veille d’une finale de Coupe du Monde, en vue de tirer profit, pour commercialiser ses produits, de la notoriété et de l’image de marque du XV de France, lesquelles résultent des efforts d’investissements, de promotion et de médiatisation de la FFR, exposés chaque année et sans lesquels il ne serait pas aussi notoire.

Outre cette volonté de capter indûment des bénéfices des investissements exposés par la demanderesse, la publicité incriminée implique, du fait de cette mention en bas-de-page, l’idée d’un partenariat avec la FFR, encore renforcée par la référence directe à Marc Lièvremont, en sa qualité de sélectionneur du XV de France, fonction au titre de laquelle il était employé par la FFR.

Ce sous-titre associant la marque de l’annonceur et l’équipe nationale de France, a donc amené le public à croire que la société ENERGIZER était un partenaire commercial de la FFR, cette confusion étant aggravée par la similitude entre les encouragements de la marque WILKINSON et ceux des partenaires officiels: – “Tous ensemble pour la victoire. Avec Orange, soutenons le XV de France” (Orange, partenaire officiel), – “Il est temps de rappeler aux néo-zélandais qui est leur bête noire (au dessus d’un coq peint en noir) – Renault encourage le XV de France pour la finale”, – “TagHeuer, Chronométreur officiel de la Coupe du Monde de Rugby souhaite la victoire à 1 ‘Equipe de France”.

Au contraire, les autres annonceurs se sont clairement démarqués des partenaires officiels, en promouvant leur produit avec une simple allusion à l’événement public que constitue la finale: – “Loué soient les Bleus – Tous les poulets de Loué derrière le coq s’agissant de promouvoir le poulet de Loué, – “Tous avec la Dim Team” pour la caleçons DIM.

Si les lecteurs du journal l’Equipe sont des amateurs de sport avisés et avertis en matière de parrainage sportif, ils sont à ce titre habitués à voir les parrains officiels d’un événement ou d’une équipe nationale acheter un encart publicitaire pour encourager l’équipe nationale la veille d’un événement sportif majeur et en adoptant cette pratique habituelle des parrains officiels, la société ENERGIZER GROUP FRANCE a délibérément cherché à se placer dans le sillage de la notoriété de l’Equipe de France en se faisant passer pour un partenaire officiel afin de tirer encore davantage de bénéfice de la notoriété de du XV de France auprès de ses clients et prospects.

La seule circonstance tirée de l’absence de reprise des éléments distinctifs ou des appellations utilisés par les partenaires de la FFR n’est pas de nature à écarter ce risque de confusion, qui doit s’apprécier globalement au regard de la présentation de la publicité litigieuse et du contexte commercial dans lequel elle s’inscrit (80 000 euros au titre du parasitisme).

Missions de la FFR

Selon ses statuts, la FFR, association à but non lucratif, a pour objet d’encourager et développer la pratique du jeu de rugby, de diriger et de réglementer le rugby et d’en défendre les intérêts. Aux termes de l’article 8 des statuts, les moyens d’action de la fédération sont notamment, mais non exclusivement l’organisation de rencontres nationales et internationales ainsi que l’organisation et le contrôle de la qualité de la formation sportive.

En sa qualité de fédération sportive agréée par le Ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, suivant un arrêté du 15 décembre 2008, la FFR est délégataire d’une mission de service public et en vertu de l’article L. 131-15 du code du sport, elle organise les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, procède aux sélections correspondantes, propose des noms pour l’inscription sur les listes de sportifs, d’entraîneurs, d’arbitres et juges de haut niveau, des sportifs Espoirs et des partenaires d’entraînement.

Conformément aux dispositions de l’article L. 131-17 du même code, la FFR bénéficie d’un monopole sur les termes “ Equipe de France “ et” Champion de France “, suivie du nom d’une ou plusieurs disciplines sportives et peut seule la faire figurer dans ses statuts, contrats, documents ou publicités. Elle justifie en outre être titulaire de diverses marques françaises et communautaires semi-figuratives “XV de France”. La FFR est exclusivement en charge de la sélection et de la formation spécifique des joueurs sélectionnés dans l’équipe nationale ainsi que de l’organisation des rencontres internationales.

L’extrait de son budget 2011/2012 démontre qu’elle a exposé 13,87 millions d’euros en faveur de l’Equipe de France (équipements, hébergements, déplacements, ) et 6,54 millions d’euros pour les matches internationaux lors de cette période. En 2013, année hors Coupe du Monde, ces sommes s’élevaient respectivement à 7,83 millions d’euros et à plus de 9,4 millions d’euros. La FFR supporte les frais liés à l’équipe dirigeante, qui entraîne et encadre les joueurs sélectionnés en équipe nationale et met en oeuvre de nombreuses campagnes de communication pour promouvoir le XV de France, ces frais d’opération marketing ayant été valorisés à près de 1,3 millions d’euros pour l’année 2012. La FFR engage en outre des frais pour gérer l’image du XV de France et l’exploitation des signes distinctifs dont elle est propriétaire en accordant notamment des droits à des partenaires.

Mots clés : Parasitisme publicitaire

Thème : Parasitisme publicitaire

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de grande instance de Paris | Date : 27 juin 2014 | Pays : France


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