Packaging de produits : pas de concurrence déloyale sans risque de confusion
Packaging de produits : pas de concurrence déloyale sans risque de confusion

Dès lors que le risque de confusion n’est pas établi, la reprise d’éléments communs de packaging n’est pas fautive (exclusion de toute concurrence déloyale).

La société Lansay a été déboutée de son action en concurrence déloyale contre un concurrent ayant repris des éléments de Packaging de l’un de ses jeux.  Si les packagings comportaient des éléments communs comme la photographie d’une jeune fille portant des bijoux, et une frise de petits bonhommes colorés de type « émojis ou smileys », ces éléments, tout à fait banals » ne sont pas de nature à créer un risque de confusion en l’état de différences existant entre les photographies (« couleur des cheveux, physionomie et expression du visage ») et leur positionnement sur le packaging ainsi qu’entre les frises d’émojis (« tailles, couleurs, nombre, formes »)

______________________

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

Cour de cassation

Chambre commerciale financière et économique

22 juin 2022

N° 21-10.626

Audience publique du 22 juin 2022

Rejet non spécialement motivé

Mme DARBOIS, conseiller doyen

faisant fonction de président

Décision n° 10419 F

Pourvoi n° J 21-10.626

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022

1°/ la société Lansay France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société The Maya Group Inc., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis),

ont formé le pourvoi n° J 21-10.626 contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Canal Toys, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Lansay France et The Maya Group Inc., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Canal Toys, après débats en l’audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Lansay France et The Maya Group Inc. aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés The Maya Group Inc. et Lansay France et les condamne à payer à la société Canal Toys la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour les sociétés Lansay France et The Maya Group Inc.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les sociétés Lansay France et The Maya Group Inc font grief à l’arrêt attaqué de les avoir, infirmant partiellement le jugement entrepris, déboutées de toutes leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu’en statuant au visa des conclusions des sociétés The Maya Group et Lansay France déposées le 9 septembre 2019, bien que ces dernières aient déposé le 23 mars 2020 des conclusions complétant leur précédente argumentation, la cour d’appel a violé les articles 455 et 954, alinéa 4, du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Les sociétés Lansay France et The Maya Group Inc font grief à l’arrêt attaqué de les avoir, infirmant partiellement le jugement entrepris, déboutées de toutes leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

1°) ALORS QU’ en l’absence même de droits privatifs, la création d’un risque de confusion entre deux produits constitue une faute de concurrence déloyale ; que le risque de confusion entre les packagings de deux jeux ayant les mêmes fonctions et caractéristiques doit être fondé sur l’impression d’ensemble qu’ils suscitent dans l’esprit du consommateur moyennement attentif qui ne les a pas en même temps sous les yeux, en prenant en compte toutes leurs caractéristiques, sans s’attacher à leur éventuelle banalité ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir que, comme l’avait retenu le tribunal, les deux jeux « dégageaient globalement une image similaire au niveau de leur visuel, même s’ils diffèrent dans le détail ; que cette similarité est le résultat :

— de la profusion d’objets mis en scène sur chacun des emballages,

— d’un jeu identique de couleurs dominantes (bleu-blanc-rose),

— de la présence dans les deux cas d’une jeune fille exhibant ses poignets munis des bracelets de sa création,

— de la présence d’une main appuyant sur le poussoir bleu de la machine à sectionner sur les deux emballages,

— d’une bande dans la partie inférieure des emballages à l’intérieur de laquelle sont insérés de façon désordonnée les différents motifs des bâtons de gomme (dont des émoticônes) » et que c’était « la combinaison de l’ensemble de ces éléments » qui fait naître le risque de confusion (cf. conclusions, p. 25, § 3) ; qu’en retenant que « si les packagings comportent des éléments communs comme la photographie d’une jeune fille portant des bijoux, et une frise de petits bonhommes colorés de type « émojis ou smileys », ces éléments, tout à fait banals » ne sont pas de nature à créer un risque de confusion en l’état de différences existant entre les photographies (« couleur des cheveux, physionomie et expression du visage ») et leur positionnement sur le packaging ainsi qu’entre les frises d’émojis (« tailles, couleurs, nombre, formes »), sans prendre en compte, comme elle y était invitée, dans son appréciation de l’impression d’ensemble suscitée par les packagings des deux jeux en cause, la présence sur chacun d’eux d’une profusion d’objets mis en scène sur chacun des emballages, d’un jeu de couleurs dominantes identiques, d’une main appuyant sur le pressoir de la machine à sectionner, ainsi que le fait que sur chacun d’eux, la frise d’émojis est située en partie inférieure et que ceux-ci y sont présentés de façon désordonnée, la cour d’appel, qui n’a pas ainsi pris en compte dans son appréciation d’un risque de confusion entre les packagings des jeux en cause la combinaison de l’ensemble des éléments de ressemblance invoqués devant elle, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE constitue une faute de concurrence déloyale le fait, intentionnel ou non, de créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre deux produits ; que le risque de confusion peut résulter d’un ensemble de griefs et doit s’apprécier par les ressemblances et non par les différences ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu’un risque de confusion résultait du fait non seulement que la société Canal Toys avait repris de façon quasi identique les éléments caractéristiques de leur jeu « Cutie Stix » à succès et reconnu innovant dans son jeu « Gom’z Studio » ainsi que certains éléments de son packaging mais encore que les deux jeux ont « la même fonction, les mêmes caractéristiques, le même esthétisme », « sont vendus concomitamment à travers les mêmes circuits de distribution (…) et touchent exactement la même clientèle » et du fait aussi que la société Canal Toys propose, comme elles, des boîtes de recharge de bâtons de gomme permettant de varier les combinaisons de forme et de motifs présentés sur Amazon comme pouvant servir de recharge pour le jeu « Cutie Stix » et vice versa (cf. conclusions, p. 25 et 26) ; qu’en écartant tout risque de confusion sans, au-delà des différences relevées par elle entre les deux jeux, prendre en compte, comme elle y était invitée, ces différents griefs considérés dans leur ensemble, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que, pour justifier des investissements consacrés par elles à la création et à la promotion du jeu « Cutie Stix » présenté aux Etats-Unis en avril 2016, distribué au public américain et présenté au salon de [Localité 4] en novembre 2016 puis commercialisé en France en avril 2017, les sociétés exposantes invoquaient, non seulement l’attestation établie le 18 avril 2018 par le Vice-Président Opération et Finance de la société Maya (Pièce n° 17), mais également un ensemble d’autres éléments, tels que les articles consacrés dans la presse à leur jouet, dont celui paru dans la Revue du jouet de décembre 2016 et janvier 2017, présentant le jeu « Cutie Stix » comme « un concept inédit (…) qui offre une grande valeur de jeu » (Pièce n° 20 ; conclusions p. 12, § 5 et p. 27, § 4), ainsi que le fait que leur jeu avait été lauréat du Grand Prix du Jouet 2017 dans la catégorie « bijou créatif » et s’était vu également décerner une « Etoile du jouet » en 2017 dans la catégorie « loisir créatif » (Pièce n° 9 ; conclusions p. 12, § 1 et 2 et p. 27, § 4), tous éléments montrant la créativité du jouet « Cutie Stix » et partant les investissements, à tout le moins intellectuels, qui avaient été consacrés à sa conception ; qu’en retenant qu’il n’était « communiqué aucun élément sur les investissements qualitatifs et quantitatifs qu’auraient effectués la société Maya pour concevoir et créer le jeu « Cutie Stix », et dont la société Canal Toys aurait prétendument fait l’économie, à l’exception de l’attestation du Vice-Président en charge de la Finance et des opérations du groupe Maya (Pièce 17) », la cour d’appel a dénaturé par omission les conclusions des sociétés exposantes et la liste des pièces qui y est annexée, en violation du principe susvisé ;

4°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour justifier des investissements consacrés par elles à la création et à la promotion du jeu « Cutie Stix » présenté aux Etats-Unis en avril 2016, distribué au public américain et présenté au salon de [Localité 4] en novembre 2016 puis commercialisé en France en avril 2017, les sociétés exposantes invoquaient, non seulement l’attestation établie le 18 avril 2018 par le Vice-Président en charge de la Finance du groupe Maya (Pièce n° 17) mais également un ensemble d’autres éléments, tels que les articles consacrés dans la presse à leur jouet dont celui paru dans la Revue du jouet de décembre 2016 et janvier 2017, présentant le jeu « Cutie Stix » comme « un concept inédit (…) qui offre une grande valeur de jeu » (Pièce n° 20 ; conclusions p. 12, § 5 et p. 27, § 4), ainsi que le fait que leur jeu avait été lauréat du Grand Prix du Jouet 2017 dans la catégorie « bijou créatif » et s’était vu également décerner une « Etoile du jouet » en 2017 dans la catégorie « loisir créatif » (Pièce n° 9 ; conclusions p. 12, § 1 et 2 et p. 27, § 4), tous éléments montrant la créativité du jouet « Cutie Stix » et partant les investissements, à tout le moins intellectuels qui avaient été consacrés à sa conception ; qu’en retenant qu’il n’était « communiqué aucun élément sur les investissements qualitatifs et quantitatifs qu’aurait effectués la société Maya pour concevoir et créer le jeu « Cutie Stix », et dont la société Canal Toys aurait prétendument fait l’économie, à l’exception de l’attestation du Vice-Président en charge de la finance et des opérations du groupe Maya (Pièce 17) », et que cette attestation n’étant pas pertinente pour justifier des investissements réalisés avant le lancement du produit incriminé à la fin de l’année 2016 ou au début de l’année 2017, il n’était pas établi que la société Canal Toys aurait profité des investissements réalisés, sans rechercher si les autres éléments de preuve produits par les sociétés exposantes établissant la reconnaissance de la créativité de leur jeu ne justifiaient pas des investissements consacrés, à tout le moins pour sa conception, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ET ALORS EN OUTRE QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu’en déniant en l’espèce toute pertinence à l’attestation du responsable administratif et financier de la société Lansay datée du 13 avril 2018 au motif que celle-ci « indique que « le montant brut de l’ensemble des investissements publicitaires (TV, digital, animations magasins, catalogues…) engagé en 2017 s’élève à environ 1 000 000 d’euros » sans spécifier que ces dépenses ont été réalisées pour le jeu Cutie Stix », quand il résultait sans ambiguïté de l’attestation produite que le montant des investissements publicitaires se rapportait nécessairement, comme chacun des autres montants dont il était attesté, au jeu « Cutie Stix », la cour d’appel a dénaturé l’attestation qui lui était soumise et violé le principe susvisé.


Chat Icon