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L’exercice d’une activité accessoire par le dirigeant n’est pas incompatible avec sa fonction.
En la cause, l’article du Pacte d’associés dispose que : « chacun des Dirigeants s’engage à consacrer l’essentiel de son activité professionnelle à ses fonctions au sein du Groupe, à n’exercer en aucun cas directement ou indirectement, une fonction professionnelle (sauf à titre accessoire), rémunérée ou non (salariée ou mandat social), en dehors du Groupe (‘) et à ne pas solliciter ou débaucher pour son compte ou pour le compte de quelque autre personne, directement ou indirectement, du personnel du Groupe ». Les documents produits par la société LGN permettent d’établir : – l’existence de liens entre la société British American Tobacco et la société Vap’Express à compter du 28 février 2020 (« nous partirons sur 2 contrats distincts, l’un portant sur les DA (distributeurs automatiques) et l’autre sur les boutiques »), soit postérieurement à la révocation du 3 février 2020. En outre, il n’est pas question de 9 magasins, comme soutenu par la société LGN, mais de 9 distributeurs automatiques, – l’existence d’une boutique dans le centre commercial de la Défense (bail de décembre 2019), – l’existence de points de vente dans différentes gares SNCF. S’il est exact que le dirigeant est associé de la société Vap’Express, cela ne signifie pas pour autant qu’il consacre son temps à cette société, les éléments produits ne permettant pas de quantifier le temps qu’il pouvait y consacrer, d’autant que ces éléments font apparaître que la plupart des courriers étaient adressés au gérant. Les éléments ainsi produits par la société LGN ne permettent pas d’établir l’existence d’une activité professionnelle, autre qu’accessoire |
Résumé de l’affaire : La SAS Le Goût du Naturel (LGN) a acquis en janvier 2019 la société Groupe Rush, dont M. [J] était le dirigeant. Un pacte d’actionnaires a été signé, incluant une promesse de vente des titres de M. [J] à un investisseur. En janvier 2020, LGN a envisagé de révoquer M. [J] pour des faits graves, ce qu’il a contesté. Malgré ses objections, il a été révoqué le 3 février 2020. M. [J] a demandé 950 000 euros de dommages et intérêts, arguant que sa révocation était abusive, mais LGN a refusé. M. [J] n’a pas contesté sa révocation en tant que président de Groupe Rush, qui pouvait être faite sans préavis ni indemnité. En avril 2020, LGN a exercé l’option de rachat des titres de M. [J] pour 1 euro, ce qu’il a contesté. En juin 2020, M. [J] a assigné LGN en justice. Le tribunal a jugé en février 2023 que la révocation était sans juste motif et a condamné LGN à verser 60 000 euros à M. [J]. LGN a fait appel, demandant la confirmation de la décision sur l’abus de droit et l’infirmation des autres dispositions. M. [J] a également interjeté appel, demandant une indemnisation plus élevée. La cour a confirmé le jugement en partie, augmentant les dommages et intérêts à 110 000 euros pour révocation sans juste motif et condamnant LGN à payer 12 000 euros pour les frais d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 36C
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/00920 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VVRA
AFFAIRE :
SAS LE GOUT DU NATUREL
C/
[N] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er Février 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2020F00802
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
SAS LE GOUT DU NATUREL
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2231965
Plaidant : Me Bérangère RIVALS substituée par Me Camille GRANGIER de l’AARPI LAMOURE RIVALS, avocat au barreau de PARIS – vestiaire : E 1170
****************
INTIME
Monsieur [N] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20230096
Plaidant : Me Gérard COHEN substitué par Me Arnaud ALBOU de la SELARL COHEN AMIR-ASLANI, avocat au barreau de PARIS – vestiaire : L 34
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,
Monsieur Cyril ROTH, Président,
Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
La SAS Le Goût du Naturel (société LGN) est la société mère du groupe de sociétés exploitant notamment l’enseigne de restauration rapide « La [7] ».
La SAS Groupe Rush intervient également dans le domaine de la restauration rapide et exerce son activité par des filiales, notamment les sociétés [11] et [12].
En 2018, M. [J], dirigeant et actionnaire de la société Groupe Rush, a initié une recherche d’acquéreurs pour ce groupe. Aux termes d’une lettre d’intérêt du 7 septembre 2018, la société LGN a manifesté son intérêt d’acquérir les titres de la société Groupe Rush.
Le 30 janvier 2019, la société LGN a acquis par voie d’apport et de cession, directement et indirectement, l’intégralité des titres composant le capital social de la société Groupe Rush et de ses filiales. A l’issue de cette acquisition, M. [J] a été désigné directeur général de la société LGN, dont il est devenu actionnaire. Il est resté président de la société Groupe Rush.
Le pacte d’actionnaires signé le même jour contient une promesse de vente des titres détenus directement et indirectement par M. [J] au profit de l’investisseur financier principal de la société LGN (la société CM-CIC Capital).
Par courriers du 23 janvier 2020, le président du conseil de surveillance de la société LGN d’une part, et le président de la société LGN (associé unique du Groupe Rush) d’autre part, ont informé M. [J] qu’il était envisagé, en raison de faits graves, distincts pour chaque société, de soumettre au vote la révocation de ses mandats. M. [J] était invité à faire part de ses observations en prévision des réunions, d’une part du conseil de surveillance de la société LGN du 3 février 2020, d’autre part de l’assemblée générale de la société Groupe Rush fixée à la même date.
Le 3 février 2020, M. [J] a contesté l’intégralité des griefs relevés à son encontre. Les sociétés LGN et Groupe Rush ont maintenu, par courriers des 5 et 6 février 2020, leur décision de le révoquer de ses mandats, d’une part de directeur général de la société LGN, d’autre part de président de la société Groupe Rush, à effet immédiat à cette date.
Par courrier recommandé du 14 février 2020 adressé à la société LGN, M. [J] a réitéré ses contestations et sollicité le paiement d’une somme de 950 000 euros à titre de dommages et intérêts, aux motifs que sa révocation est abusive, sans justes motifs.
La société LGN a refusé de donner suite aux demandes indemnitaires de M. [J].
Les statuts de la société Groupe Rush prévoyant une possibilité de révocation de son président ad nutum, sans préavis ni indemnité, M. [J] n’a introduit aucune action à son encontre.
Par courrier du 20 avril 2020, la société CM- CIC Capital a levé l’option de la promesse de vente des titres détenus par M. [J] pour le prix de 1 euro. Les cessions ont été enregistrées, mais contestées par M. [J], ce qui donne lieu à une procédure distincte, toujours en cours.
Par acte du 18 juin 2020, M. [J] a assigné la société LGN devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire du 1er février 2023, a :
– dit sans juste motif la révocation des fonctions de direction générale de M. [J] par la société LGN ;
– condamné la société LGN à régler à M. [J] 60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour absence de juste motif ;
– débouté M. [J] de sa demande de paiement de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour abus de droit ;
– condamné la société LGN à régler à M. [J] la somme de10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration du 9 février 2023, la société LGN a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions du 6 mars 2024, elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts pour abus de droit ;
– infirmer le jugement sur toutes ses autres dispositions ;
– rejeter comme mal fondé l’appel incident de M. [J] ;
Et statuant à nouveau,
– juger que la révocation de M. [J] est intervenue pour juste motif ;
– juger que les motifs de révocation de M. [J] sont constitutifs d’une faute grave ;
En conséquence,
– débouter M. [J] des demandes indemnitaires formées à son encontre et plus largement de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner M. [J] au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [J] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions contenant appel incident du 7 février 2024, M. [J] demande à la cour de :
– débouter la société LGN de l’ensemble de ses prétentions ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit sans juste motif la révocation de ses fonctions de directeur général ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité son indemnisation à 60 000 euros au titre des dommages et intérêts pour absence de juste motif ;
Statuant à nouveau,
– condamner la société LGN au paiement d’une somme de 900 000 euros de dommages et intérêts pour absence de justes motifs ;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour abus de droit ;
Statuant à nouveau,
– condamner la société LGN au paiement d’une somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour abus de droit ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société LGN à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
En tout état de cause,
– condamner la société LGN au paiement d’une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La société LGN reproche aux premiers juges d’avoir retenu que la révocation de M. [J] était intervenue sans juste motif. Elle fait valoir que la notion de « juste motif » n’implique pas obligatoirement une faute de l’intéressé, notamment une faute de gestion, mais qu’elle peut prendre en considération plus largement l’intérêt social, notamment lorsqu’il existe une mésentente entre dirigeant et associés. Elle reprend successivement les faits reprochés à M. [J], tels qu’exposés dans la lettre du 23 janvier 2020.
M. [J] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’absence de justes motifs de sa révocation, soutenant que celle-ci avait pour but réel le rachat de ses titres à vil prix.
Il convient d’examiner successivement les motifs invoqués par la société LGN à l’appui de la révocation, afin d’établir s’ils constituent ou non des justes motifs.
1 – Sur les griefs liés à l’utilisation inappropriée des biens de la société, et aux conflits d’intérêt avec le groupe
‘ Premier grief : mise à la charge financière du groupe d’un véhicule utilisé par un proche de M. [J] n’ayant pas de fonction dans le groupe
La société LGN reproche à M. [J] d’avoir mis un véhicule BMW à disposition de son beau-frère, M. [T], alors que ce dernier n’avait pas de fonction dans le groupe. Elle soutient que les quelques courriels produits ne permettent pas d’attester de la réalité des fonctions de M. [T] sur le site du Théâtre de [6], ajoutant ne pas comprendre les prestations de la société Foodstories, d’autant que les fonctions de responsable d’exploitation pour ce site étaient occupées par un autre salarié. Elle soutient que la mise à disposition d’un actif de l’entreprise (véhicule BMW sous contrat de leasing) au profit d’un tiers, sans contrepartie réelle, constitue une faute grave.
M. [J] fait valoir que M. [T] a occupé diverses fonctions dans la société Groupe Rush, dont celle de responsable d’un point de vente situé au théâtre de [6] de 2016 à 2018, par le biais d’un contrat de prestations de service émanant de la société Foodstories. Il fait valoir que la réalité du travail de M. [T] est notamment attestée par des courriels émanant du théâtre de [6]. Il indique qu’à la suite du départ de M. [T], les factures du crédit-bail du véhicule ont été avancées par le Groupe Rush, mais refacturées à la société [5], entreprise individuelle de M. [T], ce dernier ayant réglé cette facture en novembre 2021. Il ajoute que cette charge avait été portée à la connaissance de la société LGN dans le cadre des audits antérieurs à la cession. Il soutient dès lors qu’il ne s’agit pas d’une faute de gestion ni d’un juste motif de révocation. Il ajoute que les procès-verbaux pour stationnement illicite ont été facturés à M. [T]. M. [J] rappelle enfin que ce grief est antérieur à sa nomination comme directeur général de la société LGN, de sorte qu’il ne peut justifier sa révocation.
Réponse de la cour
Dans les sociétés par actions simplifiées, les règles relatives à la désignation et la révocation des dirigeants sont, dans le silence de la loi, uniquement fixées par les statuts.
Il résulte de l’article 11.2.5 des statuts de la société LGN que le directeur général est révoqué sur justes motifs par une décision des membres du conseil de surveillance statuant à la majorité simple des voix de ses membres présents ou représentés.
De manière générale tout acte accompli par le directeur général qui est susceptible d’engager sa responsabilité peut constituer un juste motif de révocation. Il en est ainsi des atteintes aux dispositions légales, réglementaires ou statutaires. Encore faut-il que la faute incriminée soit commise dans le cadre de son mandat social, c’est-à-dire qu’elle soit liée à la gestion de la société.
Par ailleurs, si la faute commise par le dirigeant constitue un juste motif, la révocation peut toutefois valablement intervenir en dehors d’une faute de gestion. Elle peut être légitimée par l’intérêt de la société. Ainsi, une mésentente entre les cogérants, pourvu qu’elle soit de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, peut constituer un juste motif. La perte de confiance peut également être un juste motif de révocation, mais uniquement si elle est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société.
En l’espèce, s’agissant de l’utilisation du véhicule BMW par un tiers, il convient de rappeler que M. [J] a été nommé en qualité de directeur général de la société LGN le 30 janvier 2019. Seuls les faits postérieurs à cette date peuvent ainsi lui être reprochés.
Or la mise à disposition du véhicule au profit de M. [T] concerne la société [11] (filiale du Groupe Rush), et elle est bien antérieure au 30 janvier 2019. Le 18 octobre 2018, la société [11], tenant compte du départ de M. [T] et du fait qu’il conservait le véhicule de fonction (ses fonctions au théâtre de [6] étant suffisamment établies par les courriels produits en pièce 40, notamment un courriel du secrétaire général du théâtre relatif aux conditions d’exploitation du restaurant [11] sur le site du théâtre), a émis une facture des loyers restant à courir sur le crédit-bail à destination de la société [5]. Lorsque M. [J] a été nommé aux fonctions de directeur général le 30 janvier 2019, la mise à disposition du véhicule au profit de son beau-frère – antérieurement justifiée par ses fonctions dans la société [11] ‘ devait trouver une nouvelle contrepartie dans le remboursement du solde des loyers par la société [5]. Seule une charge locative, compensée par la refacturation des loyers, était ainsi enregistrée par la société [11]. En sa qualité de directeur général, M. [J] ne peut toutefois être tenu pour responsable du retard de paiement de la société [5], ce dernier n’étant intervenu qu’en novembre 2021.
Ce grief ne constitue donc pas un juste motif.
‘ Deuxième grief : mise à la charge financière du groupe du coût de deux voyages réalisés à [Localité 14] en 2019
La société LGN soutient que M. [J] a mis à la charge du groupe le coût de 2 voyages réalisés en mars et septembre 2019 à des fins personnelles. Elle soutient que le motif de ces voyages, tel qu’avancé par M. [J] (recouvrement d’une ancienne créance) n’est pas crédible et n’est étayé par aucun élément probant, la créance invoquée étant en outre demeurée impayée.
M. [J] soutient qu’il s’agissait bien de voyages professionnels, de trois jours chacun. Il soutient que ces voyages ont été validés par la présidente de la société, et qu’ils avaient pour objet une démarche de recouvrement de créances anciennes, ajoutant que le classement ultérieur de ces créances comme étant douteuses ne démontre pas l’absence de justification professionnelle des voyages. Il ajoute que ces voyages ont été suivis par la présidente de la société, comme en témoigne les échanges de courriels qu’il produit.
Réponse de la cour
La société LGN indique, sans plus de précision, que les voyages litigieux se seraient déroulés en mars et septembre 2019. Elle ne conteste pas l’échange de courriels du 16 mars 2019 – déjà retenu par le tribunal sans que cela soit discuté par la société LGN – entre M. [J] et Mme [C], présidente de la société LGN, évoquant notamment un « rendez-vous avocat » pour recevoir des fonds à la suite d’une cession de restaurant, et des rendez-vous pour « développer la [7] », ce qui suffit à justifier le motif professionnel de ce voyage.
De même pour le voyage de fin septembre/début octobre, M. [J] produit aux débats un échange Whatsapp avec Mme [C], relatif notamment à une vente et un rendez-vous avocat, outre des échanges de courriels au sujet du développement de la [7] à [Localité 14], ce qui confirme le but professionnel des voyages.
Le grief de mise à la charge financière du groupe de deux voyages personnels n’est donc pas démontré, aucun juste motif ne pouvant être retenu à ce titre.
‘ Troisième grief : dette personnelle de M. [J] non remboursée durant une année, aboutissant à un compte courant débiteur
La société LGN reproche à M. [J] d’avoir, par l’intermédiaire de sa holding personnelle, encaissé une somme de 76 000 euros « indue depuis janvier 2019 », cette somme n’ayant jamais été reversée ensuite, entraînant le maintien d’un compte-courant débiteur qui n’a jamais été remboursé. Elle soutient que le maintien d’un compte courant débiteur par un mandataire social (directeur général) est interdit et qu’il est constitutif d’une faute de gestion, cette interdiction s’appliquant également à toute personne interposée.
M. [J] précise que le directeur financier du Groupe Rush a commis une erreur en procédant à un double virement de la somme de 76 788 euros sur le compte de la société [J] Dev Holding, qu’il détient. Il fait ainsi valoir que c’est le groupe Rush qui a octroyé cette somme, par erreur, à la société [J] Dev Holding, cette dernière n’ayant rien sollicité. Il indique que, lorsqu’il a eu connaissance de cette erreur en mars 2019, il a proposé le remboursement par le compte de sa holding, ce qui n’a pu se faire compte tenu d’une demande de décalage d’encaissement non respectée. Il rappelle que la dette est uniquement due par la société [J] Dev Holding qui a une personnalité juridique distincte, de sorte qu’il n’en est pas responsable, ajoutant qu’elle doit se compenser partiellement avec une créance que cette holding détient sur le Groupe Rush. Il soutient enfin que la société [J] Dev Holding, personne morale, n’exerce aucune fonction dirigeante dans la société LGN de sorte qu’aucune faute de gestion ne pourrait lui être imputée au titre d’un éventuel compte courant débiteur, précisant qu’en tout état de cause, il ne s’est pas fait consentir un découvert ou un prêt et que la société [J] Dev Holding n’a pas la qualité de personne interposée, cette interposition impliquant un contournement volontaire de la règle qui n’existe pas en l’espèce.
Réponse de la cour
Il résulte de l’article L. 225-43 du code de commerce qu’à peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.(‘) La même interdiction s’applique au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs. Elle s’applique également aux conjoint, ascendants et descendants des personnes visées au présent article ainsi qu’à toute personne interposée.
La société LGN ne discute pas les conditions dans lesquelles elle a opéré, par erreur, un double virement d’un montant de 76 788 euros sur le compte de la société [J] Dev Holding, ce qui permet d’établir l’existence d’une dette de cette société, et non pas de M. [J], envers la société LGN.
Ainsi que le fait observer M. [J], la société [J] Dev Holding n’a jamais eu qu’un rôle passif dans la création de cette dette. Elle n’a jamais émis la moindre volonté de contracter un emprunt ou de se faire consentir un découvert par la société LGN. S’il est ainsi exact que la société [J] Dev Holding est débitrice de la société LGN, ce qui pourrait se traduire en comptabilité par une écriture au compte « débiteurs divers », il n’est pas possible de considérer qu’elle est titulaire d’un compte-courant débiteur ce qui caractériserait alors une convention interdite. La société LGN ne produit d’ailleurs aucun élément comptable attestant d’un compte-courant débiteur de la société [J] Dev Holding, ni aucun courrier lui demandant de rembourser sa créance prétendument inscrite dans un tel compte, ce qu’elle n’aurait pas manqué de faire si tel avait été le cas.
La société LGN n’est donc pas fondée à invoquer une faute de gestion imputable à M. [J] du fait de la persistance d’un compte-courant débiteur.
‘ Quatrième grief : proposition de concepts hors périmètre d’activité du groupe (cigarettes électroniques) à un partenaire du groupe
La société LGN reproche à M. [J], en contradiction avec l’article 5.1 du pacte d’associés, lui imposant de consacrer l’essentiel de son activité professionnelle à ses activités au sein du groupe, d’avoir démarché des clients et partenaires historiques de ce dernier pour promouvoir une activité de vente de cigarettes électroniques, sous l’enseigne « Vap Express », créée en mars 2019. Elle soutient qu’il ne s’agit nullement d’une activité accessoire contrairement à ce que prétend M. [J].
M. [J] soutient qu’il a parfaitement respecté les dispositions de l’article 5.1 du pacte d’associé qui l’autorisait, à titre accessoire, à exercer une fonction professionnelle en dehors du groupe. Il fait valoir qu’il exerçait à temps plein ses fonctions de mandataire social dans le groupe. Il précise qu’il n’était qu’actionnaire de la société Vap Express, le gérant étant M. [K].
Réponse de la cour
L’article 5.1 du Pacte d’associés du 30 janvier 2019 dispose que : « chacun des Dirigeants s’engage à consacrer l’essentiel de son activité professionnelle à ses fonctions au sein du Groupe, à n’exercer en aucun cas directement ou indirectement, une fonction professionnelle (sauf à titre accessoire), rémunérée ou non (salariée ou mandat social), en dehors du Groupe (‘) et à ne pas solliciter ou débaucher pour son compte ou pour le compte de quelque autre personne, directement ou indirectement, du personnel du Groupe ».
Les documents produits par la société LGN permettent d’établir :
– l’existence de liens entre la société British American Tobacco et la société Vap’Express à compter du 28 février 2020 (« nous partirons sur 2 contrats distincts, l’un portant sur les DA (distributeurs automatiques) et l’autre sur les boutiques »), soit postérieurement à la révocation du 3 février 2020. En outre, il n’est pas question de 9 magasins, comme soutenu par la société LGN, mais de 9 distributeurs automatiques,
– l’existence d’une boutique dans le centre commercial de la Défense (bail de décembre 2019),
– l’existence de points de vente dans différentes gares SNCF.
S’il est exact que M. [J] est associé de la société Vap’Express, cela ne signifie pas pour autant qu’il consacre son temps à cette société, les éléments produits ne permettant pas de quantifier le temps qu’il pouvait y consacrer, d’autant que ces éléments font apparaître que la plupart des courriers étaient adressés au gérant, en la personne de M. [K].
Les éléments ainsi produits par la société LGN ne permettent pas d’établir l’existence d’une activité professionnelle, autre qu’accessoire, exercée par M. [J] dans la société Vap’Express. Il n’existe donc pas de juste motif de révocation à ce titre.
2 ‘ sur les griefs liés aux problématiques de ressources humaine[CR19] [MV20] s
‘ Premier grief : difficulté à travailler avec Mme [C], présidente du groupe
La société LGN reproche à M. [J] de ne pas avoir travaillé en collaboration avec l’équipe de direction, sous la supervision de Mme [C]. Elle évoque à ce titre un courriel adressé par M. [J] à Mme [C] le 9 septembre 2019, dans lequel le premier évoque « sa stratégie de développement », ce qui est significatif d’une absence de travail concerté.
M. [J] soutient au contraire s’être toujours conformé aux directives de la société et de sa présidente qu’il a toujours tenue informée de son activité. Il s’étonne que la société LGN s’appuie sur un unique courriel sorti de son contexte, ajoutant que l’utilisation d’un adjectif possessif est une simple formule de style, mais ne constitue nullement une marque de défiance à l’égard de la présidente.
Réponse de la cour
Le grief invoqué par la société LGN repose sur un unique courriel adressé par M. [J] le 9 septembre 2019 à Mme [C] ainsi qu’à une autre personne. Ce courriel est ainsi rédigé : « bonjour à tous les deux, je vous joins la présentation de ma stratégie de dev. Il me reste deux slides à rajouter. On en discute cet AM. » La pièce jointe est un document power point intitulé : « vision développement à horizon 2023 ».
Le fait que M. [J] utilise, dans un unique courriel rapide, l’adjectif possessif « ma » pour parler de la stratégie de développement de la société ‘ alors que ce courriel s’inscrit dans des échanges antérieurs au sujet de cette stratégie, dont il est précisé qu’elle sera discutée l’après-midi – ne peut en aucune manière caractériser une difficulté à travailler en collaboration, d’autant que M. [J] produit aux débats de nombreux échanges de courriels montrant au contraire une bonne collaboration avec l’équipe de direction.
Ce grief ne peut donc être retenu.
‘ Deuxième grief : comportement impulsif et emporté ‘ courriel du 3 décembre 2019
La société LGN fait également état du comportement impulsif et emporté de M. [J], dans un courriel qu’il a adressé à la présidente le 3 décembre 2019.
M. [J] soutient que l’allégation d’un comportement impulsif et emportée est fausse, voire diffamatoire, rappelant qu’il était particulièrement apprécié par ses équipes comme en attestent des témoignages qu’il produit. Il indique que le message du 3 décembre n’est qu’une clarification interne dans la gestion courante d’un client.
Réponse de la cour
Le courriel du 3 décembre 2019 adressé par M. [J] est ainsi rédigé : « [P] [Z], je ne comprends pas que tu envoies un mail en direct à [B] sans même me consulter !! je l’ai eu hier soir pour lui confirmer qu’il aura un détail par famille d’investissement. Et please, nos partenaires ne sont pas obligés de savoir qu’il y a beaucoup de travail à faire sur [12] ! Pour eux, le concept est en place. Merci »
Ce courriel fait ainsi état d’une incompréhension de M. [J] à la suite d’un courriel adressé par Mme [P] [Z] [C] à un certain [B], dans lequel elle lui indiquait qu’il n’était pas possible de lui donner « le détail par famille d’investissement ».
Ce courriel ne fait état que d’un agacement de M. [J] à la suite d’informations contradictoires données à un client, sans consultation entre les deux responsables, Mme [C] ayant pris une initiative sans consulter M. [J], ce point n’étant pas contesté par la société LGN, ce qui tend à démontrer que cet agacement était légitime. En tout état de cause, cet événement isolé ne permet pas d’établir une généralité quant à un prétendu comportement impulsif ou emporté de M. [J], encore moins de motiver une révocation pour juste motif.
S’agissant en outre de violentes critiques ou dénigrement de M. [J] à l’égard de la présidente ou du conseil de surveillance, l’unique message transmis indiquant : « ils sont nuls ! loin du terrain et loin des priorités » est postérieur à la révocation de M. [J] puisqu’il est fait mention de son « départ des effectifs », de sorte que ce dénigrement, au demeurant non ciblé, ne peut être retenu comme motif de révocation.
Le deuxième grief n’est donc pas fondé.
‘ Troisième grief : gestion des équipes générant de fortes déstabilisations et créant une ambiance délétère au sein du groupe
La société LGN reproche à M. [J] une mauvaise gestion des équipes et produit aux débats des réclamations d’anciens salariés (heures travaillées non payées, primes non versées, harcèlement ou burn out’).
M. [J] soutient que ce grief est parfaitement infondé. Il indique que les documents produits ne portent que sur 5 réclamations sur 200 salariés, qu’elles sont antérieures à sa prise de fonction, et qu’elles ne peuvent être imputées à sa gestion des équipes.
Réponse de la cour
Comme déjà relevé par les premiers juges sans que cela soit discuté par la société LGN, les documents qu’elle produit aux débats relatifs à des litiges prud’homaux concernent pour trois d’entre eux des réclamations relatives à des périodes antérieures à la nomination de M. [J]. Dans les deux autres litiges, qui portent en partie sur des faits constatés durant la période d’activité de M. [J], il n’est pas démontré que ce dernier ait eu une quelconque responsabilité dans leur survenance, alors que la direction des ressources humaines était chargée du traitement des litiges avec le personnel. Ce grief n’est donc pas fondé.
3 ‘ sur les griefs liés au non-respect des règles de gouvernance du groupe
‘ Premier grief : violation des règles de reporting
Au titre de ce grief, la société LGN invoque plusieurs manquements de M. [J] sur lesquels il convient de revenir.
– Sur la demande de capex la veille pour le lendemain
La société LGN reproche à M. [J] une demande tardive de capex (capital expenditure, c’est-à-dire dépenses d’investissement), formulée au conseil de surveillance la veille pour le lendemain, soit un courriel du 27 juin 2019 pour le 28 juin 2019, ce qui a fait l’objet d’un courriel de rappel le 28 juin 2019.
M. [J] conteste toute tardiveté de la demande, précisant que celle-ci avait fait l’objet d’échanges préalables concernant la prise à bail des locaux dès le 17 mai 2019, un dossier complet ayant été adressé le 20 juin. Il ajoute que le courriel du 28 juin 2019 ne contient aucune critique quant à une prétendue tardiveté.
Réponse de la cour
M. [J] produit aux débats : un courriel du 17 mai 2019 accompagné d’une présentation des différents dossiers en cours, un courriel du 20 juin 2019 relatif à la présentation des projets, par lequel il demande un ajout de « slides » pour « le conseil de surveillance de la semaine prochaine ».
Dans ce contexte, le seul courriel de M. [J] du 27 juin 2019 (pièce numéro 41 de la société LGN) qui ne comporte aucun objet, et la seule mention « bonne réception » ne permet pas d’apporter la preuve d’une communication tardive, la veille pour le lendemain, d’une quelconque demande de capex. De plus, et contrairement à ce que soutient la société LGN le courriel du 28 juin 2019 ne contient aucun reproche adressé à M. [J] sur une prétendue demande tardive de capex. Il s’agit uniquement d’une demande, adressée au directeur financier, de plan de financement « en amont des sujets à creuser » et « pour le prochain comité mensuel ».
La preuve d’une demande tardive de capex n’est donc pas rapportée.
– Sur le renouvellement du mandat de commissaire aux comptes
La société LGN reproche à M. [J] d’avoir fait renouveler, pour le Groupe Rush, le mandat de commissaire aux comptes du cabinet SCB, sans tenir compte de sa volonté de mandater un nouveau cabinet (Deloitte) afin que les deux sociétés Rush et LGN disposent du même commissaire aux comptes, ajoutant que le cabinet SCB a été relevé de ses fonctions par décision du tribunal de commerce.
Réponse de la cour
Ainsi que M. [J] le fait observer, la société LGN ne rapporte aucune preuve de sa prétendue volonté de changement de commissaire aux comptes, de sorte qu’elle n’est pas fondée à imputer à M. [J] un non-respect de cette volonté. Ce grief n’est pas fondé.
– Sur l’absence d’information du conseil de surveillance sur des ouvertures promises et non réalisées
La société LGN reproche à M. [J] de ne pas avoir apporté à son conseil de surveillance des explications satisfaisantes sur des promesses d’ouverture de points de vente (deux points de vente à la gare de [10], un point de vente [11] à la gare [13], et un point de vente [11] avec Epigo), alors que ces projets avaient été pris en considération dans son appréciation du business plan établi en amont de l’opération d’acquisition du groupe Rush.
M. [J] précise que ces ouvertures avaient reçu un accord de principe en juin 2018, indiquant que l’un d’eux a été suspendu ([12]), l’autre projet ([11]) ayant bien vu le jour à la gare de [10], le fait que cette ouverture soit postérieure à sa révocation étant sans incidence dès lors qu’elle a bien été réalisée. Il ajoute que la société LGN avait parfaitement connaissance des aléas relatifs à ces ouvertures, ainsi que cela ressort du rapport d’audit de pré-acquisition qui fait état de lettres d’intentions, sans contrat d’assistance technique ni licence de marque.
Réponse de la cour
La cour observe en premier lieu que le reproche adressé à M. [J] concerne des promesses d’ouverture faites lors du process d’acquisition, non réalisées ultérieurement. Les promesses ainsi faites, dont il n’est d’ailleurs pas justifié, sont ainsi antérieures à l’acquisition du Groupe Rush par la société LGN, et donc nécessairement antérieures à la prise de fonction de M. [J]. Les prétendues promesses ayant été faites par M. [J] en sa qualité d’ancien président du Groupe Rush, leur non-respect ne peut lui être reproché qu’en cette qualité, et non pas au titre de ses nouvelles fonctions de directeur général de la société LGN. En tout état de cause, la société LGN ne justifie pas de quelconques remarques du conseil de surveillance quant à une information prétendument inexistante sur ces ouvertures non-réalisées, ce grief n’ayant jamais été invoqué avant la révocation.
En outre, et ainsi que le fait observer M. [J], sans que cela ne soit discuté, la société LGN avait une parfaite connaissance des aléas liés à l’ouverture des points de vente puisque l’audit de pré-acquisition mentionnait notamment qu’il n’existait que des lettres d’intention, sans contrat d’assistance technique ou licence formalisés avec la société Areas, chargée de l’aménagement des gares. La société LGN n’est donc pas fondée à invoquer un grief à ce titre.
‘ Second grief : demandes de capex effectuées sans prise en compte du contexte et des enjeux financiers du groupe
La société LGN reproche à M. [J] d’avoir présenté des demandes de capex manifestement disproportionnées et irréalistes pour des ouvertures de points de vente au centre commercial de [Adresse 8], à [Localité 9].
M. [J] soutient que ce grief n’est pas explicité, et qu’en tout état de cause, le conseil de surveillance avait tout le loisir de refuser ces demandes.
Réponse de la cour
La simple affirmation de demandes de financement « manifestement disproportionnées et irréalistes » n’est étayée par aucun chiffre ni aucun document, de sorte qu’aucun grief ne peut être retenu à ce titre.
‘ Second grief : plan stratégique proposé le 10 septembre 2019 aux membres du conseil de surveillance basé sur des éléments financiers sans lien avec la réalité des performances du groupe
La société LGN reproche à M. [J] d’avoir présenté, le 10 septembre 2019, une stratégie de développement sans lien avec les performances du Groupe Rush, annonçant notamment des taux d’EBE (excédent brut d’exploitation) compris entre 15 et 20 % alors que les points de vente n’avaient jamais atteint de tels niveaux de performance, ajoutant que le niveau de capex était disproportionné, sans aucune assurance de retour sur investissement. Elle soutient en outre que les performances financières du Groupe Rush étaient totalement déconnectées des informations communiquées en amont de la cession, ce qui a été confirmé par un audit et a donné lieu à une procédure judiciaire, au terme de laquelle le tribunal de commerce de Paris a condamné M. [J], solidairement avec les actionnaires à lui payer une somme de 700 000 euros en réparation du préjudice subi dans l’acquisition du groupe.
M. [J] rappelle que le plan stratégique a fait l’objet d’échanges avec la présidente et la direction financière de la société, et qu’il a été validé par le conseil de surveillance le 9 septembre 2019, ajoutant qu’il a ensuite été présenté aux franchisés le 5 novembre, démontrant ainsi qu’il paraissait réalisable pour tous.
Réponse de la cour
Il ressort des pièces produites par M. [J] que le plan stratégique qu’il a proposé a fait l’objet d’échanges avec la présidente de la société LGN, et qu’il a été présenté en conseil de surveillance le 9 septembre 2019 sans entraîner aucune critique.
La société LGN ne procède en outre que par affirmation, sans justifier que les taux d’EBE ne pouvaient pas atteindre les performances annoncées, ni que le niveau de capex était disproportionné. Elle ne rapporte donc pas la preuve du grief qu’elle allègue.
4 ‘ sur la révocation concomitante des fonctions de président du groupe Rush
La société LGN rappelle que M. [J] a également été révoqué de ses fonctions de président du Groupe Rush pour des motifs graves, ce qu’il n’a pas contesté. Elle soutient que la justification de la révocation du mandat de M. [J] dans la société LGN doit également prendre en considération les motifs de sa révocation de président du Groupe Rush.
M. [J] rappelle que cette seconde révocation n’est pas l’objet de la présente procédure et qu’elle est sans enjeu dans la mesure où il ne pouvait toucher aucune indemnité, s’agissant d’une révocation ad nutum. Il ajoute que la société LGN n’apporte nullement la preuve des griefs allégués à l’appui de la révocation de ses fonctions de président de la société Groupe Rush.
Réponse de la cour
La révocation de M. [J] de ses fonctions de président de la société Groupe Rush, étant intervenue le lendemain de la révocation de ses fonctions de directeur général de la société LGN, ne peut constituer un motif de celle-là.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’ensemble des motifs allégués à l’appui de la révocation de M. [J] sont inexistants ou injustifiés, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a dit que cette révocation était sans juste motifs.
5 ‘ sur les demandes indemnitaires formées par M. [J]
Le tribunal a alloué à M. [J] une somme de 60 000 euros à titre des dommages et intérêts pour absence de juste motif, le déboutant de sa demande indemnitaire pour abus de droit.
* sur l’indemnisation du préjudice du fait de la révocation sans juste motif
M. [J] sollicite l’infirmation du jugement sur le quantum de l’indemnisation, sollicitant paiement de la somme de 900 000 euros au titre de l’absence de justes motifs. Il fait valoir que la révocation le prive indûment de sa rémunération de directeur général, qui ne pouvait être inférieure à 3 années, durée de mandat raisonnable compte tenu des circonstances de rapprochement des deux groupes LGN et Groupe Rush. Il rappelle notamment qu’il était investi dans la société groupe Rush depuis 9 années, soutenant qu’il était dès lors raisonnable de penser qu’il resterait encore 3 années dans ses fonctions. Il ajoute que cette révocation injuste a également permis à la société LGN de racheter ses titres à vil prix (1 euro). Il conteste l’existence d’un doublon entre sa rémunération de directeur général et le contrat de prestation de service conclu entre les sociétés LGN et [J] Dev Holding.
La société LGN rappelle que la cour n’est pas saisie de la question du rachat des actions de M. [J], prétendument à vil prix, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération les développements sur ce point, d’autant qu’une instance distincte est en cours. Elle rappelle que M. [J] n’a exercé ses fonctions que sur une année, de sorte qu’il n’est pas fondé à solliciter une indemnisation sur 3 années, ajoutant qu’il percevait également une rémunération annuelle de 45 000 euros par le biais de sa holding [J] Dev Holding, et ce pour des prestations de développement commercial, cette fonction faisant doublon avec celles de directeur général de la société LGN et de président de la société Groupe Rush. Elle indique en outre que M. [J] dispose d’importantes ressources financières au titre de prises de participation dans diverses sociétés, de sorte qu’il n’y a pas lieu à octroi de dommages et intérêts à son profit.
Réponse de la cour
La révocation sans juste motif survenue le 5 février 2020 a privé M. [J] de sa rémunération de dirigeant de la société LGN à compter de cette date, sans qu’il puisse bénéficier d’un quelconque préavis, ce qui suffit à caractériser l’existence d’un préjudice.
La simple affirmation que les fonctions de M. [J] feraient doublon avec les prestations de service offertes par sa société holding, outre qu’elle ne repose sur aucun élément de preuve, est en tout état de cause inopérante dans l’appréciation du préjudice de M. [J], dès lors que la société LGN a elle-même accepté ces deux rémunérations, seule l’absence de rémunération au titre des fonctions de directeur général étant ici indemnisée.
La rémunération fixe annuelle de M. [J] s’élevait à la somme de 220 000 euros, outre une rémunération variable qui ne peut être prise en compte dès lors que M. [J] ne produit aucun élément permettant de la quantifier.
Au regard de l’expérience passée de M. [J] en sa qualité de président de la société Groupe Rush, de la brusque révocation de ses fonctions dans la société LGN sans juste motif et sans préavis, et de son ancienneté dans cette société, son préjudice peut être fixé à 6 mois de rémunération fixe, soit à la somme de 110 000 euros. Il convient de lui allouer cette somme à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé sur le quantum de cette indemnisation.
‘ Sur l’indemnisation de l’abus de droit
M. [J] soutient que la société LGN a abusé de son droit de révocation en ce qu’elle est intervenue dans des circonstances vexatoires, portant une atteinte injustifiée à sa réputation et à son honneur. Il fait notamment état de la récupération, par le service informatique, de tous ses contacts figurant sur son ordinateur, d’information des salariés avant même la réunion du conseil de surveillance et donc avant qu’il puisse présenter ses observations. Il invoque également le caractère fallacieux des prétextes invoqués, et sollicite réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 50 000 euros.
La société LGN fait valoir que la révocation de M. [J] est survenue dans le respect du principe du contradictoire puisqu’il a été informé des griefs et qu’il a pu s’exprimer. Elle ajoute que M. [J] ne justifie nullement des prétendues informations des salariés.
Réponse de la cour
M. [J] n’apporte aucun élément pour justifier des circonstances vexatoires qu’il invoque, s’agissant notamment de prétendues informations données aux salariés ou de la récupération de données sur son ordinateur. Il ne conteste pas en outre le respect d’une procédure contradictoire lui ayant permis de répondre aux griefs allégués par la société LGN. Il n’est en outre justifié d’aucune atteinte à sa réputation ou à son honneur. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire à ce titre.
6 – sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens. La société LGN qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel. Il sera alloué à M. [J] une somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 1er février 2023 en toutes ses dispositions, à l’exception de celle relative au montant des dommages et intérêts alloués pour révocation sans juste motif,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Le Goût du naturel à payer à M. [J] la somme de 110 000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Le Goût du naturel à payer à M. [N] [J] la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Le Goût du naturel aux dépens d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,