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6 juillet 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/01101
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2017
R.G. N° 15/01101
MCP/AZ
AFFAIRE :
[Y] [D]
C/
SCS CAP BOULANGER
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Encadrement
N° RG : 13/00525
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL O.B.P. Avocats
la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Y] [D]
SCS CAP BOULANGER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Y] [D]
[Adresse 1]
Appt.A04
[Adresse 2]
Représenté par Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136 substituée par Me Jouba WALKADI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136
APPELANT
****************
SCS CAP BOULANGER
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Me Arnaud THIERRY de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 14 janvier 2015 qui a :
– validé le PSE mis en oeuvre par la société Cap Boulanger,
– rejeté la demande de nullité du licenciement formée par Monsieur [Y] [D],
– validé le licenciement pour motif économique et débouté le salarié de ses prétentions au titre de l’obligation de reclassement,
– débouté les parties de leur demande formée par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [D] aux dépens,
Vu la notification de ce jugement intervenue le 4 février 2015,
Vu l’appel interjeté par Monsieur [D] par déclaration au greffe de la cour le 25 février 2015,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 17 mai 2017 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens de Monsieur [D] qui demande :
– l’annulation du PSE,
– la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes :
. 72 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul et à défaut pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 72 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre du licenciement,
. 8 800 euros à titre de rappel de prime mensuelle et 880 euros au titre des congés payés,
. 4 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
la société devant être condamnée aux dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 17 mai 2017 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens de la société qui demande :
– à titre principal, la confirmation du jugement déféré,
– à titre subsidiaire, le rejet des demandes formées au titre des usages relatifs à la rémunération,
– à titre infiniment subsidiaire, limiter à 2 000 euros la somme susceptible d’être allouée au titre de la prime,
– la condamnation du salarié à verser 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
SUR CE,
Considérant qu’à l’origine Monsieur [D] a été embauché par la société Média Saturn France dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 13 octobre 2008 en qualité de Responsable de département ; qu’il a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique par lettre datée du 25 juin 2012 ;
Sur la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi
Considérant que dans sa version en vigueur à l’époque des faits examinés que l’article L 1235-10 du code du travail prévoyait notamment que la validité d’un plan de sauvegarde de l’emploi était appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique ou le groupe ;
Que Monsieur [D] soutient qu’en l’espèce le PSE est entaché de nullité dans la mesure où il ne comportait pas de dispositions suffisantes en matière de reclassement interne et externe, ne prévoyait aucune mesure sur la réduction ou l’aménagement du temps de travail et ne comportait aucune disposition sur des actions de formation des salariés ;
Considérant s’agissant des dispositions relatives au reclassement interne que plusieurs étapes étaient déterminées commençant par une identification des postes disponibles suivie d’une phase de proposition de postes de reclassement interne en deux étapes : la première consistant en l’information écrite du salarié sur les postes de reclassement identifiés et la seconde en l’examen des candidatures exprimées sur un poste et indiquant les règles présidant au choix en cas de candidatures multiples sur un même poste ; qu’il apparaissait qu’au-delà de ces offres, la société avait arrêté une liste de postes disponibles sous la dénomination – Bourse de l’emploi interne arrêtée au 31 janvier 2012 régulièrement actualisée par la suite – reprenant par région et par établissement l’ensemble des postes disponibles tant au niveau de la société Cap Boulanger que des autres entreprises du Groupe HTM ; que ces postes avaient été réservés aux salariés concernés par le Plan ce qui avait entraîné un gel des embauches sur ces postes jusqu’au 15 mai 2012 ; qu’il ressort de éléments versés aux débats qu’à cette bourse de l’emploi interne étaient associées des fiches permettant aux salariés d’avoir connaissance des postes à pourvoir ; que chaque salarié avait été destinataire d’une brochure présentant le Plan et les modalités de reclassement et qu’au sein de chaque établissement un intervenant du Cabinet BPI avait eu pour mission de l’assister ; qu’ainsi, Monsieur [D] avait été suivi par Madame [S] ; qu’en cas de mobilité géographique une période probatoire de deux mois avait été prévue afin de permettre au salarié de ses prononcer en toute connaissance et à l’issue de cette période en cas de difficulté le salarié était réintégré dans le dispositif d’accompagnement ; que dans ces circonstances, les griefs formés par l’appelant sur l’absence de garantie d’attribution des postes offerts et sur l’absence d’individualisation de la recherche de reclassement ne sont pas établis ;
Que le reclassement externe, s’entendant de toute recherche de positionnement à l’extérieur du Groupe HTM, était également envisagé ; que les différentes hypothèses énoncées à ce propos soit aide à la formation, participation aux frais de recherche d’emploi, aide à la création ou à la reprise d’activité, congé de reclassement et allocation temporaire dégressive étaient matérialisées dans une fiche spécifique à chaque cas ; que l’assistance du Cabinet BPI était prévue, également, dans ces hypothèses ; que contrairement à ce que soutient Monsieur [D] le Plan contenait des dispositions précises sur le reclassement externe ;
Considérant s’agissant de la réduction et / ou de l’aménagement du temps de travail qu’il apparaît que le Plan n’avait arrêté aucune disposition à ce propos ; qu’il n’y avait, en tout état de cause, aucune obligation à ce propos dès lors que l’article L 1233-62 du code du travail énumère les mesures qu’un PSE peut contenir sans que la liste des six mesures énoncées par le texte soit considérée comme exhaustive et / ou fixée à peine de nullité ; que, par ailleurs, il ne ressortait aucune nécessité de prévoir de telles mesures au regard des moyens dont disposait la société ; qu’en tous cas, il apparaît que la DIRECCTE avait donné son aval à la société sans former une quelconque observation relativement au grief énoncé par Monsieur [D] ; qu’aucune nullité du Plan ne peut être encourue à ce titre ;
Considérant s’agissant des mesures relatives à la formation qu’il ressort des énonciations du Plan qu’une fiche ‘offre de formation’ était proposée aux salariés ; qu’il était précisé que le dispositif pouvait être adapté et / ou complété par des actions spécifiques ; que sur ce point il apparaît que la DIRECCTE n’avait pas considéré que les mesures mises en place étaient insuffisantes ; qu’au surplus, et en tout état de cause, il apparaît que les entretiens du salarié avec un représentant du Cabinet BPI avaient pu être de nature à identifier une nécessité particulière éventuelle ; qu’il doit être observé que le 28 juin 2012, Monsieur [D] avait sollicité le bénéfice d’un congé de reclassement ; que le dossier de formation reconversion le concernant avait été validé ; que la société avait versé 7 500 euros au titre de cette formation finalement abandonnée par l’intéressé ;
Considérant en conclusion au regard de ce qui précède que le Plan avait répondu aux exigences prévues par la loi ; que dans ces circonstances le moyen de nullité a été justement écarté par les premiers juges ; que le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée, de ce chef, par Monsieur [D] ;
Sur l’obligation de reclassement
Considérant que selon l’article L 1233-4 du Code du travail le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente ; qu’à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;
Considérant qu’il doit être rappelé qu’en dernier lieu, Monsieur [D] occupait un poste de Responsable de département – statut cadre – et percevait une rémunération mensuelle de 3 000 euros au sein du magasin des Clayes-Sous-Bois ; que son poste n’ayant pas de correspondance dans la nouvelle organisation mise en oeuvre au sein de l’entreprise, il était éligible au départ volontaire ; qu’il a indiqué dès le 27 mars 2012 vouloir bénéficier d’un départ volontaire mais qu’il n’a pas été au terme de sa démarche ;
Considérant qu’il lui avait été proposé par courrier du 29 mai 2012 remis en mains propres, aux Clayes-Sous-Bois (à 200 mètres du précédent magasin) de devenir Responsable services – statut cadre – moyennant un salaire mensuel brut de 3 050 euros ; qu’il était prévu une rémunération variable individualisée ; que le jour même, le salarié a refusé cette proposition de reclassement interne ;
Considérant par ailleurs que Monsieur [D] avait eu accès aux postes figurant sur la Bourse de l’emploi interne mise à jour tous les 15 jours ; qu’il avait, enfin, disposé de l’aide du consultant BPI attaché au magasin des Clayes-Sous-Bois et spécialisé en reclassement ;
Considérant que Monsieur [D] a souhaité bénéficié d’un congé de reclassement qui a été validé le 18 juillet 2012 ;
Considérant en conclusion, au regard de ce qui précède, que la société a satisfait aux exigences posées par la loi en matière de reclassement ; que le jugement déféré sera confirmé ;
Sur le motif du licenciement
Considérant qu’en application de l’article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise ou à une cessation d’activité ;
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige rappelait la suppression du poste occupé par le salarié, son refus de la proposition de reclassement et énonçait le motif économique dans lequel s’inscrivait la rupture des relations contractuelles ;
Considérant selon les éléments de l’espèce que le licenciement économique s’est inscrit dans la réorganisation du Réseau Saturn devenu Cap Boulanger après le rachat de Saturn ;
Que dans son rapport l’expert-comptable intervenu à la demande du Comité central d’UES de Média Saturn France faisait état depuis son implantation en France de pertes ‘colossales’ de 300 millions d’euros ; de ce qu’aucun des 34 magasins implantés en France n’avait atteint le seuil de ‘profitabilité’ et de ce que le modèle organisationnel n’avait pas fait la preuve de son efficacité ;
que le rapport soulignait que le niveau des pertes était tel chez Saturn qu’un accroissement des bénéfices chez Boulanger ne pourrait suffire à éponger les pertes de Saturn ;
Qu’il ressort de ce qui précède qu’il existait, dès lors, une menace avérée sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise ce qui imposait des mesures de réorganisation ;
Considérant en définitive qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a admis la réalité du motif économique du licenciement de Monsieur [D] et a débouté celui-ci de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la demande relative à l’ordre des licenciements
Considérant selon l’article L 1233-5 du code du travail que lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du Comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel selon les charges de famille, l’ancienneté de service dans l’entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile et les qualités professionnelles appréciées par catégorie ;
Considérant que Monsieur [D] soutient que la société n’a pas respecté les prescriptions énoncées par le texte précité ;
Considérant qu’il doit être rappelé que les règles relatives à l’ordre des licenciement n’ont vocation à s’appliquer que lorsque la société doit opérer un choix entre les salariés ; qu’en revanche si tous les emplois de la catégorie dont relève le salarié sont supprimés, il n’y a lieu d’établir un ordre des licenciements ;
Considérant que dans le cadre de son activité au sein de la société Saturn Monsieur [D] occupait le poste de Responsable Divertissement ; que la Commission Métiers issue du CCE a considéré que ce poste était sans correspondance dans l’organisation projetée dans la mesure où l’activité Divertissement était supprimée ; qu’ainsi, aucun choix n’avait lieu d’être opéré entre les salariés relevant de cette même activité ; que la demande relative à l’ordre des licenciements sera, dès lors, rejetée ;
Sur la demande relative à la prime
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que le 10 février 2011, Monsieur [D] a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant une rémunération variable mensuelle jusqu’au transfert du contrat au sein de la société Cap Boulanger soit le 30 juin 2011 ; que le salarié fait valoir que dans la mesure où cette prime a été versée au-delà de cette date jusqu’au 1er octobre 2011, la société Cap Boulanger a entendu assurer la pérennité de cet avantage et qu’elle ne pouvait par la suite se soustraire à ce versement en l’absence d’un accord de modification du contrat ou de dénonciation d’un engagement ; qu’il demande en conséquence la condamnation de la société à lui verser la somme de 8 800 euros correspondant au montant de la prime mensuelle pendant 8 mois ;
Considérant que la société fait observer qu’au mois de juillet 2011 un processus de négociation s’était engagé entre les partenaires sociaux pour mettre au point les modalités d’organisation du futur modèle Cap Boulanger notamment s’agissant des rémunérations ; que durant ces discussions elle souligne avoir maintenu au profit des salariés de Saturn qui venaient d’être ‘rachetés’ la prime mensuelle prévue par l’avenant précité ; qu’elle rappelle que l’accord signé par les organisations syndicales le 23 novembre 2011 entré en vigueur à cette date prévoyait ‘les parties conviennent de mettre fin aux usages pouvant exister dans les domaines visés par l’accord en les dénonçant à compter du 1er décembre 2011″ ; que, dans ces circonstances, la société demande le rejet de la réclamation formée par le salarié ;
Considérant toutefois au regard des précisions données par la société qu’il apparaît que la demande de Monsieur [D] doit être accueillie pour les mois d’octobre et novembre 2011 dans la mesure où le nouveau régime de rémunération a été régulièrement mis en oeuvre à compter du 1er décembre 2011 ; que la société sera, en conséquence, condamnée à verser au salarié la somme de 2 000 euros au titre de la prime pour les mois d’octobre et novembre 2011; que de ce chef le jugement sera infirmé ;
Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure
Considérant que chacune des parties succombe et il convient, en conséquence, pour chacune d’entre elle de conserver la charge de ses propres dépens ; que dans ces circonstances, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d’entre elle les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 14 janvier 2015 en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] [D] de sa demande formée au titre de la prime,
Condamne la société Cap Boulanger à verser à Monsieur [Y] [D] la somme de 2 000 euros au titre de la prime mensuelle pour les mois d’octobre et novembre 2011,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [Y] [D] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de l’ordre des licenciements,
Déboute la société Cap Boulanger et Monsieur [Y] [D] de leur demande formée par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Sylvie BOSI, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT