Originalité des oeuvres : 14 janvier 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/00710

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Originalité des oeuvres : 14 janvier 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/00710
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14 janvier 2020
Cour d’appel de Rennes
RG n°
18/00710

1ère Chambre

ARRÊT N°5/2020

N° RG 18/00710 – N° Portalis DBVL-V-B7C-OSO4

M. [C] [V]

C/

Mme [F] [Z] épouse [K]

SARL LAUNIC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JANVIER 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 Novembre 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Janvier 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [C] [V]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représenté par Me Vittorio DE LUCA de la SELARL VERSO AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Madame [F] [Z] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Béatrice LAFONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La SARL LAUNIC, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Béatrice LAFONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La famille [L]-[V] a exploité un magasin de vente de matériels photographiques et de photographies situé à [Adresse 7] puis au 216 de cette même avenue jusqu’en 1982.

Le 10 novembre 1982, M. [I] [V] et Mme [A] [L] épouse [V] (les époux [V]) ont laissé l’exploitation du fonds de commerce en location gérance à la SARL Laboratoire Photographique du Maine (LPM) dont le gérant était M. [B] [K].

Le 11 juillet 1985, la Sarl LPM a cédé ses droits à Mme [R] [K] épouse [T].

Par actes authentiques distincts du 30 juillet 1987 :

– le contrat de location-gérance a été résilié amiablement entre les époux [V] et Madame [R] [K] épouse [T],

– le fonds de commerce a été cédé par Mme [A] [L] épouse [V] à la SARL Société Nouvelle Photographique Professionnelle (SNPP) représentée par Mme [R] [K] épouse [T],

– l’immeuble à usage mixte où était situé le fonds de commerce a été vendu par les époux [V] à M. [B] [K] et Madame [F] [Z] épouse [K], parents de Madame [R] [K] épouse [T].

M. [C] [V], estimant avoir découvert que la société Launic dont la gérante est Mme [F] [Z] épouse [K] (Mme [Z]), reproduisait sans son autorisation et sans mentionner son nom, notamment à travers un ouvrage intitulé ‘Eternel Le Mans’, imprimé en juin 2013, des négatifs et plaques photographiques familiaux n’ayant pas été récupérés dans la réserve par ses parents à l’occasion de la cession du fonds de commerce et sur lesquels il revendique des droits d’auteur en sa qualité d’ayant-droit, a saisi le président du tribunal de grande instance de Rennes aux fins d’être autorisé à faire procéder à une saisie contrefaçon.

Par ordonnance du 25 février 2016, M. [C] [V] a été autorisé par le président du tribunal de grande instance de Rennes à faire procéder à une saisie-contrefaçon de la collection de négatifs et plaques de verre provenant du fond de commerce des studios [L], laquelle a été réalisée par Maître [O] [D], huissier de justice le 22 mars 2016.

Par acte d’huissier du 22 avril 2016, M. [C] [V] a fait assigner la SARL Launic et Madame [F] [Z] devant le tribunal de grande instance de Rennes en contrefaçon de ses droits d’auteur.

Par jugement du 22 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Rennes a :

Déclaré M. [C] [V] irrecevable en toutes ses demandes ;

– Ordonné la restitution à la société Launic des classeurs ayant été saisis par l’huissier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016 ;

– Débouté la société Launic et Mme [F] [Z] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamné M. [C] [V] à payer à la société Launic et Mme [F] [Z] la somme de mille cinq cents euros (mille cinq cents euros) chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [C] [V] au paiement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Béatrice Lafont, y compris les frais afférents à la procédure de saisie-contrefaçon réalisée le 22 mars 2016 ;

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [C] [V] a interjeté appel de cette décision le 25 janvier 2018.

Par conclusions du 14 octobre 2019, M. [C] [V] demande à la cour de :

Vu les articles L 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;

Vu les articles L 331-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;

Vu l’article L 223-22 du Code de commerce ;

Vu les articles 544 et 1382 du Code civil ;

Vu le procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

Vu l’ensemble des pièces produites ;

– Confirmer le jugement rendu le 22 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu’il a :

– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;

– Débouté la société Launic et Mme [Z] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Réformer le jugement rendu en date du 22 Janvier 2018 par le Tribunal de grande instance de Rennes pour le surplus et, statuant de nouveau :

– Dire et juger que les négatifs et plaques de verres issues du fonds de commerce des studios [L] sont des ‘uvres de l’esprit protégées par les dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

– Dire et juger que M. [C] [V] est l’auteur et l’ayant droit de l’ensemble des ‘uvres de l’esprit litigieuses ;

– Dire et juger que la société Launic exerçant sous le nom commercial «Washington photo» a usurpé la qualité d’auteur et d’ayant droit de M. [C] [V] ;

– Dire et juger que Mme [Z] a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité détachable de ses fonctions de dirigeante de la SARL Launic engageant sa responsabilité personnelle dans les actes de contrefaçon commis ;

– Dire et juger que différents actes de contrefaçon des ‘uvres dont M. [C] [V] est l’auteur et l’ayant droit ont été commis par les défendeurs en violation de ses droits patrimoniaux et moraux ;

En conséquence de quoi,

– Débouter la société Launic et Mme [F] [Z] de l’ensemble de leurs demandes,

– Condamner in solidum Mme [F] [Z] et la SARL Launic pour contrefaçon au paiement de la somme de 50 000 Euros en réparation de l’atteinte aux droits patrimoniaux et 20 000 Euros en réparation des atteintes aux droits moraux au profit de Monsieur [C] [V] ;

– Ordonner la confiscation au profit de M. [C] [V] de l’ensemble des ‘uvres provenant du fonds de commerce des studios [L] consigné en l’étude de Maître [E],

– Condamner in solidum Mme [F] [Z] et la SARL Launic au paiement des entiers dépens ceux compris de la procédure de saisie-contrefaçon réalisée en date du 22 Mars 2016 au siège social de la société Launic ;

– Condamner in solidum Mme [F] [Z] et la SARL Launic au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 14 octobre 2019, la société Launic et Mme [Z] ont demandé à la cour de :

Vu les articles 9 à 11, 122 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1315 et suivants du Code civil, l’article 2224 du Code civil,

Vu les livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,

– Recevoir la société Launic et Mme [Z] en leurs écritures, les déclarer bien fondées,

– Réformer le jugement déféré en ce qu’i1 :

– n’a pas prononcé la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon en date du 22 mars 2016,

– n’a pas constaté la prescription de l’action de M. [V],

– a rejeté la demande de condamnation pour procédure abusive formulée par Mme [Z] et la Société Launic,

Statuant à nouveau de ces chefs

– Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 22 mars 2016,

– Dire et juger que l’action de M. [C] [V] est prescrite en application de l’article 2224 du Code Civil,

– Rejeter en conséquence l’intégralité des demandes M. [C] [V],

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 22 janvier 2018 en ses autres dispositions.

En conséquence,

– Dire et juger M. [C] [V] irrecevable à agir sur le fondement du droit d’auteur, ce dernier ne justifiant pas de sa qualité d’ayant-droit,

– Dire et juger M. [C] [V] mal-fondé à agir au titre du droit d’auteur, ce dernier ne démontrant pas l’originalité des photographies revendiquées,

– Dire et juger que la société Launic et Mme [Z] ne se sont rendues coupables d’aucun acte de contrefaçon de droit d’auteur,

– Déclarer la mise hors de cause de Mme [F] [Z] dans la présente instance,

– Débouter M. [C] [V] de l’intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– Constater l’absence de préjudice subi par Monsieur [C] [V],

En tout état de cause,

– Ordonner la restitution des classeurs avant fait l’objet de la saisie-contrefaçon à la société Launic,

– Condamner M. [C] [V] à verser à la société Launic et à Mme [Z] la somme de 30 000 euros au titre de la procédure abusive,

– Faire interdiction à M. [C] [V] de détenir, reproduire ou commercialiser, sous quelque forme que ce soit, les photographies avant fait l’objet des opérations de saisie-contrefaçon et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

– Condamner M. [C] [V] à verser à la société Launic et à Mme [Z] la somme de 15 000 euros chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en plus de la somme de 3 000 euros à laquelle il a été condamné en première instance,

– Condamner M. [C] [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE :

La cour reprendra les demandes dans l’ordre retenu par les parties.

Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon :

Mme [Z] et la société Launic concluent en la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon (nullité de la procédure de saisie) aux motifs que M. [V] ne justifie pas sa qualité d’ayant-droit des auteurs des photographies, qu’il ne précise pas quelles sont les oeuvres concernées et leur originalité (nullités de fond) et au motif que l’huissier a saisi des photographies du fonds [L] mais aussi des photographies qui y sont totalement étrangères (nullité de forme), outrepassant sa mission ; elles rappellent le caractère contestable de la mission de l’huissier dans la mesure où M. [V] ‘ se prétend ayant droit de M. [X] [L] et [I] [V]’ et non de la totalité des photographes ayant travaillé pour le studio [L] ; Mme [K] expose n’avoir pu faire le tri.

M. [C] [V] estime que l’huissier a respecté la mission qui lui avait été donnée, que Mme [K] a pris soin de remettre exclusivement des négatifs et plaques de verre issus du studio [L]. Il ajoute que sa requête était ‘suffisamment argumentée tant sur sa qualité d’auteur et d’ayant droit universel’, que la famille [L]-[V] a exploité sur trois générations un magasin de vente de matériels photographiques et de photographies et que les attestations versées par les intimées sont toutes critiquables ; que sa requête était argumentée sur l’originalité des oeuvres de la famille [L]-[V] ainsi que sur les faits reprochés qualifiables de contrefaçon.

L’article L 332-2 du Code de la propriété intellectuelle précise que tout auteur d’une ‘uvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants-droit ou ses ayants-cause peuvent agir en contrefaçon, qu’à cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des ‘uvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant.

Il apparaît que sur requête de M. [V] du 23 février 2016, le juge a, par une ordonnance du 29 février 2016 reproduisant les termes de la requête pour ce qui concerne la mission de l’huissier, :

-autorisé la saisie-contrefaçon de ‘toute reproduction illicite de la collection de négatifs et de plaques de verre provenant du fonds de commerce des studios [L], reproduction que l’on trouve notamment dans l’ouvrage intitulé ETERNEL’LE MANS (ISBN : 978-2-91717000-39-0)’,

– autorisé l’huissier à se ‘transporter au siège social de la société Launic … et en tous autres lieux situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Le Mans où des opérations révéleraient que des actes constitutifs de contrefaçon sont susceptibles d’être commis’,

-autorisé l’huissier à ‘faire, d’une façon générale, toutes recherches et constatations utiles, dans le but de découvrir la nature, l’origine, la destination ou l’étendue de la contrefaçon, et à dresser procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis’ ,

– autorisé l’huissier à se faire présenter et à parapher ne varietur, à faire photographier, photocopier ou copier en deux exemplaires tous documents, toute correspondance ou toute pièce de comptabilité d’où pourrait résulter la preuve de l’origine et de l’étendue de la contrefaçon alléguée et de ses circuits de distribution afin d’en évaluer l’importance et de chiffrer le préjudice souffert par l’ayant-droit ;

– dit qu’en cas d’absence de photocopieur sur place ou d’impossibilité d’utiliser l’appareil existant sur place, l’huissier pourra emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer aussitôt après copie faite ;

– dit que si des informations utiles étaient conservées sur un support autre que le papier (tel microfilm ou informatique), l’huissier serait autorisé, au besoin avec le concours de tous techniciens par lui requis, à en réaliser une édition sur papier ou une copie sur tout support approprié en utilisant les moyens disponibles sur place ou à l’extérieur des lieux de la saisie ;

– autorisé l’huissier à consigner non seulement les déclarations des répondants, mais encore toute parole prononcée au cours de ses opérations, en s’abstenant de toute interpellation qui ne soit pas nécessaire à l’accomplissement de sa mission ;

– dit qu’il sera procédé aux opérations de saisie nonobstant toute opposition de la partie saisie ;

– dit que l’huissier devra dresser de ses opérations un procès-verbal dont il laissera une copie à la partie saisie et qui servira ce que de droit, et dire qu’il nous en sera référé en cas de difficulté, mais seulement après que les opérations de saisie autorisées auront été effectuées ;

– ordonné la saisie réelle ou à défaut la description détaillée des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les ‘uvres arguées de contrefaçon à savoir la collection de négatifs et de plaques de verres provenant du fonds de commerce des studios [L] et apportés en nature à la société Launic par Madame [F] [K] et rebaptisé ‘collection Washington photo’ ;

– dit qu’en 1’absence de la collection des négatifs et des plaques de verre provenant du fonds de commerce des studios [L] dans les locaux de la société Launic, et en particulier en cas de vente, l’huissier pourra se faire présenter l’acte de vente et en faire copie afin de connaître l’identité de l’acquéreur et s’assurer que le prix de vente ne comprend pas la cession des droits d’auteur. ‘

L’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon a été signifiée le 22 mars 2016, jour de la saisie.

Nullité de forme :

Il résulte de la lecture de la mission de l’huissier que les opérations de saisie devaient porter sur le matériel contrefaisant qu’il devait rechercher. Or, selon les termes du procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016, l’huissier, retrouvant dans les locaux de la société Launic, une cinquantaine d’ouvrages ‘Eternel ‘ Le Mans’, des photographies qui ont été publiées dans deux ouvrages ‘ Porsche au Mans’ et ‘les 72 au départ’, plusieurs classeurs ainsi que plusieurs coffrets dans lesquels se trouvaient des photographies du studio [L], n’a pas saisi ces oeuvres prétendument contrefaisantes comme sa mission l’y invitait.

La lecture du procès-verbal révèle encore que l’huissier s’est borné à conserver ‘par devers lui’ ’16 classeurs remis ce jour à l’exclusion de toutes autres pièces matérielles ou immatérielles consultées lors de ses opérations’, et à la lecture d’une page de ce procès-verbal (non paginé) qui peut être la cinquième, ces classeurs sont ceux que Mme [K] lui a remis en lui précisant que se trouvaient dans ces classeurs ‘les négatifs et plaques déclarés par elle issus du Studio [L]’, ce, par référence à une page précédente (qui peut être la page troisième).

L’huissier n’a manifestement pas réalisé sa mission puisque la saisie doit porter sur la matière prétendument contrefaisante. Il a outrepassé sa mission en saisissant les oeuvres prétendument contrefaites (les négatifs et plaques du Studio [L]), ce qui ne lui était pas demandé dès lorsque l’ordonnance ne précisait pas qu’il pouvait saisir le matériel et les instruments utilisés pour produire illicitement les oeuvres. Cet élément n’est toutefois pas invoqué par Mme [Z] et la société Launic.

Le procès-verbal précise que Mme [Z] a remis à l’huissier les négatifs et plaques qu’elle a déclarés ‘issus du fonds [L]’ et la mission portait sur les photographies du fonds [L]. Elle ne peut invoquer la nullité du procès-verbal pour vice de forme alors qu’elle a déclaré lui avoir remis les négatifs et plaques issus du studio [L].

Nullité pour vices de fond :

Pour faire prospérer l’action qu’il a engagée, M. [V] doit justifier qu’il est être ayant-droit des auteurs des oeuvres, soit de son père, [I] [V] et de son grand-père, [X] [L].

Il convient aussi qu’il justifie que son père et son grand-père sont les auteurs des photographies pour lesquelles il a engagé l’action et que ces oeuvres présentent une originalité qui révèle la personnalité de leurs auteurs, justifiant ainsi la protection qu’il demande.

Selon les pièces versées aux débats, si [C] [V] rapporte la preuve qu’il vient en qualité d’héritier unique aux droits de son père, décédé le [Date décès 1] 1990, et de sa mère, [A] [L], décédée le [Date décès 4] 1996, il ne donne aucun document justifiant que sa mère a hérité des oeuvres de son propre père, [X] [L], recueillant le fonds photographique dont son grand-père serait l’auteur. Il ne justifie pas alors de sa qualité pour agir.

Par ailleurs, M. [V] ne donne aucune précision, ne décrit pas les photographies ‘revendiquées’, celles dont son père et son grand-père seraient respectivement les auteurs. Il se borne à faire état du fonds [L], il critique peu sérieusement les attestations versées aux débats par les défenderesses qui établissent que plusieurs autres photographes, certains en qualité d’apprenti, ont travaillé au ‘studio [L]’ dans les années 50, 60, 70, 80 et ont laissé les négatifs de leurs oeuvres dans l’entreprise à leur départ et ainsi, la paternité des oeuvres n’est pas établie.

M. [V] affirme encore que les photographies, qu’il revendique sans donner la moindre précision, portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Toutefois encore, si les photographes dans les années cinquante avec le matériel dont ils disposaient ont fait le choix ‘artistique’ de photographier également les acteurs de la course, les spectateurs, les ouvriers, les pilotes démontrant une volonté de ‘rendre compte de l’atmosphère’, il n’en demeure pas moins qu’elles ne révèlent en rien la personnalité de leur auteur, celle de son père et de son grand-père.

La procédure de saisie contrefaçon est irrégulière et le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mars 2016 sera annulé.

Sur la prescription de l’action en contrefaçon :

Mme [Z] et la société Launic invoquent la prescription de l’action de M. [V] qui avait connaissance de l’exploitation des négatifs des photographies prises par son père et son grand-père depuis longtemps, participant en 1987 ou 1988 à un stand tenu par la société Launic des ‘photos [L]’ et en tous cas depuis 2002.

M. [V] expose que son action ‘repose à la fois sur la publication de l’ouvrage ‘Eternel’Le Mans’ imprimé en juin 2013 et sur les dires recueillis par Maître [O] [D], dans son procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 22 mars 2016′, que le fonds de commerce a été cédé le 30 juillet 1987 à la société SNPP et non à la société Launic, et que ‘Dans l’absolu, ce ne sont pas sur ces faits que M. [C] [V] fonde ses demandes mais sur les événements datant des années 2013 et 2016″. Il ajoute que la contrefaçon n’a pas cessé depuis 2002.

L’action en contrefaçon est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, et le délai court à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Selon les pièces versées aux débats, il est établi de manière certaine que M. [C] [V] a constaté il y a des années que la société Launic exploitait des négatifs des photographies prises par son père et par son grand-père, photographes, sur le circuit des 24 heures du Mans. Ainsi, il a demandé par l’intermédiaire de son conseil, Maître [N], le 25 juillet 2002, à la société Launic de ‘ justifier de les avoir acquis’, la mettant en demeure de ‘ restituer sous huit jours l’intégralité des négatifs qui lui appartiennent de droit’, précisant que faute de restitution sous huit jours, le conseil avait pour mission de l’assigner devant la juridiction compétente. Il apparaît que ce courrier n’a été suivi d’effet par aucune des parties.

Il résulte de ce courrier que M. [C] [V] avait la connaissance parfaite de l’exploitation par la société Launic des photographies. Il lui appartenait alors, si bon lui semblait, d’engager une procédure en contrefaçon pour défendre les droits qu’il estimait avoir sur ces photographies, faute de réponse de la société Launic au courrier du 25 juillet 2002. Il ne peut disposer à son gré du point de départ de l’action dès lors que, dès 2002, il connaissait les faits justifiant son droit à agir.

Son action est prescrite.

Sur les restitutions et interdictions :

Ainsi que les intimées le demandent, la restitution des classeurs saisis sera ordonnée et il sera fait interdiction à M. [V] de détenir, reproduire ou commercialiser sous quelque forme que ce soit les photographies dont les négatifs et les plaques ont été saisis. En l’état, il n’y a pas lieu à astreinte.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :

Mme [Z] et la société Launic soutiennent que l’action engagée en 2016 est abusive, guidée par la volonté de nuire et porter atteinte aux intimées, causant un préjudice commercial à la société Launic, ternit son image, et cause un préjudice moral. Elles expliquent que M. [C] [V] à qui l’huissier a, à la suite du procès-verbal de saisie du 22 mars 2016, remis les négatifs et plaques les a utilisés et a offert, après le jugement critiqué, à la vente sur internet et sous un pseudonyme des photographies qu’il a tirées jusqu’à ce qu’un séquestre soit désigné par ordonnance du 12 juin 2018 pour les conserver. Il a ainsi manifesté sa mauvaise foi, ne pouvant soutenir qu’il avait cru pouvoir disposer des classeurs librement et qu’il commis une erreur de manipulation en laissant en vente sur internet ces photographies.

M. [V] expose qu’aucune mauvaise foi ne peut lui être reprochée dans l’engagement de cette procédure, qu’il était libre de faire valoir ses droits tant qu’ils n’étaient pas prescrits, que des incidents survenus après l’engagement de la procédure ne peuvent être invoqués avec pertinence au soutien de leur demande de dommages-intérêts.

M. Launic a engagé une procédure de façon abusive alors qu’il sait depuis de nombreuses années que ces photographies et négatifs, dont il prétend sans la moindre justification que son père et son grand-père sont les auteurs et dont il prétend qu’ils sont pourvus d’originalité, sont exploités par la société Launic et qu’il n’a pas cru bon donner une suite à l’absence de réponse à son courrier de 2002. Son action engagée à l’encontre de la société Launic quatorze années après ce courrier est manifestement téméraire, destinée à lui nuire, l’empêchant partiellement de travailler. Par ailleurs, il a utilisé les négatifs et les plaques au cours de la procédure, alors qu’il ne pouvait ignorer que leur propriété était contestée, et ce, nonobstant la faute de l’huissier qui les lui a remis. Il est nécessairement à l’origine d’un préjudice commercial et sera condamné à verser à la société Launic la somme de 8 000 Euros en réparation de ce préjudice.

Le préjudice d’image de la société Launic n’est pas justifié, le préjudice moral non plus.

M. [V] a également engagé abusivement une procédure contre Mme [Z], à titre personnel. Il ne justifie pas quelle faute elle a pu commettre, ‘détachable de ses fonctions’ de gérante de la société Launic. Il lui versera la somme de 5 000 Euros en réparation de son préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement,

Annule le procès-verbal de saisie contrefaçon du 22 mars 2016,

Déclare prescrite l’action de M. [C] [V],

Ordonne la restitution des classeurs ayant fait l’objet d’une saisie par procès-verbal du 22 mars 2016,

Fait interdiction à M. [C] [V] de détenir, reproduire ou commercialiser sous quelque forme que ce soit les photographies dont les négatifs et les plaques ont été saisis,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Condamne M. [C] [V] à verser à la SARL Launic la somme de 8 000 Euros et à Mme [F] [Z] épouse [K] la somme de 5 000 Euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne M. [C] [V] à verser à la SARL Launic la somme de 5 000 Euros et à Mme [F] [Z] épouse [K] la somme de 5 000 Euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel,

Condamne M. [V] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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