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28 septembre 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/00979
ARRET
N°
[M]
C/
S.A.S. PARCS ET SPORTS
copie exécutoire
le 28 septembre 2023
à
Me Hassani
Me Vandevelde-Petit
CB/MR
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 22/00979 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ILUV
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 21/00012)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [K] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Concluant par Me Ali HASSANI, avocat au barreau de SENLIS
ET :
INTIMEE
S.A.S. PARCS ET SPORTS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée, concluant et plaidant par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Dominique CERVONI de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DEBATS :
A l’audience publique du 06 juillet 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 28 septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 28 septembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Le 31 mars 2002 M. [K] [M] a été embauché par la SAS express gazon devenue société parcs et sports, ci-après dénommée la société ou l’employeur, en contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’ouvrier qualifié.
Suivant courrier du 31 mars 2014 il a été promu chef d’équipe.
Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale des services d’aménagement paysager.
Le 26 juin 2020 le CSE s’est réuni suite au projet de licenciement pour cause économique envisagé par la société avec délibération sur son étendue, les critères d’ordre à définir, calendrier prévisionnel des licenciements et dispositions pour le reclassement et la conclusion d’un contrat de sécurisation professionnelle.
Le 6 juin 2020 M. [M] était convoqué en entretien préalable à une mesure de licenciement économique.
Le 28 juillet 2020 la société a adressé à M. [M] le courrier de licenciement pour cause économique avec proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle.
Le 1er août 2020 M. [M] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Le 18 janvier 2021 M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Creil en contestation du licenciement économique.
Par jugement du 14 février 2022 le conseil des prud’hommes de Creil a :
– dit et jugé que le licenciement économique de M. [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse
– dit et jugé que les critères fixés pour l’ordre de licenciements sont inapplicables
– dit et jugé que la société n’a manqué à aucune de ses obligations quant à la priorité de réembauchage
– débouté M. [M] de ses demandes plus amples ou contraires
-condamné M. [M] à payer à la SAS [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal, à la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné M. [M] aux entiers dépens.
M. [M] a relevé appel du jugement le 3 mars 2022 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 16 mai 2023 M. [M] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Creil le 14 février 2022 en ce qu’il a injustement :
– dit et jugé que le licenciement économique de M. [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse
– dit et jugé que les critères fixés pour l’ordre de licenciements sont inapplicables
– dit et jugé que la société n’a manqué à aucune de ses obligations quant à la priorité de réembauchage
– débouté M. [M] de ses demandes plus amples ou contraires
-condamné M. [M] à payer à la SAS [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal, à la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné M. [M] aux entiers dépens
Par conséquent
– dire et juger que la moyenne de ses trois derniers mois de salaire est de 2 350 euros bruts
– dire et juger que le licenciement ne repose pas sur un motif économique
– dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société parcs et sports IDF à lui verser les sommes suivantes:
* 56 400 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois)
* 7 050 euros à titre de préavis (3 mois)
* 705 euros à titre de congés payés sur préavis
* 50000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonner la remise des documents suivants sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard:
Attestation Pôle Emploi
Certificat de travail
Reçu pour solde de tout compte.
Par conclusions communiquées le 17 mai 2023 la SAS parcs et sports prie la cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes de Creil
y ajoutant,
Condamner M. [M] à payer à la société parcs et sports IDF la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été clôturée le 7 juin 2023 et fixée à l’audience de plaidoirie le 22 juin 2023.
L’affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 21 septembre 2023 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS
Sur le licenciement
Sur la contestation du motif économique du licenciement
M. [M] conteste le motif économique du licenciement affirmant que le licenciement n’avait pour but que d’opérer des économies en réorganisant l’entreprise dans ce seul but, que la preuve des difficultés économiques n’est pas rapportée.
La société réplique que la lettre de licenciement reprend les circonstances qui ont entrainé la dégradation de la situation financière, que la réorganisation était impérative pour sauvegarder la compétitivité, que les chiffres repris dans les comptes annuels sont parlants avec une baisse significative et continue sur plus de deux trimestres consécutifs, que s’y est ajouté la crise de la covid, des commandes publiques en berne avec des budgets d’investissements des collectivités locales en forte diminution et l’arrêt des championnats de football et des entrainements, que le faible volume d’activité ne permettait pas de maintenir le poste de chef d’équipe.
Elle ajoute que l’activité gazon synthétique s’est écroulée sur l’ensemble du groupe ce dont elle justifie alors que la société parcs et sports IDF a subi une dépréciation de la valeur de ses actions par la société parcs et sports.
Sur ce
Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.
Une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu’elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi.
Ce n’est que si la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise est établie que sa réorganisation peut constituer un motif économique de licenciement.
La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.
Le fait qu’une entreprise cherche à être plus performante ne justifie pas à lui seul une réorganisation se traduisant par des licenciements économiques, la survie de l’entreprise doit être en cause pour justifier une réorganisation entraînant des licenciements économiques.
Ne justifie pas une réorganisation entraînant des licenciements économiques, la réorganisation dictée par :
– la volonté d’améliorer la rentabilité de l’entreprise afin d’accroître ses profits
– le regroupement d’activités dans une situation économique prospère en l’absence de menace sur la compétitivité
– la volonté de réaliser des bénéfices plus importants et non la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du groupe alors que la société n’éprouve aucune difficulté économique
– la volonté de réaliser une économie sur le salaire ou sur la volonté de se séparer d’un salarié qui coûte cher
– le désir d’augmenter les profits et celui de remettre en cause une situation acquise jugée trop favorable aux salariés
– la volonté de l’employeur de privilégier le niveau de rentabilité de l’entreprise au détriment de la stabilité de l’emploi, alors que le chiffre d’affaires était en nette progression
– la volonté de réaliser des profits supplémentaires pour répondre aux exigences d’une banque ayant accordé un crédit, alors que la compétitivité de l’entreprise n’était mise en cause par aucun élément objectif
– la restructuration du capital d’une société commerciale quel qu’en soit le motif, ou la dégradation des marges de l’entreprise dont l’activité et les effectifs continuent à progresser, fût-ce faiblement.
La cour est tenue de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais elle ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en ‘uvre de la réorganisation.
Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.
La cour doit non seulement apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement mais aussi vérifier que le motif invoqué par l’employeur remplit les conditions des articles L. 1233-3 et suivants du code du travail ; ainsi en cas de litige, le juge vérifie :
– la réalité de la cause économique, c’est-à-dire la réalité des difficultés économiques, de la mutation technologique ou de la réorganisation de l’entreprise ;
– la réalité de la suppression ou de la transformation de l’emploi, ou de la modification du contrat de travail ;
– l’existence d’un lien de causalité entre le contexte économique de l’entreprise (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation de l’entreprise) et la mesure décidée par l’employeur (c’est-à-dire les conséquences sur le contrat du travail, suppression, transformation de l’emploi, ou modification du contrat de travail).
– le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement.
En l’espèce la société, spécialisée dans l’aménagement et l’entretien des espaces paysagers et la création et l’aménagement des sols sportifs justifie d’une chute régulière des résultats entre 2015 et 2020 avec une légère hausse seulement en 2018 ; qu’avec la crise sanitaire la chute s’est accélérée avec de surcroît une absence de commandes publiques alors qu’en 2018/2019 que le salarié ne conteste pas qu’il est apparu une suspicion de composants cancérigènes dans les gazons synthétiques utilisés sur les terrains de sports, étant précisé que les aménagements de ces terrains représentent 80 % de l’activité qui a provoqué une forte baisse des demandes de la clientèle.
Elle produit les éléments comptables relatifs à sa situation qui démontrent la réalité de la diminution régulière des commandes et une attestation de l’expert-comptable qui indique que la société parcs et sports a été dans l’obligation d’enregistrer une dépréciation de sa participation dans le capital de la société parcs et sports IDF car il était nécessaire de présenter une image fidèle de la situation financière et patrimoniale.
L’employeur rapporte donc la preuve de la dégradation des résultats nécessitant une réorganisation de l’entreprise, la baisse significative du chiffre d’affaires ayant perduré plus de deux trimestres consécutifs, puisqu’elle s’est perpétué même après les licenciements ainsi qu’en atteste le compte de résultat de décembre 2021 à peine positif de 11 009 euros.
Le moyen doit donc être écarté et la cour jugera par confirmation du jugement que le licenciement pour motif économique justifié et qu’il est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse.
M. [M] sera en conséquence et par confirmation du jugement débouté de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la contestation relative au critère d’ordre
M. [M] argue que l’employeur n’a pas respecté les critères d’ordre alors qu’il avait sollicité par courrier les critères retenus pour déterminer l’ordre des licenciements, que ce non-respect doit être indemnisé par l’octroi de dommages et intérêts.
La société rétorque que M. [M] n’avait pas sollicité la communication des critères fixés pour l’ordre des licenciements, qu’étant le seul salarié dans sa catégorie, elle ne pouvait pas licencier une autre personne.
Sur ce
L’article L 1233-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce dispose que « lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements après consultation du comité social et économique.
Ces critères prennent en compte notamment :
1° les charges de famille, en particulier celles des parents isolés
2° l’ancienneté de service, dans l’établissement ou l’entreprise
3° la situation de salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile, notamment, celles des personnes handicapées et des salariés âgés
4° les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Il n’a pas été établi par l’employeur un ordre avant de procéder aux licenciements des 4 salariés licenciés. Toutefois la cour observe que les 4 salariés licenciés occupaient un poste de directeur d’agence, un poste de chef d’équipe ETAM, un poste de secrétaire et un poste d’assistant de bureau d’étude. Or M. [M] occupait un poste de chef d’équipe ETAM et était seul dans cette catégorie professionnelle à être licencié, ainsi que le prouve le registre du personnel pour la période considérée, l’autre chef d’équipe étant repris dans la catégorie cadre.
Le salarié était le seul de sa catégorie, il n’y avait pas lieu d’établir à son égard un ordre des licenciements.
La cour par confirmation du jugement, déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement entrepris sont confirmées.
Il apparait inéquitable de laisser à la charge la société parcs et sports IDF les sommes qu’elle a exposées pour la procédure d’appel. M. [M] est condamné à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
Succombant M. [M] est débouté de sa demande à ce titre.
Succombant M. [M] supportera les dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition du greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Creil le 14 février 2022 en toutes ses dispositions ;
et y ajoutant
Condamne M. [K] [M] à payer à la société parcs et sports IDF la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [K] [M] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [K] [M] aux dépens de la procédure d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.