Ordre des licenciements : 4 avril 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00494

·

·

Ordre des licenciements : 4 avril 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00494
Ce point juridique est utile ?

4 avril 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
20/00494

04 AVRIL 2023

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 20/00494 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FMJV

[U] [P]

/

Fédération FRANCAISE DU BATIMENT AUVERGNE RHONE ALPES PES

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes de clermont-ferrand de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 09 mars 2020, enregistrée sous le n° f 18/00680

Arrêt rendu ce QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [U] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Josette DUPOUX, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

Fédération FRANCAISE DU BATIMENT AUVERGNE RHONE ALPES PES

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivier GELLER suppléant Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu Mr RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 06 Février 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La Fédération Française du Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège social est à [Localité 6] (69), ci-après dénommée FFB AURA, est une organisation professionnelle qui a pour rôle de représenter et défendre la profession du bâtiment (syndicat professionnel dont les adhérents sont des chefs d’entreprise du bâtiment). Ses ressources sont principalement constituées des cotisations de ses adhérents et des subventions d’exploitation qui lui sont versées par la Fédération Nationale du Bâtiment. Elle applique à ses salariés cadres les dispositions de la convention collective nationale des cadres du bâtiment. Elle emploie habituellement moins de onze salariés.

Monsieur [U] [P], né le 5 mai 1955, a été embauché le 3 mars 1997 par la Fédération Régionale du Bâtiment d’Auvergne, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, en qualité de secrétaire général. Selon avenant au contrat de travail signé le 21 mai 2003 par les parties, Monsieur [U] [P] est un cadre autonome non soumis aux dispositions limitant la durée quotidienne et hebdomadaire du travail.

À compter du 1er janvier 2017, les fédérations du bâtiment d’Auvergne et de Rhône-Alpes ont fusionné pour devenir la Fédération Française du Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes. Monsieur [U] [P] est ainsi devenu secrétaire général adjoint de la FFB Aura. Son lieu de travail est resté le même : à [Adresse 5] ; il se déplaçait à [Localité 6], au siège de la FFB AURA, lorsque cela lui était demandé.

Par courrier recommandé daté du 15 mars 2018, Monsieur [U] [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 29 mars 2018.

À la suite de cet entretien, selon courrier daté du 20 avril 2018, l’employeur a notifié à Monsieur [U] [P] son licenciement pour motif économique. Monsieur [U] [P] a été dispensé d’exécuter son préavis de trois mois et le licenciement a pris ses effets le 23 juillet 2018.

Selon le certificat de travail établi par l’employeur en date du 23 juillet 2018, Monsieur [U] [P] a été employé par la FFB AURA du 3 mars 1997 au 23 juillet 2018. En conséquence de la rupture du contrat de travail, l’employeur a versé notamment au salarié une indemnité compensatrice de congés payés de 17.053,20 euros et une indemnité de licenciement de 94.828,37 euros (15364,37 + 79464).

Par courrier recommandé du 4 mai 2018, Monsieur [U] [P] a sollicité de l’employeur que lui soient précisés plus amplement les motifs de ce licenciement. En réponse, et par courrier daté du 15 mai 2018, le président de la FFB AURA lui a répondu : ‘ Je ne vois pas de précisions à apporter au motif de licenciement, qui répond déjà aux exigences de la loi en matière de motivation de la lettre de rupture de votre contrat’.

Par un second courrier recommandé du 15 octobre 2018, Monsieur [U] [P] a demandé à l’employeur que lui soient précisés les critères de l’ordre des licenciements retenus pour décider de son licenciement. La FFB AURA n’a pas répondu à cette demande

Le 5 décembre 2018, Monsieur [U] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND en contestation de son licenciement.

Une audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 28 janvier 2019 et, suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire était renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire rendu en date du 9 mars 2020, le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– dit et jugé que le licenciement de Monsieur [U] [P] pour motif économique est fondé ;

– débouté Monsieur [U] [P] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la Fédération Française du Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes de sa demande reconventionnelle ;

– condamné Monsieur [U] [P] au dépens de l’instance.

Le 16 mars 2020, Monsieur [U] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 juin 2020 par Monsieur [U] [P],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 septembre 2020 par la Fédération Française du Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 décembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [U] [P] demande à la cour de réformer le jugement et de :

– dire son licenciement abusif en ce qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, au surplus, discriminatoire du fait du non-respect de l’ordre des licenciements ;

– condamner la Fédération Française du Bâtiment Aura à lui payer :

* à titre de dommages et intérêts : 250.000 euros,

* au titre de l’article 700 du Code de procédure civile : 10.000 euros ;

– débouter la Fédération Française du Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

S’agissant du licenciement, Monsieur [U] [P] considère qu’il est manifestement abusif puisque non fondé et discriminatoire. Il soutient que le motif économique invoqué pour justifier de son licenciement est fallacieux. Il fait valoir que, contrairement aux affirmations de la Fédération qui explique que le licenciement est justifié par les années 2016 et 2017 qui présentaient un déficit, les résultats comptables de la Fédération au moment du licenciement n’étaient pas conformes à la réalité.

S’agissant de l’année 2016, il affirme que bien que la Fédération ait dû faire face à une augmentation des charges, elle a aussi bénéficié d’une augmentation de la subvention nationale qui aurait eu pour effet d’absorber l’augmentation des charges. Monsieur [U] [P] déplore également que la plus-value réalisée en 2016 n’ait pas été intégrée dans le bilan comptable de 2017 mais qu’elle ait finalement réapparu dans celui de 2018.

En ce qui concerne l’année 2017, Monsieur [U] [P] rappelle que la fusion des deux fédérations Auvergne et Rhône-Alpes a eu pour effet d’apporter des fonds à la Fédération AURA. En outre le déficit constaté pour l’année 2017 devrait être considéré comme exceptionnel puisque consécutif à une importante dépense de plus de 50000 euros pour l’organisation d’un séminaire. Bien que la Fédération affirme qu’il serait à l’origine de ces dépenses somptuaires, Monsieur [U] [P] décline toute responsabilité dans les décisions financières, son rôle se limitant à exécuter les ordres donnés quant à l’organisation matérielle.

S’agissant de l’année 2018, Monsieur [U] [P] relève qu’apparaissent au bilan comptable deux provisions pour risque sociaux dont une supplémentaire de 204 000 euros par rapport à l’année 2017. Il estime que sans cette provision opportune, le bilan aurait été positif.

Sur le caractère discriminatoire du licenciement, Monsieur [U] [P] invoque le non-respect par son employeur de l’ordre des licenciements. Lors de la fusion, la Fédération avait à sa disposition deux secrétaires généraux, celui de l’ancienne Fédération Auvergne et celui de l’ancienne Fédération Rhône-Alpes. Le choix a été fait de procéder au licenciement de Monsieur [U] [P], ancien secrétaire général de la Fédération Auvergne alors que selon l’ordre des licenciements, c’est l’autre secrétaire général qui aurait dû faire l’objet de la mesure. En effet, les deux salariés exerçaient les mêmes fonctions, avec la seule différence des moyens financiers mis à leur disposition, mais Monsieur [U] [P] était plus âgé que son ancien collègue et avait une ancienneté supérieure de 11 ans. En outre, le salaire de Monsieur [U] [P] était inférieur à celui de l’autre salarié, ce qui ne correspond pas au motif économique du licenciement. Pour justifier ce choix, la Fédération a expliqué que l’autre salarié participait à la gestion de certaines de ses filiales, élément que Monsieur [U] [P] conteste puisque les deux organismes mentionnés seraient en réalité totalement indépendants.

S’agissant enfin de la réparation du préjudice découlant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, Monsieur [U] [P] conteste la conventionnalité de l’article L.1235-3 du Code du travail qui prévoit des barèmes indemnitaires. Il demande à la Cour d’écarter ce barème afin de lui accorder la réparation intégrale de ses préjudices. Il invoque à cet égard un préjudice financier résultant de la perte de ses revenus et de ses droits à la retraite alors que du fait de son âge, il ne parvient pas à trouver un nouveau poste. En outre, doit être ajouté un préjudice matériel du fait de la perte de la mutuelle et de la prévoyance auquel ainsi qu’un préjudice moral lié aux conséquences de la perte de son emploi.

Dans ses dernières écritures, la Fédération Française de Bâtiment Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [U] [P] pour motif économique est fondé et débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes. L’intimée sollicite en outre la condamnation de Monsieur [U] [P] aux dépens d’appel ainsi qu’à lui verser une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

S’agissant des difficultés économiques, la FFB Aura affirme que la fusion entre les deux fédérations régionales n’a pas permis de réaliser une économie de charges, d’autant plus que celles-ci auraient nettement augmenté sans être couverte par l’augmentation de la subvention nationale mentionnée par Monsieur [U] [P]. Concernant les dépenses réalisées dans le cadre de l’organisation du séminaire, la Fédération considère que celles-ci n’étaient pas somptuaires mais bien usuelles et nécessaires aux vues de l’importance d’un tel événement. Elle évoque également d’importants projets sur l’année 2018, entraînant une nécessaire réduction des charges. Elle soutient que le licenciement pour motif économique de Monsieur [U] [P] était nécessaire pour éviter la survenance de difficultés financières, précisant que celui-ci n’a pas été remplacé.

En ce qui concerne l’ordre des licenciements, la FFB Aura affirme que les deux secrétaires généraux n’exerçaient pas des fonctions de même nature et avaient des périmètres de poste différents, ce qui a pour conséquence d’exclure immédiatement l’application des textes imposant le respect de cet ordre. Toutefois, même si les critères textuels et jurisprudentiels devaient être appliqués, la Fédération fait valoir que le licenciement de Monsieur [U] [P] aurait également été prononcé au regard des charges de famille, des compétences et des qualités professionnelles des deux salariés.

S’agissant du préjudice invoqué par Monsieur [U] [P], la FFB Aura rappelle que la conventionnalité du barème prévu par le Code du travail n’a pas été remise en cause par le Conseil d’État et la Cour de cassation. En outre, elle relève que Monsieur [U] [P] n’apporte aucun élément prouvant l’existence d’un préjudice réel et certain et rappelle que celui-ci a perçu une indemnité de licenciement de près de 95.000 euros.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

En l’espèce, à la lecture de ses dernières conclusions, nonobstant l’emploi indifférencié des expressions ‘ licenciement abusif’, ‘licenciement sans cause réelle et sérieuse’ ou licenciement discriminatoire’, Monsieur [U] [P] demande à la cour de condamner la FFB AURA à lui verser une somme de 250.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en invoquant, s’agissant de son licenciement, l’absence de motif économique réel et sérieux et le non-respect des critères d’ordre des licenciements.

Le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement n’est pas invoqué, au sens des principes susvisés, par Monsieur [U] [P].

– Sur le motif économique du licenciement –

Le courrier de notification du licenciement, daté du 20 avril 2018, est ainsi libellé :

‘ Nous faisons suite par le présent à notre entretien du 29 mars 2017 au cours duquel nous vous avons remis la documentation sur le contrat de Sécurisation Professionnelle, auquel vous n’avez pas souhaité adhérer.

Nous sommes au regret de vous notifier par le présent courrier votre licenciement pour motif économique exposés lors de notre entretien et rappelés ci-dessous.

La situation économique de notre fédération rend nécessaire des réductions de charges.

Les résultats 2016 et 2017 font en effet apparaître successivement des résultats d’exploitation et des résultats courants négatifs auxquels il convient de remédier.

Structurellement, notre fédération dépend pour l’essentiel d’une subvention d’exploitation dont elle n’a pas la maîtrise et elle doit adapter ses charges ou viser à tout le moins l’objectif de résultats d’exploitation et courant équilibrés.

Depuis deux ans, nous avons connu le contexte particulier de la fusion entre les fédérations Auvergne et Rhône-Alpes, qui, à ce jour, n’ont pas permis d’économies de charges susceptibles de répondre à nos difficultés.

Il y a même, à l’inverse, des charges complémentaires qui pèsent sur le budget (taxe sur les salaires, surcoût de déplacement, loyer’)

Dans ce contexte difficile, notre fédération doit en outre mobiliser ou disposer de ressources pour la poursuite ou la mise en ‘uvre de projets nécessaires comme BTP INITIATIVES ou le développement de sa politique de communication et de présence sur les réseaux sociaux.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de réduire les charges pesant actuellement sur nos comptes et il a décidé la suppression de votre poste de secrétaire général adjoint. Afin d’éviter votre licenciement pour motif économique, nous avons recherché des possibilités de reclassement mais dans le contexte décrit ci-dessus, ce reclassement s’avère impossible.

En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier par le présent votre licenciement pour motif économique.

Nous vous rappelons que, conformément aux dispositions légales vus avez la faculté de solliciter de précisions sur le motif exposé ci-dessus dans les quinze jours suivant la notification de la présente lettre et que nous vous dispensons d’effectuer.

À la lecture de la lettre de licenciement, que l’employeur n’a pas souhaité compléter ou préciser sur demande du salarié, la FFB AURA a clairement notifié à Monsieur [U] [P] son licenciement pour motif économique, en invoquant des difficultés économiques (et non une réorganisation de l’organisation syndicale nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité), caractérisées par des résultats en baisse, des charges trop lourdes, la nécessité de réduire les coûts, rendant nécessaire la suppression du poste de secrétaire général adjoint occupé par Monsieur [U] [P].

Selon l’article L. 1133-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail en ses dispositions applicables depuis le 1er avril 2018 :

‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude…’

Le motif économique, qui est nécessairement non inhérent ou lié à la personne du salarié, est celui qui résulte d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise.

La jurisprudence considère en conséquence que le motif économique du licenciement comprend un élément causal (difficultés économiques ; mutations technologiques ; réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; cessation totale et définitive d’activité ; et autres car l’adverbe ‘notamment’ implique que la liste de l’article L. 1233-3 du code du travail n’est pas exhaustive) et un élément matériel (suppression ou transformation d’emploi ; modification du contrat de travail).

Le licenciement pour motif économique n’est légitime que si le contexte économique (élément causal) a conduit à une suppression ou transformation d’emploi, ou à une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail (élément matériel). La matérialité de cette suppression ou transformation d’emploi ou modification du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

En cas de motif économique établi, le juge n’a pas à contrôler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions possibles, notamment en relevant que celui-ci aurait pu choisir une solution impliquant moins de licenciements, puisque cela relève du pouvoir de direction de l’employeur.

Pour justifier un licenciement, le motif économique invoqué ne doit pas résulter d’une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l’employeur ni d’un manquement fautif de l’employeur ni même d’un légèreté blâmable. La Cour de cassation juge que si la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.

En cas de contestation, le juge doit vérifier que le motif économique existe et qu’il donne au licenciement une cause réelle et sérieuse. Si le motif économique n’existe pas, ou s’il n’est pas suffisamment caractérisé, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En la matière, le juge forge sa conviction en vérifiant la réalité et le sérieux, tant des raisons économiques (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise etc.), que de leur incidence sur l’emploi et le contrat de travail (suppression ou transformation d’emploi ; modification du contrat de travail).

S’agissant des difficultés économiques, la jurisprudence n’exige pas que la situation de l’entreprise soit catastrophique, il suffit que les difficultés économiques rencontrées soient réelles et sérieuses. L’article L. 1233-3 donne désormais des indications sur la notion de difficultés économiques (évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés / cf supra), mais ces critères ne sont pas exhaustifs.

Le souci de rentabilité de l’entreprise ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement. Il en est de même de la seule perte de marché, sauf évolution significative en conséquence d’un indicateur économique visé par l’article L. 1233-3 ou s’il s’agit de l’unique marché de l’entreprise.

La Cour de cassation précise que la durée de la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires mentionnée par l’article L. 1233-3 du code du travail doit s’apprécier en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période. En effet, selon une jurisprudence constante, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci et non à celle du déclenchement de la procédure de licenciement pour motif économique.

En l’espèce, à la lecture des comptes certifiés de la FFB AURA, il apparaît pour les indicateurs économiques suivants (exercices annuels clos au 31 décembre) :

– chiffre d’affaires en net : 4.372 euros en 2015 ; 4.733 euros en 2016 ; 4.051 euros en 2017 ; 25.814 euros en 2018 ;

– produits d’exploitation : 1.737.023 euros en 2015 ; 2.206.862 euros en 2016 ; 2.302.764 euros en 2017 ; 2.300.418 euros en 2018 ;

– charges d’exploitation : 1.723.274 euros en 2015 ; 2.254.980 euros en 2016 ; 2.346.765 euros en 2017 ; 2.416.704 euros en 2018 ;

– résultats d’exploitation : 13.749 euros en 2015; – 48.117 euros en 2016; – 44.000 euros en 2017 ; – 116.285 euros en 2018 ;

– résultats financiers : – 3.892 euros en 2015 ; 22.734 euros en 2016 ; 4.980 euros en 2017 ; 33.724 euros en 2018 ;

– résultat courant avant impôts : 9.856 euros en 2015 ; -25.383 euros en 2016 ; – 39.020 euros en 2017 ; – 82.561 euros en 2018 ;

– résultat : 9.811 euros en 2015 ; – 25.359 euros en 2016; – 37.611 euros en 2017 ; – 82.581 euros en 2018 ;

– provisions pour risques : 291.618 euros en 2017 ; 404.803 euros en 2018 (200.803 euros pour départ retraite + 204.000 euros pour risques psycho-sociaux).

Il n’est pas contesté que la FFB AURA est un syndicat professionnel de chefs d’entreprise du bâtiment, employant habituellement moins de onze salariés, qui constitue une structure juridiquement indépendante des autres FFB régionales, mais reçoit chaque année des ristournes et subventions de la Fédération Française Nationale du Bâtiment (environ 1.700.000 euros par an en 2016 et 2017 vu les justificatifs produits).

La FFB AURA affirme qu’elle ne constitue pas un groupe, au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail, avec la FFNB et les autres FFB régionales, et qu’il convient donc d’apprécier l’existence de difficultés économiques au sein de cette seule organisation professionnelle AURA. Monsieur [U] [P] ne justifie ni même ne soutient le contraire. La cour ne dispose pas en l’état d’éléments d’appréciation objectifs pour relever l’existence d’un groupe.

Si les indicateurs de ‘commandes’ et ‘chiffre d’affaires’ n’ont pas beaucoup de sens pour un syndicat, il échet de relever, entre 2015 et 2018, une évolution significative d’au moins un indicateur économique (en l’espèce notamment les résultats d’exploitation, résultat courants avant impôts et résultats), caractérisant l’existence de difficultés économiques pour la FFB AURA à l’époque où la procédure de licenciement a été engagée comme à celle où le licenciement de Monsieur [U] [P] a été notifié.

Les produits et charges d’exploitation ont augmenté sensiblement entre 2015 et 2016, mais n’ont pas significativement évolué entre 2016 et 2018. Les subventions et ristournes accordées par la FFNB ne semblent pas avoir significativement évolué entre 2016 et 2018. Les provisions inscrites en 2018 ont augmenté du fait d’un ‘départ en retraite’ envisagé (+ 200.000 euros) mais la cour ne dispose pas d’éléments objectivant une irrégularité ou une faute de la part de l’employeur dans ce cadre. Il en est de même s’agissant des plus-values latentes sur produits financiers alléguées par Monsieur [U] [P].

Reste donc la question du séminaire organisé par la FFB AURA du 28 septembre 2017 au 1er octobre 2017 à [Localité 4] (74) qui a coûté 51.390 euros à ce syndicat. Il apparaît que la FFB AURA a réuni à cette occasion des membres d’autres FFB régionales de la zone ‘grand sud’ des FFB. Les 42 invités ont participé à des réunions mais ont également bénéficié d’activités de loisir dans ce cadre. Les conditions de logement et de restauration offertes aux participants sont pour le moins haut de gamme, voire luxueuses. Toutefois, ces séminaires annuels régionaux semblent une pratique courante au sein des FFB, voire l’une des missions de ces organisations professionnelles, ainsi que le niveau des prestations offertes aux chefs d’entreprise conviés et à leurs ‘accompagnants’. Le montant total des prestations du séminaire organisé à [Localité 4] a pu dépasser le coût moyen afférent à l’organisation de ce type de manifestations annuelles, mais aucune irrégularité n’est relevée en l’état par la cour.

Les difficultés économiques de la FFB AURA à l’époque considérée n’apparaissent pas résulter d’une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l’employeur ni d’un manquement fautif, ni même d’une légèreté blâmable de la part de celui-ci.

La cour considère que ces difficultés économiques sont réelles et sérieuses, et que l’élément causal du licenciement pour motif économique est ainsi établi.

La lecture des justificatifs d’entrées et de sorties du personnel permet de constater divers emplois ou postes au sein de l’organisation professionnelle (secrétaire, femme de ménage, animateur, chargé de mission ou de projet ou de formation, comptable, secrétaires généraux). À l’époque considérée, les salariés occupant des postes de cadres supérieurs les plus hautement rémunérés sont les secrétaires généraux, à savoir Monsieur [U] [P] et Monsieur [T] [Z].

Avant le 1er janvier 2017, Monsieur [U] [P] occupait le poste de secrétaire général de la FFB AUVERGNE et Monsieur [T] [Z] celui de secrétaire général de la FFB RHÔNES-ALPES. À compter du 1er janvier 2017, suite à la fusion des deux organisations professionnelles, Monsieur [U] [P] a occupé le poste de secrétaire général adjoint de la FFB AURA et Monsieur [T] [Z] celui de secrétaire général de la FFB AURA. Ce nouvel intitulé des postes, qui peut s’expliquer notamment par la différence de taille des deux FFB régionales et la nécessité d’éviter un doublon organisationnel, n’a entraîné aucune modification en matière de classification, rémunération et conditions de travail pour Monsieur [U] [P] qui ne tire d’ailleurs, dans ses écritures, aucune conséquence juridique particulière de cette situation s’agissant de l’objet du présent litige.

Au moment de son licenciement, Monsieur [U] [P] percevait une rémunération mensuelle brute de référence de 9.415,30 euros (112.983,50 euros par an). En avril 2018 (seul bulletin de paie produit), Monsieur [U] [P] a perçu un salaire mensuel brut de 8.495 euros.

La nécessité pour la FFB AURA de réduire ses charges en raison de difficultés économiques persistantes a conduit l’employeur à supprimer le poste de secrétaire général adjoint occupé par Monsieur [U] [P]. Vu les pièces produites, il apparaît qu’après le licenciement de Monsieur [U] [P], le poste de secrétaire général adjoint n’a pas été pourvu et qu’il restait un seul poste de niveau secrétaire général au sein de la FFB AURA. Monsieur [T] [Z], en qualité de secrétaire général de la FFB AURA, a exercé après le licenciement les fonctions antérieurement remplies par Monsieur

[U] [P].

La cour considère que la suppression de l’emploi occupé par Monsieur [U] [P] est objectivement en lien direct avec les difficultés économiques, réelles et sérieuses, de la FFB AURA, et que l’élément matériel du licenciement pour motif économique est ainsi établi.

Pour le surplus, la cour n’a pas à contrôler les choix de gestions effectués par l’employeur.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Monsieur [U] [P] pour motif économique est fondé et en ce qu’il a débouté Monsieur [U] [P] de sa demande afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur les critères d’ordre des licenciements –

Aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail en ses dispositions applicables depuis le 22 décembre 2017 :

‘Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article.

Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.

En l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois.

Les conditions d’application de l’avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret.’

Aux termes de l’article L. 1233-6 du code du travail : ‘Les critères retenus par la convention et l’accord collectif de travail ou, à défaut, par la décision de l’employeur ne peuvent établir une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié.’

Aux termes de l’article L. 1233-7 du code du travail : ‘Lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l’article L. 1233-5.’

Aux termes de l’article L. 1233-17 du code du travail : ‘Sur demande écrite du salarié, l’employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements.’.

À partir du moment où il a décidé de procéder à un licenciement pour motif économique, individuel ou collectif, l’employeur doit fixer les critères lui permettant d’établir un ordre des licenciements afin de déterminer le ou les salariés à licencier. Par exception, l’obligation d’établir un ordre des licenciements ne s’impose pas : – en cas de fermeture de l’entreprise, même si les notifications des licenciements s’étalent sur plusieurs mois pour les besoins de l’arrêt de l’activité ; – si tous les emplois d’une même catégorie professionnelle sont supprimés ; – lorsque les licenciements concernent les salariés ayant refusé une modification du contrat de travail proposée à tous ; – lorsque la réduction d’effectif ne doit se réaliser que par le biais de départs volontaires.

L’employeur doit appliquer les critères fixés par la convention ou l’accord collectif en vigueur dans l’entreprise. À défaut de stipulation conventionnelle, il fixe lui-même les critères après avoir consulté le comité d’entreprise, désormais le comité social et économique, à défaut les délégués du personnel, sous peine de délit d’entrave. L’obligation de consultation des représentants du personnel est satisfaite alors même que ceux-ci se sont refusés à formuler un avis.

L’employeur doit prendre en compte les critères fixés par le code du travail (article L. 1233-5 à L. 1233-7) : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Cette liste légale n’étant pas limitative peut être complétée par d’autres critères.

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères légaux.

À défaut de stipulation conventionnelle, les critères retenus pour l’ordre des licenciements doivent être fixés à l’occasion de chaque licenciement.

Pour apprécier la compétence professionnelle, l’employeur doit se fonder sur des éléments objectifs et vérifiables. La seule possession d’un diplôme est insuffisante. L’employeur peut tenir compte des sanctions disciplinaires non prescrites si elle ne constituent pas le seul élément d’appréciation.

Le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l’ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l’employeur. Il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l’appréciation portée par l’employeur sur les aptitudes professionnelles du salarié, pour la mise en oeuvre de l’ordre des licenciements, ne procède pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.

Sont interdits les critères discriminatoires ainsi que ceux établissant une priorité de licenciement des salariés percevant une pension de retraite.

L’ordre des licenciements est dressé au moment où les licenciements sont décidés et mis en oeuvre.

Les critères sont appliqués à l’ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés, de façon égalitaire et loyale.

La notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s’applique l’ordre des licenciements ne se réduit pas à un emploi déterminé, mais vise l’ensemble des salariés exerçant dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Cela peut conduire, par exemple, à appliquer les critères à tous les cadres de l’entreprise, quels que soient leurs domaines d’intervention.

Un salarié dont l’emploi n’a pas été supprimé peut être licencié parce qu’il a été désigné en application des critères appréciés par catégorie professionnelle. Inversement, un salarié dont l’emploi est supprimé peut ne pas être désigné par les critères et maintenu dans l’entreprise.

Les critères sont mis en oeuvre dans le cadre de l’entreprise, non dans les seuls établissements ou services concernés par les suppression d’emplois, sauf accord collectif conclu à un niveau plus élevé que l’établissement le prévoyant, le choix opéré par l’accord collectif échappant au contrôle du juge.

Le non-respect des règles relatives à l’ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais constitue un manquement de l’employeur à la loi qui peut causer au salarié licencié un préjudice pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de son emploi. Ce préjudice, évalué souverainement par les juges du fond, doit être intégralement réparé par une indemnité qui ne peut pas être symbolique, mais n’est pas cumulable avec celle allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié licencié qui souhaite connaître les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements doit adresser sa demande à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé dans les dix jours de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi. L’employeur doit y répondre sous la même forme dans les dix jours suivants la présentation de la demande. Il doit préciser, outre les critères retenus, les élément permettant au salarié de vérifier leur application à la situation.

Le fait pour un salarié de ne pas user de la faculté qui lui est ouverte de demander à l’employeur les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements ne le prive pas de la possibilité de se prévaloir de l’inobservation de ces critères et de demander la réparation de son préjudice. Même s’il n’a pas demandé l’énonciation des critères, le salarié peut donc contester l’ordre des licenciements.

Le refus de l’employeur de fournir au salarié les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. Un défaut de réponse ou une réponse tardive constitue une irrégularité ouvrant droit pour l’intéressé à des dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi. L’indemnisation du salarié pour défaut de réponse de l’employeur est cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, les parties indiquent de façon concordante qu’après le 1er janvier 2017, Monsieur [U] [P] a continué à remplir, depuis la région clermontoise, sur le secteur AUVERGNE de la FFB AURA (4 fédérations départementales), les mêmes tâches que celles exercées avant le 1er janvier 2017.

À compter du 1er janvier 2017, Monsieur [T] [Z], outre les tâches qu’il remplissait précédemment en qualité de secrétaire général de la FFB RHÔNES-ALPES (7 fédérations départementales), a exercé des fonctions de coordination des actions au sein de la FFB AURA (11 fédérations départementales), ainsi que des missions propres à la gestion d’une FFB régionale de grande taille (BTP INITIATIVES, contrats d’objectifs région, etc.). Monsieur [T] [Z] dirigeait (management) des équipes plus étoffées et diverses que Monsieur [U] [P].

Incontestablement, à l’époque de l’engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, les responsabilités de Monsieur [T] [Z] étaient plus importantes, les compétences plus étendues, les tâches plus variées et les fonctions plus lourdes, par rapport au poste occupé par Monsieur [U] [P].

Reste qu’au delà de ces constats objectifs, Monsieur [U] [P] et Monsieur [T] [Z] exerçaient au sein de la FFB AURA des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, qu’en conséquence ils appartenaient à la même catégorie professionnelle comportant deux salariés, un secrétaire général et un secrétaire général adjoint.

En l’absence d’accord collectif, la FFB AURA, lorsqu’elle a procédé au licenciement individuel pour motif économique d’un des deux salariés appartenant à la catégorie professionnelle des secrétaires généraux, devait prendre en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l’article L. 1233-5 du code du travail.

S’agissant des charges de famille, il n’est pas contesté que Monsieur [U] [P] n’avait aucune personne à sa charge financière, alors que Monsieur [T] [Z] avait cinq enfants à sa charge.

S’agissant de l’ancienneté, celle de Monsieur [U] [P] était au 3 mars 1997 et celle de Monsieur [T] [Z] au 17 juillet 2006.

S’agissant de l’âge, Monsieur [U] [P] est né le 5 mai 1955 (63 ans à l’issue du préavis) alors que Monsieur [T] [Z] est né le 26 juin 1968 (50 ans).

S’agissant des qualités professionnelles, aucune évaluation objective n’est versée aux débats, mais la cour a déjà relevé que pour Monsieur [T] [Z] les responsabilités étaient plus importantes, les compétences plus étendues, les tâches plus variées et les fonctions plus lourdes.

Il n’y a pas de différence significative entre les deux salariés en matière de montant de rémunération, de diplômes ou formations.

Vu les principes et observations susvisés, il apparaît que la FFB AURA, qui pouvait légitimement privilégier les critères des qualités professionnelles et charges de famille sans méconnaître les critères d’ancienneté et d’âge, n’a commis ni erreur manifeste, ni abus de pouvoir, ni faute ou manquement à ses obligations dans l’application des critères d’ordre des licenciements.

Le premier juge n’ayant pas expressément statué de ce chef, Monsieur [U] [P] sera débouté de ses demandes aux fins de dire son licenciement discriminatoire du fait du non-respect de l’ordre des licenciements et de voir condamner la FFB AURA à lui verser des dommages-intérêts à ce titre.

– Sur la demande de dommages-intérêts –

Vu les attendus qui précèdent, alors qu’il ne présente pas expressément une demande du fait du refus de l’employeur de lui fournir les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, Monsieur [U] [P] sera débouté de sa demande afin de voir condamner la FFB AURA à lui verser des dommages-intérêts.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Monsieur [U] [P], qui succombe en ses prétentions et en son recours, sera condamné aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

En équité, il n’y a pas lieu en l’espèce à condamnation d’une des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

– Déboute Monsieur [U] [P] de sa demande afin de dire son licenciement discriminatoire du fait du non-respect de l’ordre des licenciements ;

– Déboute Monsieur [U] [P] de sa demande afin de voir condamner la FFB AURA à lui verser des dommages-intérêts ;

– Condamne Monsieur [U] [P] aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x