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29 mai 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/08652
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRÊT DU 29 Mai 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/08652
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par le conseil de prud’hommes de AUXERRE Section encadrement RG n° 09/00043
APPELANT
Monsieur [P] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Bruno COUBAT, avocat au barreau d’AUXERRE
INTIMEE
SAS MOUVEX
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jilali MAAZOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0062
En présence de Madame [T] [C] (DRH Europe) en vertu d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l’appel interjeté par Monsieur [P] [I] du jugement du Conseil des Prud’hommes d’ AUXERRE, section Encadrement, rendu le 13 Septembre 2010 qui l’ a débouté de ses demandes et l’ a condamné à payer la somme de 1000€ en application de l’article 700 du Code de procédure Civile à la SAS MOUVEX.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS MOUVEX a pour activité la fabrication et la commercialisation d’ articles et produits de métallurgie, de biens et d’ équipements et notamment de pompes et compresseurs à destination des marchés de l’ industrie et du transport ;
Monsieur [P] [I] né le [Date naissance 4] 1949 a été engagé par la SAS MOUVEX le 15 Juin 1988 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de « responsable qualité contrôle » position cadre II ; la convention collective applicable est celle de la métallurgie, au moment du licenciement dont Monsieur [P] [I] a fait l’ objet, la société employait 167 salariés et faisait partie d’ un groupe ;
Le 29 décembre 2009 Monsieur [P] [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 6 janvier 2009 ; il a été licenciée le 15 janvier 2009 pour motif économique après avis du comité d’ entreprise en date du 22 Décembre 2008 ;
Monsieur [P] [I] a saisi le Conseil des Prud’hommes le 23 Février 2009 .
Monsieur [P] [I] demande à la Cour l’ infirmation du jugement, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS MOUVEX à lui payer la somme de 130000€ à titre de dommages intérêts, de dire que l’ employeur ne rapporte pas la preuve de la nécessité de supprimer son poste et du respect de l’ ordre des licenciements et de l’ obligation de reclassement et le condamner à lui payer la somme de 4233€ de ce chef et à titre de dommages intérêts ainsi que 4000€ en application de l’article 700 du Code de procédure Civile .
La SAS MOUVEX demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [P] [I] et la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 2000€ pour procédure abusive et dilatoire ; subsidiairement, dans l’ hypothèse où il serait jugé que le licenciement est injustifié, elle demande de limiter le montant de l’ indemnité légale minimale à six mois et d’ordonner la compensation judiciaire avec l’ indemnité qu’ elle a versée au salarié pour réparer le préjudice lié au licenciement égale à 7 mois de salaire ; enfin, elle demande en tout état de cause de condamner l’ appelant à lui payer la somme de 4750€ .
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l’audience et soutenues oralement à la barre.
La lettre de licenciement détaillée sur 3 pages fait état de ce que les marchés du transport et de l’ industrie qui représentent chacun 50% du chiffre d’affaires de la société sont en crise depuis le mois de Septembre 2008, de ce que « […] Le marché du transport qui a été affecté par la crise du logement est en chute libre et n’ est pas près de se redresser dans la mesure où de nombreux clients viennent à peine de renouveler en 2006 et 2007 leur flotte en raison des normes euro 3 et euro 4. Si les besoins de remplacement existent encore chez nos clients, ils ne le sont certainement pas dans les mêmes proportions que l’ année précédente. Quoi qu’ il en soit, dans le contexte actuel le développement des flottes existantes ou de nouvelles flottes semble très peu probable. Le marché de l’ industrie qui a été profondément affaibli par la crise financière a réagi en gelant de manière drastique son niveau d’ investissement c’est à dire sa capacité financière à nous faire travailler . Nos indicateurs financiers ainsi que ceux des sociétés du groupe appartenant au même secteur d’ activité sur les quatre derniers mois de l’ année sont tous préoccupants.
Ainsi, [J] va perdre près de 37% de son volume de commandes non seulement par rapport au budget (- 5602946 euros) mais également par rapport au volume enregistré l’ an passé sur la même période (-5741914 euros).Il est ici tenu compte de la réduction progressive des commandes relatives au Drop Shipment. Compte tenu de nos temps de fabrication et de livraison entre 2 et 3 mois, cette baisse du niveau de commandes a déjà un impact négatif sur nos résultats de l’ année 2008.
Ainsi sur la même période [J] va perdre plus de 16% de son chiffre d’affaires par rapport au budget (- 2528910€) et plus de 13% par rapport au chiffre d’affaires de l’ an passé sur la même période (…) » ;
La lettre de licenciement fait encore état de ce que « (…) La situation de [J] est malheureusement partagée par l’ ensemble des sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d’ activité. Et compte tenu des prévisions des marchés des pompes et des compresseurs et plus largement du marché de biens d’ équipement en France et en Europe, nos difficultés et les leurs persisteront en 2009. Ainsi le chiffre d’affaires prévu par les autres sociétés du groupe est en moyenne inférieur de 15% par rapport à celui de 2008. Quant à [J], les prévisions de chiffre d’affaires pour 2009 s’ élèvent à 30,7 M€ soit une baisse de 25% du budget 2009 et une baisse de 27% par rapport au chiffre d’affaires réalisé en 2008 (-10235000 Euros ). Il est précisé que le budget 2009 a été élaboré en tenant compte de la baisse de chiffre d’affaires mécaniquement liée à la perte du Drop Shipment » ;
Elle se poursuit par le visa de certaines mesures qui ont été prises notamment la relocalisation de la production tchèque sur le site d’ [Localité 3] ce qui générera en 2009 une économie, la réduction du budget d’ investissement, la réorganisation des achats permettant d’ accroître la productivité, économie des frais de transport sur les achats réalisés en Europe , sur les frais de déplacement et les manifestations commerciales, gel du recrutement et non renouvellement des missions d’intérim en production et ajoute « Constatant le caractère insuffisant de toutes les mesures déjà mises en ‘uvre et l’aggravation de sa situation économique et financière ainsi que de celle du secteur d’ activité du groupe auquel elle appartient, [J] a été contrainte d’ envisager la suppression de 7 postes et par la liquidation anticipée des jours de repos afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d’ activité du groupe auquel elle appartient. La suppression de postes envisagée correspond pour [J] à la nécessité de réadapter ses ressources et ses moyens à la situation de crise actuelle. Ce redimenssionnement des ressources a donc un impact proportionné sur de nombreux départements et catégories professionnelles au sein de l’ entreprise.
Il en est ainsi pour la catégorie professionnelle à laquelle vous appartenez pour laquelle le redimenssionnement impliquait la suppression d’ un poste de responsable contrôle qualité. Après application des critères d’ ordre de licenciement, nous nous sommes vus contraint d’ envisager la suppression de votre poste (…) Comme nous vous l’ avons indiqué notamment en entretien préalable, aucune solution de reclassement n’ a été trouvée (…) Tant en interne qu’ en externe que ce soit au sein du groupe, chez des prestataires ou auprès de la commission paritaire territoriale de l’ emploi (…) » ;
L’ irrégularité soulevée par Monsieur [P] [I] pour absence de saisine de la commission territoriale de l’ emploi n’ est pas fondée ; il est en effet justifié par la lettre de l’ UIMM signée par le secrétariat de la CPTE que la SAS MOUVEX a bien saisi cette commission le 18 décembre 2008 en vue de solliciter de l’ aide dans le cadre de l’ effort de reclassement externe des sept salariés visés par la mesure de licenciement dont Monsieur [P] [I], la lettre de saisine de cette commission produite aux débats par l’ employeur comportant l’ énumération des éléments joints et notamment le nombre des licenciements, les catégories professionnelles concernées….etc ;
Monsieur [P] [I] conteste le bien fondé du caractère économique invoqué par l’employeur qui soutient que la situation dans laquelle il se trouvait ainsi que les sociétés du groupe réunissait à la fois des difficultés économiques et la nécessité de réorganiser pour sauvegarder la compétitivité ;
L’ examen des pièces comptables versées aux débats pour la SAS MOUVEX s’ il justifie de la diminution effective des commandes sur les mois de Septembre, Octobre et Novembre 2008 et d’ un chiffre d’affaires en baisse au cours des mêmes mois par rapport à l’ année N-1 pour la SAS MOUVEX avec une simple prévision concernant le mois de Décembre suivant et pour les mêmes mois d’ une baisse des performances financières, il ne révèle pas non plus une situation dégradée menaçant la pérennité de la société , il en est de même des prévisions budgétaires de la société pour l’ année 2009, la simple diminution du chiffre d’ affaires ou la réduction des performances financières étant insuffisantes à établir en l’ espèce le bien fondé d’ un licenciement pour mesure économique ; en outre, la Cour constate que si la lettre de licenciement vise la situation des autres sociétés du groupe, aucun document comptable n’ est communiqué les concernant, l’ employeur se contentant d’ affirmer qu’ il est « prévu » pour les autres sociétés du groupe un chiffre d’affaires en moyenne inférieur de 15% en 2009 par rapport à celui de 2008 ;
La SAS MOUVEX vise en fait à l’ appui du licenciement la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’ activité du groupe auquel elle appartient ; elle invoque sans communiquer aucune pièce en justifiant, la chute des marchés de l’ industrie et du transport « étroitement liés à son activité » ; elle n’ explique pas cependant en quoi si les marchés dont elle fait état, sont effectivement en régression, elle serait plus particulièrement touchée et sa compétitivité menacée par rapport aux autres entreprises tiers appartenant au même secteur ;
La SAS MOUVEX ne démontre pas la réalité de la menace sur sa compétitivité, la diminution du volume des commandes et la diminution des performances financières n’ étant pas de nature à établir à eux seuls une menace sur la compétitivité ;
Il s’ ensuit que le caractère économique du licenciement de Monsieur [P] [I] n’ est pas justifié et que de ce fait le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Monsieur [P] [I] avait près de 21 ans d’ ancienneté, il était âgé de presque 60 ans, il indique qu’ il souhaitait poursuivre son activité au-delà de ses 60 ans et sans en justifier, fait état de sa situation familiale ( père d’ un fils handicapé de 31 ans ne touchant que le RMI, une fille en 1ère année de médecine et une épouse travaillant à temps partiel) ; eu égard au salaire fixé en application de l’article R 1234-4 du Code du travail à la somme de 4247.02€ et aux dispositions de l’ article L 1235-3 du Code du Travail , la somme de 80000€ sera allouée à Monsieur [P] [I] à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu’ il y ait lieu à compensation ou à déduction de l’ indemnité additionnelle de 7 mois qu’ il a reçue de son employeur dans le cadre du licenciement économique irrégulier ;
Il n’ y a lieu a dommages intérêts spécifiques pour non respect de l’ obligation de reclassement ;
Il n’ y a pas lieu d’ examiner l’ application des critères d’ ordre de licenciement qui constitue une demande subsidiaire qui ne peut être cumulée avec les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En application de l’article L1235-4 du Code du Travail il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois ;
Les termes de la présente décision justifient le rejet de la demande de dommages intérêts de La SAS MOUVEX pour procédure abusive et dilatoire ;
La SAS MOUVEX conservera à sa charge ses frais irrépétibles et sera condamnée à payer à Monsieur [P] [I] la somme de 2500€ en application de l’article 700 du Code de procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Dit que le licenciement de Monsieur [P] [I] pour cause économique est non fondé et en conséquence qu’il est sans cause réelle et sérieuse
Condamne la SAS MOUVEX à payer à Monsieur [P] [I] la somme de 80000€ à titre d’ indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ordonne le remboursement par la SAS MOUVEX aux organismes intéressés, des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois.
Rejette toutes autres demandes des parties
Condamne la SAS MOUVEX aux entiers dépens et à payer à Monsieur [P] [I] la somme de 2500€ au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT