Ordre des licenciements : 9 mars 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-29.399

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Ordre des licenciements : 9 mars 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-29.399
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9 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-29.399

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2017

Rejet non spécialement motivé

M. CHAUVET, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Décision n° 10255 F

Pourvoi n° R 15-29.399

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par Mme [Y] [O], domiciliée [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 30 octobre 2015 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l’opposant à la société Bouygues immobilier, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, M. Déglise, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de Me Balat, avocat de Mme [O], de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Bouygues immobilier ;

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [O] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [O].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme [Y] [O] de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique et à ce que la société Bouygues Immobilier soit condamnée à ce titre à lui payer une indemnité de 41.640 € ;

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu’en outre, une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu’elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi ; qu’en l’espèce, [Y] [O] soutient qu’au moment de son licenciement, la société Bouygues Immobilier était largement bénéficiaire, la preuve de difficultés économiques au niveau du groupe n’était pas établie faute d’éléments comptables suffisant et aucun élément ne permettait de faire état de difficultés économiques futures ; que la suppression de l’emploi d'[Y] [O] n’est pas consécutive à des difficultés économiques ; qu’il convient de rappeler qu’aux termes de Jean-Christophe BALAT Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation [Adresse 3] la lettre de licenciement reproduite ci-dessus, le motif du licenciement de l’appelante réside dans la réorganisation de la société Bouygues Immobilier rendue nécessaire du fait d’un contexte économique particulièrement défavorable menaçant sa compétitivité ; qu’il convient d’apprécier cette réorganisation de l’entreprise au niveau de l’activité de la société Bouygues Immobilier qui, compte tenu de son activité de promoteur immobilier, correspond au marché de l’immobilier ; que l’appréciation de la réorganisation ne doit donc pas être faite au niveau de l’activité du groupe qui comprend des sociétés intervenant sur d’autres marchés (audiovisuel, travaux publics, etc.) ; qu’il ressort des pièces du dossier que le marché de l’immobilier a été frappé par une grave crise à partir de 2008 caractérisée par la baisse significative du volume des réservations sur le marché du logement neuf et par une baisse des ventes de bureaux sur le marché de l’immobilier d’entreprise (- 55% par rapport à 2007), ces phénomènes étant imputables à la très forte diminution de l’accès au crédit du fait d’un déficit de financement lié à la fragilisation du système financier ; que s’agissant de l’activité de la société Bouygues Immobilier, il convient de ne pas tenir compte des résultats comptables pour l’année 2009 invoqués par [Y] [O] ; qu’en effet, ceux-ci correspondent aux résultats de l’activité de l’année 2007, un décalage de deux ans s’expliquant par la longueur des procédures mises en oeuvre depuis la recherche du terrain jusqu’à la signature d’un acte authentique de vente ; que seuls les indicateurs financiers et commerciaux de la société permettent l’appréciation de son activité ; qu’il résulte de la forte baisse des réservations (près de 46% du chiffre d’affaires en 2008 par rapport à 2007), de la forte augmentation des désistements sur les ventes de logements neufs (72% en septembre 2008 alors qu’il n’était que de 24% en 2007), de la diminution des marges opérationnelles sur les programmes de logements et des difficultés de trésorerie que d’importantes difficultés économiques étaient à prévoir pour l’année à venir ; que la société Bouygues Immobilier justifie donc que pour sauvegarder sa compétitivité, elle était tenue d’anticiper les risques de survenance de difficultés économiques majeures et donc de procéder à une réorganisation, d’abord dans le cadre d’un plan de réorganisation 2009 comprenant des mesures stratégiques (abandons de programmes, réduction des frais de fonctionnement…) puis à l’occasion de la signature le 26 février 2009 d’un accord d’entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétence (GPEC) intégrant un dispositif d’accompagnement social applicable aux salariés visés par les mesures de suppression d’un poste résultant de la réorganisation ; qu’il s’ensuit que le motif économique du licenciement d'[Y] [O] présente un caractère réel et sérieux ;

ALORS QUE la motivation du licenciement doit être contenue dans la lettre de licenciement ; que le licenciement a une cause économique réelle et sérieuse lorsqu’il est établi que la réorganisation de l’entreprise est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ; qu’en constatant que l’employeur justifiait le licenciement de la salariée, non pas par des difficultés économiques, mais par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise (arrêt attaqué, p. 5 in fine), et en estimant que ce motif était avéré, sans constater cependant l’existence d’aucune mesure de réorganisation de l’entreprise autre qu’une réduction des programmes immobiliers et des coûts salariaux et la signature d’un accord d’entreprise destiné à l’accompagnement des salariés licenciés (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), qui ne sont pas constitutifs d’une telle mesure, la cour d’appel, qui n’a finalement pas constaté que le licenciement était justifié par une « réorganisation de l’entreprise » nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-3 et L.1233-16 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme [Y] [O] de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique et à ce que la société Bouygues Immobilier soit condamnée à ce titre à lui payer une indemnité de 41.640 € ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des dispositions de l’article L.1233-4 du code du travail que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ; que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente, le reclassement ne s’effectuant sur un emploi d’une catégorie inférieure que sous réserve de l’accord exprès du salarié ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que l’employeur est tenu au titre de son obligation de reclassement de procéder à des recherches sérieuses et effectives de reclassement ; qu’à défaut, le licenciement est considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’en l’espèce, [Y] [O] soutient que la société Bouygues Immobilier n’a procédé à aucune recherche de reclassement sérieuse et individualisée et que la rémunération des postes qui lui avaient été offerts n’avait pas été précisée ; qu’il convient de relever que : – conformément au plan d’accompagnement social, [Y] [O] a eu accès par Internet ou par l’Intranet de la société Bouygues Immobilier au site Mobitel qui une base de données des offres de postes alimentée par les différentes structures du groupe ; – une fiche d’entretien reprenant les souhaits de reclassement d'[Y] [O] a été établie suite à un entretien du 17 mars 2009 de laquelle il ressort que la salariée souhaite conserver un poste d’assistante commerciale, à l’exclusion de tout poste de secrétaire ou de commerciale, une mobilité géographique étant en outre inenvisageable pour elle ; – par courriel du 30 mars 2009, la société Bouygues Immobilier a avisé [Y] [O] de ce qu’aucun poste d’assistante commerciale ou d’assistante de direction n’était ouvert dans la région Rhône-Alpes au sein du groupe, et lui a soumis trois offres de poste dans le groupe situé en Ile-de-France en renseignant pour chacun de ses postes les rubriques suivantes : structure, intitulé du poste, statut, lieu de travail, filière, niveau de responsabilité, date de prise de fonction, département, mission et profil et qu’aucune rubrique sur la rémunération n’était en effet prévue, mais qu’il était précisé dans le courriel que : « une mobilité dans le groupe se réalise sur un base de rémunération équivalente » ; – par courriel du 31 mars 2009, [Y] [O] a indiqué qu’elle confirmait ne pas être « du tout mobile » ; – aucune pièce du dossier n’établit qu’une nouvelle offre susceptible de s’appliquer à la situation d'[Y] [O] n’a été publiée sur le site Mobitel jusqu’au 7 avril 2009, les offres invoquées par [Y] [O] ne présentant aucune pertinence pour avoir toutes été publiées postérieurement à son licenciement et au surplus pour concerner des postes situés en-dehors de la région Rhône-Alpes ; qu’il résulte de ces éléments que la société Bouygues Immobilier a respecté son obligation de recherche d’un emploi disponible personnalisé et adapté permettant le reclassement d'[Y] [O] avant de procéder à son licenciement ; que la société Bouygues Immobilier a dès lors respecté l’obligation de reclassement mis à sa charge ;

ALORS, D’UNE PART, QUE l’exécution de l’obligation de reclassement ne peut résulter de la seule communication aux salariés intéressés d’une liste de postes disponibles dans le groupe ; qu’en retenant, pour estimer que l’employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, que Mme [O] avait « eu accès par Internet ou par l’Intranet de la société BOUYGUES IMMOBILIER au site MOBITEL qui une base de données des offres de postes alimentée par les différentes structures du groupe » (arrêt attaqué, p. 6, avant dernier alinéa), la cour d’appel a méconnu ce principe et a violé l’article L.1233-4 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’employeur ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté de ses salariés, exprimés à sa demande et par avance, en dehors de toute proposition concrète ; qu’en considérant que la société Bouygues Immobilier avait pu limiter ses efforts de reclassement aux postes d’assistante commerciale situés dans la région Rhône-Alpes, sans envisager notamment une proposition d’un poste de catégorie inférieure, en raison des énonciations d’une fiche d’entretien et d’un courriel de Mme [O], dans lesquelles celle-ci déclarait n’être « pas du tout mobile » et ne souhaiter occuper qu’un poste d’assistante commerciale (arrêt attaqué, p. 6 in fine et p. 7, alinéas 1 et 2), la cour d’appel a méconnu le principe précité et a violé l’article L.1233-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme [Y] [O] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour inobservation des critères d’ordre ;

AUX MOTIFS QUE l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse et constitue une illégalité qui entraîne un préjudice réparable selon son étendue ; qu’en l’espèce, [Y] [O] a été licenciée par application des critères d’ordre qui figurent en annexe de l’accord d’entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) signé le 26 février 2009 ; que selon [Y] [O], son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la société Bouygues Immobilier a, d’une part, méconnu les critères d’ordre en ne comparant pas sa situation avec les catégories professionnelles des secrétaires et des assistantes, et a d’autre part manifestement violé les critères d’ordre par pondération abusive ; que par application des principes susvisés, [Y] [O] n’est pas fondée à invoquer le moyen tiré du non-respect des critères d’ordre de licenciement pour obtenir de la cour qu’elle dise son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est donc pas fondé ; qu’à ce stade, il y a lieu de statuer sur la demande d'[Y] [O] à titre de dommages et intérêts pour inobservation des critères d’ordre ; que l’appelante ne justifie pas de la réalité d’un préjudice, étant précisé, d’une part, qu’il n’est pas contesté qu’elle a retrouvé un emploi dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à l’issue de son préavis et d’autre part qu’elle ne justifie pas qu’elle avait avisé la société Bouygues Immobilier au moment de son licenciement qu’elle souffrait de la grave pathologie dont elle fait état dans ses conclusions ; qu'[Y] [O] se trouve donc mal fondée en sa demande à titre de dommages et intérêts pour inobservation des critères d’ordre ;

ALORS QUE du seul fait que l’ordre des licenciements ne soit pas respecté, le salarié subit un préjudice dont le juge du fond évalue le montant ; qu’en ne contestant pas la réalité de l’inobservation par l’employeur des critères d’ordre des licenciements, puis en considérant toutefois que Mme [O] ne pouvait obtenir aucune indemnisation à ce titre, en l’absence de préjudice (arrêt attaqué, p. 8, 2ème attendu), cependant que l’inobservation par l’employeur des critères d’ordre des licenciements entraîne nécessairement pour le salarié un préjudice lié à la perte de son emploi, que les juges du fond doivent réparer, la cour d’appel a violé l’article L.1233-5 du code du travail.

 


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