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29 novembre 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
09/09820
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 29 Novembre 2011
(n° 1 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/09820
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Septembre 2009 par le conseil de prud’hommes de MEAUX section encadrement RG n° 08/00981
APPELANTE
SARL WELCH ALLYN FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J094
INTIMÉ
Monsieur [W] [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
– signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l’appel formé par la société WELCH ALLYN FRANCE d’un jugement contradictoire du Conseil de Prud’hommes de Bobigny en date du 17 septembre 2009 l’ayant condamnée à verser à [W] [B]
14871,80 euros à titre de rappel de congés payés
40723,25 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires
4072,33 euros au titre des congés payés
6507,77 euros à titre de rappel de RTT
650,77 euros au titre des congés payés
198000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné le remboursement par la société des allocations de chômage versées dans la limite d’un mois,
débouté le salarié du surplus de sa demande et la société de sa demande reconventionnelle;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 octobre 2011 de la société WELCH ALLYN FRANCE appelante, qui sollicite de la Cour l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l’intimé à lui rembourser la somme de 71296,40 € correspondant à un trop perçu au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et à lui verser 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 octobre 2011 de [W] [B] intimé qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l’appelante à lui verser
100000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances brutales de son licenciement
16557,58 euros à titre d’indemnité pour non remise de la convention de reclassement
100000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche,
à titre subsidiaire,
600000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu’il est constant qu'[W] [B] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée le 1er janvier 2000 avec reprise d’ancienneté à compter du 1er octobre 1993 en qualité de directeur général par la société WELCH ALLYN FRANCE, après avoir cédé à l’appelante les parts sociales de la société IMEDIA dont il était le gérant ; qu’il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2008 à un entretien reporté au 16 juin 2008 en vue de son licenciement ; qu’à l’issue de cet entretien, son licenciement pour motif économique lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 juillet 2008 ;
Que les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :
«la société WELCH ALLYN FRANCE est confrontée depuis début 2008 à des pressions concurrentielles de plus en plus importantes.
Ces dernières l’amènent à revoir sa stratégie et à envisager de concentrer son activité sur des domaines spécifiques à haute valeur ajoutée et avec un potentiel de revenu au lieu de se développer sur des secteurs sur lesquels les besoins d’investissement trop importants la conduisent à engager des dépenses qui s’avèrent en fait nécessaires à la sauvegarde de sa compétitivité.
La société WELCH ALLYN FRANCE a en conséquence pris la décision de réduire ses investissements stratégiques directs en direction des DOM-TOM et des collectivités locales.
Elle se limitera désormais à honorer les commandes en provenance de ces marchés sans cependant entreprendre une quelconque nouvelle activité de développement.
Dans ces conditions votre activité de marché n’a plus lieu d’être.
Plus généralement la société a décidé de se désengager progressivement de l’activité relative aux “accès publics”.
Elle a en effet constaté que ces marchés représentaient une mobilisation importante de ressources financières qui compte tenu de leur très faible rentabilité avaient pour effet faute pour la société et le groupe de concentrer son activité sur d’autres centres de profit, de mettre en cause la compétitivité de la société et plus largement du groupe.
En conséquence nous avons été contraints de supprimer votre poste.»
Que l’intimé a saisi le Conseil de Prud’hommes le 4 août 2008 en vue d’obtenir des rappels d’heures supplémentaires et de congés payés et de contester la légitimité du licenciement;
Considérant que la société WELCH ALLYN FRANCE expose que les motifs économiques sont caractérisés ; que la société devait procéder à sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ; qu’elle s’est désengagée effectivement des activités dont l’intimé avait la charge ; que celui-ci n’a été victime d’aucune discrimination ; que la société a respecté son obligation au titre du reclassement ; qu’elle n’était pas tenue de respecter un ordre des licenciements ; qu’elle n’a effectué aucune réembauche de salariés ayant le profil de l’intimé; qu’aucune heure supplémentaire n’est due en raison de la qualité de cadre dirigeant de ce dernier ; que l’intimé ne démontre pas la réalité d’un préjudice consécutif à son licenciement; que cette mesure n’est entourée d’aucune circonstance vexatoire ; que la société lui a bien proposé une convention de reclassement personnalisé ; qu’aux termes de l’article 15 de la convention collective applicable à l’espèce la société n’était tenue de lui verser que la somme de 56313,60 € compte tenu de son ancienneté inférieure à 15 ans ;
Considérant qu'[W] [B] soutient qu’il a été privé de 24 jours de congés payés acquis au titre de l’exercice 2006 ; qu’à compter d’octobre 2006 il n’exerçait plus que de simples fonctions salariées au sein de l’entreprise ; qu’il n’était plus cadre dirigeant ; que cette qualité ne peut lui être reconnue par le simple fait qu’il disposait d’une autonomie dans l’organisation de son travail ; que la société ne produit aucun élément de nature à justifier la nécessité d’assurer la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ; que le chiffre d’affaires était en constante augmentation ; que la société a procédé à de nombreuses embauches en 2008 et en 2009 ; qu’il a été licencié en raison de son âge et a été victime d’une discrimination entraînant la nullité du licenciement ; que son départ a été brutal et a donné lieu à des rumeurs sur la cause de ce départ ; qu’il n’a reçu aucun document d’information de la convention de reclassement personnalisé ; qu’en mars 2009 la société a procédé à l’embauche en vue d’un emploi correspondant à sa qualification ;
Considérant en application des articles L1233-3 et L1233-16 du code du travail que si la réorganisation de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement et n’est pas subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement, elle suppose cependant qu’elle a été effectuée pour sauvegarder la compétitivité de cette dernière ; que ne peuvent être qualifiées ainsi des mesures qui n’ont pas pour effet de prévenir des difficultés économiques et ne sont fondées que sur le seul souci d’améliorer la rentabilité de l’entreprise ;
Considérant qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que la suppression du poste de directeur senior des marchés stratégiques occupé par l’intimé est consécutive à la décision de la société de se concentrer sur des domaines spécifiques à haute valeur ajoutée et de se désengager de secteurs nécessitant des investissements trop importants ; que l’appelante n’apporte aucune précision sur les domaines sur lesquels elle avait décidé de concentrer son activité ; qu’elle ne démontre pas davantage son désengagement sur le secteur dont l’intimé avait la responsabilité et qui est décrit dans son “job description” ; qu’en particulier l’activité de l’intimé relative aux marchés publics visée dans la lettre de licenciement ne correspondait en 2007 et jusqu’à fin 2008 qu’à 9% de l’activité totale de ce dernier ; que la société ne fait nullement état d’une prévision de difficultés économiques futures ; qu’au demeurant celle-ci aurait été incompatible tant avec le développement constant de son chiffre d’affaires mis en évidence par les différents exercices entre les 31 décembre 2004 et le 31 décembre 2007 qu’avec la politique de recrutement intense résultant du registre du personnel, menée dès le premier semestre 2008 et poursuivie jusqu’en 2009 au moins ; qu’en conséquence le motif économique allégué par l’appelante étant dépourvu de fondement, le licenciement de l’intimé est bien sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant en application des articles L1132-1 et L1134-1 du code du travail que l’intimé ne produit aucune élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination fondée sur son âge ;
Considérant en application de l’article L3111-2 du code du travail que la société n’émet aucune contestation sur le montant des heures supplémentaires sollicité, les congés payés y afférents ainsi que les rappels au titre des RTT ; qu’elle ne conteste que le principe au motif que l’intimé avait la qualité de cadre dirigeant ; que toutefois si l’intimé a été embauché en qualité de directeur général à compter du 15 juillet 2006, comme le démontre le courriel de [D] [U] à la faveur de la mise en place de la nouvelle structure d’organisation, il est devenu directeur senior chargé des marchés stratégiques ; qu’il a occupé ses fonctions à partir du 1er novembre 2006 ; que pour que lui soit reconnu, même à cette date comme le souhaite l’appelante, la qualité de cadre dirigeant, celle-ci doit démontrer cumulativement que ses responsabilités impliquaient une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, qu’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et que sa rémunération se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ; que si l’intimé disposait effectivement d’une grande liberté dans l’organisation de son emploi du temps, l’appelante n’établit pas, par une quelconque pièce, l’existence d’une autonomie dans les décisions prises ; que selon le courriel précité, il était placé sous l’autorité de [D] [U] à qui il devait rendre compte ; que la fiche descriptive de ses fonctions ne fait pas apparaître le moindre pouvoir de décision autonome ; qu’en sa qualité de directeur senior, l’intimé relevait bien des dispositions de l’article L3121-10 du code du travail ;
Considérant en application des articles L1235-3 du code du travail qu’à la date de son licenciement l’intimé percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 16157,38 € et était assujetti à la convention collective du commerce des produits pharmaceutiques ; que l’entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés ; qu’il était âgé de 59 ans et jouissait d’une ancienneté de près de quinze années au sein de l’entreprise ; que tout en alléguant l’existence d’un préjudice matériel consistant en une perte de revenus, ainsi qu’une perte importante sur sa capacité de financement de sa retraite à taux plein, il ne fournit aucune évaluation précise alors qu’il a par ailleurs bénéficié d’allocations de chômage ; que cependant il est établi que son licenciement a eu d’importantes répercussions sur son état de santé en raison de la privation soudaine de responsabilités alors qu’il s’était totalement et constamment investi dans son travail ; que les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par celui-ci sur le fondement des dispositions légales précitées ;
Considérant en application de l’article 1382 du code civil que l’intimé ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui ayant donné lieu à réparation ;
Considérant en application de l’article L1233-45 du code du travail qu’il n’est pas contesté que l’intimé a sollicité le bénéfice d’une priorité de réembauche ; que postérieurement à cette demande et dans le délai d’une année à compter du licenciement, soit le 23 février 2009 la société a procédé à l’embauche de [R] [H] [I] comme le démontre le registre du personnel ; que celle-ci devait occuper l’emploi de directeur général ; que cet emploi était manifestement compatible avec la qualification de l’intimé puisqu’il s’agissait du poste qu’il avait initialement occupé au sein de la société ; qu’en raison de la violation de ce droit, il convient d’allouer à l’intimé un indemnité de 32314 € ;
Considérant en application de l’article L1233-65 du code du travail qu’il apparaît que postérieurement à l’entretien préalable la société a bien présenté une convention de reclassement personnalisé puisque dès le lendemain l’intimé sollicitait par courriel la transmission d’un exemplaire original du bulletin d’acceptation ; que la société produit en outre un bulletin d’acceptation de la convention dont il n’est pas contesté que la signature qui y figure est celle de l’intimé ;
Considérant qu’il résulte des différents courriels échangés durant le mois de janvier 2007 que les 24 jours de congés revendiqués font partie des 27 jours que l’intimé devait prendre avant le dernier jour du mois de mai 2007 ; qu’il ne démontre pas s’être trouvé dans l’impossibilité d’en bénéficier du fait de son employeur ; qu’il convient de le débouter de sa demande de ce chef ;
Considérant qu’il n’est pas contesté qu’aux termes de l’article 8 de la convention collective l’indemnité de licenciement de l’intimé, compte tenu de son ancienneté calculée à compter du 1er octobre 1993, devait s’élever à la somme de 56313,60 € puisqu’il jouissait d’une ancienneté inférieure à 15 années ; que cependant il a perçu à ce titre 127610 € ; qu’il est donc redevable de la différence soit 71296,40 €;
Considérant en application de l’article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a plus de deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés ;
Considérant que les conditions étant réunies en l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la société des allocations versées à l’intimé dans les conditions prévues à l’article précité ;
Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu’elle a dû exposer en cause d’appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de les débouter de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris ;
DEBOUTE [W] [B] de sa demande de rappel de congés payés ;
CONDAMNE la société WELCH ALLYN FRANCE à verser à [W] [B] 32314 euros à titre d’indemnité pour non respect de la priorité de réembauche ;
CONDAMNE [W] [B] à rembourser à la société WELCH ALLYN FRANCE 71296,40 € ;
ORDONNE le remboursement par la société WELCH ALLYN FRANCE au profit du Pôle EMPLOI des allocations versées à [W] [B] dans la limite de six mois d’allocations de chômage ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société WELCH ALLYN FRANCE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE