Des prestations purement techniques (visuel 3D d’une maison) sans aucun choix personnel et arbitraire traduisant une démarche propre et une recherche esthétique révélant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, ne peuvent être protégées par le droit d’auteur.
Reproduction non autorisée
Une société a commandé le visuel 3D d’une maison avec une vue d’un portail, d’une porte d’entrée et d’un garde corps, à un studio de création, et a utilisé ce visuel à titre de communication promotionnelle sur son site internet, dans ses brochures commerciales ou encore sur des panneaux à l’occasion de salons et foires.
Ayant découvert à l’occasion de la Foire de Paris qu’une société reproduisait sur le panneau et les écrans informatiques de son stand, mais également sur son site internet, dans sa brochure commerciale et dans son catalogue, son visuel, la société a poursuivi sans succès l’exposant en contrefaçon de droits d’auteur.
Description insuffisante à établir l’originalité
Pour démontrer l’originalité de son visuel, la société a procédé à une simple description factuelle dudit visuel constitué d’une modélisation en 3D d’une maison d’architecte à laquelle a été intégrée une représentation en 2D d’un modèle de portail.
Applicabilité du droit d’auteur
Pour rappel, l’originalité conditionne la protection par le droit d’auteur. Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L.112-1 et L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme des oeuvres de l’esprit, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/08056 –��n° Portalis 35L7-V-B7E-CB5Y6
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juin 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3e chambre 3e section – RG n°18/13932
APPELANTE
S.A.S.U. HORIZAL – représentée par sa présidente, la S.A.S. Groupe Invest, agissant elle-même en la personne de M. Z-A B C, dont le siège social est sis […] ayant son siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de la Vienne sous le numéro 693 620 320
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque B 515
Assistée de Me Jérémy ROVERE plaidant pour le Cabinet CVS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
INTIMEE
[…], prise en la personne de son gérant, M. X Y, domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs d’Evry sous le numéro 518 760 277
Assignée conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile et n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juillet 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Par défaut
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 19 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris.
Vu l’appel interjeté le 26 juin 2020 par la société Horizal.
Vu les uniques conclusions remises au greffe le 25 septembre 2020 par la société Horizal.
Vu les procès-verbaux de signification des 19 août, 1er et 13 octobre 2020 de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant délivrés conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à la société Hercule Menuiserie qui n’a pas constitué avocat.
Vu l’ordonnance de clôture du 15 avril 2021.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées de la société Horizal.
La société Horizal, créée en l969, est spécialisée dans la conception, la fabrication et la rénovation de garde corps et portails en aluminium.
Elle expose avoir commandé le 11 février 2015 un visuel 3D d’une maison avec une vue d’un portail, d’une porte d’entrée et d’un garde corps, à un studio de création, et utiliser ce visuel à titre de communication promotionnelle sur son site internet, dans ses brochures commerciales ou encore sur des panneaux à l’occasion de salons et foires :
La société Hercule Menuiserie, dont la marque commerciale est « 123 PVC ALU », est spécialisée dans la vente en ligne de portails.
Ayant découvert à l’occasion de la Foire de Paris 2018 que cette société reproduisait sur le panneau et les écrans informatiques de son stand, mais également sur son site internet , dans sa brochure commerciale et dans son catalogue, un visuel qu’elle estime identique à son propre visuel, exception faite du portail, la société Horizal a fait dresser deux procès verbaux de constat sur internet en date du 3 mai 2018 et à la Foire de Paris le 4 mai 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2018, elle a mis en demeure la société Hercule Menuiserie de cesser immédiatement l’utilisation du visuel litigieux sur tous ses supports de communication (papier ou digital), et de lui verser la somme de 33.480 euros en réparation du préjudice subi.
La société Hercule Menuiserie a indiqué en réponse avoir procédé au retrait du visuel litigieux, a demandé que lui soient communiqués les justificatifs des droits de la société Horizal et n’a pas donné suite à la demande d’indemnisation, malgré relance du 8 août 2018.
C’est dans ces circonstances que la société Horizal a, par acte du 21 novembre 2018, fait assigner la société Hercule Menuiserie devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur.
Le jugement déféré a :
— débouté la société Horizal de l’intégralité de ses prétentions au titre du droit d’auteur ;
— débouté la société Hercule Menuiserie de sa demande reconventionnelle en procédure abusive ;
— condamné la société Horizal à verser à la société Hercule Menuiserie la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné la société Horizal aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
— ordonné l’exécution provisoire.
La société Hercule Menuiserie contestant devant le tribunal la titularité des droits de la société Horizal sur le visuel opposé et l’originalité de celui-ci, les premiers juges ont décidé que la société Horizal justifiait avoir commandé ledit visuel auprès de la société Pixeldelune et acquis auprès de son prestataire les droits d’exploitation du visuel réalisé, mais ont considéré qu’ il n’est nullement explicité en quoi le visuel sur lesquels des droits d’auteur sont revendiques porterait l’empreinte quelconque de la personnalité de son auteur ou traduirait des choix libres et créatifs.
La société Horizal a relevé un appel limité de ce jugement aux dispositions lui faisant grief.
La société Hercule Menuiserie n’ayant pas constitué avocat, elle lui a fait signifier par actes d’huissier de justice des 19 août, 1er octobre et 13 octobre 2020 la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant, ces actes ayant été délivrés selon procès-verbal de recherches infructueuses en application de l’article 659 du code de procédure civile.
Il sera statué par arrêt de défaut.
Par ses uniques conclusions, la société Horizal sollicite de la cour de :
— infirmer le jugement rendu par le tribunal de judiciaire de Paris en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses prétentions au titre du droit d’auteur,
— infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Hercule Menuiserie la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance,
Par conséquent :
—
le dire recevable en son action,
—
condamner la société Hercule Menuiserie à lui payer la somme de 33.480 euros au titre du
préjudice qu’elle a subi,
—
condamner la société Hercule Menuiserie à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
— Sur la contrefaçon du droit d’auteur
L’appelante critique le jugement déféré pour avoir écarté l’originalité du visuel publicitaire 3D argué de contrefaçon en analysant séparément le portail en premier plan et la maison d’architecte au second plan alors que, selon elle, ce visuel constitue un ensemble cohérent unique de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en dissocier les différents éléments.
Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L.112-1 et L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme des oeuvres de l’esprit, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.
La cour relève qu’en première instance la société Hercule Menuiserie contestait le caractère original du visuel dont l’utilisation lui était reprochée par l’appelante.
La société Horizal expose avoir acquis les droits sur ce visuel de la société Pixeldelune selon facture n° 20150303-000091 en date du 3 mars 2015 d’un montant de 2.244 euros TTC (pièce n° 4) concernant la réalisation d’un compositing permettant d’intégrer dans une vue 3D d’une maison une vue 2D d’un portail, d’une porte d’entrée et d’un garde corps, cette facture mentionnant que les droits sont cédés pour une durée de 15 ans pour le marché français, communication interne et communication externe hors TV.
La société Horizal à qui il appartient de démontrer l’originalité du visuel sur lequel elle revendique une protection au titre du droit d’auteur, l’originalité de cette image étant contestée, fait valoir que la disposition du portail sur le visuel, qui est entrouvert, le mur en A, la végétation environnante et la perspective sur la maison d’architecte en arrière-plan constituent des choix arbitraires qui traduisent la personnalité de son auteur.
Ce faisant, elle procède à une simple description factuelle dudit visuel constitué d’une modélisation en 3D d’une maison d’architecte à laquelle a été intégrée une représentation en 2D d’un modèle de portail commercialisé par la société Horizal et fourni par cette dernière à son prestataire, l’un des vantaux du portail étant ouvert. Elle s’abstient d’établir les choix arbitraires quant à la mise en scène (maison d’architecte et portail), les jeux de contraste, les effets de lumière, le positionnement des éléments ou le travail de postproduction/retouche, que le ou les auteurs de ce visuel aurait retenus.
Les mentions apparaissant sur la facture du 3 mars 2015 concernant les travaux réalisés par la société Pixeldelune telles la modélisation d’une maison individuelle, l’ajustement de l’angle de vue de manière à respecter une cohérence avec les vues 2D à intégrer, la création des textures, la mise en lumière, le temps du rendu du calcul 3D, le photomontage des vues 2D, la retouche chromie sur photoshop invoquées par l’appelante pour démontrer que la société prestataire est bien à l’origine de la création de la maison située en arrière plan du portail, apparaissent, faute d’autres précisions, des prestations purement techniques, aucun choix personnel et arbitraire traduisant une démarche propre et une recherche esthétique révélant l’empreinte de la personnalité de l’auteur n’étant démontré par l’appelante à laquelle la cour ne peut se substituer.
La société Horizal échouant à caractériser l’originalité du visuel en cause, l’ensemble des demandes de celle-ci au titre de la contrefaçon de droit d’auteur doivent être rejetées et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
— Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.
Partie perdante, la société Horizal est condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour par arrêt de défaut,
Dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la société Horizal aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente