Your cart is currently empty!
27 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-11.002
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mars 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10198 F
Pourvoi n° F 18-11.002
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme T… K…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 9 septembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. V… N…, domicilié […] ,
2°/ à l’association Oeuvre de secours aux enfants, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 février 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme K…, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de l’association Oeuvre de secours aux enfants ;
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme K… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l’association Oeuvre de secours aux enfants la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme K…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la photographie et le passage invoqués par Mademoiselle T… K… ne bénéficient pas de la protection des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle et d’avoir rejeté toutes ses demandes, outre les demandes reconventionnellement formées ;
Aux motifs qu’« en préambule, qu’il ressort du jugement que mademoiselle K… soulevait l’irrecevabilité des défendeurs à contester l’originalité des oeuvres en cause au nom de divers principes généraux du droit ;
Que si, en cause d’appel, elle reprend partie de son argumentation et se prévaut de leur divulgation sous son nom ainsi que de l’exécution de bonne foi des contrats la liant à l’association qui la rémunéraient sous forme de droits d’auteur et ne permettaient pas d’en faire usage au-delà du numéro du magazine qui les a divulgués, estimant, à cet égard, que le tribunal a violé l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle en exigeant que ces oeuvres soient originales ou a dénaturé lesdits contrats, et si l’association réfute quant à elle cette argumentation en faisant valoir que les contrats dont s’agit ne s’analysent pas en une reconnaissance de l’originalité des oeuvres produites, force est de considérer que le tribunal y a exactement répondu dans les motifs du jugement, sans trancher un moyen d’irrecevabilité en son dispositif et qu’aucune demande à ce titre ne figure dans le dispositif des dernières conclusions d’appel des parties, en méconnaissance des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile
;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur la question telle que présentée, d’autant que le bénéfice de la protection revendiquée est accordé à une oeuvre lorsqu’elle a pris forme et est imprégnée de la personnalité de son auteur, cela indépendamment du contexte ici évoqué ;
Sur l’éligibilité de la photographie représentant monsieur N… à la protection du droit d’auteur
Considérant que, se prévalant des enseignements de la jurisprudence communautaire (CJUE, 1 er décembre 2011, Painer/ Axel Springer AG et autres), mademoiselle K… présente comme suit la combinaison des caractéristiques de cette photographie donnant prise au droit d’auteur en faisant état de choix libres et créatifs destinés à caractériser une proximité des lecteurs avec le sujet photographié, en le rendant simple, disponible et accessible malgré l’importance de ses fonctions représentatives et associatives :
1 « au stade de la phase préparatoire
Cette proximité, cette simplicité se concrétisent par :
le choix d’un extérieur familier des employés de l’OSE, la cour de l’immeuble de l’OSE, d’une lumière naturelle oblique, en accentuant les ombres projetées et par la sélection d’un fond sans artifice mais compliqué, polychrome, non uniforme, strié par des lignes verticales, dont plusieurs au-dessus du front de monsieur N…, et horizontales afin de montrer par ailleurs la dualité et la complexité de ce sujet telles que ressenties par l’auteur,
le refus de recourir à tout flash pour éviter d’avoir des yeux clos ou l’effet « yeux rouges », le choix d’une mise en scène extérieure rendant d’ailleurs inutile un tel recours,
une tenue vestimentaire « casual » et populaire (veste en velours) et une expression du visage décontractée, ces choix mettant en relief les traits de la personnalité du sujet, à savoir sa bonhomie, son caractère ouvert au dialogue, quasi indispensables à sa fonction,
2 au stade de la prise de la photographie
Mademoiselle K… avait aussi pour objectif de créer une atmosphère rassurante pour ses interlocuteurs, notamment les familles et les contributeurs, concrétisée par :
un cadrage du visage du sujet en gros plan pour rendre proche et humaniser monsieur N… ; « le cadrage en gros plan qui occupe pratiquement tout l’espace permet de faire ressortir les détails de son visage et crée un effet de proximité et d’intimité avec le sujet, recherché par l’auteur » (CA Paris, I 1 juin 2010, n° 09/12560),
un axe de prise de vue, légèrement décalé par rapport au regard du sujet. Donc, en évitant le regard fixe, scrutateur et parfois gênant, en reprenant une position fréquente de l’observateur rarement directement face à son interlocuteur,
3 au stade du développement
La photographie n’a pas été retouchée. Le contraste, l’exposition et la saturation des couleurs ont en revanche été étalonnés afin d’intégrer correctement cette photo dans le cadre graphique de la revue Osmose dont mademoiselle K… assurait la rédaction en chef. » ;
Que pour voir infirmer le jugement qui a dénié l’originalité de cette photographie, l’appelante fait état d’une autre décision de la présente juridiction qui l’opposait à un tiers à l’actuelle procédure et en a reconnu l’originalité ; qu’elle se prévaut de choix artistiques reflétant sa personnalité plutôt que d’efforts fournis et de choix techniques ainsi que de sa recherche de l’authenticité, visible dans les différents numéros de la revue Osmose dont elle eut la charge, en affirmant que le caractère original de cette photographie n’est pas affecté par l’utilisation d’une technique plus simple ou par celle d’appareils photographiques récents
Considérant, ceci exposé, que l’appelante ne peut valablement se prévaloir d’une décision étrangère au présent litige qui n’opposait pas les mêmes parties et dans lequel l’originalité de la photographie en cause n’était pas contestée ;
Qu’à l’examen de cette photographie et eu égard aux éléments de la procédure, rien ne permet de retenir que la tenue vestimentaire, l’expression du visage ou le choix d’une lumière naturelle en extérieur ressortent des choix de la photographe ; que, présentât-il des axes horizontaux, le fond neutre du visuel, de nature à faire ressortir le sujet, s’inscrit dans les usages en matière de photographies de portraits ;
Que la prise de vue selon un cadrage rapproché et quasiment de face s’inscrit dans ces mêmes pratiques et que rien ne conduit à considérer que la photographe ait introduit dans cette prise de vue sa propre sensibilité ;
Qu’enfin, comme pertinemment énoncé par les premiers juges dont l’association intimée s’approprie les motifs, l’absence de retouche n’est pas de nature à conférer une touche d’originalité à ce cliché par eux considéré comme dépourvu d’âme ;
Qu’il suit que les caractéristiques revendiquées, prises isolément, ne sont pas susceptibles d’être tenues pour des choix personnels et que, dans leur combinaison, elles ne révèlent pas davantage l’empreinte de la personnalité de l’auteur de cette photographie si bien que le jugement qui dit qu’elle ne bénéficie pas de la protection des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle doit être confirmé en cette disposition, mademoiselle K… échouant, par conséquent, en son action en contrefaçon à ce titre ;
Sur l’éligibilité de la phrase revendiquée à la protection du droit d’auteur Considérant que l’appelante, qui incrimine la reproduction contrefaisante dans les parutions du magazine Osmose de la phrase suivante : « Cette unité de dépistage médical en milieu scolaire communautaire, quelles que soient les sensibilités et pratiques du judaïsme, est au coeur des actions de l’OSE », se prévaut de l’originalité de l’extrait d’un article de sa plume paru en page 4 du numéro 14 de la revue Osmose (avril-juin 2007) ainsi rédigé :
« Avec cette unité de dépistage en milieu scolaire communautaire, quelles que soient les sensibilités et pratiques du judaïsme, nous sommes au coeur de l’action médico-sociale historique de l’OSE » ;
Qu’elle reproche au tribunal d’avoir dénaturé ses conclusions et fait une mauvaise interprétation du droit, estimant, par ailleurs, que ne peut être retenue, faute d’éléments de preuve venant l’étayer, l’affirmation de son adversaire selon laquelle l’article paru dont cette phrase est extraite ne serait qu’un recueil de citations de tiers ;
Qu’elle soutient que ce texte opère une présentation concise, dense, fluide, en termes clairs et compréhensibles par le lecteur lambda, du service médical en cause, en une seule phrase et en usant de figures stylistiques : rejet en début de phrase, analogie, métaphore ;
Qu’elle a fait choix de synonymes évocateurs, recourant au terme « communautaire » pour éviter la redondance « judaïque », du mot «dépistage » pour évoquer le caractère préventif de cette unité, préféré aux mots « formes » et « centre » les termes « sensibilités » et « coeur », choisi le vocable « action » pour insister sur le caractère opérationnel de l’unité ou rappelé par un raccourci sémantique le lien historique entre la double mission médicale et sociale à l’origine de la création de l’association et l’actuelle unité médicale, si bien que cet extrait est, selon elle, original ;
Que le sont aussi la construction de cette phrase, sa première partie n’étant pas une introduction mais un rejet débutant par une conjonction de coordination et servant d’accroche au lecteur, l’emploi de formules stylistiques, telle la métaphore « unité » qui désigne à la fois le service et ses activités, le recours à des mots chargés de sens pour les lecteurs juifs comme « sensibilité » ou « pratique » ou à celui du mot « coeur » destiné à humaniser la présentation d’un groupe médical ;
Considérant, cela étant exposé, qu’il résulte des enseignements de la juridiction communautaire (CJCE, 16 juillet 2009, Infopaq, § 47) cités par l’association OSE, que l’article 2 de la directive 2001/29, à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, qu’ « il ne saurait être exclu que certaines phrases isolées, ou même certains membres de phrases du texte concerné, soient aptes à transmettre au lecteur l’originalité d’une publication telle qu’un article de presse, en lui communiquant un élément qui est, en soi, l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cet article », ceci du fait de la nécessité d’interpréter largement la portée de la protection que confère ce texte de la directive ;
Que cet arrêt enseigne également que les mots en tant que tels, faute d’être une création intellectuelle de l’auteur qui les utilise, ne constituent pas des éléments sur lesquels porte la protection mais que « ce n’est qu’à travers le choix, la disposition et la combinaison de ces mots qu’il est permis à l’auteur d’exprimer son esprit créateur de manière originale et d’aboutir à un résultat constituant une création intellectuelle » (§ 45 et 46)
;
Qu’en l’espèce, force est de considérer que l’appelante ne fait état que des possibles alternatives dans le choix des mots employés, ainsi « dépistage » plutôt que « prévention », en conférant aux mots employés une dimension susceptible d’échapper au « lecteur lambda » auquel elle se réfère qui est, notamment, coutumier d’expressions comme « coeur de métier » ou « coeur de ville » ou encore « sensibilité politique » dont le premier terme est devenu descriptif pour désigner un courant, et reconnaît elle-même que le choix d’un mot comme « communautaire » lui permettait d’éviter une redondance, proscrite en matière littéraire ; qu’elle ne peut davantage valablement prétendre avoir exprimé son esprit créateur en contractant deux termes pour définir le champ dual d’une action, d’usage courant, telle, à titre exemplatif, la contraction « médico-légal » ;
Que le terme « unité » lié au terme dépistage ne peut être tenu pour une métaphore qui se définit comme « une figure de rhétorique qui consiste à désigner un objet ou une idée par un mot qui convient pour un autre objet ou une autre idée liés aux précédents par une analogie » (Henri Bénac) tant, dans le langage courant, ce tenue « unité » associé à dépistage ne renvoie pas partiellement à autre chose que ce qu’elle est, à savoir « une structure organisée dans un ensemble plus vaste » (dictionnaire Le Petit Robert) ;
Qu’elle ne peut, non plus, avoir exprimé son esprit créateur de manière originale dans la construction de la phrase revendiquée, les premiers juges ayant exactement considéré que son premier membre s’analysait en une simple introduction linéaire sans véritable construction ;
Qu’il en résulte que chacun des éléments tels que revendiqués ne peut être considéré comme étant porteur de la personnalité de l’auteur de cet extrait d’article et que leur agencement, qu’il s’agisse du choix des mots, de leur association ou disposition, ne permet pas de déceler l’empreinte personnelle de celle qui les a combinés ;
Que cette oeuvre ne pouvant être considérée comme donnant prise au droit d’auteur, le jugement sera confirmé en ce qu’il en dispose ainsi et mademoiselle K… déboutée de son action en contrefaçon à ce titre » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « Les dispositions de l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, pourvu qu’elles soient des créations originales. Selon l’article L.112-2 1° et 9°, les écrits littéraires et les photographies sont considérés comme oeuvres de l’esprit.
En l’espèce, Mademoiselle K… revendique des droits sur une photographie et sur un article.
Pour ce qui est de la photographie, elle représente Monsieur N… de face, en portrait, et la demanderesse précise l’avoir réalisée initialement pour illustrer son article sur lui, paru en page 8 du n°12 (octobre-décembre 2006) de la revue OSMOSE.
S’agissant de l’article, il est donc relatif à l’unité de médecine scolaire préventive de l’OSE, et a été initialement publié en page 4 du n°14 (avril juin 2007) de ladite revue, étant précisé que l’extrait litigieux est ainsi rédigé : « Avec cette unité de dépistage médical en milieu scolaire communautaire, quelles que soient les sensibilités et pratiques du judaïsme, nous sommes au coeur de l’action médico-sociale historique de l’OSE ».
Les défendeurs contestent le caractère protégeable de cette photographie, en formant des demandes que Mademoiselle K… estime irrecevables.
*la recevabilité des demandes contestant l’originalité
Mademoiselle K… conteste la recevabilité des défendeurs à mettre en cause la protection de sa photographie et de son article.
En vertu du principe de l’estoppel selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, elle soutient ainsi que, en lui faisant signer un contrat pour notamment publier ladite photographie et ledit article, l’association et Monsieur N… ont ainsi reconnu sa position d’auteur, de sorte qu’ils ne pourraient plus aujourd’hui mettre en cause ses droits d’auteur.
De même, le principe de l’exécution des contrats de bonne foi les empêcherait d’utiliser à présent ce qui avait été conclu antérieurement pour une utilisation limitée.
La règle nemo auditur fait selon elle que l’association OSE et son directeur de l’époque ne pourraient pas soutenir qu’en reconnaissant à l’époque la protection par le droit d’auteur de ses oeuvres, ils auraient commis une erreur de fait ou de droit car se faisant ils se prévaudraient de leur propre turpitude.
Enfin, les faits qui viennent d’être rappelés sont pour elle autant de faits reconnus sans ambiguïté de manière extrajudiciaire, tandis que Monsieur N…, qui a admis dans ses écritures avoir cessé toute utilisation de la photographie en question, aurait à la croire fait ainsi un aveu judiciaire.
Cependant, comme le font valoir à bon droit les défendeurs, un contrat ayant pour objet la fourniture d’un travail, fût-il d’écriture ou de photographie, ne vaut en aucun cas la reconnaissance de l’originalité des oeuvres produites plus tard en justice.
Par ailleurs, si Monsieur N… a cessé d’utiliser la photographie en cause après avoir reçu une mise en demeure de la part de Mademoiselle K…, ce n’est pas en reconnaissance du bien fondé des moyens présentés en demande, mais comme il le dit lui-même uniquement pour manifester sa volonté d’apaisement et de « mettre un terme rapide à un conflit ubuesque ».
Enfin, comme le souligne l’association OSE, la déclaration d’une partie ne peut être retenue contre elle que si elle porte sur un point de fait et non sur une question juridique telle que l’appréciation du caractère protégeable d’une oeuvre de l’esprit.
Dès lors, à supposer que cette question de la recevabilité se posait réellement puisqu’il appartient également au juge d’apprécier la protection dont bénéficient les oeuvres qui lui sont soumises, Monsieur N… et l’association OSE sont recevables à contester l’originalité de la photographie et de l’article invoqués.
*l’originalité
a. la photographie
Mademoiselle K… considère que l’originalité de sa photographie est démontrée par l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS qui, dans le cadre d’un litige l’opposant à une société tierce, a condamné cette dernière pour contrefaçon.
Par ailleurs, elle fait valoir que l’originalité de ce portrait réside dans les choix qu’elle a opérés, à savoir, au stade de la phase préparatoire, par le choix d’un extérieur familier des employés de l’association OSE, à savoir la cour de l’immeuble, le refus de recourir à tout flash, et le choix pour le sujet, c’est-à-dire Monsieur N…, d’une tenue vestimentaire casual et populaire.
Elle ajoute, pour ce qui est de la prise de la photographie elle-même, avoir cadré le sujet en gros plan pour « rendre proche et humaniser Monsieur N… », avec un axe de prise de vue légèrement décalé par rapport au regard de celui-ci.
Enfin, s’agissant du stade du développement, elle indique avoir choisi de ne pas retoucher la photographie, mais d’avoir étalonné le contraste, l’exposition et les couleurs pour intégrer le cliché dans la charte graphique de la revue.
Monsieur N…, qui souligne que si l’originalité de la photographie a été retenue dans un autre litige, c’est uniquement parce que la défenderesse ne l’avait alors pas contestée, soutient quant à lui que Mademoiselle K… n’a en réalité opéré aucun choix, puisque le lieu est à peine visible et qu’elle ne démontre pas être intervenue en quoi que ce soit dans son choix, qu’elle indique elle-même n’avoir rien fait pour ce qui est de l’éclairage, que le cadrage est tout simplement un portrait « d’une grande banalité », et que ni l’angle, ni l’ambiance ne sont le résultat de choix esthétiques, tandis que le tirage du cliché n’a, de l’aveu même de la demanderesse, pas recelé la moindre technique de développement.
Pareillement, l’association OSE considère que l’analyse de la photographie litigieuse révèle qu’il s’agit d’un portrait représentant simplement le visage d’un homme pris de face en gros plan, sans aucun positionnement particulier, sans aucun jeu de lumière, et sans aucun travail particulier de la part de la demanderesse.
De fait, l’originalité d’une photographie, plutôt qu’au simple choix entre deux ou plusieurs options, tient avant tout à ce qui émane d’elle pour celui qui la regarde, à savoir un point de vue personnel, une approche particulière au photographe qui le distingue ainsi de la foule des photographes amateurs qui se contentent d’appuyer sur un bouton.
Or, force est de constater que le cliché invoqué, simple portrait d’un homme, de face, en gros plan, sur fond de mur grisâtre, ne diffuse aucunement une telle touche, mais ressemble au contraire à tous les portraits qu’on peut voir à foison de par le monde.
Plus précisément, outre qu’il n’est pas démontré que Mademoiselle K… aurait elle-même choisi le lieu où cette photographie a été prise ou les vêtements de Monsieur N…, ces choix n’auraient de toute façon pas eu pour effet de conférer à la photographie dont s’agit l’empreinte de la personnalité son auteur.
De même, le choix d’un gros plan et l’axe de vue décalé, dont on ne voit pas bien à quoi il est ainsi fait référence, ne ressortent pas davantage d’un parti pris esthétique, mais d’une simple circonstance.
Enfin, l’absence de retouche n’est pas plus de nature à conférer une touche d’originalité à ce cliché sans âme.
Dès lors, la photographie invoquée ne bénéficie pas de la protection par les livres I et III du Code de la propriété intellectuelle.
b. l’article
Mademoiselle K… souligne que son article sur l’unité de médecine scolaire préventive opère une présentation « concise, dense, fluide, en termes clairs et compréhensibles par le lecteur lambda » du service en question, en usant de figures stylistiques comme le rejet en début de phrase, l’analogie ou la métaphore, veillant au choix de « synonymes évocateurs » et recourant par exemple au mot communautaire « pour éviter la redondance judaïque, préférant les termes sensibilités et coeur aux mots formes et centre, de sorte que ce paragraphe traduit selon elle son parti pris esthétique et porte l’empreinte de sa personnalité.
L’association OSE considère au contraire que l’article paru en page 4 du magazine OSMOSE n’est qu’un recueil de citations de tiers ou de données statistiques, tandis que la phrase issue de cet article et reproduite ne peut être protégée par le droit d’auteur, les termes utilisés étant purement descriptifs pour décrire son action médicale, et la combinaison des mots n’étant pas originale.
De fait, il convient en premier lieu de noter que seule la contrefaçon d’un paragraphe de l’article dont s’agit est alléguée, de sorte que l’originalité de l’entier article est ici indifférente, seule comptant celle de la phrase reproduite.
Or, il apparaît que les figures stylistiques évoquées dans les écritures de la demanderesse ne sont pas, c’est un euphémisme, caractérisées, le Tribunal cherchant en vain dans le paragraphe en question les analogies ou les métaphores alléguées.
De plus, la première partie de la phrase, à savoir « Avec cette unité de dépistage médical en milieu scolaire communautaire », est une simple introduction linéaire sans véritable construction, le terme communautaire étant on ne peut plus usuel, il en est de même de la suite, c’est-à-dire « quelles que soient les sensibilités et pratiques du judaïsme », la formulation étant habituelle et le mot sensibilités étant souvent employé, comme le fait valoir à juste titre l’association défenderesse, pour décrire le courant d’une religion ou d’un parti politique, tandis que la fin de la phrase, en l’occurrence « nous sommes au coeur de l’action médico-sociale historique de l’OSE », ne démontre aucun parti pris esthétique, le mot coeur étant usuel pour évoquer la partie centrale ou le point important d’une structure ou d’un élément.
Ainsi, nulle disposition des locutions, nulle combinaison des mots pouvant exprimer l’esprit créatif de son auteur n’est caractérisée par la demanderesse.
Cette phrase ne bénéficie pas non plus de la protection du droit d’auteur.
Toutes les demandes de Mademoiselle K… au titre de la contrefaçon, ainsi par voie de conséquence qu’à celui de la résistance abusive, seront donc rejetées » ;
Alors que, d’une part, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ; que le code de la propriété intellectuelle protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ; qu’en estimant que le bénéfice de la protection revendiquée est accordé à une oeuvre lorsqu’elle a pris forme et est imprégnée de la personnalité de son auteur, quand la protection d’une oeuvre de l’esprit n’est pourtant pas subordonnée à son originalité (empreinte de la personnalité de l’auteur), la cour d’appel a violé les articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Alors que, d’autre part, les termes oeuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, telles que: les livres, brochures et autres écrits, les conférences, allocutions, sermons et autres oeuvres de même nature, les oeuvres dramatiques ou dramatico–musicales, les oeuvres chorégraphiques et les pantomimes, les compositions musicales avec ou sans paroles, les oeuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les oeuvres exprimées par un procédé analogue à la cinématographie, les oeuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie, les oeuvres photographiques, auxquelles sont assimilées les oeuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie, les oeuvres des arts appliqués, les illustrations, les cartes géographiques; les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux sciences ; qu’en estimant que le bénéfice de la protection revendiquée est accordé à une oeuvre lorsqu’elle a pris forme et est imprégnée de la personnalité de son auteur, quand la protection d’une oeuvre de l’esprit n’est pourtant pas subordonnée à son originalité (empreinte de la personnalité de l’auteur), la cour d’appel a violé les 2 et 5 de la convention de Berne du 9 septembre 1886 ;
Alors que, en toute hypothèse, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; qu’en exigeant, cependant, en l’espèce, de manière contra legem, que l’oeuvre présente un caractère d’originalité pour bénéficier de la protection du droit d’auteur, le juge a fait oeuvre de partialité, privant ce faisant, le justiciable d’un procès équitable, en violation de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’homme ;
Alors que, enfin, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu’en décidant, néanmoins, en l’espèce qu’un contrat ayant pour objet la fourniture d’un travail, fût-il d’écriture ou de photographie, ne vaut en aucun cas la reconnaissance de l’originalité des oeuvres produites plus tard en justice, la cour d’appel a méconnu l’article 1134 alinéas 1 et 3 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.