Ordre des licenciements : 30 avril 2003 Cour de cassation Pourvoi n° 01-41.171

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Ordre des licenciements : 30 avril 2003 Cour de cassation Pourvoi n° 01-41.171
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30 avril 2003
Cour de cassation
Pourvoi n°
01-41.171

Sur les moyens réunis :

Attendu que M. X…, engagé par la société Digital equipment France, nouvellement dénommée Compaq Computer, le 16 novembre 1979, en qualité de directeur des ventes pour la France de la division des systèmes spéciaux, s’est vu notifier, par lettre du 10 juillet 1995, son licenciement pour motif économique tenant à des difficultés financières nécessitant une restructuration de l’entreprise et impliquant la suppression d’un certain nombre d’emplois dont le sien ;

que compte tenu de son âge, il était simultanément offert au salarié d’adhérer à une convention FNE ; que la société ayant été sollicitée afin qu’elle énonce les critères retenus pour déterminer l’ordre des licenciements, celle-ci a répondu, le 31 juillet 1995, que la grille des critères prenait entre autres en compte l’âge des salariés, en cas de choix à faire entre plusieurs titulaires susceptibles de tenir le même poste supprimé et notamment lorsqu’il est possible d’opter pour une convention ASFNE, confirmant ainsi à l’intéressé que l’un des critères retenus pour procéder à son licenciement était effectivement son âge, condition nécessaire et suffisante pour bénéficier de ladite convention ; que la société employeur ayant d’autre part notifié à l’intéressé qu’elle refusait de lui reconnaître le droit au bénéfice de la retraite supplémentaire, mesure non inscrite dans le plan social, M. X… saisissait la juridiction prud’homale en vue de contester la légitimité de son licenciement ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 13 décembre 2000) d’avoir débouté M. X… de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes tendant à ce que l’employeur soit tenu de lui faire assurer le paiement des arrérages de la pension de retraite supplémentaire ainsi qu’à lui verser des dommages-intérêts pour perte de droit et pension, alors, selon les moyens :

1 ) que l’adhésion à une convention d’ASFNE n’interdit au salarié de remettre en cause la régularité et le bien-fondé de son licenciement qu’en l’absence de fraude de l’employeur ou de vice du consentement ; que constitue une telle fraude le fait pour l’employeur d’établir un ordre des licenciements contraire aux dispositions légales, en retenant comme critère prépondérant l’atteinte de l’âge de 56 ans, désignant les salariés les plus âgés et les moins susceptibles de retrouver un emploi comme devant être prioritairement licenciés ; qu’en décidant que l’ordre des licenciements établi par la société Digital equipment, sur la base duquel elle avait licencié d’autorité ses salariés les plus âgés, ne constituait pas une fraude à la loi permettant à M. X… de remettre en cause le bien-fondé de son licenciement, la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 321-1-1 et L. 322-4 du Code du travail ;

2 ) que l’absence d’énonciation, dans la lettre de notification d’un licenciement économique, de la cause économique à l’origine de sa décision de licencier et de son incidence sur l’emploi du salarié concerné prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que la lettre de licenciement, dont les termes sont rapportés par l’arrêt attaqué, se bornait à indiquer que les difficultés économiques subies par la société Digital Equipment “impliquaient la suppression d’un certain nombre de postes”, sans préciser que le poste de M. X… se trouvait effectivement supprimé ; qu’en déboutant néanmoins le salarié de sa demande d’indemnité pour licencement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail ;

3 ) que le licenciement pour motif économique implique la suppression ou la transformation de l’emploi occupé par le salarié concerné ou une modification de son contrat de travail ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans constater que l’emploi de M. X… avait effectivement été supprimé ou transformé, la cour d’appel a violé l’article L. 321-1 du Code du travail ;

4 ) qu’enfin, le licenciement intervenu en violation des dispositions relatives à l’ordre des licenciements ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts dont la demande est nécessairement incluse dans celle d’indemnité pour licenciement sans cause et réelle et sérieuse ;

que dès lors, en s’abstenant de rechercher si la société Digital Equipment avait, en licenciant M. X…, respecté un ordre des licenciements conforme aux dispositions légales, la cour d’appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des mêmes textes ;

5 ) que constitue une condition potestative celle faisant dépendre le bénéfice d’une retraite chapeau de la présence du salarié dans l’entreprise à l’âge de 60 ans, l’employeur étant libre d’empêcher sa réalisation en prenant l’initiative de rompre le contrat de travail de l’intéressé avant cet âge ; que dès lors, en décidant que le salarié ne pouvait bénéficier de la retraite supplémentaire instituée par l’employeur parce qu’il avait été licencié avant l’âge de 60 ans, la cour d’appel a violé les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

6 ) qu’en établissant un ordre des licenciements aboutissant au licenciement de tous les salariés âgés de plus de 56 ans, en violation des dispositions relatives à l’ordre des licenciements, l’employeur avait effectivement délibérément empêché la condition d’appartenance à l’entreprise à l’âge de 60 ans de se réaliser ; qu’en donnant néanmoins effet à cette condition qui ne s’était pas réalisée par la seule volonté de l’employeur, la cour d’appel a encore violé les mêmes textes ;

7 / qu’en s’abstenant de rechercher si la société Digital equipment n’avait pas commis une faute à l’origine du préjudice subi par M. X…, en établissant un ordre des licenciements en violation des dispositions légales, à partir d’un critère d’âge conduisant au licenciement de tous les salariés âgés de 56 ans et plus qui se trouvaient ainsi priver de la retraite chapeau dont ils ne pouvaient bénéficier que s’ils étaient encore présents dans l’entreprise à l’âge de 60 ans, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d’abord, que le salarié licencié pour motif économique et qui adhère à une convention de préretraite FNE ne peut contester la régularité et le bien-fondé de son licenciement que lorsqu’il établit l’existence d’une fraude de l’employeur ou d’un vice de son consentement ; qu’à cet égard, la cour d’appel a relevé que M. X… avait eu connaissance, comme les autres salariés, du plan social exposant de manière neutre et objective les mesures envisagées dont les alternatives au licenciement telles que le départ volontaire assorti d’une allocation spéciale du FNE pour tous les salariés ayant 56 ans et plus au 31 décembre 1995 ; que pour parfaire l’information des salariés sur le fonctionnement de cette mesure d’âge, une délégation FNE a été mise en place dans l’entreprise à l’issue de la consultation du comité d’entreprise ;

que justifiant ainsi sa décision quant à l’absence de vice, elle a apprécié souverainement l’absence de fraude ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a déduit à bon droit de ce que le salarié avait accepté d’adhérer à la convention ASFNE et de ce que la régularité du licenciement économique ne pouvait être contestée, qu’à la date où les conditions d’ouverture de la retraite supplémentaire auraient été réunies par M. X…, que celui-ci n’était plus salarié de l’entreprise ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille trois.

 


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