Ordre des licenciements : 5 mars 1997 Cour de cassation Pourvoi n° 95-11.109

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Ordre des licenciements : 5 mars 1997 Cour de cassation Pourvoi n° 95-11.109
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5 mars 1997
Cour de cassation
Pourvoi n°
95-11.109

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société nouvelle d’armement transmanche “SNAT”, dont le siège est …, en cassation d’un arrêt rendu le 31 octobre 1994 par la cour d’appel de Paris (1e chambre, section A), au profit :

1°/ du comité d’établissement de la société Nouvelle d’armement transmanche, dont le siège est …,

2°/ du syndicat Maritime Nord, dont le siège est …,

3°/ de l’Union syndicale des marins pêcheurs réunis CGT, dont le siège est …, défendeurs à la cassation ;

Le comité d’établissement de la société Nouvelle d’armement transmanche, le syndicat Maritime Nord et l’Union syndicale des marins pêcheurs réunis CGT ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leurs recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 janvier 1997, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Boubli, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Merlin, Le Roux-Cocheril, Ransac, Mme Aubert, M. Chagny, conseillers, Mmes Pams-Tatu, Girard-Thuilier, M. Frouin, Mmes Barberot, Lebée, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la SNAT, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat du comité d’établissement de la société Nouvelle d’armement transmanche, du syndicat Maritime Nord et de l’Union syndicale des marins pêcheurs réunis CGT, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 1994) que la SNCF a décidé en 1989 de filialiser son département Armement Naval pour tenir compte du projet Transmanche, et à confié cette activité à la Société nouvelle d’armement transmanche (SNAT) spécialement constituée à cet effet; que dans un premier temps, il a été décidé que cette société ne comportait qu’un seul établissement, ce qui a été confirmé par un accord collectif du 4 janvier 1990 conclu entre la SNAT et les organisations syndicales; qu’en raison du déficit structurel de la ligne Dieppe-New Haven, la SNAT en a envisagé la fermeture en 1994 et a établi un projet de licenciement collectif en arrêtant l’ordre des licenciements au seul effectif de la ligne de Dieppe; que le comité d’établissement de la SNAT, l’Union syndicale des marins pêcheurs réunis CGT et le syndicat maritime Nord ont notamment contesté les modalités selon lesquelles l’ordre des licenciements avait été établi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la SNAT fait grief à l’arrêt d’avoir fait droit à la demande des organisations syndicales et du comité d’établissement tendant à faire déclarer irrégulier l’ordre des licenciements et condamné la SNAT à verser diverses sommes aux organisations représentatives en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile; alors, selon le moyen, que l’action en justice des organisations syndicales est limitée aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent; que tel n’est pas le cas de l’action d’un syndicat de salariés tendant à contester, non pas le bien fondé mais l’ordre des licenciements mettant en cause un intérêt strictement personnel, propre aux salariés concernés; qu’en faisant droit cependant à la demande des organisations syndicales, la cour d’appel a violé l’article L. 411-11 du Code du travail ;

Mais attendu que les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent des dispositions régissant le licenciement pour motif économique, dans les conditions posées par l’article L. 321-15 du Code du travail; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les deuxième troisième et quatrième moyens réunis du pourvoi principal :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrégulière la détermination de l’ordre des licenciements, établie en vue du licenciement des salariés “administrativement rattachés à la ligne de Dieppe, exploitée par la SNAT”; alors, selon les moyens, de première part, que le bien fondé du motif économique de licenciement s’apprécie nécessairement au niveau du cadre dans lequel il a été ou aurait dû être envisagé; qu’en l’espèce la cour d’appel a relevé que la réalité du motif économique du licenciement collectif, en raison de l’arrêt d’exploitation de la ligne de Dieppe n’était pas contesté, ce qui justifiait le bien fondé de la mesure de licenciement envisagée dans le seul cadre de l’établissement de Dieppe et démontrait le caractère autonome et distinct de cet établissement; qu’en décidant cependant que l’ordre des licenciements était irrégulier, ayant été établi à partir des seuls effectifs de ligne de Dieppe, car l’établissement de Dieppe ne constituait pas un établissement distinct ayant une collectivité de travail autonome, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 321-1 et L. 321-2 du Code du travail; alors, de deuxième part, que la création de comités d’établissement et d’un comité central d’entreprise s’impose, dès lors que l’entreprise comporte des établissements distincts; qu’en l’espèce l’organisation de la SNAT exigeait, ainsi qu’elle l’avait reconnu dans son protocole d’accord du 10 décembre 1991, la création de trois comités d’établissement et d’un comité central; qu’en refusant cependant d’admettre que la SNAT était composée d’établissements distincts dont celui de Dieppe, et en refusant de considérer que l’ordre des licenciements devait s’apprécier à ce niveau, la cour d’appel a violé l’article L. 435-1 du Code du travail; alors de troisième part, qu’en estimant que l’agence de Dieppe ne constituait pas un établissement distinct à défaut de collectivité de travail, dès lors que la convention de 1947 – qui pourtant ne s’appliquait qu’au personnel navigant – prévoyait une “stabilité de l’emploi” pour les marins, sans répondre aux conclusions d’appel de la SNAT, invoquant le caractère restrictif de cette convention qui n’interdisait nullement le licenciement des “marins stabilisés” notamment par suite de la diminution du nombre des navires de l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors encore que, en tout état de cause, la cour d’appel constate que les marins des différents établissements de la SNAT et notamment ceux de Dieppe et Calais n’étaient pas rémunérés de la même manière, et que pour chacun des ports, des accords collectifs de travail avaient été conclus;

que ces éléments démontraient que chacune des catégories de marins salariés formait bien une collectivité de travail distincte; qu’en décidant cependant que – les marins ayant vocation à servir sur tous les navires des diverses lignes exploitées par la SNAT -, il existait une collectivité de travail uniquement au niveau de l’entreprise toute entière, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et violé l’article L. 321-2, alinéa 3, du Code du travail; alors enfin, que en toute hypothèse, ainsi que l’avait exposé la SNAT dans ses conclusions d’appel, l’article D 742-10 du Code du travail spécifique aux marins, définissait l’établissement distinct, abstraction faite d’une collectivité de travail comme l’agence directe, considérée comme agence d’armement administratif de navire ou agence tête de ligne de navires de l’entreprise ;

que l’agence de Calais était une “agence directe” d’un port français particulier vers un port britannique; qu’en refusant de faire application de ces dispositions particulières propres à l’espèce, la cour d’appel a violé l’article D 742-10 du Code du travail ;

 


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