Your cart is currently empty!
C’est en vain qu’un éditeur de presse a invoqué le droit à l’information du public pour commercialiser un ouvrage sur l’histoire de l’EURO de 1960 à 2012 avec reproduction non autorisée des éléments constitutifs de l’identité visuelle de l’EURO 2016.
Courant mai 2016, l’UEFA découvrait la commercialisation sur le territoire français par la société Cesar Editions d’une publication intitulée intitulée ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ sur laquelle se trouvaient reproduits, en première page de couverture, les signes constituant selon elle l’identité visuelle du championnat ‘UEFA EURO 2016″:
Après avoir mis en demeure, vainement, la société César Editions de cesser de diffuser cette publication, l’UEFA a engagé une action en référé. Par une ordonnance du 21 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a reconnu une atteinte vraisemblable à ses droits de propriété intellectuelle et, en particulier, à ses droits de marque. Par arrêt du 15 mars 2018, cette ordonnance a été infirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes d’interdiction et de retrait formées par l’UEFA et la cour, statuant à nouveau, a constaté que ces demandes sont désormais manifestement sans objet.
C’est dans ce contexte que, suivant acte d’huissier de justice du 18 juillet 2016, l’UEFA a fait assigner la société Cesar Editions en contrefaçon de ses droits de marque ainsi que de ses droits d’auteur et en concurrence parasitaire. La société Cesar Editions a attrait en intervention forcée la société SIPA Press et demandé sa garantie pour avoir mis à sa disposition les logos officiels de l’UEFA EURO 2016. La jonction des procédures a été prononcée par le juge de la mise en état le 18 mai 2017.
La juridiction d’appel a conclu à la contrefaçon de l’identité visuelle de l’UEFA (marque figurative et droits d’auteur) mais aussi à la concurrence parasitaire.
Selon l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre , du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
En l’espèce, l’élément figuratif des marques dont l’UEFA est titulaire est constitué de la représentation stylisée d’une coupe tricolore bleu, blanc, rouge, disposée au centre d’un médaillon évoquant la palette de peintre où se rencontrent les couleurs de la coupe associées à des illustrations naïves d’étoiles et de ballons. Le choix des formes et des couleurs, l’agencement des différentes formes et leur combinaison avec les différentes couleurs, confèrent à cet élément figuratif, apprécié globalement, une physionomie particulière qui révèle un effort créatif et un parti-pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Cet élément figuratif constitue donc une création originale ouvrant droit à la protection par le droit d’auteur que revendique, à juste titre, l’UEFA.
L’autre création dont se prévaut l’UEFA, à savoir l’identité visuelle de l’EURO 2016, est aussi parfaitement identifiée et protégeable et en particulier, du document intitulé ‘UEFA EURO 2016 Brand Guidelines : Visual Identity’ qui explicite les choix qui président à la création de l’identité visuelle de la manifestation sportive et présente les grandes lignes de cette identité visuelle dont la cour observe qu’elle est utilisée sur l’ensemble des supports de communication mis en oeuvre par l’UEFA pour la promotion de cette manifestation et en particulier: Le ‘Programme officiel du tournoi’, le ‘Guide officiel’, le ‘Livre officiel’.
Cette identité visuelle comporte les deux marques, semi-figurative et figurative, dont l’UEFA est titulaire, utilisées à titre de logos mis en exergue sur un fond coloré, constitué d’une variation de différentes nuances de bleu et orné de multiples dessins, naïfs ou figuratifs, représentant notamment des étoiles, des ballons, des trophées, des drapeaux, des terrains de jeux et évoquant le football.
Ces différents éléments, appréciés globalement, traduisent, par les choix qui ont été opérés pour les combiner et les agencer, un effort créatif et un parti-pris esthétique qui confèrent à l’identité visuelle revendiquée le caractère d’originalité requis pour accéder au statut d’oeuvre de l’esprit éligible à la protection par le droit d’auteur.
La publication ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ donne à voir une couverture quasi-identique à celle du ‘Livre officiel’ de l’UEFA EURO 2016 dont la mise en page est imitée en tous ses éléments constitutifs qui sont repris dans la même disposition, le même agencement et les mêmes proportions.
En imitant, pour la couverture de son ouvrage, la page de garde du ‘Livre officiel’ de l’EURO 2016, la société Cesar Editions a commis au préjudice de l’UEFA des actes distincts de ceux, précédemment retenus à sa charge, de contrefaçon de marques et de droits d’auteur.
Ces actes distincts, qui ne sauraient être fortuits, caractérisent, au fondement de l’article 1240 du code civil, des actes de concurrence parasitaire, commis par la société Cesar Editions dans l’objectif délibéré de faire croire au public que son ouvrage est édité et diffusé par l’UEFA ou avec son autorisation et de tirer ainsi profit, à moindre frais, de l’immense succès populaire, établi par les extraits de presse produits aux débats, rencontré par l’événement sportif de l’EURO 2016 organisé sous son égide et pour lequel elle a consenti d’importants investissements, en particulier de communication à travers ses différentes publications relatives, notamment, au calendrier des différentes manifestations programmées dans le cadre de cet évènement.
______________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
RRÊT DU 21 MAI 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/15976 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CAQQ4
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mai 2019 -Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section – RG n°16/12568
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
Société CESAR EDITIONS, société de droit espagnol, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
ESPAGNE
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocate au barreau de PARIS, toque L 0046
Assistée de Me Hervé GHEVONTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES
Association UNION DES ASSOCIATIONS EUROPEENNES DE FOOTBALL (UEFA), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé
[…]
NYON
SUISSE
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistée de Me Dariusz SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, toque R 17
S.A.S. SIPA PRESS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 790 490 767
Représentée par Me Estelle RIGAL-ALEXANDRE, avocate au barreau de PARIS, toque J 026
Assistée de Me Estelle RIGAL-ALEXANDRE plaidant pour le Cabinet LEXCASE et substituant Me Amaury DUMAS-MARZE, avocate au barreau de PARIS, toque J 026
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme X Y, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme X Y a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme X Y, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme X Y, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 23 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
— dit que la société Cesar Editions a commis des actes de contrefaçon, respectivement, par reproduction et par imitation des marques de l’Union européenne figurative n° 11932175 et semi-figurative n°11932101, dont l’UEFA est titulaire,
— déclaré irrecevable l’UEFA en ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur,
— dit que la société Cesar Editions a commis des actes de parasitisme en offrant à la vente un magazine reproduisant la présentation du magazine officiel de l’UEFA,
— ordonné la cessation des actes de contrefaçon et de parasitisme et fait interdiction à la société Cesar Editions d’éditer et de commercialiser toute publication reproduisant ou imitant les marques de l’Union européenne n° 11 932 101 et n° 11 932 175 de l’UEFA et/ou imitant le visuel de la couverture du « Livre officiel » de l’Euro 2016 en associant avec ces marques,
— condamné la société Cesar Editions à verser à l’UEFA la somme de 37.568,89 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices,
— rejeté les demandes de l’UEFA tendant à la publication de la décision,
— rejeté la demande en garantie formulée par la société Cesar Editions à l’encontre de la société SIPA Press,
— condamné la société Cesar Editions à payer à la société SIPA Press la somme de 10. 050 euros au titre des sommes dues suite aux impayés de factures,
— débouté la société SIPA Press de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à son image et à sa réputation,
— débouté la société SIPA Press de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,
— condamné la société Cesar Editions à payer à l’UEFA et à la société SIPA Press la somme de 6.000 euros chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la société Cesar Editions aux entiers dépens,
— ordonné l’exécution provisoire.
Vu l’appel de ce jugement interjeté par la société Cesar Editions (société à responsabilité limitée de droit espagnol) suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 30 juillet 2019.
Vu les dernières conclusions de la société Cesar Editions, appelante et intimée incidente, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 février 2021, demandant à la cour de:
— constater l’accord intervenu le 30 septembre 2020 entre la société Cesar Editions et l’association UEFA,
— homologuer ledit accord transactionnel et en tirer toutes conséquences juridiques dans le cadre de la présente instance,
A titre subsidiaire, si la cour venait à ne pas homologuer l’accord transactionnel intervenu le 30 septembre 2020, il conviendra alors de :
— juger que la société Cesar Editions n’a pas commis à l’encontre de l’UEFA d’actes de concurrence déloyale et parasitaire ni de contrefaçon de ses droits d’auteurs,
En conséquence et statuant à nouveau,
— infirmer le jugement dont appel sur ces points et les conséquences indemnitaires y afférentes,
En conséquence,
— mettre hors de cause la société Cesar Editions,
— débouter l’UEFA et la société SIPA Press de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre très subsidiaire, si la cour venait à considérer que les demandes de l’UEFA à l’encontre de la concluante sont fondées, il conviendra toutefois de :
— juger que la société Cesar Editions n’a pas fait une utilisation hors du périmètre et non-conforme aux conditions générales de vente de la société SIPA Press,
En conséquence,
— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré la société SIPA Press non garante des condamnations mises à la charge de la société Cesar Editions,
Statuant à nouveau,
— condamner la société SIPA Press à relever et garantir la société Cesar Editions de toutes les condamnations mises à sa charge au bénéfice de l’UEFA,
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible, la cour venait à considérer que les demandes de l’UEFA à l’encontre de la concluante sont fondées et que la responsabilité de la société SIPA Press n’est pas engagée, il conviendra de :
— réduire dans de très larges proportions les condamnations mises à la charge de la société Cesar Editions,
En tout état de cause,
— débouter la société SIPA Press de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
— condamner la société SIPA Press et l’UEFA au paiement de la somme de 6.000 euros chacune au profit de la société Cesar Editions en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de l’Union des Associations Européennes de Football (association de droit suisse) – UEFA- intimée et appelante incidente, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 février 2021, demandant à la cour, au fondement des articles L. 335-2 et suivants , L. 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, de :
— constater que la transaction du 30 septembre 2020 est limitée à l’organisation de l’exécution en Espagne des différentes décisions de justice intervenues et son objet consiste dans les délais de paiement accordés à la société Cesar Editions pour s’acquitter de sa dette,
— constater que la transaction du 30 septembre 2020 ne concerne en rien le présent appel et qu’elle a été déjà homologuée par le tribunal de Figueras qui a ordonné les mesures d’exécution forcée à l’encontre de la société Cesar Editions,
En conséquence, débouter la société Cesar Editions de sa demande d’homologation de ladite transaction,
— déclarer mal fondée, la société Cesar Editions en son appel du jugement du 23 mai 2019 et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Cesar Editions a commis des actes de contrefaçon de marque et de concurrence parasitaire au préjudice des droits de l’UEFA et en qu’il a interdit sous astreinte à la société Cesar Editions la poursuite de actes de contrefaçon de marque,
Faisant droit à l’appel incident de l’UEFA, réformer le jugement pour le surplus,
En conséquence,
— dire et juger que la commercialisation sur le territoire national par la société Cesar Editions de la publication intitulée « EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire» qui contient la reproduction des marques de l’Union Européenne de l’UEFA enregistrées sous les n° 11 932 101 et n° 11 932 175, constitue un acte de contrefaçon conformément aux dispositions des articles L.717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
— dire et juger que la commercialisation par la société Cesar Editions de la publication intitulée ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ qui reproduit les créations artistiques dont les droits d’exploitation appartiennent à l’UEFA et consistant dans le logo de la compétition UEFA EURO 2016 ainsi que dans l’oeuvre artistique exploitée par l’UEFA en tant qu’identité visuelle de cette compétition, constitue un acte de contrefaçon conformément aux dispositions de l’article L.335-2 du code de la propriété intellectuelle,
— dire et juger que la société Cesar Editions, en reprenant la mise en page de la couverture des publications accompagnant l’EURO 2016, et notamment du livre officiel de la compétition, a commis des actes de concurrence parasitaire en se plaçant ainsi sans bourse délier, dans le sillage de l’UEFA et a engagé sa responsabilité conformément aux dispositions de l’article 1382 du code civil,
En conséquence,
— interdire à la société Cesar Editions de reproduire, de commercialiser, et d’offrir à la vente sur internet et dans les kiosques sur le territoire français, toute publication comportant la reproduction ou l’imitation des marques de l’Union européenne n°11 932 101 et n°11 932 175 appartenant à l’UEFA ainsi que les créations artistiques consistant dans le logo de la compétition UEFA EURO 2016 et dans l’identité visuelle de cette compétition, sous astreinte de 1.000 euros par acte de violation des droits de propriété intellectuelle fondé sur les marques de l’Union européenne enregistrées et sur les droits de propriété artistique de l’UEFA commis par la société Cesar Editions, à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir et dire que cette astreinte sera liquidée par le tribunal de grande instance de Paris,
— dire que chaque acte de vente, d’offre en vente, de reproduction et de représentation de la publication ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ et notamment de sa page de couverture, sera constitutif de violation de la mesure d’interdiction,
— condamner la société Cesar Editions à payer à l’UEFA une indemnité de 130.000 euros, sauf à parfaire ou compléter, en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon de marques de l’Union européenne, de contrefaçon artistique et de concurrence parasitaire,
— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix de l’UEFA et aux frais de la société Cesar Editions,
— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir sur le site web de la société Cesar Editions pendant cinq mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et dire que chaque jour de retard dans la publication de l’arrêt à intervenir donnera lieu à l’application de l’astreinte de 5.000 euros,
— condamner la société Cesar Editions à payer à l’UEFA une indemnité de 25.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens qui comprendront notamment les frais de constat d’huissier et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juillet 2020 par la société SIPA Press (SAS), intimée et appelante incidente, qui demande à la cour, au fondement des articles 1103 et 1626 du code civil, L. 122-5,L.122-5-9°, L.713-6 du code de la propriété intellectuelle, de:
— déclarer la société Cesar Editions mal fondée en son appel et la débouter de l’intégralité de ses demandes, fins ou conclusions,
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande en garantie formulée par la société Cesar Editions à l’encontre de la société SIPA Press et condamné la société Cesar Editions à payer à la société SIPA Press la somme de 10. 050 euros au titre des sommes dues suite aux impayés de factures,
Faisant droit à l’appel incident de la société SIPA Press, réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
— condamner la société Cesar Editions à payer à la société SIPA Press la somme de 5. 000 euros au titre de l’atteinte à son image et à sa réputation,
— condamner la société Cesar Editions au paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 25 février 2021.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande de révocation de la clôture,
Par des conclusions de procédure du 16 mars 2021, la société Cesar Editions a demandé à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture prononcée le 25 février 2021 afin qu’elle puisse produire aux débats un message électronique qui lui a été adressé par l’UEFA le 10 mars 2021 à 12 heures 01 puis à 12 heures 17, qu’elle considère comme une pièce essentielle à la solution du litige.
L’UEFA, par des conclusions en réponse du 16 mars 2021, s’est opposée à cette demande, selon elle, dilatoire et injustifiée.
Il ressort des conclusions et des observations orales des parties que les messages électroniques échangés entre la société Cesar Editions et l’UEFA le 10 mars 2021 ne concernent pas la manifestation sportive de l’EURO 2016, en cause dans le présent litige, mais celle de l’EURO 2020 qui s’est tenue postérieurement aux faits objets du litige. En conséquence, la pièce que la société Cesar Editions souhaiterait verser aux débats ne présente, contrairement à ce qu’elle soutient, aucun intérêt pour la solution du litige. La demande de révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 25 février 2021, qui n’est pas motivée par une cause grave, est rejetée.
Sur le fond,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il suffit de rappeler que l’Union des Associations Européennes de Football (l’UEFA), association de droit suisse regroupant et représentant les fédérations nationales de football d’Europe, a organisé en France du 10 juin au 10 juillet 2016 le championnat d’Europe de football dénommé ‘UEFA EURO 2016’.
Elle bénéficie, en vertu des dispositions de l’article L.333-1 du code du sport, du droit exclusif d’exploitation de la compétition sportive qu’elle a organisée.
Elle est titulaire de la marque de l’Union européenne semi-figurative ‘UEFA EURO 2016 FRANCE’,
utilisée sur l’ensemble des supports de communication de la compétition (le programme officiel du tournoi, le guide officiel, le livre officiel), déposée le 14 novembre 2013 et enregistrée sous le n°11 932 101 :
Elle est en outre titulaire de la marque de l’Union européenne figurative ci-dessous représentée, déposée le 14 novembre 2013 et enregistrée sous le n°11 932 175 :
Les deux enregistrements désignent notamment, en classe 16, les ‘magazines, journaux, livres et revues, y compris ceux liés aux sportifs et aux sportives ou à des manifestations sportives’ .
La société SIPA Press, fondée en 1973, est une agence française de photo-journalisme assurant la production et la distribution de photographies d’actualité destinées aux journaux, radios, télévisions et sociétés d’édition.
La société Cesar Editions est une société d’édition espagnole qui a souscrit depuis 2009 un contrat avec la société SIPA Press lui permettant d’accéder à la banque de photographies que l’agence met à la disposition de ses clients sur son site internet.
Courant mai 2016, l’UEFA découvrait la commercialisation sur le territoire français par la société Cesar Editions d’une publication intitulée intitulée ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ sur laquelle se trouvaient reproduits, en première page de couverture, les signes constituant selon elle l’identité visuelle du championnat ‘UEFA EURO 2016″:
Après avoir mis en demeure, vainement, la société César Editions de cesser de diffuser cette publication, l’UEFA a engagé une action en référé. Par une ordonnance du 21 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a reconnu une atteinte vraisemblable à ses droits de propriété intellectuelle et, en particulier, à ses droits de marque. Par arrêt du 15 mars 2018, cette ordonnance a été infirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes d’interdiction et de retrait formées par l’UEFA et la cour, statuant à nouveau, a constaté que ces demandes sont désormais manifestement sans objet.
C’est dans ce contexte que, suivant acte d’huissier de justice du 18 juillet 2016, l’UEFA a fait assigner la société Cesar Editions en contrefaçon de ses droits de marque ainsi que de ses droits d’auteur et en concurrence parasitaire. La société Cesar Editions a attrait en intervention forcée la société SIPA Press et demandé sa garantie pour avoir mis à sa disposition les logos officiels de l’UEFA EURO 2016. La jonction des procédures a été prononcée par le juge de la mise en état le 18 mai 2017.
Le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement déféré a, pour l’essentiel, fait droit, en partie, aux prétentions de l’UEFA, rejeté la demande en garantie de la société Cesar Editions qui a été condamnée à régler à la société SIPA Press des factures impayées, débouté la société SIPA Press du surplus de ses demandes reconventionnelles formées au titre de l’atteinte à son image et à sa réputation et de la procédure abusive.
Le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties critiquant les dispositions du jugement lui faisant grief.
Il importe toutefois de relever, à titre liminaire, que la société Cesar Editions prétend avoir transigé avec l’UEFA aux termes d’un protocole d’accord du 30 septembre 2020 qu’elle demande à la cour d’homologuer. L’UEFA conteste avoir transigé et expose que le protocole d’accord du 30 septembre 2020 a pour objet non pas de mettre fin au litige mais d’organiser les modalités de règlement par la société Cesar Editions des condamnations assorties de l’exécution provisoire mises à sa charge tant par le juge des référés que par le tribunal.
Il ressort de l’examen auquel a procédé la cour de la traduction en français du document rédigé en espagnol et daté du 30 septembre 2020 (pièce n°14 de l’appelante), que les parties ont conclu un ‘accord transactionnel’ portant sur l’exécution des condamnations à paiement prononcées à l’encontre de la société Cesar Editions et au profit de l’UEFA par les décisions, assorties de l’exécution provisoire, respectivement rendues le 15 mars 2018 par la cour d’appel de Paris sur appel de l’ordonnance de référé du 21 juin 2016 et le 23 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris. Aux termes de cet accord, la société Cesar Editions s’est engagée à payer à l’UEFA la somme de 65.863,89 euros par fractions échelonnées tandis que l’UEFA a renoncé à une saisie-exécution forcée. Cependant, le document ne fait pas référence à la présente procédure pendante devant la cour d’appel de Paris sur appel du jugement précité du 23 mai 2019, et n’indique aucunement que les parties entendent, par des concessions réciproques, mettre fin au litige qui fait l’objet de cette procédure ni qu’elles souhaitent se désister de l’instance.
Il s’ensuit que les demandes de l’appelante tendant à voir la cour constater l’accord transactionnel intervenu entre les parties le 30 septembre 2020, l’homologuer et en tirer toutes conséquences dans le cadre de la présente instance, sont rejetées.
Sur la demande de l’UEFA en contrefaçon de ses marques,
Il est à cet égard relevé que la société Cesar Editions, qui demande, aux termes de ses conclusions, sa mise hors de cause et le rejet des prétentions adverses, ne conteste pas expressément le jugement déféré en ce qu’il a retenu à sa charge des actes de contrefaçon par, respectivement, reproduction et imitation des marques de l’Union européenne figurative n° 11932175 et semi-figurative n°11932101 dont l’UEFA est titulaire. Elle se limite en effet à demander à la cour de ‘juger que la société Cesar Editions n’a pas commis à l’encontre de l’UEFA d’actes de concurrence déloyale et parasitaire ni de contrefaçon de ses droits d’auteurs’ et d”infirmer le jugement dont appel sur ces points et les conséquences indemnitaires y afférentes’. Pas davantage elle ne développe, dans les motifs de ses conclusions, la moindre critique du jugement du chef des actes de contrefaçon de marques commis au préjudice de l’UEFA.
L’appelante contrevient ainsi aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile qui imposent aux parties de formuler expressément dans leurs conclusions d’appel leurs prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et, en particulier, à la partie qui conclut à l’infirmation du jugement, d’énoncer expressément les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examinant les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Quant à l’UEFA, elle poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il dit que la société Cesar Editions a commis des actes de contrefaçon des marques dont elle est titulaire, sans énoncer de nouveaux moyens. Elle est réputée, par application des dispositions du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, s’approprier les motifs du jugement.
Il découle de ce qui précède que faute pour l’appelante de critiquer expressément le jugement déféré du chef de contrefaçon de marques et de formuler aucun moyen, de fait ou de droit, à l’appui d’une telle critique, il n’y a pas lieu, pour la cour, statuant à nouveau, d’infirmer la disposition du jugement qui dit que la société Cesar Editions a commis des actes de contrefaçon des marques de l’Union européenne figurative n° 11932175 et semi-figurative n°11932101 dont l’UEFA est titulaire.
A l’inverse, et ainsi que le demande l’UEFA, cette disposition du jugement sera confirmée, la cour adoptant et faisant siens les motifs pertinents, et non discutés, par lesquels les premiers juges ont retenu à la charge de la société Cesar Editions des actes de contrefaçon des marques précitées commis au préjudice de L’UEFA.
Sur la demande de l’UEFA en contrefaçon de ses droits d’auteur,
L’UEFA, par voie d’appel incident, fait grief au jugement entrepris de l’avoir déclarée irrecevable en ses prétentions formées au fondement des droits d’auteur motif pris, selon le jugement, de ce qu’elle n’aurait pas explicité les caractéristiques originales des créations qu’elle revendique et n’aurait pas permis au tribunal de déterminer ce sur quoi la protection est demandée et donc de savoir ce qui aurait été contrefait par la société Cesar Editions.
Elle précise devant la cour (pages 4 et 5 de ses conclusions) revendiquer des droits d’auteur pour deux créations artistiques distinctes :
— les signes distinctifs faisant l’objet de ses deux marques de l’Union européenne précitées, qui témoignent, par l’organisation et la structure des éléments qui la constituent, par la disposition des couleurs et les proportions choisies, de l’empreinte personnelle de leur auteur,
— l’identité visuelle de l’EURO 2016 dont l’originalité consiste dans une représentation comportant un arrière-plan ou fond de couleur unie, mais avec des variations de nuances de cette couleur unie, et sur lequel sont disposés d’une manière aléatoire différents dessins et signes graphiques, représentés à la manière des peintures abstraites du XX ème siècle, évoquant la compétition de l’EURO 2016, en particulier le terrain de football sur lequel cette compétition se déroule et le trophée de la compétition. Elle ajoute que la consistance de cette identité visuelle est parfaitement identifiée et établie, en particulier par le document intitulé ‘UEFA EURO 2016 Brand Guidelines : Visual Identity’ (pièce n°14) , et par l’ensemble des pièces produites aux débats justifiant de l’utilisation de cette identité visuelle, le plus souvent réalisée sur un fond bleu, pour accompagner les manifestations de l’EURO 2016, notamment en servant de décor pour les tribunes des stades et d’illustration pour les supports de communication édités, soit par l’UEFA elle-même, soit avec son autorisation, tels que le programme de la compétition, le guide officiel et le livre officiel de la compétition. Elle observe enfin que la société Cesar Editions, devant la cour pas plus que devant le tribunal, ne conteste le caractère protégeable des créations qu’elle revendique.
La société Cesar Editions ne conteste pas, en effet, les droits d’auteur dont se prévaut l’UEFA sur les créations revendiquées mais dément avoir contrefait de tels droits. Elle soutient en ce sens (page 9 de ses conclusions) que l’ouvrage ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’, a été édité dans le but principal d’informer le public sur l’histoire de cette compétition à travers les époques, que la partie de l’ouvrage concernant l’ EURO 2016 est infime, que les ressemblances avec les publications officielles de l’UEFA à savoir, le fond bleu, le logo, la disposition des joueurs en page de couverture, ne sauraient constituer la démonstration d’une contrefaçon des droits d’auteur de l’UEFA car, en matière de publications en rapport avec le football, il n’existe pas de multiples façons de mettre en page la couverture ainsi que le montrent les échantillons de publications qu’elle verse aux débats (pièce n°3).
Ceci posé, la cour rappelle que, selon l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre , du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
En l’espèce, l’élément figuratif des marques dont l’UEFA est titulaire est constitué de la représentation stylisée d’une coupe tricolore bleu, blanc, rouge, disposée au centre d’un médaillon évoquant la palette de peintre où se rencontrent les couleurs de la coupe associées à des illustrations naïves d’étoiles et de ballons. Le choix des formes et des couleurs, l’agencement des différentes formes et leur combinaison avec les différentes couleurs, confèrent à cet élément figuratif, apprécié globalement, une physionomie particulière qui révèle un effort créatif et un parti-pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Cet élément figuratif constitue donc une création originale ouvrant droit à la protection par le droit d’auteur que revendique, à juste titre, l’UEFA.
L’autre création dont se prévaut l’UEFA, à savoir l’identité visuelle de l’EURO 2016, est parfaitement identifiée au regard des pièces produites aux débats et, en particulier, du document intitulé ‘UEFA EURO 2016 Brand Guidelines : Visual Identity’ (pièce n°14), qui explicite les choix qui président à la création de l’identité visuelle de la manifestation sportive et présente les grandes lignes de cette identité visuelle dont la cour observe qu’elle est utilisée sur l’ensemble des supports de communication mis en oeuvre par l’UEFA pour la promotion de cette manifestation et en particulier: Le ‘Programme officiel du tournoi’, le ‘Guide officiel’, le ‘Livre officiel’.
Cette identité visuelle comporte les deux marques, semi-figurative et figurative, dont l’UEFA est titulaire, utilisées à titre de logos mis en exergue sur un fond coloré, constitué d’une variation de différentes nuances de bleu et orné de multiples dessins, naïfs ou figuratifs, représentant notamment des étoiles, des ballons, des trophées, des drapeaux, des terrains de jeux et évoquant le football.
Ces différents éléments, appréciés globalement, traduisent, par les choix qui ont été opérés pour les combiner et les agencer, un effort créatif et un parti-pris esthétique qui confèrent à l’identité visuelle revendiquée le caractère d’originalité requis pour accéder au statut d’oeuvre de l’esprit éligible à la protection par le droit d’auteur.
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu’il a déclaré l’UEFA irrecevable en ses demandes formées au fondement de ce droit.
Il découle des dispositions de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, que toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et caractérise une contrefaçon.
En l’espèce, il ressort de l’examen comparatif auquel la cour a procédé, que la première page de couverture de la publication ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’, éditée par la société Cesar Editions, reproduit servilement les créations originales utilisées par l’UEFA pour le championnat de l’EURO 2016 dont elle assurait l’organisation, à savoir les logos et l’ensemble des éléments constitutifs de l’identité visuelle afférents à cette manifestation sportive.
C’est en vain que la société Cesar Editions se prévaut d’une ressemblance inéluctable au motif, selon elle, qu’ ‘en matière de publications en rapport avec le football, il n’existe pas de multiples façons de mettre en page la couverture’. Les échantillons de publications qu’elle verse aux débats (pièce n°3) pour justifier de son affirmation montrent, à l’inverse de ce qu’elle prétend, des premières pages de couverture très distinctes, où ne se rencontrent pas, servilement reproduits, dans la même combinaison et le même agencement, les différents éléments de forme et de couleur des créations originales de l’UEFA et en particulier de son identité visuelle pour l’EURO 2016.
C’est encore en vain que la société Cesar Editions invoque le droit à l’information du public ajoutant, non sans contradiction, que la partie de l’ouvrage consacrée à l’EURO 2016 est infime. Il est en effet constant que l’ouvrage litigieux est consacré, ainsi que l’indique son titre, à l’histoire de cette compétition sur la période de 1960 à 2012, ce dont il suit que la reproduction des éléments constitutifs de l’identité visuelle de l’EURO 2016 n’était aucunement dictée par un objectif d’information du public et ne s’imposait nullement à la société Cesar Editions.
La contrefaçon des droits d’auteur de l’UEFA est ainsi caractérisée à la charge de la société Cesar Editions qui doit répondre des conséquences dommageables qui en résultent.
Sur la concurrence parasitaire,
L’UEFA reproche à la société Cesar Editions des actes distincts de parasitisme lequel consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Elle fait à cet égard valoir que la société Cesar Editions a copié, à tout le moins imité, la page de garde du ‘Livre officiel’ de l’UEFA EURO 2016 en reproduisant les logos de la manifestation qu’elle a, de la même manière, disposés horizontalement en haut de page avec, en position centrale, le sigle de la compétition, et en reprenant l’image des quatre footballeurs en mouvement occupant le milieu de la page et figurant sur un fond bleu orné d’éléments graphiques. Elle soutient que la société Cesar Editions, par de tels agissements, s’est placée dans son sillage afin de tirer profit sans bourse délier de la notoriété acquise par la manifestation sportive grâce à ses investissements notamment de communication et de publicité.
Il ressort de l’examen comparatif auquel la cour a procédé, que la publication ‘EURO 1960-2012 La fabuleuse histoire’ donne à voir une couverture quasi-identique à celle du ‘Livre officiel’ de l’UEFA EURO 2016 dont la mise en page est imitée en tous ses éléments constitutifs qui sont repris dans la même disposition, le même agencement et les mêmes proportions.
En imitant, pour la couverture de son ouvrage, la page de garde du ‘Livre officiel’ de l’EURO 2016, la société Cesar Editions a commis au préjudice de l’UEFA des actes distincts de ceux, précédemment retenus à sa charge, de contrefaçon de marques et de droits d’auteur. Ces actes distincts, qui ne sauraient être fortuits, caractérisent, au fondement de l’article 1240 du code civil, des actes de concurrence parasitaire, commis par la société Cesar Editions dans l’objectif délibéré de faire croire au public que son ouvrage est édité et diffusé par l’UEFA ou avec son autorisation et de tirer ainsi profit, à moindre frais, de l’immense succès populaire, établi par les extraits de presse produits aux débats, rencontré par l’événement sportif de l’EURO 2016 organisé sous son égide et pour lequel elle a consenti d’importants investissements, en particulier de communication à travers ses différentes publications relatives, notamment, au calendrier des différentes manifestations programmées dans le cadre de cet évènement.
Il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu à la charge de la société Cesar Editions des actes de concurrence parasitaire dont elle doit également répondre.
Sur la réparation,
L’UEFA, par voie d’appel incident, demande que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués en première instance en réparation de l’ensemble de ses chefs de préjudice soit augmenté à la somme de 130.000 euros compte tenu de l’étendue et de la durée de la contrefaçon de ses droits d’auteur et de ses marques enregistrées, et de la gravité de la concurrence parasitaire commises à son préjudice. Elle demande en outre que lui soit accordée la mesure de publication judiciaire qui lui a été refusée par les premiers juges.
La société Cesar Editions demande pour sa part, à titre subsidiaire, la diminution dans de très larges proportions du montant de sa condamnation.
La situation comptable produite par la société Cesar Editions, arrêtée au 1er septembre 2016, établit un volume des ventes de la publication contrefaisante à 2.192 exemplaires au prix unitaire de 5,90 euros et un bénéfice de 6.285,03 euros.
Le volume des ventes indiqué dans ce document n’est cependant pas définitif, l’offre en vente de la publication ayant perduré au-delà du 1er septembre 2016, ce que montre le procès-verbal de constat d’huissier de justice du 2 septembre 2016, et que ne dément pas la société Cesar Editions. En outre, la facture d’imprimerie produite par la société Cesar Editions (pièce n°18) révèle un tirage pour le territoire national de 14.891 exemplaires.
Il ressort d’une attestation de son responsable des licences que l’UEFA consent ses licences moyennant un taux de redevance évoluant de 5,5% à 20% soit un taux moyen de 12,75% avec un minimum garanti de 40.000 à 150.000 euros.
En l’état de ces éléments, les gains manqués de l’UEFA, fixés par les premiers juges à la somme de 11.283,86 euros ( 2.192 exemplaires x 5,90 euros x12,75% ) ont été sous-estimés dès lors qu’il apparaît que le nombre d’exemplaires vendus, s’il ne peut être exactement établi, a été supérieur au chiffre retenu de 2.192 exemplaires. De même, le bénéfice de 6.285,03 euros pour 2.192 exemplaires vendus doit être revu à la hausse.
Dans l’appréciation de la réparation il y a lieu, en outre, de tenir compte des économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels réalisées par la société Cesar Editions par suite de ses agissements qui caractérisent, au préjudice de l’UEFA, une atteinte à ses droits de marque doublée d’une atteinte à ses droits d’auteur outre une faute de concurrence parasitaire.
Il y a lieu encore de souligner que la diffusion en grand nombre, dans le même temps que se déroulait l’événement, d’une publication reproduisant les marques et les créations originales de l’UEFA pour l’EURO 2016, est de nature à banaliser et à dévaloriser ces actifs patrimoniaux de l’UEFA .
Enfin, doit être pris en considération le préjudice moral résultant pour l’UEFA de l’atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle et de la captation de ses investissements.
Il découle de l’ensemble des observations qui précèdent que le montant des dommages-intérêts alloués par les premiers juges à hauteur de 37.568,89 euros est insuffisant à réparer l’entier préjudice de l’UEFA et doit être augmenté, pour atteindre une juste réparation, à la somme de 60.000 euros.
En revanche, la cour fait sienne l’appréciation des premiers juges concernant la mesure de publication sollicitée par l’UEFA qui a été pertinemment écartée comme injustifiée eu égard à l’ancienneté des faits et de la manifestation sportive en cause dans le litige.
Enfin, les mesures d’interdiction telles qu’énoncées au jugement ne sont pas discutées et sont en conséquence confirmées.
Sur la demande en garantie de la société Cesar Editions à l’encontre de la société SIPA Press,
La société Cesar Editions maintient sa demande en garantie formée à l’encontre de la société SIPA Press au fondement des dispositions de l’article 1626 du code civil . Elle rappelle qu’elle est liée à l’agence de presse par un contrat d’abonnement conclu le 20 avril 2016 qui lui donne droit, moyennant la paiement d’un forfait mensuel, à l’utilisation des différents visuels, logos, photographies mis à la disposition de ses partenaires sur la photothèque accessible à partir de son site internet. Elle explique qu’en l’espèce les logos de l’UEFA EURO 2016 étaient téléchargeables sans aucune restriction ni avertissement, ce qui n’est pas le cas des contenus protégés qui ne sont pas téléchargeables à partir du site internet et requièrent d’entrer en relation avec le responsable commercial de l’agence pour connaître les conditions d’utilisation et fixer les conditions de prix. Elle soutient que son contrat d’abonnement l’autorisait à acheter et utiliser les logos de l’UEFA sans restriction et qu’il ne lui appartenait pas de vérifier si la société SIPA Press était, en revanche, autorisée à les commercialiser.
Or, la société SIPA Press, qui souligne qu’elle est une des premières agences de photo journalisme dans le monde qui distribue quotidiennement, auprès des grands médias internationaux, plus de 12.000 photographies ayant vocation à illustrer l’actualité et à participer à la diffusion de l’information, oppose à juste titre que les conditions générales de vente qui encadrent les contrats de licence conclus avec ses partenaires, dont celui conclu avec la société Cesar Editions, prévoient expressément que:
— ’ sauf accord contraire exprès, seules des licences d’utilisation des oeuvres sont accordées par la Société’ (article 4),
— ’l’auteur ou ses ayants droits et/ou la Société conservent la propriété matérielle et intellectuelle, en ce compris les droits moraux, des documents’ (article 4),
— ’dans la mesure où il n’est pas d’usage dans la profession que la Société reçoive des licences de droit de la part des titulaires de droits d’oeuvres représentées (bâtiments, objets, objets artistiques, logos, marques, etc…), la Société ne garantit le droit d’utiliser le document reprenant des oeuvres représentées que dans les limites des exceptions aux droits patrimoniaux de l’auteur. Il appartient donc au Client de vérifier si l’usage envisagé se situe dans ces limites et dans la négative d’obtenir l’autorisation d’usage directement auprès du titulaire des droits d’auteur. En tout état de cause, la remise préalable par la Société du document au Client ne vaut pas autorisation particulière (article 8),
— ’de ces faits, le Client s’interdit d’appeler en garantie la Société pour tout élément non couvert par la garantie’ (article 8).
Il découle de ces stipulations que les clients de la société SIPA Press ne sont autorisés à utiliser les images de sa banque de données que dans le cadre des exceptions légales aux droits d’auteur et en particulier de l’exception d’information immédiate par voie de presse, qu’il leur incombe d’obtenir directement l’accord du titulaire de droits pour une exploitation de ces images en dehors du périmètre du contrat de licence et en particulier pour une exploitation commerciale, et que la garantie de l’agence de presse ne saurait être recherchée pour une utilisation excédant le périmètre de la licence.
En l’espèce, ainsi qu’il résulte des motifs précédemment retenus, l’utilisation à laquelle s’est livrée la société Cesar Editions des images qui lui ont été fournies par la société SIPA Press dans le cadre de son contrat excédait la simple relation de l’évènement d’actualité concerné et ne participait pas à l’information du public mais relevait d’une exploitation commerciale illicite des marques et créations originales de l’UEFA, manifestement non conforme au contrat.
Il s’ensuit que la société Cesar Editions est mal fondée à se prévaloir de son contrat d’abonnement conclu avec la société SIPA Press pour prétendre à la garantie de cette dernière.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles de la société SIPA Press,
La société SIPA Press ne réitère pas devant la cour sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle maintient en revanche que la société Cesar Editions a porté atteinte à sa réputation et à son image et réitère sa demande formée de ce chef à hauteur de 5.000 euros de dommages-intérêts.
Elle expose à cet égard que la présente procédure jette le discrédit sur une agence reconnue pour son professionnalisme et l’expose à une perte de confiance de ses partenaires.
Force est toutefois de constater, à l’instar des premiers juges, que la société SIPA Press se contente d’allégations et ne rapporte le moindre élément de preuve de nature à montrer que les faits litigieux
auraient terni sa réputation et généré une perte de confiance de ses partenaires.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande.
S’agissant de la demande de la société SIPA Press en paiement de factures afférentes au contrat d’abonnement, dont la société Cesar Editions ne s’était pas acquittées, la cour observe que si l’appelante aux termes du dispositif de ses conclusions demande le rejet de l’ensemble des demandes fins et conclusions de la société SIPA Press, elle ne développe dans sa discussion des motifs retenus par le jugement déféré aucun moyen, de fait ou de droit, au soutien d’une contestation de la disposition la condamnant à paiement de ce chef.
Il s’ensuit que par application des dispositions précédemment rappelées de l’article 954 du code de procédure civile, le jugement est confirmé, ainsi que le demande la société SIPA Press, en sa disposition portant condamnation de la société Cesar Editions à payer à la société SIPA Press la somme de 10. 050 euros au titre des impayés de factures.
Sur les autres demandes,
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
L’équité commande de condamner la société Cesar Editions à régler à l’UEFA et à la société SIPA Press une indemnité de 5.000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles d’appel et de la débouter de sa demande formée à ce même titre.
Partie perdante, la société Cesar Editions est en outre condamnée aux dépens d’appel qui ne comprennent pas, ainsi que le demande l’UEFA, ses frais de constat par huissier de justice non désigné par décision de justice.
Les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 25 février 2021,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
— déclaré irrecevable l’UEFA en ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur,
— condamné la société Cesar Editions à verser à l’UEFA la somme de 37.568,89 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices,
Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant,
Déboute la société Cesar Editions de ses demandes tendant à voir la cour constater l’accord transactionnel intervenu entre les parties le 30 septembre 2020, l’homologuer et en tirer toutes conséquences dans le cadre de la présente instance,
Dit que la société Cesar Editions a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice de l’UEFA dont elle a reproduit sans autorisation les logos et l’identité visuelle afférents à la manifestation sportive UEFA EURO 2016 FRANCE,
Condamne la société Cesar Editions à verser à l’UEFA la somme de 60.000 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices,
Condamne la société Cesar Editions à payer à l’UEFA et à la société SIPA Press une indemnité de 5.000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles d’appel et la déboute de sa demande formée à ce même titre,
Condamne la société Cesar Editions aux dépens d’appel en ce non compris les frais de constat d’huissier de justice exposés par l’UEFA,
Dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente