Originalité des photographies de courses automobiles
Originalité des photographies de courses automobiles
Ce point juridique est utile ?

Des photographies empreintes d’une atmosphère particulière autour d’une course automobile (les 24H du Mans) présentent une originalité suffisante, de surcroît lorsque les photographies réalisées procèdent du parti pris de restituer, non pas les pilotes, les automobiles et leurs performances ainsi que cela est généralement fait pour tout sport automobile, mais la vie autour du circuit et l’atmosphère particulière qui y régnait (scènes de famille aux abords du circuit, d’ouvriers au garage, d’enfants autour d’un véhicule, de discussions entre décideurs politiques de l’époque, etc’). Ces scènes n’étaient pas mises en valeur à l’époque où étaient plutôt valorisées la vitesse, la performance mécanique, la compétition …).

La protection des photographies

Le droit d’auteur confère deux types de droits : le droit moral ‘ ou droit de paternité et respect de l’oeuvre qui protège les intérêts non économiques de l’auteur et le droit patrimonial qui permet au titulaire de droits de percevoir une rémunération pour l’exploitation de ses oeuvres par des tiers.

La protection des photographies est prévue par l’article L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle qui dispose que ‘sont considérées notamment comme des oeuvres de l’esprit au sens du présent code :

9° Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie’.

Pour être protégée au titre du droit d’auteur, une oeuvre doit être non seulement matérialisée sur un support mais surtout être caractérisée par l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La personnalité de l’auteur

La règlementation définit le niveau d’originalité par le caractère créatif de l’oeuvres lequel doit refléter la personnalité de son auteur.

La directive 93/98/CEE du Conseil économique européen du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, rappelée par M. [YB], rappelle que ‘Les photographies [‘] sont originales en ce sens qu’elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur.’

La jurisprudence nationale en matière d’originalité de l’oeuvre photographique retient qu’elle peut s’évincer du choix de la pose du sujet, de l’angle de prise de vue et de l’éclairage, de la position, de l’expression et des couleurs ou la singularité de la mise en scène créée par le choix du lieu et des accessoires, par l’usage d’une technique particulière de tirage, qui ‘librement opérés, traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, une démarche propre à son auteur qui porte l’empreinte de la personnalité de celui-ci’.

Il incombe au photographe ‘ ou à son ayant-droit ‘ de rapporter la preuve de l’originalité, ce qui signifie que le demandeur doit démontrer, pour se voir reconnaître le droit à la protection de l’oeuvre, l’empreinte de sa personnalité sur l’oeuvre revendiquée.

Photographies des 24H du Mans

En l’espèce, les photographies réalisées par [C] [W] et [O] [YB] sur la période considérée du livre litigieux, soit de 1949 à 1959, durant la course des ’24 heures du Mans’ procèdent d’un parti pris qui était celui de restituer, non pas les pilotes, les automobiles et leurs performances ainsi que cela est généralement fait pour tout sport automobile, mais la vie autour du circuit et l’atmosphère particulière qui y régnait : ainsi des scènes de famille aux abords du circuit, d’ouvriers au garage, d’enfants autour d’un véhicule, de discussions entre décideurs politiques de l’époque, etc’, toutes scènes qui n’étaient pas mises en valeur à l’époque où étaient plutôt valorisées la vitesse, la performance mécanique, la compétition.

L’originalité acquise

Toutes les photographies reproduites dans l’ouvrage litigieux ‘Eternel’ Le Mans, qui procèdent toutes de cette même approche thématique et esthétique, sont empreintes de la touche personnelle de leurs auteurs et ne sont en aucun cas ‘banales’ contrairement à ce que soutiennent les intimées.

Comme telles, elles sont originales au sens du code de la propriété intellectuelle et doivent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur.


1ère Chambre

ARRÊT N°344
N° RG 22/04884

N° Portalis DBVL-V-B7G-TAF6

M. [X] [YB]



C/


Mme [U] [D] [XX] [Y] épouse [J]

S.A.R.L. LAUNIC


Copie exécutoire délivrée



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l’audience publique du 14 mars 2023



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 5 décembre 2023 par Mme Véronique VEILLARD substituant la présidente empêchée, par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 23 mai 2023 à l’issue des débats







DEMANDEUR AU RENVOI APRÈS CASSATION :



Monsieur [X] [YB]

né le 24 Novembre 1949 à [Localité 5] (72)

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Pierre MASSOT de L’AARPI ARENAIRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



DÉFENDERESSES AU RENVOI APRÈS CASSATION :



Madame [U] [D] [XX] [Y] épouse [J]

née le 25 Octobre 1941 à [Localité 9] (28)

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe LE GALL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS


La société LAUNIC, SARLU immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Mans sous le n°399.039.163, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe LE GALL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Exposé du litige



FAITS ET PROCÉDURE



1. [O] [YB] et [P] [W] ont exploité pendant plusieurs années sur la commune du Mans (72) un studio de photographie et de vente de matériels photographiques situé au [Adresse 1], lequel avait été créé en 1920 par [C] [W], père de [P] [W], décédé en 1952, et dont l’une des spécialités était de couvrir la course automobile des 24 h du Mans depuis sa création en 1923.



2. Fin 1982, [O] [YB] a pris sa retraite et M. et Mme [YB] ont mis le fonds de commerce en location gérance pour une durée de cinq ans avec pour bénéficiaire la société Laboratoire Photographique du Maine (ci-après LPM) dont le gérant était M. [N] [J], époux de [U] [J].



3. A compter du 11 juillet 1985, LPM a cédé ses droits dans le contrat de location-gérance à Mme [M] [J] épouse [A], fille de M. et Mme [N] et [U] [J].



4. Le 30 juillet 1987, trois conventions ont été conclues par des actes authentiques distincts :


la résiliation du contrat de location-gérance du fonds de commerce,

la vente à M. et Mme [N] et [U] [J] de l’immeuble dans lequel le fonds de commerce était exploité, situé au [Adresse 1],

la vente par [P] [W] épouse [YB] du fonds de commerce à la société Nouvelles Photographique Professionnelle (ci-après SNPP) représentée par [M] [J].




5. Les négatifs des photographies et les plaques de verre sont restés stockés dans les réserves du magasin situées dans l’immeuble vendu.



6. La sarl SNPP a été placée en redressement judiciaire simplifié le 22 octobre 1991 converti par jugement du tribunal de commerce du Mans du 20 décembre 1993 en liquidation judiciaire par suite de la résolution du plan, laquelle liquidation a été clôturée par jugement du 5 mai 1998 pour insuffisance d’actifs. Le matériel et le stock de produits chimiques ont été cédés à la société Laspire représentée par M. [E], qui, n’étant intéressé que par le matériel d’occasion et les produits chimiques pour la photographie, laissait les archives photographiques sur place. Parallèlement, par jugement du 19 janvier 1999, l’immeuble du [Adresse 1], saisi au préjudice de Mme veuve [U] [J], était adjugé à M. et Mme [K] et un règlement amiable des créances était homologué par jugement du 29 juin 2000.



7. Le 29 novembre 1994 était constituée la sarl Launic avec pour gérante Mme [U] [J], photographe professionnelle, ayant pour dénomination sociale ‘WASHINGTON PHOTOS’ et pour siège social le [Adresse 2] (72), correspondant par ailleurs au domicile de Mme [U] [J], et dont l’objet social était le suivant : ‘distribution d’alarme et de protection électronique, domotique, télé-surveillance, vidéo surveillance, contrôle incendie et tout ce qui se rapporte à la sécurité des biens et des personnes, négoce de vêtements, bijoux fantaisie et accessoires, négoce et toute activité se rapportant à la photographie.’



8. M. et Mme [O] et [P] [YB] décédaient respectivement les 14 juin 1990 et 26 février 1996.



9. Courant 2016, la société Launic a entamé avec l’association Automobile Club de l’Ouest (ci-après l’ACO), organisatrice des 24 h du Mans, des négociations pour vendre les photographies représentant la course des 24 heures du Mans contenues dans le fonds photographique appelé ‘fonds Washington’. Le 4 février 2016, le journal Ouest France publiait un article qui annonçait la vente du fonds Washington à l’ACO. Cette vente ne se concrétisait toutefois pas.



10. Le 22 mars 2016, soutenant avoir découvert que la société Launic reproduisait sans son autorisation et sans mentionner son nom, dans un ouvrage intitulé ‘Eternel Le Mans’ imprimé en juin 2013 à l’occasion du 90ème anniversaire de la course, près de 200 photographies issues des négatifs et des plaques photographiques présents dans le fonds documentaire resté dans les réserves du magasin et dont il se déclarait investi des droits d’auteur en sa qualité d’auteur de plusieurs photographies et d’ayant droit de ses parents eux-mêmes ayants-droits de M. [C] [W], créateur du studio photo dans les années 20, M. [X] [YB], fils unique d'[O] [YB] et de [P] [W], faisait procéder au siège social de la société Launic, par ailleurs domicile de Mme [J], après y avoir été autorisé par ordonnance du tribunal judiciaire de Rennes du 25 février 2016, à une saisie-contrefaçon de 16 classeurs comprenant des milliers de négatifs et plaques datant des années 1949 à 1982, sauf l’année 1954 déclarée manquante par suite d’un vol, constitués de négatifs et plaques de verre supposés s’être trouvés dans le fonds de commerce.



11. Les négatifs et plaques de verre, qui n’étaient pas listés au procès-verbal autrement que par l’expression de ‘classeurs’, étaient remis par l’huissier de justice sans inventaire à M. [YB] qui les conservait par devers lui.



12. Le 23 avril 2016, il faisait assigner la société Launic et Mme [J] en contrefaçon et paiement des sommes de :

– 50.000 € au titre du préjudice d’atteinte à ses droits patrimoniaux d’ayant-droit d’auteur,

– 20.000 € au titre du préjudice d’atteinte à ses droits moraux d’ayant-droit d’auteur,

– 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.







13. Par jugement du 22 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Rennes a :

– rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l’action de M. [YB],

– déclaré M. [YB] irrecevable en ses demandes faute d’avoir démontré sa qualité d’héritier de sa mère, ni d’avoir démontré la paternité des photographies attribuée à son père,

– ordonné la restitution à la société Launic des classeurs ayant été saisis par huissier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016,

– débouté la société Launic et Mme [J] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamné M. [YB] à payer à la société Launic et à Mme [J] la somme de 1.500 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [YB] au paiement des entiers dépens de l’instance avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.



14. Outre le défaut de qualité à agir, le tribunal a jugé qu’il y avait lieu de considérer que le fonds de photographies faisait bien partie de l’actif transmis au moment de la cession s’agissant d’un magasin de photographe professionnel pour lequel il est d’usage de céder un tel fonds afin de permettre au repreneur d’assurer le retirage de clichés pris à l’occasion d’événements particuliers par le cédant si la demande lui en est faite par un client plusieurs mois ou années plus tard et que ni au moment de la cession du fonds de commerce ni dans les années qui ont suivi, il n’a été entrepris de démarche pour récupérer matériellement ce fonds documentaire et que ce n’est qu’une première fois en 2002 puis à l’occasion de l’édition du livre ‘Éternel Le Mans’ en 2013 que M. [YB] a entendu revendiquer des droits sur ces photographies, que cette absence de démarches pendant de nombreuses années vient étayer l’idée qu’il était admis que le fonds photographique avait bien été cédé avec le fonds de commerce.



15. M. [YB] a interjeté appel par déclaration du 25 janvier 2018.



16. Déplorant la mise en vente par M. [YB] sur la plate-forme en ligne eBay de photographies des 24 heures du Mans correspondant aux négatifs se trouvant dans les classeurs saisis le 22 mars 2016, la société Launic et Mme [J] saisissaient le conseiller de la mise en état par conclusions d’incident des 22 mars et 20 avril 2018 d’une demande d’exécution provisoire du jugement dont appel, à tout le moins d’une demande de séquestre des 16 classeurs, objet de la saisie.



17. Sans attendre la décision du conseiller de la mise en état, M. [YB] se présentait le 18 avril 2018 chez maître [I] [V], huissier de justice à [Localité 10] (72), dont il requérait les services pour séquestrer deux sacs plastiques contenant des albums photos et des classeurs contenant eux-mêmes des négatifs et des plaques de verre. L’huissier de justice mentionnait dans son procès-verbal que ‘certaines pochettes sont toutefois incomplètes’ et que ‘L’inventaire des négatifs et plaques de verre n’est pas réalisé à ce stade, et ce à la demande du requérant’.



18. Par ordonnance du 18 juin 2018, le conseiller de la mise en état :

– a débouté la société Launic et Mme [J] de leur demande tendant au prononcé de l’exécution provisoire du jugement entrepris,

– mais a ordonné la mise sous séquestre des 16 classeurs ayant fait l’objet de la saisie-contrefaçon du 22 mars 2016 entre les mains de maître [I] [V], huissier de justice à [Localité 10], aux frais de 50 € par mois, avancés par moitié par chacune des parties,

– débouté la société Launic et Mme [J] de leur demande en paiement de frais irrépétibles au stade de l’incident,

– condamné M. [YB] aux dépens de l’incident avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.



19. Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d’appel de Rennes a :

– infirmé le jugement du 22 janvier 2018,

– annulé le procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016,

– déclaré prescrite l’action de M. [YB],

– ordonné la restitution des classeurs ayant fait l’objet d’une saisie par procès-verbal du 22 mars 2016,

– fait interdiction à M. [YB] de détenir, reproduire ou commercialiser sous quelque forme que ce soit les photographies dont les négatifs et les plaques ont été saisis,

– dit n’y avoir lieu à astreinte,

– condamné M. [YB] à verser à la sarl Launic la somme de 8.000 € et à Mme [U] [J] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts,

– condamné M. [YB] à verser à la sarl Launic la somme de 5.000 € et à Mme [U] [J] la somme de 5.000 € à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel,

– condamné M. [YB] aux entiers dépens.



20. La cour d’appel a jugé que :

– la procédure de saisie contrefaçon était irrégulière pour avoir porté non sur la matière contrefaisante elle-même mais sur le matériel et les instruments utilisés pour produire illicitement les ‘uvres,

– le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016 devait être annulé faute pour M. [YB] d’avoir justifié d’une part, qu’il était ayant-droit des auteurs des oeuvres, à savoir de son père, [O] [YB] et son grand-père, [C] [W], et, d’autre part, que son père et son grand-père étaient les auteurs des photographies pour lesquelles il avait engagé l’action et que ces oeuvres présentaient une originalité qui révélait la personnalité de leurs auteurs, justifiant ainsi la protection sollicitée,

– l’action en contrefaçon était prescrite dès lors que M. [YB] avait depuis l’année 2002 la connaissance de l’exploitation par la société Launic desdites photographies.



21. M. [YB] a formé un pourvoi en cassation.



22. Le 26 août 2020, les classeurs litigieux placés sous séquestre de maître [I] [V], huissier de justice, étaient restitués à Mme [J] qui portait néanmoins la mention suivante sur le récépissé ‘Sous réserve de l’inventaire qui à première vue est incomplet au vu de l’épaisseur des classeurs’.



23. Le 27 août 2020, Mme [J] déposait plainte à la brigade autonome de gendarmerie de la Flèche pour vol, destruction de biens et association de malfaiteurs, dénonçant une restitution à hauteur de seulement 30 % du fonds photographique (soit 3519 clichés restitués sur 20257 clichés saisis), une destruction des plaques de verre et le retrait des négatifs des feuillets qui se trouvaient en vrac, de sorte qu’elle avait récupéré une collection inexploitable, générant un préjudice monétaire, moral et patrimonial. Un constat était diligenté au domicile de M. [YB] le 5 décembre suivant ne permettant pas d’y retrouver des négatifs ou plaques de verre.



24. Par assignation du 22 décembre 2020, la société Launic faisait convoquer M. [YB] et l’étude d’huissiers de justice [YJ]-Andro-Demas-Aubry devant le tribunal judiciaire du Mans en responsabilité civile fondée sur l’absence d’inventaire au moment de la saisie et au moment de la restitution et en réparation in solidum de son préjudice à hauteur d’une somme de 1.370.000 €. Par ordonnance du 24 février 2022, le juge de la mise en état a fait droit à la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la Cour de cassation sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 14 janvier 2020 de la cour d’appel de Rennes.



25. Le 11 mars 2022, la première présidence de la Cour de cassation a rejeté la requête en radiation présentée par la société Launic et Mme [J] en estimant que les causes de l’arrêt, autres que pécuniaires, avaient été exécutées et que les condamnations en numéraire dont l’inexécution était invoquée représentaient des sommes d’un montant disproportionné aux ressources du débiteur qui était dans l’impossibilité de procéder à l’exécution des causes de l’arrêt.



26. Par arrêt du 6 avril 2022, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 14 janvier 2020 en ces termes :



27. Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

– l’action en réparation des atteintes portées aux droits de l’auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de ceux-ci a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer,

– pour déclarer prescrite l’action en contrefaçon, l’arrêt retient que M. [X] [YB] avait connaissance depuis des années de l’exploitation, par la société Launic, des négatifs des photographies prises par son père et par son grand-père sur le circuit des 24 heures du Mans,

– en statuant ainsi, après avoir constaté que M. [X] [YB] incriminait, dans son assignation du 23 avril 2016, la reproduction d’oeuvres photographiques dans l’ouvrage intitulé ‘Eternel [Localité 5]’, édité en 2013, la cour d’appel a violé le texte susvisé,



28. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

– selon l’article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé et le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs,

– pour annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon, l’arrêt retient que M. [YB] n’établit pas venir aux droits de son père et de son grand-père,

– en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [YB] qui faisait valoir qu’il agissait également en tant qu’auteur de plusieurs photographies, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé,



29. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

– aux termes de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, tout auteur d’une ‘uvre protégée au titre du droit d’auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon et sont en droit de faire procéder par tous huissiers, sur ordonnance rendue sur requête, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des ‘uvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant,

– pour annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon, l’arrêt retient que M. [X] [YB] ne donne aucun document justifiant de ce que sa mère a hérité des oeuvres de son propre père, [C] [W], et ne justifie pas de sa qualité pour agir,

– en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que M. [X] [YB] rapportait la preuve qu’il venait en qualité d’héritier unique aux droits de son père, la cour d’appel a violé le texte susvisé,



30. Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

– selon l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, après la mort de l’auteur et sauf volonté contraire de celui-ci, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel il n’existe pas de jugement de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage et par les héritiers autres que les descendants,

– pour annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon, l’arrêt retient encore que si M. [YB] apporte la preuve qu’il vient en qualité d’héritier unique aux droits de sa mère, [P] [W], il ne produit aucun document justifiant que celle-ci a hérité des oeuvres de son propre père, [C] [W],

– en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. [X] [YB], dont elle avait relevé qu’il était l’unique héritier de sa mère, elle même héritière de son père, [C] [W], n’avait pas qualité pour agir en défense du droit de divulgation des oeuvres posthumes de ce dernier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale,



31. Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

– l’auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l’autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier, au préalable, de l’originalité de l’oeuvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d’auteur,

– pour annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon, l’arrêt retient encore que les oeuvres photographiques ne révèlent pas la personnalité de [C] [W] et d'[O] [YB] et qu’elles sont dès lors dépourvues d’originalité,

– en statuant, ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé,



32. Et sur le troisième moyen et le quatrième moyen pris en sa première branche, rédigés en termes identiques, réunis :

– en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur les 1er et 2ème moyens entraîne la cassation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le 3ème moyen, concernant l’interdiction de détenir, reproduire et ou commercialiser les négatifs et les plaques saisis, ainsi que la cassation de la disposition critiquée par le 4ème moyen, relative à la condamnation de M. [YB] à verser certaines sommes à Mme [J] et à la société Launic, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.



33. La Cour de cassation a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt de la cour d’appel et les a renvoyées devant la cour d’appel de Rennes autrement composée. Elle a condamné Mme [J] et la société Launic aux dépens et rejeté les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.



34. Par déclaration au greffe du 29 juillet 2022, M. [YB] a formalisé une saisine de la cour d’appel de Rennes.

Moyens




PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



35. M. [X] [YB] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 mars 2023 aux termes desquelles il demande à la cour de :

– le déclarer recevable en son appel et bien fondé en ses demandes,

– déclarer irrecevables les pièces n° 3, 6, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53 de la société Launic et de Mme [J] et les écarter des débats,

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 22 janvier 2018 en ce qu’il a jugé que son action n’était pas prescrite,

– le réformer en ce qu’il a :

– déclaré M. [X] [YB] irrecevable en ses demandes,

– ordonné la restitution à la société Launic des classeurs saisis,

– condamné M. [YB] à payer à la société Launic et à Mme [J] la somme de 5.000 € chacune au titre de l’article 700 code de procédure civile

– condamné M. [YB] aux dépens dont distraction au profit de Me [S] y compris les frais afférents à la procédure de saisie contrefaçon du 22 mars 2016,

– débouté M. [YB] de ses demandes de :

* juger que les négatifs et plaques de verres issus du fonds de commerce des studios [W] sont des oeuvres de l’esprit protégées par les dispositions du code de la propriété intellectuelle,

* juger que M. [X] [YB] est l’auteur et l’ayant droit de l’ensemble des oeuvres de l’esprit litigieuses,

* juger que la société Launic exerçant sous le nom commercial ‘Washington photo’ a usurpé la qualité d’auteur et d’ayant droit de M. [X] [YB],

* juger que Mme [J] a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité détachable de ses fonctions de dirigeante de la sarlu Launic engageant sa responsabilité personnelle dans les actes de contrefaçon commis

* juger que différents actes de contrefaçon des oeuvres dont M. [X] [YB] est l’auteur et l’ayant droit ont été commis par les défendeurs en violation de ses droits patrimoniaux et moraux,

* condamner in solidum Mme [J] et la société Launic pour contrefaçon au paiement de la somme de 50.000 € en réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux et 20.000 € en réparation des atteintes à ses droits moraux,

* ordonner la confiscation à son profit de l’ensemble des oeuvres provenant du fonds de commerce des studios [W] consigné en l’étude de maître [R], huissier de justice au Mans,

* condamner in solidum Mme [J] et la société Launic au paiement des entiers dépens, ceux compris de la procédure de saisie contrefaçon réalisée le 22 mars 2016 au siège social de la société Launic,

* condamner in solidum Mme [J] et la société Launic au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouter in solidum Mme [J] et la société Launic de l’ensemble de leurs demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] [J] et la société Launic de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive,

– et statuant à nouveau,

– juger que les opérations de saisies contrefaçon et le procès-verbal de constat du 22 mars 2016 de maître [R], huissier de justice, sont valables,

– ordonner en conséquence à Mme [U] [J] de restituer à maître [R], commissaire de justice, les 16 classeurs qu’elle avait spontanément remis lors des opérations de saisie contrefaçon du 22 mars 2016,

– juger que M. [YB] a qualité et est recevable à agir pour la défense de ses droits patrimoniaux et moraux d’auteur et en qualité d’ayant droit de son grand-père, [C] [W], et de son père, [O] [YB], au sens des articles L. 332-1, L. 121-1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle,

– juger à titre principal qu’aucune cession valable de droits d’auteur sur les photographies objet de la présente procédure n’est intervenue au profit de Mme [U] [J] et de la société Launic conformément aux dispositions de l’article L.131-3 et L.131-4 du code de la propriété intellectuelle,

– juger à titre subsidiaire, si par impossible la cour estimait qu’une cession implicite a été conclue pour les nécessités de prétendus retirages des photographies à la demande de clients, que cette cession doit s’interpréter strictement en vertu des dispositions de l’article L. 122-7 du code de la propriété intellectuelle et qu’elle ne comprend aucunement la cession des droits pour l’édition d’un ouvrage ou d’autres formes d’exploitation,

– juger que les photographies issues du fonds [W] reproduites dans l’ouvrage litigieux ‘ETERNEL’ [Localité 5]’ sont des oeuvres originales de [C] [W] et d'[O] [YB] et sont protégeables par le droit d’auteur au sens des articles L. 111-1 et L. 112-2, 9 0 du code de la propriété intellectuelle,

– juger qu’en reproduisant les photographies issues du fonds [W] dans l’ouvrage litigieux ‘ETERNEL’ [Localité 5]’, sans autorisation et sans contrepartie financière, Mme [U] [J] et la société Launic, exerçant sous le nom commercial ‘Washington photo’, ont porté atteinte à ses droits patrimoniaux en sa qualité d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB] au sens des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle,

– juger qu’en divulguant la photographie d'[O] [YB] de 1953 en p. 58 du livre litigieux et en reproduisant les photographies issues du fonds [W] dans l’ouvrage litigieux ‘ETERNEL’ [Localité 5]’, sans autorisation et sans mention du nom leur auteur, et en en dénaturant certaines, Mme [U] [J] et la société Launic, exerçant sous le nom commercial ‘Washington photo’, ont porté atteinte à ses droits moraux en sa qualité d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB] au sens des articles L. 121-1 alinéa 1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle,

– juger qu’en exploitant des photographies issues du fonds [W] sous diverses formes non autorisées sans mention du nom de leur auteur et sans contrepartie financière, Mme [U] [J] et la société Launic, exerçant sous le nom commercial ‘Washington photo’, ont porté atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux en sa qualité d’auteur (pour les photographies allant des années 60 à 80) et d’ayant droit au sens des articles L. 121-1, L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle,

– juger que Mme [U] [J] a commis des fautes intentionnelles d’une particulière gravité engageant sa responsabilité à titre personnel,

– en conséquence,

– interdire à Mme [U] [J] et la société Launic de reproduire, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, toute image reprenant les caractéristiques des photographies issues du fonds [W] appartenant à M. [YB] en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB],

– interdire en tout état de cause à Mme [U] [J] et à la société Launic d’utiliser les photographies du fonds [W] sans respecter les droits moraux de M. [YB] en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB] et en particulier sans mentionner les crédits selon les usages,

– juger qu’en application de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution, les astreintes prononcées seront liquidées, s’il y a lieu, par la cour ayant statué sur la présente demande,

– condamner Mme [U] [J] et la société Launic in solidum au paiement de la somme de 80.000 € (quatre-vingt mille €) en réparation du préjudice lié aux actes de contrefaçon commis par Mme [U] [J] et la société Launic, à hauteur de 50.000 € (cinquante mille €) pour les atteintes portées aux droits patrimoniaux et 30.000 € (trente mille €) liés aux atteintes aux droits moraux de M. [YB] en qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB],

– juger irrecevables et mal fondées les demandes de Mme [U] [J] et de la société Launic et les en débouter,

– condamner Mme [U] [J] et la société Launic in solidum à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [U] [J] et la société Launic in solidum aux dépens, comprenant les frais de constat, dont distraction au profit de la SCP Jean-David Chaudet, avocat au barreau de Rennes, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.



36. Il soutient que :

– les pièces n° 3, 6, 11, 14, 15, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53 produites par les intimées ne sont pas citées à l’appui de leurs prétentions et, comme telles, doivent être déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile,

– les intimées n’ont pas demandé au juge compétent la rétractation de l’ordonnance du 22 mars 2016 ayant autorisé la saisie contrefaçon de sorte qu’elles sont irrecevables à en faire la demande à la cour d’appel,

– le procès-verbal de saisie contrefaçon est régulier dans la mesure où d’une part, M. [YB] agit en qualité d’auteur des photographies entre 1962 et 1982 et en qualité d’ayant-droit de son père et de son grand-père maternel dont il est le fils et petit-fils unique, d’autre part, l’originalité n’a pas à être caractérisée au stade de la requête en saisie contrefaçon, et, enfin, l’huissier n’a pas outrepassé sa mission dans la mesure où c’est Mme [J] qui lui a remis spontanément les 16 classeurs litigieux,

– son action n’est pas prescrite, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation, dès lors qu’introduite le 23 avril 2016, elle vise l’ouvrage ‘Eternel'[Localité 5]’ publié en 2013,

– en vertu de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété des supports matériels est indépendante de la propriété intellectuelle et il est ainsi constant que la vente du support matériel d’une ‘uvre n’emporte pas la cession des droits d’auteur afférents à cette ‘uvre de sorte que le cessionnaire ne peut reproduire l”uvre, d’autant plus pour le droit moral des auteurs qui est inaliénable en vertu de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle,

– le tribunal ne pouvait en aucun cas déduire une prétendue cession de droits de propriété intellectuelle du seul fait que les supports physiques (les tirages photographiques, les négatifs ou les plaques de verre) étaient restés stockés dans les réserves du magasin,

– M. [YB] est recevable en son action pour être, en qualité d’héritier unique et au visa des actes notariés produits, investi des droits d’auteur de son grand-père maternel, M. [C] [W], et de son père, M. [O] [YB], outre qu’il agit en qualité d’auteur, et sans qu’il ait à faire la démonstration de l’absence d’un testament, qui est une preuve négative,

– la paternité des photographies reproduites dans l’ouvrage ‘Eternel’ Le Mans’ est attribuée à [C] [W] et [O] [YB], lesquels ont couvert les ’24 heures du Mans’ sur la période du livre litigieux, soit de 1949 à 1959, tandis qu’aucun autre photographe, notamment ceux qui ont été salariés au studio après 1953 et qui ont produit des attestations, n’en revendique la propriété, ni ne conteste cette paternité, outre que les photographies divulguées sous le nom [W] avant la mort de [C] [W] ou celle d'[O] [YB] bénéficient de la présomption de paternité,

– M. [X] [YB] était photographe du studio [W] entre 1962 (il était âgé de 13 ans) et 1982,

– les droits sur les photographies n’ont pas été cédés au profit de Mme [J] et / ou de la société Launic puisque, contrairement aux exigences de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, il n’existe aucun contrat précisant les droits d’auteur transmis, leur étendue, le lieu, la durée ou la rémunération, tandis que l’acte de cession du fonds de commerce, dont l’étendue doit s’interpréter strictement, ne vise que l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage, sans mentionner les droits d’auteur,

– une cession de droit d’auteur ne peut être implicite, ni présumée au motif qu’elle n’aurait pas été ‘exclue’ dans la cession du fonds de commerce, et encore moins à titre gratuit, et ne peut résulter que d’un acte écrit respectant le formalisme légal qui est un des principes fondamentaux du droit d’auteur français,

– les photographies prises lors des différentes éditions des ’24 heures du Mans’ n’étaient pas des commandes de clients et l’édition d’un ouvrage ne correspond pas aux nécessités de prétendus retirages des photographies à la demande de clients plusieurs mois ou années plus tard mais bien à une exploitation non autorisée, ce qui fait échec à l’argument selon lequel une cession des droits d’auteur aurait eu lieu pour les besoins de l’exploitation du fonds de commerce,

– l’usage d’une transmission ‘nécessaire’ auquel il est fait référence par les intimées est contraire aux principes du code de la propriété intellectuelle, a fortiori quand il n’a pas été accepté par les parties,

– la société Launic et Mme [U] [J] sont approximatives sur les circonstances dans lesquelles les supports physiques se sont retrouvés en possession de Mme [U] [J] alors que la cession du fonds de commerce est intervenue en 1987 au profit de la SNPP dont la gérante était [M] [J] sa fille et qu’à l’occasion de la liquidation de la SNPP, la société Laspire a fait l’acquisition de matériels et non de droits d’auteur qui, à les supposer aliénables, relevaient de l’office du mandataire liquidateur et non du gérant de la société Laspire,

– une photographie, quel qu’en soit le genre et le mérite, est susceptible d’être protégée par le droit d’auteur à condition qu’elle soit originale, eut-elle été prise sur le vif, et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, c’est-à-dire dès lors qu’elle procède de choix libres et créatifs, sans exigence artistique particulièrement élevée ou nouvelle et indépendamment de sa destination, le cas échéant pour la presse, ce qui est le cas des photographies de l’ouvrage en litige qui restituent des scènes de vie autour du circuit des 24 h du Mans (garage, ouvriers, familles, etc’) qui n’étaient pas mises en valeur à l’époque d’après-guerre,

– cette originalité a conduit les intimées à exploiter les clichés pour en tirer profit, sans mention de leurs auteurs,

– la contrefaçon reprochée à la société Launic et à Mme [U] [J] consiste à avoir reproduit et exploité près de 200 photographies d’une part, sans autorisation de l’ayant-droit de leurs auteurs, ce qui constitue une atteinte au droit patrimonial, d’autre part, sans mention du nom de leurs auteurs mais au contraire en mentionnant le nom du studio ‘Washington Photo’, ce qui constitue une atteinte au droit moral de paternité, ensuite, en ayant reproduit certains clichés en les recadrant, ce qui constitue une atteinte au droit moral du respect de l”uvre, enfin, en ayant divulgué des photographies de famille, qualifiés d’inédites, sans l’autorisation de M. [YB],

– ces atteintes appellent une indemnisation à hauteur de 50.000 € au titre du préjudice économique compte tenu de la commande de 1000 exemplaires de l’ouvrage litigieux revendu entre 45 € et 35 € selon les années, et de 30.000 € au titre du préjudice moral puisque c’est le nom d’une famille et le travail de trois générations de photographes qui ont été effacés sciemment,

– la responsabilité personnelle de Mme [U] [J] ne peut qu’être retenue dès lors qu’elle a détourné les supports photographiques soi-disant cédés avec le fonds de commerce à la SNPP géré par sa fille [M] [J], alors qu’ils avaient une grande valeur marchande et auraient dû être vendus aux enchères par le mandataire liquidateur dans le cadre de la procédure collective visant la SNPP, et qu’elle a capté le travail et la réputation de [C] [W] et d'[O] [YB] à son profit sous le nom commercial de ‘Washington Photo’, commettant des actes de contrefaçon délibérés, répétés et de grande ampleur incompatibles avec l’exercice normal des fonctions de gérant et de nature à engager sa responsabilité à titre personnel et donc sa condamnation in solidum à l’indemnisation des préjudices,

– les demandes de dommages et intérêts formées par les intimées au titre d’une prétendue procédure abusive seront rejetées dès lors qu’elles exploitent depuis des années en toute impunité des photographies dont elles n’ont jamais acquis les droits, en s’attribuant la paternité et le travail de toute une famille de photographes, et qu’elles ne caractérisent aucune faute ou intention de nuire qui aurait dégénéré en abus de son droit d’agir en justice.



M. [YB] termine ses écritures en sollicitant qu’il soit fait interdiction aux intimées de poursuivre la commercialisation de l’ouvrage litigieux et d’ordonner la destruction de la totalité du stock restant, cette demande étant reprise au dispositif desdites conclusions sous la forme d’une demande d’interdiction de reproduction de ‘toute image reprenant les caractéristiques des photographies issues du fonds [W] appartenant à Monsieur [X] [YB] en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père, [C] [W], et de son père [O] [YB]’ et d’interdiction ‘d’utiliser les photographies du fonds [W] sans respecter les droits moraux de M. [X] [YB], en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père, [C] [W], et de son père, [O] [YB], et en particulier sans mentionner les crédits selon les usages’.



37. La société Launic et Mme [J] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 15 février 2023 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

– les recevoir en leurs écritures et les déclarer bien fondées,

– déclarer recevables les pièces 3 à 53 versées aux débats par leurs soins,

– débouter M. [X] [YB] de ses demandes,

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu’il :

– n’a pas annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016,

– n’a pas constaté la prescription de l’action de M. [YB],

– rejeté leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– confirmer le jugement en ses autres dispositions,

– statuant à nouveau,

– prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016,

– à titre principal,

– juger que l’action de M. [YB] est prescrite en application de l’article 2276 du code civil, le fonds d’archives photographiques étant un bien meuble et déclarer M. [YB] irrecevable en ses demandes,

– à titre subsidiaire,

– déclarer M. [YB] irrecevable à agir sur le fondement du droit d’auteur, ce dernier ne justifiant pas de sa qualité d’ayant droit,

– le déclarer mal fondé à agir au titre du droit d’auteur comme ne démontrant pas l’originalité des photographies revendiquées,

– juger que la société Launic et Mme [J] ne se sont rendues coupables d’aucun acte de contrefaçon de droit d’auteur,

– mettre hors de cause Mme [J] dans la présente instance,

– à titre infiniment subsidiaire,

– constater l’absence de préjudice subi par M. [YB],

– en tout état de cause,

– le débouter de toutes ses demandes,

– ordonner la restitution à la société Launic des classeurs saisis,

– condamner M. [YB] à verser à la société Launic et à Mme [J] la somme de 30.000 € au titre de la procédure abusive,

– faire interdiction à M. [YB] de détenir, reproduire ou commercialiser, sous quelque forme que ce soit, les photographies ayant fait l’objet des opérations de saisie-contrefaçon et ce, sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

– le condamner à leur verser la somme de 15.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de la somme de 3.000 € à laquelle il a été condamné en première instance,

– le condamner M. [X] [YB] aux dépens recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires.



38. Elles soutiennent que :

– leurs pièces n° 3, 6, 11, 14, 15, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53 sont recevables pour avoir été listées aux écritures,

– l’action de M. [YB] est prescrite depuis 1999 en application des articles 2276 et 2224 du code civil dès lors que, connaissance acquise par lui au moins depuis un courrier du 25 juillet 2002 de l’exploitation du fonds photographique par Mme [J] à compter de l’année 1994, il n’a rien réclamé avant son assignation du 22 avril 2016,

– la saisie contrefaçon du 22 mars 2016 est nulle en l’absence d’une part, de preuve de la qualité d’héritier, d’ayant-droit ou même d’auteur de M. [YB] lui permettant de revendiquer le fonds photographique et, d’autre part, de preuve de l’originalité des photographies revendiquées, et enfin en raison de ce que cette saisie a aussi porté sur des clichés réalisés par les salariés du studio [W] et sur des clichés qui sont étrangers à ce fonds, Mme [J] n’ayant pas eu le temps de faire le tri au moment des opérations menées par l’huissier de justice,

– cette nullité peut être soulevée à tout moment devant les juges du fond même en l’absence de recours en rétractation intenté contre l’ordonnance ayant autorisé la saisie contrefaçon,

– la société Launic commercialise essentiellement des photographies ancien-nes ou récentes en lien avec la course automobile des 24 h du Mans,

– en dépit du silence de l’acte de cession sur le sort du fonds photographique, il est d’usage que pour permettre d’assurer la continuité de l’exploitation, la cession d’un fonds de commerce d’un studio photo emporte cession des photographies et plaques photographiques et négatifs, sauf à ne présenter qu’un intérêt mineur pour le cessionnaire, de sorte que M. [YB] ne peut avoir plus de droits que son auteur qui a transféré ce fonds documentaire,

– le fonds photographique du studio [W] a donc été transféré avec le fonds de commerce et est exploité depuis la location gérance signée en 1982 puis la cession du fonds de commerce signée en 1987, qui a été intégralement payée,

– l’exploitation de ce fonds photographique est continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et exercée à titre de propriétaire par la société Launic depuis 1994, date de cession après transmissions successives à la SNPP, puis à la société Laspire en la personne de M. [E] qui l’a transmis gratuitement à M. et Mme [J], tandis que M. [YB] est, sur le fondement des articles 2276 et 2224 du code civil, prescrit à en revendiquer la propriété puisqu’il en était informé, que l’exploitation par la société Launic a débuté en 1994 et qu’il n’a émis aucune contestation ni revendication depuis cette dernière date,

– l’action en contrefaçon de M. [YB], qui n’a formulé aucune revendication lors de la mise en location gérance en 1982 ni lors de la cession du fonds de commerce en 1987, est infondée en l’absence de preuve de sa titularité de droits d’auteur ou de celle de son père ou de son grand-père sur un quelconque cliché, aucune paternité ne pouvant être rattachée à l’un ou l’autre desdits clichés,

– les photographies ont été prises par les nombreux salariés du studio [W] qui tous ont laissé les négatifs dans les archives dudit studio à leur départ sans revendiquer de droits d’auteur,

– ces photographies sont des reportages de la course automobile destinés à la presse et non des ”uvres’ de l’esprit, réalisés de manière académique pour ce type de manifestation dans le cadre contraint des horaires et des emplacements attribués aux photographes, mettant en ‘uvre un certain savoir-faire mais sans aucune recherche artistique particulière, ni originalité, de sorte qu’aucune protection au titre du droit d’auteur ne peut leur être reconnue,

– Mme [J] doit être mise hors de cause dès lors que le matériel et le fonds photographique ont été cédés régulièrement à M. et Mme [J] par M. [E] qui avait racheté l’actif au moment de la liquidation judiciaire de la SNPP et qu’aucune faute détachable ne peut être personnellement reprochée à Mme [J], gérante de la société Launic,

– enfin, M. [YB] ne fait pas la démonstration de l’étendue de son préjudice, n’ayant pas identifié les clichés qui auraient été pris par sa parentèle, et n’ayant avancé aucun calcul de nature à étayer les préjudices réclamés.



* * *



39. L’instruction de l’affaire a été clôturée le 13 mars 2023.



40. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.



* * *



41. Par conclusions de procédure remises au greffe et notifiées le 13 mars 2023, la société Launic et Mme [U] [J] demandent à la cour d’appel de déclarer irrecevables comme tardives les pièces 1.6 a à f versées aux débats par M. [YB] selon bordereau du 13 mars 2023 et d’écarter la pièce 1.6 bis constituée d’une copie d’un certificat médical suspicieux et dont l’original n’est pas communiqué en dépit d’une demande formulée en ce sens.



42. Par courrier du 14 mars 2023 transmis par le RPVA, le conseil de M. [YB] a fait connaître qu’il retirait ces pièces des débats.



43. Enfin, par message RPVA du lundi 27 novembre 2023, il était sollicité de la société Launic et de Mme [J] qu’elles transmettent leur pièce n° 9 annoncée au bordereau de communication de pièces et dans les dernières conclusions du 15 février 2023 mais qui ne figurait ni au dossier de plaidoirie ni à la copie numérique de ce dossier transmise sur clé USB.

Motivation






* * *



MOTIFS DE L’ARRÊT



44. À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.



1) Sur le retrait des pièces 1.6 a à f et 1.6 bis versées par M. [YB]



45. Il convient de donner acte à M. [YB] de ce qu’il a retiré ces pièces des débats.



2) Sur la recevabilité des pièces 3 à 53 versées par la société Launic et Mme [J]



46. Dans l’exposé de ses motifs, M. [YB] demande que les pièces n° 3, 6, 11, 14, 15, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53 produites par les intimées soient déclarées irrecevables pour n’être pas citées à l’appui des prétentions de ces dernières. Au dispositif de ses conclusions n° 3 du 3 mars 2023, M. [YB] réduit le périmètre de sa demande aux pièces n° 3, 6, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53, excluant, sans toutefois s’en expliquer, les pièces n° 11, 14 et 15.



47. La société Launic et Mme [J] répondent que le problème de numérotation survenu lors de la fusion du bordereau de pièces avec l’ancienne procédure a été résolu dans le cadre des conclusions d’appel et qu’aucune irrecevabilité n’est encourue dès lors que leurs pièces ont été régulièrement listées à leurs écritures.

48. L’article 954 du code de procédure civile prévoit que les conclusions d’appel doivent ‘formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé’.



49. L’article ne prévoit pas de sanction en cas de production de pièces en relation avec le litige mais qui ne seraient pas expressément visées dans les écritures du concluant.



50. En l’espèce, les pièces dont il est sollicité l’irrecevabilité et qui sont mentionnées au bordereau de communication de pièces des intimées en date du 15 février 2023 accompagnant leurs conclusions au fond n° 2 du même jour sont les suivantes :

n° 3. Procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016

n° 6. Extrait des ouvrages ETERNEL LE Mans et Porsche au Mans et 6 tirages réalisés par la Société Launic

n° 27. Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 14 nov. 2012 RG 11/03286

n° 28. Attestations d’expert-comptable sur les comptes annuels de la société Launic de 2011 à 2015

n° 30. Bordereau d’hypothèque sur maison principale

n° 31. Conclusions d’incident

n° 32. Certificat de vente de maison

n° 34. Copie des photos vendues sur EBAY

n° 36. et 36.1 Inventaire des négatifs saisis et rendus

n° 37. Jugement de saisie attribution du 30 septembre 2022

n° 38. Mail de l’huissier sur l’organisation de l’insolvabilité de M. [YB]

n° 40. Photos de la saisie et heure

n° 41. Conclusions d’incident de M. [YB]

n° 42. Justificatif du pseudo de M. [YB] sur EBAY

n° 43. Copie des photos vendues du EBAY

n° 44. Verso des photos avec tampon WASHINGTON PHOTO

n° 45. Contrat d’apprentissage de M. [T]

n° 48. Texte issu du livres des 24 h du Mans

n° 49. Arrêt Cour de cassation du 6 avril 2022 et signification

n° 50. Arrêt CA RENNES du 14 janvier 2020

n° 51. Jugement du JEX du tribunal judiciaire du Mans du 20 sept. 2022

n° 52. Jurisprudence Cour de cassation du 4 janvier 1972

n° 53. Sources des photos de l’album produit dans les écritures



51. L’ensemble de ces pièces intéresse le litige, soit qu’elles concernent directement les points en débat :

n° 3. Procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016

n° 6. Extraits des ouvrages ETERNEL’LE Mans et Porsche au Mans et 6 tirages réalisés par la Société Launic

n° 36. et 36.1 Inventaire des négatifs saisis et rendus

n° 40. Photos de la saisie et heure

n° 42. Justificatif du pseudo de M. [YB] sur EBAY

n° 44. Verso des photos avec tampon WASHINGTON PHOTO

n° 53. Sources des photos de l’album produit dans les écritures



52. Soit qu’elles illustrent le contexte économique et juridique ou judiciaire dans lequel le fonds photographique [W] est revendiqué :

n° 27. Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 14 nov. 2012 RG 11/03286

n° 28. Attestations d’expert-comptable sur les comptes annuels de la société Launic de 2011 à 2015

n° 30. Bordereau d’hypothèque sur maison principale

n° 31. Conclusions d’incident

n° 32. Certificat de vente de maison

n° 34. Copie des photos vendues sur EBAY

n° 37. Jugement de saisie attribution du 30 septembre 2022

n° 38. Mail de l’huissier sur l’organisation de l’insolvabilité de M. [YB]

n° 41. Conclusions d’incident de M. [YB]

n° 45. Contrat d’apprentissage de M. [T]

n° 48. Texte issu du livres des 24 h du Mans

n° 49. Arrêt Cour de cassation du 6 avril 2022 et signification

n° 50. Arrêt CA RENNES du 14 janvier 2020

n° 51. Jugement du JEX du tribunal judiciaire du Mans du 20 sept. 2022

n° 52. Jurisprudence Cour de cassation du 4 janvier 1972



53. Soit encore qu’elles sont évoquées par l’appelant lui-même :

n° 34. Copie des photos vendues sur EBay

n° 43. Copie des photos vendues du EBay



54. Elles sont donc toutes recevables. La demande de rejet des pièces formée par M. [YB] sera rejetée.



3) Sur la demande d’annulation de la saisie contrefaçon



55. La société Launic et Mme [J] soutiennent que la saisie contrefaçon est nulle en l’absence d’une part, de preuve de la qualité d’héritier, d’ayant-droit ou même d’auteur de M. [YB] lui permettant de revendiquer le fonds photographique et, d’autre part, de preuve de l’originalité des photographies revendiquées, et enfin en raison de ce que l’huissier de justice aurait outrepassé sa mission pour avoir saisi des clichés réalisés par les salariés du studio [W] et des clichés qui sont étrangers à ce fonds, Mme [J] n’ayant pas eu le temps de faire le tri au moment des opérations menées par l’huissier de justice. Elles ajoutent que cette nullité peut être soulevée à tout moment devant les juges du fond même en l’absence de recours en rétractation intenté contre l’ordonnance ayant autorisé la saisie contrefaçon.



56. M. [YB], qui plaide que les opérations de saisies contrefaçon et le procès-verbal de constat du 22 mars 2016 établis par maître [R], huissier de justice, sont valables, soutient que la société Launic et Mme [J] sont irrecevables à demander à la cour d’appel la rétractation de l’ordonnance du 22 mars 2016 ayant autorisé la saisie contrefaçon pour ne l’avoir pas fait devant le juge compétent et que le procès-verbal de saisie contrefaçon est régulier dans la mesure où d’une part, M. [YB] agit en qualité d’auteur des photographies entre 1962 et 1982 et en qualité d’ayant-droit de son père et de son grand-père maternel dont il est le fils et petit-fils unique, d’autre part, l’originalité n’a pas à être caractérisée au stade de la requête en saisie contrefaçon et enfin, que Mme [J] a remis spontanément les négatifs et plaques de verre à l’huissier de justice.



3.1) Sur la compétence de la cour d’appel pour statuer sur la demande d’annulation de la saisie-contrefaçon



57. L’article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l’espèce, prévoit que le tiers saisi peut demander au président du tribunal de grande instance la mainlevée de la saisie ou le cantonnement de ses effets.



58. Il est de jurisprudence établie qu’à l’expiration du délai imparti par l’article L. 332-2 pour demander la mainlevée de la saisie, la contestation relative à la validité de la requête en saisie-contrefaçon relève du pouvoir exclusif de la juridiction saisie au fond (Cass. 1ère civ., 6 mai 2010, n° 08-15897). Autrement dit, l’expiration du délai pour solliciter la mainlevée ne prive pas le saisi d’agir en nullité.



59. Le juge ayant autorisé une mesure de saisie n’est donc pas compétent pour prononcer la nullité d’une ordonnance ou d’un procès-verbal de saisie-contrefaçon.



60. Au cas particulier, les intimées ne demandent pas la rétractation de l’ordonnance du 25 février 2016 ayant autorisé la saisie-contrefaçon, mais la nullité de la procédure de saisie-contrefaçon de sorte que leur demande peut être présentée devant la cour d’appel, juridiction du fond.



61. Le moyen tiré de l’incompétence de la cour d’appel doit être rejeté.



3.2) Sur le bien-fondé de la demande d’annulation de la saisie-contrefaçon



62. L’arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2022 a rappelé que l’auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l’autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier au préalable de l’originalité de l’oeuvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d’auteur.



63. M. [YB] produit les pièces suivantes :

– un certificat d’hérédité de [C] [W], son grand-père, et un acte de notoriété du 10 janvier 1953 établi à la suite du décès de [C] [W] le 14 décembre 1952, faisant apparaître que sa fille unique [P] [W] est son unique héritière,

– une déclaration de succession du 14 juin 1990 établie par maître [H] notaire associé à [Localité 7] (72) après le décès d'[O] [YB] le 20 décembre 1989 faisant apparaître que [X] [YB], fils unique, est l’unique héritier d'[O] [YB].



64. Ainsi M. [YB] justifie-t-il, pour être déclaré recevable à avoir sollicité une ordonnance de saisie-contrefaçon, de manière suffisante de sa qualité d’ayant-droit, qui plus est unique, de ses parents décédés [O] et [P] [YB] [W], dont sa mère [P] [W] qui a elle-même hérité seule en sa qualité de fille unique de la succession de son propre père [C] [W]. L’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon ne saurait donc être annulée de ce chef.



65. Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 6 avril 2022, il n’avait pas à justifier de l’originalité de l”uvre sur laquelle il déclare être investi des droits d’auteur pour solliciter une autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon.



66. Enfin, s’agissant de la mission de l’huissier instrumentaire, ainsi que cela résulte de l’ordonnance du 25 février 2016 portant autorisation de la saisie-contrefaçon, celle-ci autorisait l’huissier à procéder à une saisie réelle ou à défaut à la description détaillée des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les ‘uvres arguées de contrefaçon à savoir la collection de négatifs et de plaques de verre provenant du fonds de commerce des studios [W] et apportés en nature à la société Launic par Mme [U] [J] et rebaptisée ‘Collection Washington Photo’.



67. Il résulte encore du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 22 mars 2016 par maître [R], huissier de justice, que celui-ci s’est rendu au siège social de la sarlu Launic au [Adresse 2]. Cette adresse correspondait au domicile personnel de Mme [U] [J], ainsi qu’elle le déclarera dans sa plainte pénale du 27 août 2020 déposée à la brigade territoriale autonome de gendarmerie de la Flèche.



68. L’huissier de justice mentionne qu’après avoir signifié à 9 h 15 l’ordonnance portant autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon, et après que Mme [J] a pu appeler son expert-comptable, celle-ci lui a déclaré ‘disposer à cette adresse des négatifs et plaques issus du fonds de commerce [W]’, et a ensuite accepté de l’accompagner ‘dans l’ensemble des pièces de la maison pour un rapide aperçu de la configuration des lieux de rangement et pièces de la maison : grenier, 1er étage et rez-de-chaussée.’



69. L’huissier de justice mentionne qu’au cours des opérations, ils ont été rejoints par [M] [J].



70. La suite des opérations de saisie est retranscrite au procès-verbal ainsi qu’il suit :

‘Mme [J] m’indique ne s’opposer à aucune mesure ordonnée par le tribunal. Je lui indique qu’il est mentionné par le requérant que l’ensemble de l”uvre artistique [W] s’est arrêté le 10 novembre 1982 suivant contrat de location-gérance établi au profit de LPM. Mme [J] précise que depuis la création de la SARLU LAUNIC en mai 1993, elle a reçu des donations de négatifs remontant antérieurement à 1982 et qu’il sera difficile de dissocier les négatifs [W] des autres. Mme [J] confirme que les plaques de verre sont toutes issues du fonds de commerce [W].

Il est procédé aux recherches informatiques.

L’ordinateur en exploitation présenté par Mme [J] est un portable ASUS modèle K72J B2NOBC042367069, j’effectue un rapide balayage des données contenues sur cet ordinateur.

J’accède au bureau sans mot de passe.

Par l’arborescence du disque dur, j’ai pu balayer de manière aléatoire les dossiers contenant des photos et établir que les véhicules présentés concernent des années postérieures à 1982, hors de ma mission.

J’ouvre ensuite le logiciel de messagerie nommé Thunderbird.

Je constate la présence de deux dossiers dans l’arborescence intitulés clients étrangers et français.

Je consulte le contenu des fichiers, mails, photos et factures qu’il m’est matériellement impossible de rapprocher des milliers de négatifs ou plaques de verre incriminés visés par l’ordonnance et qui me sont remises par Mme [J].

Je ne prends aucune copie de fichiers dématérialisés issue de cet ordinateur.

Mme [J] m’indique me remettre dans des classeurs les négatifs et plaques qu’elle nous déclare être issus du studio [W].

Ces classeurs reprennent les années 1949 à 1982. Mme [J] me déclare que le classeur de l’année 1954 a été volé en magasin en son temps.

Sont écartés les feuillets contenant les négatifs déclarés avoir été reçu de donateurs qui restent en possession de Mme [J]. Pour tous les classeurs issus du studio [W], le nombre de plaques de verre cassées est mentionné sur une feuille insérée dans chaque classeur.

Monsieur [B] [Z], expert informatique se libère à 11h50.

Les opérations de remises de négatifs se terminent vers 12h30 : 16 classeurs me sont remis ce jour.’



71. Il s’évince de ces mentions que Mme [U] [J] a pu identifier sans hésitation les 16 classeurs contenant les négatifs et plaques de verre issus du fonds photographique [W], en les désignant elle-même comme tels, et qu’elle les a spontanément remis à l’huissier de justice en confirmant leur origine, de sorte qu’il n’est pas démontré que ce dernier a outrepassé sa mission.



72. Il eut du reste été utile à la compréhension du litige qu’elle précisât les circonstances dans lesquelles ces négatifs et plaques de verre, qui se trouvaient dans la réserve du magasin du [Adresse 1] dans l’immeuble dont elle avait fait l’acquisition en 1987 avec son conjoint, ont pu par la suite se retrouver à son domicile personnel au [Adresse 2], constituant par ailleurs le siège social de sa société, sauf à ce qu’elle les ait elle-même déménagés ou fait déménager soit au moment du redressement judiciaire de la SNPP dès 1991, soit après le jugement du 19 janvier 1999 d’adjudication dudit immeuble à M. et Mme [K].



73. Sous le bénéfice de ces observations, la demande d’annulation de la saisie-contrefaçon, qui n’avait pas été présentée en première instance – il n’y a donc pas lieu à ‘infirmer le jugement’ de ce chef contrairement à ce que demandent les intimées – mais a été présentée seulement en cause d’appel, sera rejetée, et ce sans préjudice du bien-fondé de l’action en responsabilité civile notamment professionnelle de l’huissier de justice à raison de l’absence alléguée de l’efficacité de l’acte de saisie-contrefaçon.



4) Sur la qualité à agir de M. [YB] en contrefaçon



4.1) Sur la qualité d’ayant-droit et d’auteur



74. Ainsi que ci-dessus retenu, M. [YB], qui a produit un certificat d’hérédité de [C] [W], un acte de notoriété établi à la suite du décès de celui-ci et une déclaration de succession établie à la suite du décès de son père [O] [YB], justifie être l’ayant-droit unique de ses parents et de son grand-père, sa mère ayant été l’unique héritière de son propre père.



75. La qualité à agir de M. [YB] en tant qu’ayant droit titulaire de droits d’auteur dans le cadre de la succession de son grand-père [C] [W] et dans le cadre de la succession de son père [O] [YB] est établie. Cette qualité emporte la titularité du droit de divulgation des oeuvres posthumes.



76. Le jugement, qui a accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir pour revendiquer la titularité d’éventuels droits d’auteur sur les photographies litigieuses, sera infirmé sur ce point.



77. En revanche, la qualité à agir en tant qu’auteur de certains des clichés n’est pas démontrée par M. [YB]. En effet, il affirme avoir pu réaliser des centaines de prises de vue entre 1962 et 1982, soit à partir de l’âge de 13 ans. Or, l’ouvrage litigieux couvre la période de 1949 à 1959 et M. [YB] ne cible aucune des photographies comme ayant été réalisée par lui. Il n’est donc pas recevable à agir à titre personnel en contrefaçon du chef de l’ouvrage ‘Eternel'[Localité 5]”.



4.2) Sur la paternité des photographies contrefaites



78. La société Launic et Mme [J] soutiennent que le fonds [W] est composé de clichés pris et laissés par les salariés du studio de sorte que la paternité de ceux-ci ne peut être rattachée à [C] [W] ou [O] [YB].



79. M. [YB] réplique que le studio [W] n’avait pas de salarié avant 1953 et qu’aucun n’a ensuite revendiqué la paternité des clichés, ce qui fait présumer celle-ci au bénéfice du fonds [W].



80. Or, la qualité d’auteur d’une oeuvre ne peut être attribuée à une personne physique que s’il est établi que cette personne a personnellement réalisé l”uvre. De même, l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle précise qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation, paisible et non équivoque, de l’oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle d’auteur.



81. Au cas particulier, il n’est pas contesté ni du reste contestable que le studio [W] a été fondé et exploité par [C] [W] puis par son beau-fils [O] [YB] qui ont couvert les ’24 heures du Mans’ sur la période du livre litigieux, soit de 1949 à 1959. L’ouvrage lui-même le mentionne en ces termes ‘Commencée bien avant-guerre sous l’égide du photographe P. [W] [‘], cette collection n’a cessé de s’enrichir au fil du temps [‘] Etaient alors à l’origine de cette volonté de mettre en image la magie du Mans, le ‘Studio [W]’ bien sûr, qui revendait à sa clientèle [‘]. Cette collection connaîtra enfin ce qu’on pourrait aussi appeler comme sa seconde vie sous l’égide de ‘Washington Photo’.



82. De plus, Mme [J] a reconnu elle-même que les photographies contrefaites provenaient du fonds [W], ce qui fait obstacle à toute présomption de paternité fondée sur une exploitation paisible et non équivoque.



83. Enfin, aucun des anciens salariés du Studio [W] dont les attestations sont produites aux débats par les intimées ne revendique être l’auteur des photographies apparaissant dans l’ouvrage litigieux, ni ne contestent que [C] [W] et [O] [YB] en sont les auteurs, ce qui confirme dès lors la paternité de [C] [W] (dont on rappelle qu’il est décédé en 1952) et celle d'[O] [YB] sur celles-ci.



4.3) Sur l’absence de cession des droits d’auteurs



84. La société Launic et Mme [J] estiment que le fonds photographique a été cédé avec le fonds de commerce comme c’est l’usage en la matière pour assurer la continuité de l’exploitation d’un magasin de photographies, faisant ainsi perdre à M. [YB] toute qualité à agir du chef de contrefaçon des photographies issues de ce fonds.



85. M. [YB] soutient qu’aucune cession valable de droits d’auteur sur les photographies objet de la présente procédure n’est intervenue au profit de Mme [U] [J] et de la société Launic et, subsidiairement, qu’en cas de cession considérée comme valable ‘pour les nécessités de prétendus retirages des photographies à la demande de clients’ ainsi que l’a retenu le jugement, cette cession doit s’interpréter strictement en vertu des dispositions de l’article L. 122-7 du code de la propriété intellectuelle et qu’elle ne comprenait pas les droits pour l’édition d’un ouvrage ou d’autres formes d’exploitation.



86. En droit, l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.’



87. L’article L. 131-4 du même code impose en outre le versement d’une rémunération proportionnelle, sauf exception permettant une rémunération forfaitaire.



88. Enfin, une cession ne peut être implicite ni se présumer tandis qu’à la supposer parfaite, la vente du support matériel d’une ‘uvre n’emporte pas la cession des droits d’auteur afférents à cette oeuvre.



89. En l’espèce, l’acte de cession du fonds de commerce photographique du Studio [W] conclu le 30 juillet 1987 entre d’une part la sarl SNPP représentée par [M] [J] et d’autre part Mme [P] [W] épouse [YB] est taisant quant au sort du fonds photographique constitué de plaques de verres et négatifs localisé dans les réserves du magasin.



90. A noter que l’acte de cession du même jour de l’immeuble à M. et Mme [N] et [U] [J] est tout aussi taisant sur ce point.



91. Ainsi, l’acte de cession du fonds de commerce qui vise les actifs incorporels tels que ‘l’enseigne, le nom commercial, la clientèle / l’achalandage’ ne vise-t-il pas les droits d’auteur de [C] [W] et [O] [YB].



92. Et il ne saurait être tiré de l’absence d’une mention de ces droits d’auteur dans l’acte de cession la conséquence qu’ils n’auraient pas été exclus de ladite transaction sauf à bafouer la protection spéciale instituée par l’article L. 131-3 ci-dessus rappelée pour ce type de transmission.



93. Le recours à l’usage pour transmettre un fonds photographique est tout autant inopérant s’agissant de droits d’auteur susceptibles de s’appliquer à une collection de photographies originales ‘ sur ce point de l’usage, les attestations produites par Mme [J] évoquent la transmission d’un fonds photographique ordinaire et non la transmission d’un fonds photographique éligible à la protection du droit d’auteur ‘ outre qu’il est contredit par M. [YB] qui dès 2002 s’est officiellement inquiété auprès de Mme [J] de l’exploitation par elle sans autorisation du fonds photographique litigieux.



94. Enfin, la validité d’une cession des droits d’auteur est contredite par les faits eux-mêmes puisque les négatifs et plaques de verre étaient présents dans le studio photo [W] au [Adresse 1] et se sont ensuite retrouvés, non pas au siège d’un nouveau magasin de photographies, mais au domicile personnel de Mme [U] [J] au [Adresse 2], où il a du reste été saisi, et ce sans qu’aucune justification de continuité d’exploitation soit associée à ce transfert, Mme [J] ne soutenant pas qu’elle exploite à cette adresse un magasin de photographies d’où elle ferait des retirages pour les besoins de l’ancienne clientèle du studio [W].



95. Il s’évince de ces constatations qu’il n’y a eu ni cession des supports ‘ négatifs et plaques de verre ‘ ni cession des droits d’auteur sur les photographies en litige.



96. Le jugement du 22 janvier 2018, qui a retenu l’existence d’une cession par usage, sera en conséquence infirmé sur ce point.



5) Sur la prescription de l’action



97. En application de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son ‘uvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent.



98. Cependant si le droit moral de l’auteur est imprescriptible et son droit patrimonial ouvert jusqu’à l’expiration de la soixante-dixième année suivant son décès, les actions en paiement des créances nées des atteintes qui y sont portées sont soumises à la prescription du droit commun de l’article 2224 du code civil entré en vigueur le 19 juin 2008.



99. La société Launic et Mme [J] demandent l’infirmation du jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 22 janvier 2018 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [YB], soutenant que :

– le fonds d’archives photographiques est un bien meuble soumis aux dispositions de l’article 2276 du code civil,

– il convient de séparer le support de l”uvre, bien meuble, soumis aux dispositions du code civil, de l”uvre elle-même soumise aux dispositions du code de la propriété intellectuelle,

– M. [YB] connaissait l’exploitation du fonds photographique par Mme [J] depuis au moins le 25 juillet 2002, date de son courrier réclamant la cessation de cette exploitation,

– le début d’exploitation étant situé en 1994, il est prescrit depuis 1999.



100. M. [YB] demande la confirmation du jugement.



101. Dans son arrêt du 14 janvier 2020, la cour d’appel de Rennes a retenu que M. [YB] connaissait depuis 2002 les faits lui permettant d’agir et a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription.



102. Dans son arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation a rappelé d’une part, que l’action en réparation des atteintes portées aux droits de l’auteur se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le titulaire de ceux-ci a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et, d’autre part, que M. [YB] incriminait dans son assignation du 23 avril 2016 la reproduction d’oeuvres photographiques dans l’ouvrage intitulé ‘Eternel Le Mans’ édité en 2013.



103. De fait, il ressort du courrier du 25 juillet 2002 que celui-ci a été adressé au nom de M. [YB] par son conseil maître [F] à la société Launic pour la mettre en demeure de lui ‘restituer sous 8 jours l’intégralité des négatifs qui appartiennent de droit à Monsieur [X] [YB]’ qui avait constaté qu’elle exploitait actuellement des négatifs de photos ayant été prises par son père ou par son grand-père, photographes, sur le circuit des 24 heures du Mans.



104. Ce courrier est formulé en termes généraux et ne vise pas des actes spécifiques de contrefaçon, lesquels vont se matérialiser de manière effective et publique lors de l’édition de l’ouvrage ‘Eternel'[Localité 5]’ en 2013 à l’occasion du 90ème anniversaire de la course.



105. Par ailleurs, en application de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 du même code est indépendante de celle du support matériel de l’oeuvre. Il est ainsi de jurisprudence constante que la règle suivant laquelle ‘en fait de meuble, la possession vaut titre’ ne s’applique pas aux biens incorporels en général et qu’il est renvoyé au droit spécial de la propriété intellectuelle selon lequel l”uvre est la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée et qui est investie des droits de l’auteur.



106. Enfin, le droit moral des auteurs, dont fait partie le droit à la paternité, est perpétuel, inaliénable et imprescriptible en application de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle.



107. C’est donc à bon droit que le jugement du 22 janvier 2018 a jugé que la contrefaçon étant un délit continu et que chaque usage qualifié d’illicite constituant un acte distinct, M. [YB], qui a agi en contrefaçon de droits d’auteur sur la base des photographies figurant dans l’ouvrage ‘Eternel’Le Mans’ imprimé en juin 2013, n’était pas prescrit au jour de son assignation du 23 avril 2016.



108. Le jugement sera confirmé sur ce point.



6) Sur le bien-fondé de l’action en contrefaçon



109. M. [YB] demande qu’il soit jugé que les photographies issues du fonds [W] reproduites dans l’ouvrage litigieux ‘Eternel'[Localité 5]’ sont des oeuvres originales de [C] [W] et d'[O] [YB] et sont protégeables par le droit d’auteur au sens du code de la propriété intellectuelle et qu’en les reproduisant sans son autorisation, ni mention du nom de leurs auteurs, ou en les recadrant, la société Launic et Mme [J] ont commis des actes de contrefaçon portant atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux en sa qualité d’ayant-droit desdits auteurs.



110. La société Launic et Mme [J] contestent le caractère original des photographies et, par voie de conséquence, les actes de contrefaçon.



111. Le droit d’auteur confère deux types de droits : le droit moral ‘ ou droit de paternité et respect de l”uvre ‘ qui protège les intérêts non économiques de l’auteur et le droit patrimonial qui permet au titulaire de droits de percevoir une rémunération pour l’exploitation de ses ‘uvres par des tiers.



112. La protection des photographies est prévue par l’article L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle qui dispose que ‘sont considérées notamment comme des ‘uvres de l’esprit au sens du présent code :

9° Les ‘uvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie’.



113. Pour être protégée au titre du droit d’auteur, une ‘uvre doit être non seulement matérialisée sur un support mais surtout être caractérisée par l’empreinte de la personnalité de son auteur.



114. La règlementation définit le niveau d’originalité par le caractère créatif de l”uvre lequel doit refléter la personnalité de son auteur.



115. La directive 93/98/CEE du Conseil économique européen du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, rappelée par M. [YB], rappelle que ‘Les photographies [‘] sont originales en ce sens qu’elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur.’



116. La jurisprudence nationale en matière d’originalité de l’oeuvre photographique retient qu’elle peut s’évincer du choix de la pose du sujet, de l’angle de prise de vue et de l’éclairage, de la position, de l’expression et des couleurs ou la singularité de la mise en scène créée par le choix du lieu et des accessoires, par l’usage d’une technique particulière de tirage, qui ‘librement opérés, traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, une démarche propre à son auteur qui porte l’empreinte de la personnalité de celui-ci’.



117. Il incombe au photographe ‘ ou à son ayant-droit ‘ de rapporter la preuve de l’originalité, ce qui signifie que le demandeur doit démontrer, pour se voir reconnaître le droit à la protection de l’oeuvre, l’empreinte de sa personnalité sur l’oeuvre revendiquée.



118. En l’espèce, les photographies réalisées par [C] [W] et [O] [YB] sur la période considérée du livre litigieux, soit de 1949 à 1959, durant la course des ’24 heures du Mans’ procèdent d’un parti pris qui était celui de restituer, non pas les pilotes, les automobiles et leurs performances ainsi que cela est généralement fait pour tout sport automobile, mais la vie autour du circuit et l’atmosphère particulière qui y régnait : ainsi des scènes de famille aux abords du circuit, d’ouvriers au garage, d’enfants autour d’un véhicule, de discussions entre décideurs politiques de l’époque, etc’, toutes scènes qui n’étaient pas mises en valeur à l’époque où étaient plutôt valorisées la vitesse, la performance mécanique, la compétition.



119. Le sommaire de l’ouvrage litigieux met en évidence l’originalité des sujets traités, en articulant, pour restituer la ‘magie du Mans’, les clichés par thèmes en 14 chapitres :

Chapitre 1 – Les grandes figures

Chapitre 2 – Le circuit tel qu’il était et ne sera plus

Chapitre 3 – Quand un pesage chasse l’autre

Chapitre 4 – Être ou ne pas être conforme ‘

Chapitre 5 – Les enfants du Mans

Chapitre 6 – Garages et hébergements

Chapitre 7 – Heurts et malheurs

Chapitre 8 – Transporteurs à tout va

Chapitre 9 – Personnages en tout genre

Chapitre 10 – L’éternel féminin

Chapitre 11 – Débuts et fins de course

Chapitre 12 – Mécaniques et mécaniciens

Chapitre 13 – Vu du public

Chapitre 14 – Publicité et restauration



120. La préface de l’ouvrage met également en évidence cette originalité en soulignant que les clichés ont été ‘pris sur le vif’ (Propos de [L] [G], co-auteur de l’ouvrage) et montrent ‘sur le circuit du Mans autre chose que les voitures et la piste. Faire revivre l’ambiance des belles années des 24 Heures quand le public associait, à cette semaine du mois de juin, l’idée d’une belle et grande fête de famille. Pourquoi ce choix qui va de 1949 à 1959 ‘ parce qu’il me semble qu’à cette époque de l’après-guerre, l’insouciance était au rendez-vous. C’est de cet esprit de fête et de partage dont je voulais témoigner à travers ces clichés souvent inédits.’ (Propos de [U] [J]).



121. L’ouvrage lui-même dit encore que, s’agissant des grandes figures des années cinquante, la galerie de portraits ‘saisis sur le vif’ tient d’abord et avant tout de ‘l’originalité du document ou à la symbolique qui s’en dégage’.



122. Il s’évince de ces constatations que toutes les photographies reproduites dans l’ouvrage litigieux ‘Eternel'[Localité 5]’, qui procèdent toutes de cette même approche thématique et esthétique, sont empreintes de la touche personnelle de leurs auteurs et ne sont en aucun cas ‘banales’ contrairement à ce que soutiennent les intimées. Comme telles, elles sont originales au sens du code de la propriété intellectuelle et doivent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur.



123. Sous le bénéfice de ces observations, l’action en contrefaçon intentée par M. [X] [YB] est jugée bien fondée.



7) Sur la demande de mise hors de cause de Mme [J]



124. Mme [J] demande sa mise hors de cause en l’absence de faute détachable de ses fonctions de gérante de la sarlu Launic.



125. M. [YB] estime que Mme [J] a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité détachable de ses fonctions de dirigeante de la société Launic engageant sa responsabilité personnelle dans les actes de contrefaçon commis.



126. Il s’évince des pièces produites :

– que Mme [J] soutient que le fonds [W] a été transmis, comme c’est l’usage, avec le fonds de commerce au moment de la vente de celui-ci en 1987 à la SNPP dont la gérante était sa fille [M] [J],

– que, toutefois, en contradiction avec cette assertion, ce fonds n’a pas été revendu au titre des actifs présents dans la liquidation judiciaire de la SNPP ouverte dès 1991 et clôturée en 1998 pour insuffisance d’actifs,

– que si tel avait été le cas (vente avec le fonds de commerce), il n’est alors pas explicable, autrement que par un détournement, qu’il se soit retrouvé au domicile personnel de Mme [U] [J], domicile qui constituait également le siège social de la société Launic, à compter d’une date et dans des circonstances qui ne sont pas précisées et alors qu’elle n’était pas l’acquéreur du fonds de commerce.



127. En qualité de photographe professionnelle et locataire-gérante du magasin de photographie Studio [W] à compter de 1982, rebaptisé studio Washington, Mme [M] [J], se disant ‘formée aux multiples facettes de la photographie à [Localité 8], non loin des [Adresse 4] précisément)’ (Cf. ouvrage litigieux, préface), ne pouvait ignorer que ce fonds photographique historique de la course des 24 H du Mans représentait une valeur marchande certaine, fonds qu’elle qualifiera du reste de ‘trésor patrimonial’ ou ‘Renaissance d’un trésor’ dans la préface de son ouvrage ou encore de ‘plus grande compilation au monde de photos liées aux 24 Heures et à son histoire depuis 1949.’



128. Ni l’absence de revendication pendant quelques années de ce fonds photographique par M. [YB], ayant-droit, ni le travail de mise en valeur de ce fonds par le studio Washington lui-même ne sont de nature à l’exonérer de sa propre responsabilité dès lors que l’exploitation d’une ‘uvre photographique appartenant à un tiers appelle de s’enquérir préalablement des conditions juridiques dans lesquelles celle-ci est possible.



129. En s’appropriant à son domicile personnel une collection historique de négatifs et de plaques de verre retraçant sur plusieurs années la course mythique des 24 h du Mans, collection dont elle reconnaît qu’elle a été créée par [C] [W] à l’exclusion de tout cliché pris par Mme [J] elle-même, et alors que ce fonds ne lui avait pas été cédé, ou aurait dû, s’il avait été considéré comme ayant été cédé avec le fonds de commerce comme elle le soutient, être revendu par le mandataire liquidateur de la SNPP, Mme [J] a commis une faute détachable de ses fonctions de gérante de la sarlu Launic.



130. Sa demande de mise hors de cause sera rejetée.



8) Sur les préjudices de M. [YB]



131. En reproduisant les photographies issues du fonds [W] dans l’ouvrage litigieux ‘Eternel'[Localité 5]’, sans autorisation ni contrepartie financière ni mention du nom des auteurs ou en recadrant certains clichés, et en exploitant ces reproductions à travers un ouvrage ‘souvenir’ édité à l’occasion du 90ème anniversaire estampillé ‘Collection Washington Photo’ et vendu au prix unitaire de 45 € en 2013 et 35 € à partir de 2014, Mme [U] [J] et la société Launic ont commis des actes de contrefaçon qui ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de M. [X] [YB] en sa qualité d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB] ainsi qu’à son droit de divulgation.



8.1) Sur le préjudice patrimonial



132. L’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée,

2° Le préjudice moral causé à cette dernière,

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’



133. Il résulte des mentions du procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016 que Mme [U] [J] a fait éditer mille exemplaires du livre ‘Eternel'[Localité 5]’ au prix d’achat de 13/14 € et qu’elle les a revendus, à l’exception de 50 exemplaires retrouvés à son domicile, au prix public de 45 € en 2013 puis 35 € à partir de 2014, le prix de vente aux libraires était quant à lui d’un montant unitaire de 25 € HT pour 80 % des ventes.



134. Mme [J] ne conteste pas ces chiffres, se contentant de plaider l’absence de tout préjudice et le caractère arbitraire des chiffres avancés.



135. En réalité, c’est un bénéfice de près de 11 € ou 12 € par ouvrage, soit une moyenne que la cour fixe à 11,50 € par ouvrage, qui a pu être réalisé par Mme [J] à l’occasion de la vente des 950 exemplaires, ce qui représente un manque à gagner pour M. [YB] qui est calculé comme suit : 950 exemplaires x 11,50 € = 10.925 €.



136. En conséquence, il convient de condamner in solidum la société Launic et Mme [J] à payer à M. [YB] cette somme de 10.925 € au titre du préjudice né de l’atteinte au droit patrimonial d’auteur, les autres exploitations alléguées par M. [YB] n’étant pas démontrées.



8.2) Sur le préjudice moral



137. S’agissant du préjudice moral, il résulte de l’examen de l’ouvrage qu’aucune des photographies ne portent la mention de son auteur, qu’au contraire, chaque bas de page est estampillé de la mention ‘Collection Washington Photo’ du nom du studio adopté par M. Mme [J] au moment de la reprise du studio [W], qu’il s’agit là d’une man’uvre d’appropriation de l”uvre de [C] [W] et d'[O] [YB] en la débaptisant de son nom historique ‘Studio [W]’ pour lui substituer celui de ‘Collection Washington Photo’ sans support contractuel.



138. [U] [J], photographe de métier, ainsi qu’elle le souligne en introduction de l’ouvrage, n’a pas manqué de percevoir l’irrégularité dans le processus de ‘transmission’ du fonds [W] puisque, ne pouvant écrire qu’elle l’avait acquis de manière régulière, elle mentionne dans la préface, après avoir rappelé que la collection avait été commencée par [C] [W], que ‘bizarrement, si ce trésor patrimonial s’enrichissait année après année, les négatifs restant la propriété du magasin, il ne s’est pas révélé du jour au lendemain’.



139. Sous le bénéfice de ces observations, la cour fixe à la somme de 20.000 € le montant dû à M. [YB] en dédommagement de l’atteinte à son droit d’auteur moral en sa qualité d’ayant-droit de [C] [W] et [O] [YB] et condamne in solidum Mme [U] [J] et la société Launic à lui payer cette somme.



9) Sur la restitution des classeurs et l’interdiction d’exploiter



140. En conséquence de ce qui précède, il convient d’ordonner à Mme [U] [J] de restituer à maître [R], commissaire de justice, les 16 classeurs qui lui ont été restitués le 26 août 2020, de l’interdire, dans les limites temporelles fixées par le code de la propriété intellectuelle, ainsi qu’à la société Launic de reproduire, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, toute image issue desdits classeurs et de les interdire d’utiliser les photographies du fonds [W] sans respecter les droits moraux de M. [YB] en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB] et en particulier sans mentionner les crédits.



141. Le jugement sera infirmé sur ces points.



142. Il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de réserve par la cour d’appel de la liquidation de l’astreinte.



10) Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive



143. De même, en conséquence de ce qui précède, la demande de la société Launic et de Mme [J] au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.



144. Le jugement sera confirmé sur ce point.



11) Sur les dépens et les frais irrépétibles



150. Succombant, la société Launic et Mme [J] supporteront les dépens d’appel ainsi que les dépens de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef. La distraction au profit de la SCP Jean-David Chaudet, avocat au barreau de Rennes, sera ordonnée conformément à l’article 699 du code de procédure civile.



151. Enfin, il n’est pas inéquitable de condamner la société Launic et Mme [J] à payer à M. [X] [YB] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, qui incluent les frais de saisie et de constat.



152. Le jugement sera infirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de ce chef de la société Launic et de Mme [J] seront rejetées.


Dispositif

PAR CES MOTIFS



La cour,



Donne acte à M. [YB] de ce qu’il a retiré des débats les pièces 1.6 a à f communiquées par bordereau du 13 mars 2023 et la pièce 1.6 bis constituée d’une copie d’un certificat médical et de ses bulletins de salaires,



Déclare recevables les pièces n° 3, 6, 27, 28, 30 à 32, 34, 36 à 38, 40 à 45, 48 à 53 produites aux débats par la société Launic et Mme [U] [J],



Rejette l’exception d’incompétence d’attribution de la cour d’appel pour statuer sur la demande de nullité de la saisie-contrefaçon autorisée le 25 février 2016 et diligentée le 22 mars 2016,



Rejette la demande d’annulation de la procédure de saisie-contrefaçon autorisée par ordonnance du 25 février 2016 et diligentée le 22 mars 2016,



Confirme le jugement du 22 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu’il a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [YB],

– débouté la société Launic et Mme [J] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,



L’infirme pour le surplus,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déclare M. [X] [YB] recevable en son action en contrefaçon en qualité d’ayant-droit de son père [O] [YB] et de son grand-père [C] [W],



Dit que les droits d’auteur de [C] [W] et d'[O] [YB] sur les clichés photographiques de l’ouvrage ‘Eternel'[Localité 5]’ édité en juin 2013 par ITF Imprimeurs n’ont pas été cédés à quiconque,



Déclare bien fondée l’action en contrefaçon intentée par M. [X] [YB] contre l’ouvrage ‘Eternel'[Localité 5]’ édité en juin 2013 par ITF Imprimeurs,



Rejette la demande de mise hors de cause de Mme [U] [J],



Condamne in solidum la société Launic et Mme [U] [J] à payer à M. [X] [YB] la somme de 10.925 € au titre de l’indemnisation du préjudice né de l’atteinte au droit patrimonial d’auteur,



Condamne in solidum la société Launic et Mme [U] [J] à payer à M. [X] [YB] la somme de 20.000 € au titre de l’indemnisation du préjudice né de l’atteinte au droit moral d’auteur,



Ordonne à Mme [U] [J] de restituer à maître [R], commissaire de justice, les 16 classeurs qui lui ont été restitués le 26 août 2020,



Fait interdiction à Mme [U] [J] et à la société Launic, dans les limites temporelles fixées par le code de la propriété intellectuelle, de reproduire sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, toute image issue desdits classeurs et d’utiliser les photographies du fonds [W] sans respecter les droits moraux de M. [YB] en sa qualité d’auteur et d’ayant droit de son grand-père [C] [W] et de son père [O] [YB],



Rejette la demande de réserve de la liquidation de l’astreinte,



Condamne in solidum la société Launic et Mme [U] [J] aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de la SCP Jean-David Chaudet, avocat au barreau de Rennes, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,



Condamne in solidum la société Launic et Mme [U] [J] à payer à M. [X] [YB] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles,



Rejette le surplus des demandes.



LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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