Ordre des licenciements : 30 octobre 2014 Cour d’appel de Pau RG n° 12/03209

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Ordre des licenciements : 30 octobre 2014 Cour d’appel de Pau RG n° 12/03209
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30 octobre 2014
Cour d’appel de Pau
RG n°
12/03209

SG/SB

Numéro 14/03697

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 30/10/2014

Dossier : 12/03209

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Affaire :

COMPAGNIE THERMALE DE DAX (S.A.E.M.)

C/

[O] [C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 Octobre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 01 Septembre 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

En présence de Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

COMPAGNIE THERMALE DE DAX (S.A.E.M.)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître MONEGER, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉE :

Madame [O] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante assistée de Maître GARRETA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 18 SEPTEMBRE 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F 11/00045

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame [O] [C] a été engagée par la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX, ci-après désignée CTD, le 1er juin 1984, par contrat à durée déterminée, en qualité de réceptionniste. La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Par la suite elle a bénéficié de plusieurs promotions en qualité de secrétaire, assistante de direction et à compter du 1er décembre 2002 elle a été nommée responsable des ressources humaines, catégorie cadre, niveau 5, échelon 1.

L’entreprise a été gérée par une filiale du groupe ACCOR, la société thermale de France, de 1997 au 31 décembre 2009, puis à compter du 1er janvier 2010 l’exploitation a été reprise par la CTD, qui exploitait quatre établissements hôteliers et thermaux (le Splendid, les Thermes, le Miradour et Dax thermal) et qui a totalement cessé son activité en juillet 2013.

Convoquée le 17 novembre 2010 à un entretien préalable à une mesure de licenciement économique, elle a adhéré à la CRP le 30 novembre 2010 et a reçu notification de son licenciement par lettre du 10 décembre 2010.

Contestant son licenciement, Madame [O] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Dax, par requête en date du 24 février 2011 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que soient retenus les cinq motifs soutenus qu’elle soutient afin que soit constaté le défaut de motif réel et sérieux de son licenciement et que le montant de ses dommages-intérêts soit fixé à hauteur de 262.649,40 €.

À défaut de conciliation le 5 avril 2011 l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 18 septembre 2012, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud’hommes de Dax (section encadrement) a :

– Dit que la procédure de licenciement est régulière,

– dit que l’employeur n’a pas respecté les critères de l’ordre de licenciement,

– qualifié la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la COMPAGNIE THERMALE DE DAX à payer à Madame [O] [C] la somme de 125.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

– débouté Madame [C] du surplus de ses demandes,

– débouté la COMPAGNIE THERMALE DE DAX de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– partagé les dépens par moitié entre les parties.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 septembre 2012, la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.

La contribution pour l’aide juridique prévue par l’article 1635 bis Q du code général des impôts a été régulièrement acquittée par timbre fiscal de 35 €.

Pour être complet, rappelons que la CTD avait demandé au président du conseil de prud’hommes de Dax le renvoi de cette affaire pour cause de suspicion légitime au motif que le vice-président du conseil de prud’hommes était Monsieur [E] [J] qui a exercé les fonctions de directeur général de la société thermale de France qui gérait les établissements de la compagnie thermale de Dax dont Madame [O] [C] était la secrétaire de direction, et qu’il a participé activement pour défendre les intérêts de la société Thermale de France, filiale de la société ACCOR, à la conduite de la procédure judiciaire diligentée contre la COMPAGNIE THERMALE DE DAX et alors que durant toute cette procédure cette dernière a été opposée à Monsieur [E] [J], directeur de l’époque des établissements thermaux qu’elle a repris.

La CTD en concluait qu’il existait une inimitié notoire entre le vice-président de la juridiction et elle-même, conduisant à la suspicion légitime.

Le président du conseil de prud’hommes s’étant opposé à cette demande, celle-ci a été transmise au premier président de la cour d’appel et notre cour, par arrêt du 17 novembre 2011, a rejeté la requête présentée par la COMPAGNIE THERMALE DE DAX et l’a condamnée à une amende civile de 1.000 €.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La COMPAGNIE THERMALE DE DAX (CTD), par conclusions écrites, déposées le 29 juillet 2014, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

– Déclarer son appel recevable et bien-fondé,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la CTD n’avait pas respecté les critères de l’ordre des licenciements et l’a condamnée à payer à Madame [O] [C] la somme de 125 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la procédure de licenciement était régulière et a débouté Madame [O] [C] du surplus de ses demandes,

– en conséquence : dire que la procédure de licenciement pour motif économique est parfaitement régulière ; que le licenciement prononcé à l’encontre de Madame [O] [C] repose à l’évidence sur un motif économique réel et sérieux ; que la CTD a satisfait à l’obligation de reclassement qui lui incombait ; que les critères de l’ordre des licenciements ont parfaitement été respectés ; que la CTD a respecté la priorité de réembauchage ;

– débouter, par voie de conséquence, Madame [O] [C] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Madame [O] [C] à payer à la CTD la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La CTD fait valoir, en substance, que :

– sur la régularité de la procédure de licenciement : Madame [F] [I], directrice de l’ensemble des services de l’entreprise, pouvait valablement procéder au licenciement ;

– sur la décision de licencier avant l’engagement de la procédure : Madame [O] [C] ne démontre pas que la directrice lui aurait annoncé son licenciement avant l’engagement de la procédure ;

– sur l’obligation de reclassement : l’obligation de reclassement a parfaitement été respectée, l’employeur étant en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés ;

– sur la communication des motifs du licenciement ; un courrier d’accompagnement évoquant les motifs du licenciement envisagé et rappelant le délai de réflexion de 21 jours pour adhérer à la CRP a été remis à la salariée en même temps que la documentation relative à la CRP et une lettre de proposition de reclassement, mais la salariée a refusé ce courrier qui lui a été adressé en recommandée avec avis de réception dès le lendemain, soit le 1er décembre 2010 ;

– sur la communication des critères : il a été répondu à la salariée dans le délai de 10 jours imparti par le code du travail ;

– sur l’ordre des licenciements : la salariée ne pouvait comparer sa position avec d’autres salariés de l’entreprise puisqu’elle était sur un poste unique ; en outre le non-respect de l’ordre des licenciements n’emporte pas les conséquences d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– sur la priorité de réembauchage : celle-ci a été respectée ; un poste de réceptionniste a été proposé à la salariée qui a décidé de ne pas y donner suite au prétexte pris qu’elle n’avait pas été destinataire du registre du personnel à l’issue de l’audience de conciliation.

Madame [O] [C], par conclusions écrites, déposées le 26 août 2014, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Dax du18 septembre 2012 en ce qu’il a jugé que l’employeur n’a pas respecté les critères de l’ordre de licenciement et a qualifié la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant de nouveau, et faisant droit à son appel incident,

– majorer le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués en première instance à la somme de 262. 649,40 €,

– retenir les 7 motifs qu’elle soutient afin que soit constaté le défaut de motif réel et sérieux de son licenciement qui lui a été notifié par la CTD,

– condamner la CTD à lui régler une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [O] [C] soutient 7 moyens de contestation de son licenciement.

1) – Elle soulève la nullité de son licenciement pour usurpation de qualité de la signataire de la procédure de licenciement, au motif que la signataire, Madame [F] [I] n’était pas la directrice générale qu’elle a prétendu être, poste qui était assuré par le président du conseil d’administration ;

2) – elle prétend que la décision de la licencier était arrêtée avant le début de la procédure, et prétend en rapporter la preuve par les pièces 6 et 7 ;

3) – elle prétend que la lettre qui lui a été adressée par l’employeur ne lui permettait pas de vérifier l’application des critères d’ordre des licenciements par rapport aux autres salariés de la même catégorie professionnelle, de sorte que cette lettre s’assimile à une absence de réponse à sa demande sur les critères de l’ordre des licenciements ;

4) – l’employeur n’a pas respecté les critères d’ordre de licenciement ; l’employeur a défini une catégorie professionnelle, celle des cadres, mais n’a appliqué aucun des critères légaux pour fixer l’ordre des licenciements, de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

5) -elle soutient que l’employeur a manqué à son obligation de proposition de reclassement, du fait de l’identité des propositions faites à tous les salariés inclus dans le licenciement collectif ;

6) – l’employeur n’a pas respecté la priorité de réembauchage, alors qu’à compter de sa demande pour bénéficier de cette priorité, l’entreprise a recruté des collaborateurs dans à peu près tous les domaines ;

7) – le défaut par l’employeur de la communication des motifs de son licenciement avant son acceptation de la CRP entraîne les conséquences de licenciement dépourvu de tout caractère réel et sérieux.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant la régularité de la procédure de licenciement :

Sur la signature de la convocation à l’entretien préalable et de la lettre de licenciement :

La convocation à l’entretien préalable du 17 novembre 2010 a été signée par « [F] [I] Directeur Général », et la lettre de licenciement du 30 novembre 2010 a été signée par « [F] [I] ».

Madame [O] [C] conteste la qualité de Madame [F] [I] à procéder à la mesure de licenciement dont elle a fait l’objet.

Madame [F] [I] n’était pas une personne étrangère à l’entreprise puisqu’elle a été engagée à compter du 26 juillet 2010 par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein « statut cadre dirigeant » en qualité de « directeur des 4 complexes de la société, non mandataire social » (articles 1 et 2 du contrat), pour exercer (article 2) les « fonctions habituelles de direction d’une entreprise », et notamment : « administrer la SEM : mise en place de l’organisation interne ; (‘) Management de la vie sociale (‘) ; Diriger les collaborateurs permanents ou occasionnels de l’entreprise » ; le contrat précise que « cette liste n’est pas exhaustive. Madame [I] devra accomplir toutes les actions liées à ses responsabilités de directrice des 4 complexes » et ajoute que « directement rattachée au président du conseil d’administration de la Compagnie Thermale de Dax, elle représente la direction, tant devant les organes décisionnaires que devant les collaborateurs ».

Madame [F] [I] a donc été effectivement recrutée pour exercer les fonctions de directeur. Le fait que la mention de « directeur général » ne paraît pas expressément dans son contrat de travail n’est pas de nature à constituer une usurpation d’identité comme le prétend Madame [O] [C], ses fonctions de directeur s’étendant aux quatre établissements de l’entreprise lui conférait, de fait, la fonction de « directrice générale », c’est-à-dire non pas directrice de tel ou tel établissement, mais directrice des quatre établissements.

Madame [O] [C] avait parfaitement connaissance de la qualité de directrice de Madame [F] [I], ainsi que le montre le courrier qu’elle lui a adressé le 2 novembre 2010, soit avant sa convocation à l’entretien préalable, en indiquant « à l’attention de Mme [F] [I] » et en titre et en formule de politesse en utilisant la formule « Madame la directrice ».

Les fonctions de Madame [F] [I] lui conférait donc le pouvoir de recruter de nouveaux salariés, comme cela est établi par plusieurs contrats produits aux débats, mais également le pouvoir de procéder à la rupture de contrats de travail, en vertu de son contrat et en tout état de cause en ayant reçu mandat ou délégation du président du conseil d’administration sans qu’il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit. Or, l’employeur est régulièrement présent à la procédure pour soutenir le licenciement validant ainsi la reconnaissance du pouvoir donné à Madame [F] [I] pour procéder audit licenciement.

Par conséquent, ce moyen sera rejeté.

Concernant le moment de la décision de licencier :

Madame [O] [C] soutient que la décision de la licencier était arrêtée avant le début de la procédure, et prétend en rapporter la preuve par les pièces 6 et 7.

La pièce 6 est la photocopie d’un tract du syndicat CFDT qui porte en titre « compte rendu du conseil d’administration du 26/10/2010 » et qui mentionne : « des décisions ont été délibérées et adoptées par celui-ci. A ce jour, à la suite de la situation déficitaire de 2.8 M € à ce jour de la C.T.D et malgré les projets de relance de la direction, des économies générées sur les moyens humains seront effectuées par le licenciement de 5 ou 6 cadres, 53 départs estimés volontaires non remplacés, redéfinition du contrat de travail des kinés et 1/2 mois de travail sur les saisonniers tout cela pour une économie de 650 000 € ».

Aucune mention de ce tract ne vise expressément le nom de Madame [O] [C], ou à défaut sa fonction qui permettrait de l’identifier. Il n’est pas davantage fait mention du licenciement de l’ensemble des cadres qui impliquerait, par définition, le licenciement de Madame [O] [C], puisqu’il est fait état du licenciement de 5 ou 6 cadres.

La pièce 7 est la copie du courrier du 2 novembre 2010 que Madame [O] [C] a adressé à Madame [F] [I], ainsi rédigé :

« Madame la directrice,

je donne suite à notre entretien du mercredi 27 octobre 2010 à 12 heures. Lors de cet entretien, vous m’avez annoncé la suppression de mon poste dans le cadre du projet de restructuration défini et adopté lors du conseil d’administration du mardi 26 octobre 2010 dont la presse, la radio et la télévision se sont faits l’écho et faisant état de 5 ou 6 licenciements pour raisons économiques parmi l’encadrement de l’entreprise.

Vous m’avez indiqué que vous recherchiez des propositions de reclassement sans que cette voie ne soit encore bien précise dans votre esprit.

Le tract syndical diffusé le mercredi 27 octobre 2010 fait état de 53 départs en sus des 5 ou 6 postes de cadres supprimés. Aussi, si un plan social (PSE) devait être mis en ‘uvre postérieurement aux licenciements des 5 ou 6 cadres dont je fais parti, licenciements qui semblent imminents, je vous remercie de bien vouloir noter que je demande à bénéficier de cet éventuel PSE.

Je ne voudrais pas être moins bien traitée que les autres salariés de l’entreprise.

Je vous prie d’agréer, Madame la directrice, l’expression de mes salutations distinguées ».

Il s’agit donc d’un courrier émanant de Madame [O] [C] qui affirme que la directrice lui a annoncé, lors de l’entretien du 27 octobre 2010, la suppression de son poste de travail, de sorte que le contenu de ce courrier est une allégation de la salariée qui n’est pas de nature à rapporter la preuve de la réalité de son contenu, ni par conséquent de ce que la directrice lui a effectivement annoncé son licenciement. En d’autres termes, affirmer que la directrice l’a informée le 27 octobre 2010 de la suppression de son poste n’est pas la preuve que cette information lui a effectivement été donnée.

Madame [O] [C] prétend que dans sa réponse du 23 novembre 2010 Madame [F] [I] ne conteste pas la teneur de l’entretien du 27 octobre et cherche seulement à en diminuer sa portée.

Le courrier du 23 novembre 2010 adressé à Madame [O] [C] par Madame [F] [I] est ainsi rédigé :

« je fais suite à votre courrier daté du 02 novembre 2010, reçu le 04 novembre dernier, dont la teneur n’a pas manqué de retenir toute mon attention.

Afin de répondre à vos interrogations, je vous précise que l’entretien du 27 octobre dernier avait pour but de vous informer, compte tenu du statut de cadre et des fonctions managériales que vous occupez au sein de l’entreprise, du projet de suppression de six postes nécessité par les graves difficultés financières dans lesquelles nous nous trouvons et que vous n’êtes pas sans ignorer.

A cette occasion, je vous ai indiqué que l’entreprise envisageait de mettre en ‘uvre des mesures de reclassement tant en interne que sur le plan externe, permettant à tout salarié dont le poste de travail serait supprimé de retrouver rapidement un emploi.

Cela étant, contrairement au tract syndical qui a été récemment diffusé, il n’est nullement question de procéder, à court ou moyen terme, au licenciement de 53 salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Demeurant à votre disposition pour toute demande de renseignements complémentaires qui vous seraient utiles (‘) ».

Ainsi, ce courrier ne comporte aucune mention susceptible de constituer la reconnaissance de l’information donnée à Madame [O] [C] de la suppression de son poste lors de l’entretien du 27 octobre, et n’est donc pas de nature à constituer la preuve de ce que la décision de son licenciement a été prise avant l’engagement de la procédure.

Madame [O] [C] ne produit aucun élément de nature à rapporter cette preuve, de sorte que ce moyen sera rejeté.

Concernant le reclassement :

Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-4 du code du travail, que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et caractérisés par une recherche sérieuse, loyale et effective, et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte de ce texte que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur est une obligation de moyen renforcée qui lui impose de rapporter la preuve qu’il a mis en ‘uvre toutes les mesures nécessaires pour éviter le reclassement des salariés dont le licenciement était envisagé.

En l’espèce, l’employeur prétend avoir satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où il pouvait faire la proposition du même poste de reclassement à l’ensemble des six salariés concernés par la mesure de licenciement, cette proposition constituant une offre personnalisée et individualisée.

La proposition de reclassement litigieuse, faite aux six salariés dont le licenciement était envisagé, par courrier du 30 novembre 2010 est ainsi rédigé :

« nous faisons suite à notre entretien au cours duquel nous avons évoqué le projet de licenciement économique qui malheureusement vous concerne.

Dans ce cadre, comme nous vous l’avons précisé, tous nos efforts portent sur la recherche de reclassement vous concernant que nous avons initiée.

A ce jour, nous vous précisons que seul un emploi à temps plein de serveur, moyennant une rémunération égale au SMIC en vigueur, serait disponible.

Bien que nous sachions que ce poste de travail ne réponde pas à votre profil professionnel, il s’agit malheureusement là de la seule proposition que nous puissions vous formuler.

Nous poursuivons néanmoins de (sic) recherche.

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire qui vous serait utile (‘) ».

Mais, le fait d’affirmer que tous les efforts portent sur la recherche de reclassement ne permet pas de savoir quels sont les efforts déployés et n’est pas de nature à démontrer la réalité des efforts prétendus. Or, aucune précision n’est donnée sur cette recherche de reclassement qui devait être effectuée sur l’ensemble des établissements de l’entreprise.

De plus, un tel courrier n’est pas susceptible de constituer une offre précise, loyale et effective.

En effet, il résulte de ce courrier que l’emploi à temps plein de serveur « serait disponible ». Il n’est donc pas indiqué que ce poste était effectivement disponible, et l’emploi du conditionnel (serait) implique de supposer qu’il était susceptible de devenir disponible sans que le salarié puisse déterminer à quelles conditions, ni s’il s’agissait de conditions de délai, de temps, de lieu d’exercice, de rémunération, de revendication propre au salarié à qui cette « proposition » était faite ou autre, à défaut de toute indication en ce sens.

L’employeur ajoute avoir conscience que ce poste de travail ne répond pas au profil professionnel du salarié à qui il est proposé, sans démontrer qu’il s’agissait véritablement de la seule proposition qui pouvait être formulée, comme il l’affirme, et par conséquent sans établir le caractère sérieux d’une proposition qui n’était même pas effective, ni précise.

Il ne peut donc que s’agir d’une proposition précise, loyale et effective.

L’employeur ne démontre pas qu’aucun poste n’était disponible, le plaçant dans l’impossibilité de proposer un reclassement.

En effet, l’employeur a produit des extraits du registre d’entrée et de sortie du personnel. Mais il s’agit des pages 373 à 473 qui couvrent la période du 18 décembre 2010 au 31 mars 2011, et ne concerne donc pas la période contemporaine au licenciement qui a été engagé par la convocation à l’entretien préalable le 17 novembre 2010.

Il convient en outre de souligner que le poste à temps plein de serveur qui, selon le courrier du 30 novembre 2010, « serait disponible » ne figure pas sur les pages produites, interdisant de vérifier la réalité et le sérieux de cette « proposition ».

Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté de la salariée au moment de son licenciement (26 ans) de son âge (50 ans), du montant de son salaire mensuel moyen calculé sur les 12 derniers mois (4.116 €), et des éléments produits sur le préjudice subi, il convient de fixer à la somme de 115.000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Concernant le respect des critères d’ordre des licenciements :

Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail que lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Les critères retenus pour fixer l’ordre de licenciement s’apprécient par catégorie professionnelle pour l’ensemble des salariés qui exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans que l’application de ces critères puisse être limitée aux seuls salariés de l’établissement concerné par les suppressions d’emplois, quand bien même une telle limitation serait prévue par un accord d’établissement approuvé par le comité d’établissement.

La CTD a prétendu qu’il n’y avait pas lieu à définir et à appliquer des critères d’ordre des licenciements dans la mesure où une catégorie professionnelle avait été entièrement touchée par la suppression de l’ensemble des emplois qui la constituait, selon le courrier du 23 décembre 2010 de la directrice à la salariée.

Dans ses conclusions écrites l’employeur soutient que Madame [O] [C] ne peut pas se comparer à Mesdames [Z] et [T] au motif qu’elle était sur un poste unique, sans comparaison aucune avec d’autres.

Mais, il convient de distinguer le poste de la catégorie professionnelle.

Lors de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise, convoqué par courrier du 5 novembre 2010 pour le 12 novembre 2010, l’employeur a présenté la situation économique de l’entreprise et les conséquences générales pour l’emploi et a informé et consulté le comité sur le projet de licenciement collectif pour raison économique. Il a ainsi été indiqué que la catégorie professionnelle concernée par le projet de licenciement est « la catégorie cadre ».

Ainsi qu’il a été dit précédemment, six cadres de l’entreprise ont été licenciés pour motif économique et l’employeur n’a établi aucun ordre des licenciements au motif que toute la catégorie professionnelle était concernée.

Mais, il ressort du contrat de travail de Madame [O] [C], ainsi que de ses bulletins de salaire, qu’elle était classée cadre, niveau 5, échelon 1, classement non contesté.

Or, il ressort du contrat à durée indéterminée, à temps plein de Madame [S] [T], que celle-ci a été engagée à compter du 11 janvier 2010 en qualité d’adjointe ressources humaines, catégorie cadre, niveau 5, échelon 1.

De même, il n’est pas contesté que Madame [R] [Z], qui exerçait en qualité de responsable administratif du personnel, avait le statut cadre, niveau 5, échelon 1.

Ainsi, ces deux salariées , avaient le même niveau et le même échelon que Madame [O] [C], exerçaient des fonctions de même nature, sans qu’il soit nécessaire que les fonctions soient identiques, et appartenaient à la même catégorie cadre qui constituait une catégorie professionnelle, sans qu’il y ait lieu de distinguer les fonctions exercées par chaque salarié appartenant à cette même catégorie, de sorte que la totalité des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle n’était pas concernée par le projet de licenciement pour lequel devait donc être établi un ordre des licenciements, ce que n’a pas fait l’employeur qui a ainsi manqué à son obligation.

Cependant, il convient de rappeler que les dommages-intérêts susceptibles d’être alloués pour violation de l’ordre des licenciement ne sont pas cumulables avec les dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Concernant l’absence de réponse des critères d’ordre des licenciements :

Il résulte des dispositions des articles L. 1233-17 et R1233-1 du code du travail, que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique l’employeur est tenu, à la demande écrite du salarié qui doit être adressée, ou remise en main propre, avant l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi, de lui indiquer par écrit les critères retenus en application de l’article L1233-5 dans les 10 jours suivant la présentation de la lettre du salarié.

En l’espèce, Madame [O] [C] a adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 30 novembre 2010. La rupture du contrat de travail est donc intervenue ce même jour puisqu’en application des dispositions de l’article L 1233-67 du code du travail l’acceptation de la convention de reclassement personnalisé emporte rupture du contrat de travail qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis. La demande de la salariée devait donc intervenir dans les 10 jours, soit avant le 11 décembre 2010. Or la demande a été faite par courrier du 22 décembre. En tout état de cause, l’employeur a répondu par courrier du 23 décembre, soit dans les 10 jours à compter de la demande, sans que l’affirmation de l’absence de nécessité d’établissement de critères d’ordre des licenciements, qui, en l’espèce, constitue un manquement de l’employeur, puisse s’analyser en une absence de réponse.

Par conséquent, Madame [O] [C] sera déboutée de ce chef de demande.

Concernant la communication des motifs du licenciement avant l’acceptation de la CRP :

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’une convention de reclassement personnalisé, l’employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit lorsqu’il ne lui est pas possible d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

Il résulte des dispositions de l’article L 1233-65 du code du travail, dans sa version applicable au cas d’espèce, que dans les entreprises non soumises à l’obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l’article L 1233-71, l’employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique une convention de reclassement personnalisé.

Cette proposition doit être faite au moment de l’entretien préalable ou, à défaut, à l’issue de la dernière réunion des représentants élus du personnel et s’effectue par la remise contre récépissé d’un document sur le contenu de la CRP, mentionnant la date de sa remise et le délai imparti au salarié pour accepter.

En l’espèce, l’entretien préalable a eu lieu le 30 novembre 2010. La salariée a accepté la CRP ce même jour, soit le 30 novembre 2010, mais elle prétend n’avoir pas été informée par écrit des motifs du licenciement, ce que conteste l’employeur qui prétend que le jour de l’entretien préalable elle a refusé les documents qui lui étaient présentés sur les motifs du licenciement envisagé.

L’acceptation de la CRP a été adressée par la salariée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 novembre 2010.

L’employeur démontre que le 1er décembre 2010, soit le lendemain du jour de l’entretien préalable, mais également le jour de la réception de l’acceptation par la salariée de la CRP, il a adressé par lettre recommandée avec avis de réception à Madame [O] [C] un courrier mentionnant qu’il lui faisait parvenir les courriers relatifs au reclassement et aux motifs du licenciement envisagé, par voie postale, compte tenu de son refus opposé au cours de l’entretien du 30 novembre de les accepter en main propre, courrier accompagné d’une lettre faisant état des motifs économiques invoqués pour justifier le licenciement.

Par conséquent, il y a lieu de dire que l’employeur a satisfait à son obligation de notification par écrit à la salariée, au plus tard au moment de l’acceptation de la CRP, du motif économique du licenciement envisagé, de sorte que Madame [O] [C] sera déboutée de ce chef de demande.

Concernant la priorité de réembauchage :

Il résulte des dispositions de l’article L1233-45 du code du travail, que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de la rupture de son contrat, s’il en fait la demande au cours de ce même délai, de sorte que l’employeur est tenu d’informer le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

Il appartient donc à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation en établissant soit qu’il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l’absence de postes disponibles.

En l’espèce, Madame [O] [C] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 décembre 2010.

Une seule proposition lui a été faite dans ce cadre, par courrier du 6 avril 2011, pour un poste de réceptionniste que la salariée, après plusieurs échanges de correspondances avec l’employeur, a finalement refusé.

L’employeur a prétendu qu’il s’agissait là du seul poste disponible.

Il convient cependant de relever que la période de priorité de réembauchage courait jusqu’en décembre 2011, et que l’employeur a produit des extraits de son registre du personnel, qui comporte 100 pages, de la page 373 à la page 473, démontrant ainsi de nombreux recrutements, mais qui ne couvre que la période du 18 décembre 2010 au 31 mars 2011, de sorte qu’il ne justifie pas de l’absence de postes disponibles, notamment pour la période de mars à décembre 2011.

Par conséquent il y a lieu de dire que l’employeur ne justifie pas de son respect de la priorité de réembauchage et que cette violation doit être réparée par l’octroi à la salariée d’une indemnité qui ne peut être inférieure à 2 mois de salaire, qui se cumule avec l’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement jugé dépourvu d’une telle cause.

La CTD sera donc condamnée à payer à Madame [O] [C] la somme de 10.000 € à titre d’indemnité pour violation de la priorité de réembauchage, demande nécessairement incluse dans le montant de la somme globale réclamée par la salariée au titre de la réparation de son préjudice du fait du licenciement sans cause réelle sérieuse.

La CTD sera également condamnée à rembourser à PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame [O] [C] du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud’hommes, dans la limite de six mois d’indemnité, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La CTD, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d’appel, et à payer à Madame [O] [C] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l’appel formé le 25 septembre 2012 par la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX (la CTD) à l’encontre du jugement rendu le 18 septembre 2012 par le conseil de prud’hommes de Dax (section encadrement) et l’appel incident formé par Madame [O] [C],

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté Madame [O] [C] de sa demande de nullité du licenciement pour usurpation de qualité de la signataire de la procédure, de sa demande relative au défaut de respect de la procédure, de sa demande relative au défaut de réponse sur les critères d’ordre des licenciements, de sa demande relative au défaut de communication des motifs du licenciement avant l’acceptation de la CRP,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, à son obligation d’établissement des critères d’ordre des licenciements et à la priorité de réembauchage,

CONDAMNE la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX (la CTD) à payer à Madame [O] [C] :

– 115.000 € (cent quinze mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10.000 € (dix mille euros) au titre de l’indemnité pour violation de la priorité de réembauchage,

– 2.000 € (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX (la CTD) à rembourser à PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame [O] [C] du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud’hommes, dans la limite de six mois d’indemnités, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

CONDAMNE la SME COMPAGNIE THERMALE DE DAX (la CTD) aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,

 


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