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24 juin 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
18/03250
ARRÊT DU
24 Juin 2022
N° 1027/22
N° RG 18/03250 – N° Portalis DBVT-V-B7C-R5F3
VC/NB/CK*PB
RO
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING
en date du
19 Septembre 2018
(RG -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 24 Juin 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
SARL TRANSPORT & MESSAGERIE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Mme [W] [F]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par M. [M] [Y], défenseur syndical
Maître [C] [J] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société UNICOURSES DISTRIBUTION
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Hugues MAQUINGHEN, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Pauline WOICIECHOWSKI, avocat au barreau de LILLE
UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA de LILLE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substituée par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI
DÉBATS :à l’audience publique du 28 Avril 2022
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue rendue le 04 Novembre 2021
EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
La société Holding UNICOURSES, gérée par M. [K] [Z], a été la société mère de 3 sociétés dont l’activité résidait dans le transport de marchandises, à savoir la société UNICOURSES 59 devenue TRANSSAME, gérée par M. [K] [Z], la société Logistique Presse dite SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE (gérée par M. [K] [Z] puis par M. [P] [G] à compter du 18 mars 2016) et la société TMD devenue UNICOURSES DISTRIBUTION (gérée par M. [K] [Z] puis par M. [A] [H] à compter de décembre 2015).
Mme [W] [F] a été embauchée par la SARL TMD devenue UNICOURSES DISTRIBUTION, en qualité d’employée de comptabilité et de facturation à compter du 4 décembre 2000.
Par jugement du 14 mars 2016 rendu par le tribunal de commerce de Lille, la société UNICOURSES DISTRIBUTION a fait l’objet d’une liquidation judiciaire avec cessation totale d’activité et désignation de Maître [C] [J], en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 1er octobre 2014.
Le 18 mars 2016, 16 salariés de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION ont signé un avenant à leur contrat de travail avec la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Par courrier du 25 mars 2016, les 12 autres salariés dont fait partie Mme [W] [F] se sont vu notifier leur licenciement pour motif économique.
Par correspondance du 12 avril 2016, Maître [C] [J], liquidateur judiciaire, a porté à la connaissance de M. Le Procureur de la République de Lille des actes délictueux qu’il estimait avoir été commis par les dirigeants de la société UNICOURSES DISTRIBUTION et en particulier des détournements d’actifs.
Par courrier du 14 mai 2016, la salariée a fait valoir sa priorité de réembauche.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant diverses indemnités, Mme [W] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Tourcoing le 18 mai 2016.
Me [J], es qualité, a appelé en la cause la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Par jugement du 19 septembre 2018, la juridiction prud’homale a :
-jugé bien fondé l’appel en garantie de la SARL Transport et Messagerie ;
-jugé que le licenciement de Mme [W] [F] ne repose sur aucune cause économique et est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-jugé la faute et la légèreté blâmable de l’employeur ;
-jugé la fraude aux dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-1 du code du travail ;
-constaté le non-respect des critères d’ordre de licenciement ;
-constaté le non-respect de la priorité de réembauchage ;
-mis hors de cause le CGEA de Lille ;
-condamné la SARL Transport et Messagerie à payer à Mme [W] [F] les sommes suivantes :
*27448,82 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*4222,80 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,
*2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-rappelé qu’en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois (ladite moyenne s’élevant à 1530 euros bruts) ;
-précisé que ces condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
-condamné la SARL Transport et Messagerie à payer à Maître [J] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-débouté la SARL Transport et Messagerie de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 19 octobre 2018, la SARL Transport et Messagerie, représentée par son avocat, a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 21 avril 2021, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :
A titre principal,
-constater la prescription des actions fondées sur les dispositions des articles L.651-1, L.653-1 et L.654-2 du code de commerce ;
-constater l’absence de procédure pénale et commerciale engagée à l’encontre de M. [Z] ;
-constater qu’elle n’a commis aucune faute ;
-dire n’y avoir lieu à appel en garantie à son encontre et débouter Maître [J] ainsi que le salarié et le CGEA de leurs demandes à son encontre ;
A titre infiniment subsidiaire,
-dire qu’elle n’a pas agi avec une légèreté blâmable ;
-dire qu’elle n’a pas agi en fraude de l’article L. 1224-1 du code du travail ;
-dire qu’elle n’a pas manqué à son obligation de reclassement, à la priorité de réembauchage et n’a pas commis de délit d’entrave ;
En conséquence,
-débouter Maître [J] de son appel en garantie ;
-débouter la salariée, Maître [J] et le CGEA de leurs demandes dirigées à son encontre ;
-condamner la salariée et Maître [J] au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers frais et dépens;
Subsidiairement, si la Cour venait à considérer que le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse et qu’elle doit être tenue au paiement de dommages et intérêts, elle ne pourrait néanmoins que :
-débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
-constater que la salariée ne justifie pas de son préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-réduire considérablement les dommages et intérêts sollicités par cette dernière ;
En toutes hypothèses,
-dire l’appel incident du CGEA irrecevable en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle ou, subsidiairement débouter le CGEA de son appel incident’;
-condamner les intimés aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE expose que :
-Sur la recevabilité de la demande et conformément aux articles L651-2 et L653-1 du code de commerce, l’action contre le dirigeant se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire et ne peut être engagée que par le Procureur de la république ou le liquidateur, à l’exclusion du salarié, ce qui n’a pas été mis en ‘uvre en l’espèce, de sorte que l’action en garantie est prescrite et irrecevable.
-En outre et sur le fond, le seul retard dans la déclaration de cessation des paiements (unique faute retenue par le tribunal de commerce, le jugement étant frappé d’appel) ne peut justifier un appel en garantie, la société étant distincte juridiquement de M. [Z] et aucune faute ne pouvant, en tout état de cause, lui être reprochée.
-Lors de l’acquisition de la société TMD devenue UNICOURSES DISTRIBUTION en date du 5 août 2014, des pertes ont été constatées par rapport à la comptabilité présentée et ont donné lieu à la révocation du gérant, à la nomination en ses lieux et place de M. [Z], et à l’apport en trésorerie d’un capital de 50 000 euros, plusieurs pertes de clients étant à déplorer, ce qui n’a pas fait obstacle à la délivrance par la DREAL en date du 31 décembre 2015 d’une attestation démontrant que les capacités financières de la société TMD devenue UNICOURSES DISTRIBUTION satisfaisaient aux exigences de capacité financière fixées par le décret du 16 août 1985, de sorte qu’au moment de la cession des parts de M. [Z] à M. [H] le 30 novembre 2015, la société liquidée ne se trouvait pas en état de cessation des paiements.
-Par la suite, la société UNICOURSES DISTRIBUTION a perdu plusieurs contrats et des dettes sont devenues exigibles, rendant nécessaire la déclaration de cessation des paiements puis la liquidation judiciaire, étant précisé que la reprise par TRANSPORT ET MESSAGERIE de 16 salariés s’est faite à l’initiative de ces derniers et sur injonction de Maître [J].
-Il n’y a pas eu transfert de clients, l’entreprise ayant seulement été sollicitée par la société TEM afin d’assurer la prestation autrefois réalisée par la société liquidée, ce postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de UNICOURSES DISTRIBUTION, de sorte qu’aucune fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail n’est établie à cet égard.
-Concernant la vente de véhicules appartenant à la société UNICOURSES DISTRIBUTION à la SARL TRANSSAME, la société soutient qu’elle est distincte juridiquement de la SARL TRANSSAME et ne saurait se voir reprocher une faute commise par celle-ci, ce d’autant que si la facture avait été omise, une rectification est intervenue et la facture du 5 octobre 2015 ne constitue nullement un faux, les véhicules ayant, enfin, été vendus au prix du marché, par compensation en exécution de la convention de compte courant conclue entre les parties.
-Me [J], mandataire liquidateur, a commis plusieurs fautes lesquelles ont été mises en évidence dans la décision de retrait de l’autorisation administrative de licenciement des salariés protégés n’ayant pas respecté le délai de 5 jours entre la convocation et l’entretien préalable, n’ayant pas fait mention aux délégués du personnel des mesures envisagées, ayant accompli des recherches de reclassement tardives et ayant exhorté la société à réintégrer les salariés de l’entreprise en difficultés et il appartenait à ce dernier de s’assurer des difficultés économiques dans l’ensemble du groupe.
-En outre, l’éventuelle faute ou légèreté blâmable de l’employeur, la société UNICOURSES DISTRIBUTION, ne saurait conduire à engager la responsabilité de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE laquelle n’était pas l’employeur de la salariée au jour de son licenciement.
-La société TRANSPORT ET MESSAGERIE a assumé ses propres dépenses de carburant, la société UNICOURSES devant également faire face de son côté à des frais de carburants pour les véhicules qu’elle louait à la société TRANSSAME ou par le biais de crédits baux. La société indique également qu’aucun virement suspect ni aucun détournement de licences ne se trouvent justifiés.
-Aucune fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail ne peut également être caractérisée au regard de l’embauche de 16 salariés, laquelle a fait suite à une demande desdits employés et à un besoin de l’entreprise lié aux développements de nouveaux marchés, le mandataire ayant d’ailleurs encouragé ce recrutement, aucun transfert d’une entité économique autonome antérieurement à la liquidation judiciaire n’étant, ainsi, intervenu.
-Concernant l’obligation de reclassement, celle-ci incombait à Me [J], lequel a failli à cet égard.
-Concernant l’obligation de réembauche, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE n’y était nullement tenue, ce alors que tous les salariés licenciés ont indiqué ne pas souhaiter travailler pour son compte et qu’aucun préjudice ne se trouve justifié.
-Enfin, concernant la demande de condamnation à restituer les sommes avancées par l’AGS, celle-ci constitue une nouvelle prétention formée par l’organisme en cause d’appel et est, par suite, irrecevable.
Par ses dernières conclusions transmises au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2019, Mme [W] [F] demande à la cour de :
-juger que son licenciement ne repose sur aucune cause économique et est sans cause réelle et sérieuse ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
-en conséquence, condamner la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE à lui payer :
*27448,82 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*4222,80 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
-condamner la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
A titre subsidiaire,
– constater le défaut de recherche de reclassement,
– dire que le licenciement ne repose sur aucune cause économique et est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION aux sommes suivantes :
*27448,82 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*4222,80 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
– condamner Me [J], es qualité de liquidateur de la société UNICOURSES DISTRIBUTION à lui payer 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner aux entiers dépens et intérêts légaux,
-dire la décision opposable au CGEA.
À l’appui de ses prétentions, Mme [W] [F] soutient que :
-Le transfert d’une activité constitutive d’une entité économique autonome telle que l’activité du réseau TEM (Transport de meubles et d’électroménager) ne caractérise pas un motif de licenciement économique mais engendre l’application de l’article L1224-1 du code du travail relatif au maintien du contrat de travail par le repreneur, de sorte que les licenciements prononcés suite à la liquidation de la société UNICOURSES DISTRIBUTION ne peuvent être justifiés et sont, en réalité, sans cause réelle et sérieuse.
-En effet, cette entité a été transférée avant la liquidation judiciaire à une autre société du groupe, la société SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE, sans procéder au transfert du personnel comme l’imposait pourtant l’article L1224-1 du code du travail et alors même que concomitamment à la liquidation judiciaire, 16 salariés de UNICOURSES DISTRIBUTION ont pourtant été repris par TRANSPORT ET MESSAGERIE.
-La société TRANSPORT ET MESSAGERIE a repris l’activité de la société UNICOURSES DISTRIBUTION qui s’est poursuivie avec les mêmes clients, les mêmes véhicules et fait toujours partie du réseau TRANS EUROPE MEUBLE, de sorte que le contrat de travail des salariés licenciés aurait dû se poursuivre avec la société TRANSPORT ET MESSAGERIE et que les licenciements sont sans cause réelle et sérieuse.
-Ainsi, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent lui être accordés tenant compte de son âge au moment de la rupture, de son ancienneté, de l’absence de reprise d’une activité professionnelle et des circonstances du licenciement, des salariés disposant d’une ancienneté moindre ayant été repris par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
-Le licenciement est également sans cause réelle et sérieuse en ce qu’il n’existait aucune difficulté économique lesquelles auraient dû être appréciées au niveau du secteur d’activité du groupe auquel la société appartenait, ce qui n’a pas été le cas.
-Par ailleurs, la cessation d’activité de l’entreprise, orchestrée dans le seul but de favoriser les autres sociétés du groupe, ne peut constituer par elle-même une cause économique de licenciement, dans la mesure où elle est due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable, ce dernier s’étant rendu coupable d’abus de biens sociaux, de banqueroute par détournement d’actifs et d’augmentation fictive et frauduleuse du passif.
-La faute de l’employeur est, ainsi, caractérisée par le transfert à la société SLP renommée TRANSPORT ET MESSAGERIE du principal client de la société UNICOURSES DISTRIBUTION puis de la plupart des autres clients mais également par le transfert d’une grande partie de ses camions et remorques de la société UNICOURSES DISTRIBUTION courant octobre 2015 à la société TRANSSAME, moyennant une contrepartie financière particulièrement faible, sans justification comptable et dont l’acquittement est intervenu postérieurement à l’opération lors des opérations d’inventaires effectuées par le liquidateur.
-En outre, du matériel de bureau et du matériel logistique ont été financés par la société UNICOURSES DISTRIBUTION pour le compte d’autres sociétés du groupe, outre la réalisation d’importants virements injustifiés au profit de la société HOLDING UNICOURSES et de la société TRANSSAME et l’approvisionnement en carburant financé par la société UNICOURSES DISTRIBUTION des véhicules des autres sociétés.
-Les licences communautaires dont bénéficiaient les véhicules et qui avaient été financées par la société UNICOURSES DISTRIBUTION ont également été détournées au profit de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
-Subsidiairement, l’absence de recherche de reclassement par Me [J] au sein du groupe auquel appartient la société UNICOURSES DISTRIBUTION justifie également de la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-Le liquidateur n’a pas non plus respecté les critères d’ordre des licenciements, ce au regard de la liste du personnel repris par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, de son poste et de son ancienneté.
-Enfin, la priorité de réembauchage n’a pas non plus été respectée.
Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 24 mars 2021, Maître [C] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION, demande à la cour de :
A titre principal,
-confirmer la décision entreprise et le mettre hors de cause en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Unicourses Distribution ;
-juger que l’ensemble des éventuelles condamnations doivent être prononcées exclusivement à l’endroit de la SARL Transport et Messagerie en application des articles 1240 et 1241 du code civil ;
En conséquence,
-débouter la salariée de ses demandes dirigées à son endroit ès-qualités de liquidateur judiciaire ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour réformait la décision et devait considérer qu’aucune fraude ne justifiait sa mise hors de cause ès-qualités ;
-constater que le licenciement économique de la salariée est intervenu dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Unicourses Distribution et qui a donné lieu à la cessation d’activité totale ;
-constater que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire n’a souffert d’aucune contestation et a désormais force de chose jugée ;
En conséquence,
-juger que les difficultés économiques de la société Unicourses Distribution sont réelles et ne peuvent être contestées ;
-juger qu’aucun manquement à l’obligation de reclassement n’est caractérisé ;
-débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse formulée à ce titre ;
-juger qu’aucun ordre des licenciements ne devait être respecté et débouter la salariée de sa demande ;
A titre infiniment subsidiaire,
-réduire dans les plus amples proportions les prétentions de la salariée ;
En tout état de cause,
-juger l’absence de violation de la priorité de réembauchage ;
-condamner la SARL Transport et Messagerie à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’appui de ses demandes, Maître [C] [J], es qualité, expose que :
-Il a constaté l’existence manifeste d’une liquidation judiciaire orchestrée et d’un transfert d’actif frauduleux au profit de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, accompagné d’une reprise frauduleuse d’une partie seulement du personnel et il a porté cette situation à la connaissance du Procureur de la République en date du 12 avril 2016.
-En premier lieu, la responsabilité recherchée de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE ne repose nullement sur les dispositions des articles L651-1 et suivants, L653-1 et suivants et L654-2 et suivants du code de commerce mais dans le cadre des contentieux introduits par les salariés licenciés pour motif économique, de sorte qu’aucune prescription ne se trouve acquise.
-Surtout, l’appel en garantie de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE se justifie au regard d’une fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, la société TRANSPORT ET MESSAGERIE étant l’unique responsable de ladite fraude et, par conséquent, du dommage subi par le demandeur à l’action prud’homale dont elle doit supporter, seule, les conséquences financières.
-Ainsi, 16 salariés de la société UNICOURSES DISTRIBUTION ont été repris par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, au moyen d’un avenant à leur contrat de travail d’origine, 4 jours après le prononcé de la liquidation judiciaire d’office avec cessation totale d’activité de leur employeur d’origine, le liquidateur n’étant nullement intervenu dans cette reprise, faute d’avoir eu de quelconques contacts avec les dirigeants, lesquels avaient disparu.
-Dans ces conditions, la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION a été organisée de manière frauduleuse par ses instances dirigeantes au profit de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, ce d’autant qu’aucune cession d’actif n’a pu intervenir et que les camions nécessaires à l’exploitation de l’activité de transport avaient été transférés à la société TRANSSAME, dès le mois d’octobre 2015, soit 5 mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire, et, enfin, que les locaux de la société UNICOURSES DISTRIBUTION avaient été délocalisés vers le siège de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE à compter du début de l’année 2016.
-Si la responsabilité du liquidateur peut être recherchée s’agissant d’un licenciement économique contesté, toute fraude préexistante dont il ne serait pas l’auteur doit exclusivement pouvoir être réparée par l’auteur de cette fraude, en l’occurrence la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
-Ainsi, compte tenu de la fraude de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail et du transfert d’entité économique au profit de ladite société, les licenciements prononcés par l’employeur sortant sont privés d’effet et les contrats doivent subsister de plein droit avec le repreneur, contre lequel l’action doit exclusivement être dirigée, ce qui a d’ailleurs été retenu par la juridiction administrative, saisie de contentieux concernant les salariés protégés.
-En outre, la salariée ne démontre pas les prétendus préjudices qu’il invoque à l’appui de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes indemnitaires devant, en tout état de cause, être revues à la baisse.
-Subsidiairement, concernant le motif économique du licenciement, dans le cas d’une liquidation judiciaire, le mandataire n’a pas d’autre possibilité que de procéder avec les moyens matériels et financiers dont il dispose et avec les délais qui lui sont légalement imposés. Ainsi, le liquidateur se doit d’engager les procédures de licenciement dès que le tribunal de commerce a prononcé la liquidation de l’entreprise, ne disposant, en outre, d’aucun pouvoir d’appréciation quant à la cause économique des licenciements.
-En outre, la cessation d’activité constitue nécessairement un motif de licenciement jugé valable notamment lorsqu’il est justifié par la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise.
-De la même façon, les recherches de reclassement du liquidateur doivent être appréciées au regard des moyens dont il dispose et surtout du délai qui lui est imparti, les recherches mises en ‘uvre par ses soins ayant été loyales et sérieuses, mais dans un délai limité aux 15 jours suivants l’ouverture de la liquidation judiciaire, ce afin de préserver les droits des salariés par le biais de la garantie indemnitaire due par l’AGS et alors qu’aucun contact n’a pu être établi avec les anciens dirigeants de la société UNICOURSES DISTRIBUTION.
-Concernant l’ordre des licenciements, les critères d’ordre des licenciements pour motif économique ne s’apprécient qu’au sein de l’entreprise et ne s’appliquent que si l’employeur doit opérer un choix parmi les salariés licenciés, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, compte tenu de la cessation totale d’activité et du licenciement de tous les salariés.
-Enfin, la priorité de réembauchage ne s’exerce qu’à l’égard de l’entreprise ayant prononcé le licenciement et ne peut être étendue aux autres entités du groupe, de sorte qu’eu égard à la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, aucune indemnité au titre de la priorité de réembauchage ne saurait être accordée.
Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 18 juillet 2019, l’Unedic Délégation AGS-CGEA de Lille, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
A titre principal,
-confirmer la décision entreprise et la mettre hors de cause ;
-juger que l’ensemble des éventuelles condamnations doivent être prononcées exclusivement à l’endroit de la SARL Transport et Messagerie en application des articles 1240 et 1241 du code civil ;
-juger que la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une action en responsabilité dirigée contre son ancien employeur, la société Unicourses Distribution, visant à voir reconnaître sa faute ou sa légèreté blâmable ;
-juger que les créances dues sur le fondement de cette action en responsabilité ne constituent pas une créance salariale susceptible d’être garantie par l’AGS ;
Par conséquent,
-débouter la salariée de sa demande visant à voir déclarer opposable au CGEA de Lille le jugement à intervenir ;
-prononcer la mise hors de cause du CGEA ;
A titre reconventionnel,
-déclarer recevable la demande présentée par le CGEA,
-condamner la SARL Transport et Messagerie à rembourser au CGEA les indemnités de rupture avancées à la salariée et qui constituent un indu, soit la somme de 15274,36 euros ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour réformait la décision et devait considérer qu’aucune fraude, ni légèreté blâmable de l’employeur ne justifie la mise hors de cause du CGEA de Lille,
-constater que le licenciement économique de la salariée est intervenu dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de son employeur et qui a donné lieu à la cessation d’activité totale ;
-constater que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire n’a souffert d’aucune contestation et a désormais force de chose jugée ;
-juger que les difficultés économiques de la société Unicourses Distribution sont réelles et ne peuvent être contestées ;
-débouter la salariée de son argumentation formulée à ce titre ;
-juger que la société Unicourses Distribution et la SARL Transport et Messagerie gérées par M. [Z], se sont rendues coupables de collusion frauduleuse visant à faire obstacle aux transferts des contrats de travail en application de l’article L.1224-1 du code du travail ;
-condamner solidairement la SARL Transport et Messagerie tout en fixant la créance au passif de la société Unicourses Distribution ;
-mettre hors de cause le CGEA .
-juger qu’aucun manquement à l’obligation de reclassement n’est caractérisé et, par conséquent, débouter la salariée de la demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à ce titre .
En tout état de cause,
-juger que ce préjudice s’inscrit dans le cadre de la fraude organisée par la SARL Transport et Messagerie au détriment de l’AGS, laquelle est fondée à solliciter sa mise hors de cause ;
-juger qu’aucun ordre des licenciements ne devait être respecté et débouter la salariée de sa demande.
A titre infiniment subsidiaire,
-Débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou, à tout le moins, la réduire à l’indemnité minimale de 6 mois de salaires prévue par l’article L.1235-3 du code du travail
En tout état de cause,
-juger l’absence de violation de la priorité de réembauchage ;
-juger que la créance résultant de la violation commise par la la SARL Transport et Messagerie ne saurait faire l’objet d’une inscription au passif de la société Unicourses Distribution et que l’AGS ne saurait être tenue de les garantir ;
-débouter la salariée de la demande de dommages-intérêts qu’il formule à ce titre ;
-donner acte à l’organisme concluant qu’il a procédé aux avances au profit de la salariée d’un montant de 15274,36 euros ;
-dire que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L 143.11.1 et suivants du code du travail) et des plafonds prévus à l’article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du code du travail), et ce toutes créances de la salariée confondues ;
-juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l’article L.3253-20 du code du travail ;
-statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’AGS indique que :
-La salariée ne peut contester la réalité des difficultés économiques invoquées à l’appui de son licenciement pour motif économique, ce compte tenu de l’état de cessation des paiements de l’employeur, de sa cessation d’activité et du prononcé de la liquidation judiciaire de la société, suivant jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 14 mars 2016.
-Néanmoins, les sociétés UNICOURSES DISTRIBUTION et TRANSPORT ET MESSAGERIE ont fait preuve de collusion frauduleuse afin de s’opposer au transfert de plusieurs contrats de travail, et d’organiser l’insolvabilité de la première avec transfert progressif de son activité à la seconde, faisant, ainsi, obstacle à l’application de l’article L1224-1 du code du travail et justifiant de la condamnation solidaire de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
-Ainsi, par de nombreux actes successifs (cession de l’ensemble des camions à la société TRANSSAME, délocalisation des locaux au sein de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, importantes dépenses de carburant, transfert de 16 contrats de travail, changements de gérance durant la procédure collective, dissolution de la holding UNICOURSES), MM. [Z] et [H], successivement gérants de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, ont conjointement détourné une partie de l’actif au profit de sociétés appartenant au groupe géré par M. [Z], et augmenté son passif en vue de favoriser sa liquidation judiciaire, ce d’autant que l’activité est désormais poursuivie par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE au sein de laquelle 16 salariés ont pu être transférés.
-En outre, en vue de la liquidation judiciaire imminente de la société UNICOURSES DISTRIBUTION et de la poursuite de son activité au sein de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, M. [Z] a perdu successivement sa qualité de gérant au sein de la société UNICOURSES DISTRIBUTION deux mois avant l’ouverture de la liquidation judiciaire et au sein de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE 4 jours après le prononcé de la liquidation avec une reprise de la gérance dès le 25 février 2017.
-Il s’en rapporte à l’argumentation développée par le mandataire concernant la mise en cause de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, rappelant que la société UNICOURSES a été vidée de sa substance au profit d’une nouvelle entité, tout en ne transférant que partiellement les contrats de travail, au mépris des dispositions d’ordre public de l’article L1224-1 du code du travail avec la volonté de faire supporter à la collectivité le coût de la rupture des contrats de travail non transférés.
-L’Unedic AGS Délégation de Lille doit être mis hors de cause du fait de la fraude manifeste à son système de garantie et de l’instrumentalisation de la liquidation judiciaire par M. [Z] lequel a tenté d’échapper aux licenciements de 21 salariés, les condamnations devant être dirigées à l’encontre de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, en application des articles 1240 et 1241 du code civil.
-Subsidiairement, aucun manquement à l’obligation de reclassement n’est caractérisé, compte tenu des recherches réalisées par Me [J] auprès de 17 entités, ce d’autant que la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION résulte d’une fraude organisée par ses gérants, toutes recherches de reclassement au sein de ces entités du groupe ne pouvant que rester vaines.
-En outre, les critères d’ordre des licenciements pour motif économique ne s’appliquent que si l’employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce compte tenu de la cessation d’activité de l’employeur et du licenciement de l’ensemble des salariés de l’effectif.
-En tout état de cause, il appartient à la salariée de rapporter la preuve du préjudice subi, ce qui n’est pas établi en l’espèce, faute de justification concernant sa situation professionnelle depuis son licenciement survenu en mars 2016, les montants réclamés étant, en outre, disproportionnés.
-Par ailleurs, la priorité de réembauchage n’a pas été violée, en ce qu’elle ne s’exerce qu’à l’égard de l’entreprise ayant prononcé le licenciement, placée en liquidation judiciaire, et ne peut être étendue aux autres entités du groupe.
-En outre, la salariée ne rapporte pas la preuve de ce que la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, bénéficiaire d’un transfert d’activité, aurait violé sa priorité de réembauchage, ce alors que les offres versées aux débats ne sont pas émises par cette entité, sont antérieures à l’exercice par la salariée de sa priorité de réembauchage et que la demande est mal dirigée et ne saurait être garantie par l’AGS, s’agissant de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE qui ne fait l’objet d’aucune procédure collective, ce d’autant que la demande financière est fondée sur un montant de salaire erroné.
-Par ailleurs, seules les créances salariales dues en raison de l’exécution du contrat de travail ou de la rupture du contrat de travail sont susceptibles d’être garanties par le CGEA-AGS, à l’exclusion des créances nées de l’action en responsabilité dirigée contre l’employeur en raison d’une faute ou d’une négligence commise par celui-ci.
-A titre reconventionnel, il est sollicité le remboursement par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE des indemnités de rupture indûment avancées par ses soins, ce en application des articles 1302-1 et 1302-2 du code civil, une telle demande n’étant pas irrecevable, en ce qu’elle ne constitue pas une nouvelle demande en appel mais est la conséquence et le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge et constitue, en réalité, une demande reconventionnelle se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 novembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION’:
Sur la recevabilité de l’action et l’application des dispositions de l’article L651-2 et L653-1 du code de commerce :
Conformément aux dispositions de l’article L651-2 du code de commerce, «’Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. (‘) L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.’».
Il résulte, en outre, de l’article L653-1 du code de commerce que «’I.-Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.
Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.
II.-Les actions prévues par le présent chapitre se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l’ouverture de la procédure mentionnée au I. Toutefois, la prescription de l’action prévue à l’article L653-6 ne court qu’à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l’article L 651-2 a acquis force de chose jugée.’».
Les dispositions précitées posent, ainsi, les conditions de la mise en ‘uvre de la responsabilité des dirigeants de personnes morales devant la juridiction commerciale en cas de faute de gestion commise par ces derniers.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux actions relevant de la compétence du juge prud’homal et exercées par les salariés licenciés aux fins de voir constater une fraude et une violation des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, de nature à priver d’effet les licenciements économiques prononcés dans le cadre du transfert frauduleux d’une entité économique autonome, lesquelles sont soumises, concernant la prescription à l’article L1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, et concernant la saisine et l’identité du requérant aux articles R1452-1 et suivants dudit code.
Il en résulte que l’action portant sur la rupture du contrat de travail et mise en ‘uvre le 18 mai 2016 a bien été introduite dans le délai de deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, le licenciement étant, en tout état de cause, intervenu le 25 mars 2016.
Par conséquent, l’action formée par Mme [W] [F], ancienne salariée de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION, n’est pas atteinte par la prescription et a été mise en ‘uvre par un requérant ayant qualité pour agir.
Il en va de même de l’action en responsabilité dirigée par Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION à l’encontre de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE laquelle trouve son fondement non pas dans les articles du code de commerce précités mais dans les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil.
L’action est, dès lors, recevable et les griefs formulés par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE à cet égard sont rejetés.
Sur le licenciement économique, la faute de l’employeur et la fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail :
Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais aussi, la réorganisation de l’entreprise, la cessation non fautive d’activité de l’entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l’emploi du salarié concerné (suppression ou transformation) ou sur son contrat de travail (emporter une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail).
La cessation de l’activité d’une entreprise constitue, par elle-même, une cause économique de licenciement dès lors qu’elle n’est pas due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable ou encore à une fraude.
En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à la salariée par le mandataire liquidateur en date du 25 mars 2016 se trouve fondée sur le prononcé de la liquidation judiciaire laquelle a entraîné la cessation immédiate et définitive d’activité de l’employeur, la fermeture de l’entreprise, la suppression de son poste de travail et l’obligation de procéder au licenciement économique du personnel.
La rupture du contrat de travail de Mme [W] [F] est, ainsi, motivée par la liquidation judiciaire de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION ordonnée suivant jugement rendu le 14 mars 2016 par le tribunal de commerce de Lille.
Néanmoins, Mme [W] [F] et Me [J], es qualité, se prévalent de la faute de l’employeur, d’une fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail et de ce que le contrat de travail de la salariée aurait dû se poursuivre avec la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE.
– Sur la faute de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION :
Concernant la faute de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, l’organigramme ainsi que les extraits BODDAC versés aux débats démontrent que la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION appartenait, aux côtés des SARL UNICOURSES 59 (devenue TRANSSAMME) et SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE à un groupe détenu par la Holding UNICOURSES INTERNATIONAL.
Il n’est pas contesté que ces sociétés avaient pour objet social le transport de marchandises pour la grande distribution, l’électroménager et la literie. Tel était notamment le cas des SARL UNICOURSES DISTRIBUTION et SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE.
L’ensemble de ces sociétés a, en outre, été géré par M. [K] [Z], lequel a, néanmoins, cédé ses parts de la société UNICOURSES DISTRIBUTION en novembre 2015 puis la gérance à M. [B] [H] le 7 janvier 2016 soit 3 mois avant la liquidation judiciaire de cette dernière.
En parallèle, la SARL SLP a changé de dénomination sociale, est devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE et sa gérance, auparavant confiée à M. [K] [Z], a été transférée à M. [P] [G] en date du 18 mars 2016, soit 4 jours après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION. M. [K] [Z] est, toutefois, redevenu gérant de cette société TRANSPORT ET MESSAGERIE à compter du 25 février 2017 soit moins d’une année après.
Surtout, à compter d’octobre 2015, des poids lourds appartenant à la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION ont été vendus à la SARL TRANSSAME.
En effet, conformément à la facture du 5 octobre 2015, 6 poids lourds, 6 remorques et 1 Renault Clio, c’est à dire l’ensemble des éléments d’actifs corporels de l’entreprise UNICOURSES DISTRIBUTION, ont été cédés à la société TRANSSAME pour un montant de 41 400 euros.
En parallèle, il a été conclu un contrat de location desdits véhicules à la société cédante, moyennant le paiement d’un loyer de 600 euros mensuels, après une franchise de 6 mois.
Or, alors que la transaction est intervenue le 5 octobre 2015, l’ écriture comptable correspondant à cette transaction n’a été inscrite qu’en date du 22 mars 2016 soit postérieurement à la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, peu important l’existence d’une convention de compte courant conclue entre les deux sociétés, dès lors qu’il n’est justifié d’aucune écriture comptable concomitante.
En outre, le commissaire priseur intervenu pour évaluer les actifs de la société UNICOURSES DISTRIBUTION lors de la liquidation judiciaire a fait état de la sous-estimation du montant de ces véhicules dans le cadre de la transaction réalisée.
En outre, des fonds détenus par la société UNICOURSES DISTRIBUTION ont été utilisés pour acheter du carburant à destination de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Ainsi, il est produit une facture d’achat de gasoil en date du 29 février 2016 pour un montant total de 68 421,30 euros correspondant à la consommation annuelle habituelle de carburant de la société UNICOURSES DISTRIBUTION (cf tableau récapitulatif des achats de gazole de la société pour l’année 2015).
Plusieurs attestations de salariés de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE témoignent de ce que peu avant la liquidation judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, a été réceptionnée la livraison d’une grosse quantité de gazole stockée dans des palettes cubis de 1000 litres et qui servait à faire le plein pour les camions de TRANSPORT ET MESSAGERIE, au lieu et place de l’ approvisionnement habituel en station-service.
A cet égard, des mails établis à compter de mai 2015 et émanant du comptable de la société UNICOURSES DISTRIBUTION attestent que ce dernier a alerté et interrogé M. [Z] sur l’augmentation considérable des charges et notamment des achats très importants de carburant alors même qu’il était signalé une baisse des rentrées d’argent et la perte de deux clients.
Les observations émises par la DIRRECTE en date du 7 décembre 2016 à destination de la Ministre du travail saisie d’un recours à l’encontre de la décision de refus par l’inspection du travail d’autoriser le licenciement des délégués du personnel viennent, en outre, conforter cette analyse. Cette direction souligne, en effet, qu’une commande exceptionnelle de gasoil a été constatée pour un volume de 24 000 litres correspondant à la consommation annuelle de la société UNICOURSES DISTRBUTION, avant de disparaître par conteneurs au profit des autres sociétés du groupe.
De la même façon, plusieurs chèques émis par M. [Z], et inexpliqués pour un montant total de 10375,20 euros ont, en outre, été évoqués, dans un mail adressé à ce dirigeant, par le comptable de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, étant précisé que ce dernier a mis fin à ces jours courant novembre 2015, le caractère professionnel de ce suicide ayant, en outre, été reconnu.
Il ressort également des éléments comptables (extraits de compte CDN) produits qu’au début de l’année 2016, plusieurs virements injustifiés, sans lien avec une quelconque facture, ont été réalisés par la société UNICOURSES DISTRIBUTION en faveur de la société TRANSSAME et de la société VPO UNICOURSES ( 18 janvier 2016 : 6500 euros à la société VPO UNICOURSES / 10 février 2016 : 15000 euros à la société TRANSSAME / 12 février 2016 : 4000 euros en faveur de la société TRANSSAME), ce alors que la déclaration de cessation des paiements par M. [H] était imminente (4 mars 2016).
Ces différents éléments conduisent, dès lors, à retenir l’existence d’une faute imputable à la société UNICOURSES DISTRIBUTION laquelle a cédé l’intégralité des véhicules dont elle était propriétaire sans contrepartie financière effective, à un prix minoré non inscrit dans ses comptes, a utilisé une partie de ses fonds pour financer l’achat de carburants pour d’autres sociétés du groupe, ou encore a effectué plusieurs paiements sans cause au profit d’autres sociétés du groupe, quelques semaines avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Ainsi, au cours de l’année 2015, la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION a été progressivement vidée de sa substance au profit des deux autres sociétés du groupe et en particulier la société TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Par ailleurs, cette faute caractérisée par cette vente d’actifs isolés et la dilapidation des fonds de la société UNICOURSES DISTRIBUTION s’est inscrite plus largement dans une opération de fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail.
– Sur la fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail :
Conformément à l’article L. 1224-1 du code de travail, «Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
Ces dispositions s’appliquent en cas de transfert d’une activité économique, à la condition qu’il porte sur une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, peu important l’existence ou non d’un lien de droit entre les employeurs successifs.
L’entité économique autonome dont le transfert entraîne la poursuite de plein droit avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés qui y sont affectés s’entend d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.
Il faut que les moyens qui permettent de réaliser l’activité, c’est-à-dire les éléments corporels et/ou incorporels qui permettent sa mise en ‘uvre soient également transférés.
La reprise d’une activité sans les moyens permettant de la réaliser n’emporte pas transfert d’une entité économique autonome.
Enfin, le transfert d’une entité économique autonome entraîne, de plein droit, le maintien avec le nouvel employeur, des contrats de travail qui y sont attachés et prive d’effet les licenciements prononcés par le cédant pour motif économique.
Il incombe, en l’espèce et conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, à Mme [W] [F] ainsi qu’à Me [J], es qualité, qui se prévalent d’une fraude consistant à éluder les dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, de rapporter la preuve que les conditions d’application de ces dispositions sont réunies.
Ils doivent ainsi établir l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
En l’espèce, au-delà de l’identité d’activité des sociétés UNICOURSES DISTRIBUTION et TRANSPORT ET MESSAGERIE, il résulte des éléments communiqués par Mme [W] [F] et le liquidateur judiciaire, qu’ à compter du 8 février 2016, les locaux de la société UNICOURSES DISTRIBUTION ont été transférés à [Localité 9], au lieu même du siège de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, ces deux entreprises ayant alors exercé une activité identique en un lieu unique.
L’ensemble de la clientèle de la société UNICOURSES DISTRIBUTION a, ainsi, été informé de ce changement de lieu d’activité sans qu’aucune distinction ne soit alors établie dans les flyers diffusés entre ladite société et la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Surtout, Mme [W] [F] et Me [J] justifient de ce que, dès avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, la SARL SLP devenue, par la suite, TRANSPORT ET MESSAGERIE a progressivement récupéré les grands comptes clients et notamment le plus important client de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION, en l’occurrence le réseau Trans Europe Meuble (TEM), lequel représentait jusqu’à 90% de son activité.
Ce réseau TEM constituait, en effet, un réseau européen comprenant 11 plateformes sur le territoire national et dont l’activité résidait dans le transport de meubles dans l’Europe entière, la société UNICOURSES DISTRIBUTION assumant jusqu’alors la gestion exclusive de la plateforme de [Localité 5].
Il ressort, ainsi, des nombreuses factures ainsi que des bons de commande produits que plusieurs contrats conclus avec la société UNICOURSES DISTRIBUTION avaient commencé à être transférés à la société SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE dès le mois de janvier 2016.
Puis après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, les commandes et factures produites reprenaient là encore expressément la demande d’expédition auprès d’UNICOURSES DISTRIBUTION et la livraison par la société TRANSPORT ET MESSAGERIE laquelle mentionnait d’ailleurs toujours le nom de la première.
De même, des bons de livraison correspondant à des commandes postérieures au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire comportent encore l’apposition conjointe du nom des deux sociétés.
Ainsi, la société SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE a progressivement transféré à son propre compte l’activité de la société UNICOURSES DISTRIBUTION liée au réseau Trans Europe Meuble, ce dès avant l’ouverture de la procédure collective, transfert d’ailleurs facilité par l’unicité des locaux.
Et si l’appelante soutient que le déclin de la société liquidée trouve son origine dans la perte de nombreux clients et non dans un détournement de sa clientèle, cette preuve ne se trouve pas rapportée, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE se contentant de justifier de la perte de 3 clients, alors même que l’activité liée au réseau TEM précité correspondait à 70 à 90 % du chiffre d’affaires de la société UNICOURSES DISTRIBUTION.
Les nombreuses factures produites attestent également du transfert au profit de la société SLP devenue TRANSPORT ET MESSAGERIE d’autres grands comptes clients de la société UNICOURSES DISTRIBUTION.
Par ailleurs, moins de quatre jours après l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, 16 salariés de la société UNICOURSES DISTRIBUTION ont conclu avec la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE un avenant’à leur contrat de travail au terme duquel ces derniers étaient repris au même poste, conditions de travail, grade et avec le bénéfice d’une reprise d’ancienneté.
Il ne résulte, en outre, pas des pièces produites que ces transferts de contrat de travail auraient été réalisés à la demande du liquidateur judiciaire.
En effet, la société TRANSPORT ET MESSAGERIE produit des attestations contradictoires desquelles il ressort, d’une part, que deux salariés l’auraient eux même démarchée afin d’être repris (attestations de MM. [E] et [I]) et, d’autre part, qu’une rencontre aurait été organisée dans les bureaux de Me [J] en présence de M. [Z] et de son juriste,
au cours de laquelle le liquidateur aurait «’exhorté’» le dirigeant à reprendre les salariés de l’entreprise en difficulté, ce qui suppose, alors, une démarche de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE à l’égard des employés de UNICOURSES DISTRIBUTION (attestation de M. [S]) et non l’inverse.
Surtout, il ressort des différents documents de la procédure collective ainsi que de l’avis de la DIRECCTE que Me [J] n’a jamais rencontré M. [Z], seul M. [V] [S], juriste par ailleurs peu informé de la situation de l’entreprise, s’étant présenté.
La reprise de 16 salariés par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE n’a, ainsi, nullement répondu à une exigence du liquidateur, ce d’autant que la proximité de dates entre le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et la signature des avenants rend vain un tel argumentaire.
En outre, au regard du transfert avéré du réseau TEM au profit de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, lequel représentait jusqu’à 90% du chiffre d’affaires de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, il est établi que les salariés de l’entreprise liquidée travaillaient nécessairement tous pour le client TEM.
Enfin, la production des licences communautaires de transport et du rapport ayant accompagné le dépôt de plainte du liquidateur attestent de ce que ces licences payées par la société UNICOURSES DISTRIBUTION et délivrées par la DREAL ont été détournées au profit de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE, sans qu’aucune nouvelle demande ne soit déposée par cette dernière.
La SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE a, ainsi, bénéficié du transfert à son profit d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé caractérisé par une grande partie des salariés de la société UNICOURSES DISTRIBUTION mais également du transfert de la quasi-totalité de ses clients permettant l’exercice d’une activité économique propre de transport de marchandises et meubles notamment au sein du réseau Trans Europe Meuble lequel représentait jusqu’à 90% de son activité, outre l’utilisation des licences communautaires de transport financées par la société liquidée et dont elles portaient d’ailleurs le nom.
La preuve d’une fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail se trouve, par conséquent, établie, analyse d’ailleurs également retenue dans le cadre du jugement rendu par le tribunal administratif de Lille le 2 décembre 2020.
Le transfert de l’ensemble des contrats de travail des salariés de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION s’est donc opéré automatiquement par le seul effet de ce transfert d’une entité économique autonome.
Dans ces conditions, le licenciement de Mme [W] [F] prononcé pour motif économique se trouve privé d’effet.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur la mise en cause de la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE :
Conformément aux dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Lorsque la perte de l’emploi résulte à la fois du cédant qui a pris l’initiative d’un licenciement dépourvu d’effet et du cessionnaire qui a refusé de poursuivre le contrat de travail ainsi rompu, le salarié peut diriger son action contre l’un ou l’autre.
Néanmoins, si le salarié licencié à l’occasion du transfert de l’entité économique dont il relève, peut exiger du cessionnaire qu’il l’indemnise des conséquences de la perte de son emploi, c’est à la condition que celui-ci ait refusé la poursuite du contrat de travail en cours au jour du transfert.
En l’espèce, Mme [W] [F] dirige ses demandes financières exclusivement à l’encontre de la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE.
Il s’évince des développements repris ci-dessus la preuve d’une fraude à l’application des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail commise par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE, laquelle lui a permis de reprendre à son compte la quasi-totalité de la clientèle de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION ainsi que la majeure partie de ses effectifs, sans pour autant assumer la charge des autres salariés non repris lesquels ont fait l’objet d’un licenciement économique.
La salariée a fait part, auprès du liquidateur, de sa volonté de se prévaloir de sa priorité de réembauche.
En outre, l’enquête diligentée par la DIRECCTE et communiquée au tribunal administratif saisi de recours relève que des transferts de personnels ont été effectués en l’absence de toute transparence et de tout critère objectif et surtout que «’l’employeur a choisi les salariés repris, privilégiant ceux récemment embauchés’».
Il s’en déduit que la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE a refusé la poursuite du contrat de travail de Mme [W] [F].
Dans ces conditions, cette société a commis une faute en refusant de reprendre cette salariée, alors même qu’il bénéficiait du transfert de son contrat de travail du fait de l’application automatique des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail. Cette faute a conduit à son licenciement lequel est dépourvu d’effet.
La SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE est, par suite, condamnée à prendre intégralement en charge le montant des condamnations prononcées, dans le cadre de la présente décision, au titre de la rupture du contrat de travail.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse:
Le licenciement prononcé par le liquidateur de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION pour motif économique est privé d’effet, de sorte que les salariés licenciés peuvent prétendre à la réparation du préjudice découlant de cette rupture de leur contrat de travail.
Mme [W] [F] comptant plus de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s’appliquer les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (pour être née le 10 juillet 1965) et de son ancienneté au moment de la rupture (pour être entrée au service de l’entreprise le 4 décembre 2000), des circonstances de celle-ci, de sa rémunération brute mensuelle (1733,27 euros), de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et de l’absence de justificatif d’éventuelles périodes de chômage ou de reprise d’une activité professionnelle, il y a lieu de fixer à la somme de 25999,05 euros le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle la société TRANSPORT ET MESSAGERIE est condamnée.
Le jugement entrepris est infirmé quant au quantum alloué au salarié à titre de dommages et intérêts.
Sur la priorité de réembauche :
Aux termes de l’article L1233-45 du code du travail, «’Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l’employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles. Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s’il en informe l’employeur’».
L’article L1235-13, dans sa version applicable à l’espèce, dispose, par ailleurs qu’«’En cas de non respect de la priorité de réembauche prévue à l’article L1233-45 du code du travail, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire’».
Lorsqu’un licenciement a été mis en ‘uvre par un liquidateur judiciaire et que l’entreprise s’est poursuivie avec un repreneur, le salarié est en droit de faire valoir sa priorité de réembauche auprès de ce repreneur.
Cette obligation s’impose au repreneur, même lorsque la demande du salarié avait été faite auprès de l’auteur du licenciement, en l’occurrence le mandataire liquidateur.
En l’espèce et par courrier du 14 mai 2016 adressé au liquidateur judiciaire, Mme [W] [F] a, demandé à bénéficier de cette priorité de réembauche.
Il s’évince des développements repris ci-dessus que, nonobstant la fraude aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE a bénéficié du transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité a été poursuivie et reprise, de sorte qu’en sa qualité de repreneur de l’activité de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION, cette société était débitrice de l’obligation de réembauche à l’égard de Mme [W] [F].
En outre, c’est à l’employeur qu’il incombe de rapporter la preuve du respect de ses obligations notamment en matière de priorité de réembauche.
Or, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE qui ne verse pas aux débats le registre des entrées et sorties de son personnel et ne justifie pas des éventuelles embauches réalisées dans le délai d’un an dans lequel la priorité de réembauche devait s’exercer, ne démontre pas avoir respecté ses obligations en la matière vis à vis de cette salariée.
Dans ces conditions, la violation par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE de la priorité de réembauche est établie.
La cour fixe, ainsi, à la somme de 3466,54 euros les dommages et intérêts dus par l’appelante à Mme [W] [F] au titre de la violation de la priorité de réembauche.
Le jugement entrepris est confirmé en son principe mais infirmé concernant le quantum alloué.
Sur la garantie de l’AGS CGEA et la demande de mise hors de cause :
La condamnation exclusive de la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE conduit à mettre hors de cause l’AGS CGEA de Lille, intervenant exclusivement en garantie des créances de la société liquidée.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement des indemnités de rupture avancées par l’AGS à la salariée dirigée à l’encontre de la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE :
-Sur la recevabilité de la demande :
Aux termes de l’article 566 du code de procédure civile, «’Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’».
Il résulte, en outre, de l’article 567 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, dès lors qu’elles se rattachent aux demandes originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, il résulte du jugement rendu en première instance que l’AGS s’était associée devant la juridiction prud’homale aux prétentions tendant à voir reconnaître la fraude par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE aux dispositions de l’article L1224-1 du code du travail et la responsabilité de cette dernière dans le licenciement économique des salariés de la société UNICOURSES DISTRIBUTION.
Or, la demande tendant à obtenir, auprès de la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE, la restitution des sommes dont l’AGS a fait l’avance constitue la conséquence des demandes présentées en première instance. Elle se rattache, ainsi, aux demandes originaires par un lien suffisant.
Cette prétention est, par suite, recevable.
-Sur le fond :
Conformément aux dispositions de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
L’action en restitution peut, ainsi, être engagée contre celui qui a reçu le paiement et contre celui pour le compte duquel le paiement a été reçu.
Les articles L3253-6 et suivants du code du travail mettent à la charge des employeurs un régime d’assurance, mis en ‘uvre par une émanation de leurs organisations professionnelles, garantissant les salariés contre le risque de non-paiement des sommes leur étant dues en exécution du contrat de travail, notamment en cas de procédure de liquidation judiciaire. L’organisme, dont la garantie était requise par le mandataire judiciaire, ne peut, dès lors, procéder à un paiement que dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.
En l’espèce, le paiement d’avances de créances salariales et des indemnités de rupture consécutives aux licenciements prononcés par le liquidateur judiciaire a été effectué par le CGEA AGS de Lille entre les mains du liquidateur judiciaire de la société UNICOURSES DISTRIBUTION, lequel a ensuite reversé les sommes perçues à la salariée.
Néanmoins, la répétition d’un paiement indu ne peut être dirigée ni contre celui pour le compte duquel le paiement a été effectué ni contre celui dont la responsabilité est engagée à l’égard de cette dernière.
Or, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE n’a pas été partie au paiement en cause.
Dans ces conditions, le CGEA AGS ne peut, sous couvert d’une action en répétition de l’indu, rechercher directement celui qui aurait profité de l’acte, en l’occurrence la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE dont la responsabilité se trouve engagée.
L’action du CGEA AGS à l’encontre de la société TRANSPORT ET MESSAGERIE ne peut dès lors prospérer sur ce fondement.
La demande en répétition de l’indu est, par conséquent, rejetée.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris sont confirmées concernant les dépens de première instance, les frais irrépétibles et les intérêts.
Succombant à l’instance, la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros à Mme [W] [F] et la somme de 500 euros à Me [J], es qualité.
PAR CES MOTIFS :
La cour d’appel statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
REJETTE les demandes d’irrecevabilité formées par la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE au titre de la mise en cause de sa responsabilité et du remboursement des avances faites à la salariée par l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de Lille ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de TOURCOING le 19 septembre 2018, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la priorité de réembauche ;
STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE à payer à Mme [W] [F] :
-25999,05 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3466,54 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité
de réembauche ;
DÉBOUTE l’UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA de Lille de sa demande en répétition de l’indu dirigée contre la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE la SARL TRANSPORT ET MESSAGERIE aux dépens d’appel ainsi qu’à payer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à Mme [W] [F] 1500 euros et à Maître [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UNICOURSES DISTRIBUTION, 500 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. BERLY P. NOUBEL