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18 septembre 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/08058
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°293
N° RG 19/08058 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QKQ5
SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES
C/
M. [H] [B]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Mathieu HERVE
Me Anne-Laure BELLANGER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Mai 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathieu HERVE de la SELAS FIDAL, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [H] [B]
né le 25 Avril 1964 à [Localité 5] (61)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Anne-Laure BELLANGER, Avocat du Barreau de NANTES
M. [B] a été engagé par la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES le 1er octobre 2004 par contrat à durée indéterminée, en qualité de tourneur.
La convention collective métallurgie de Loire-Atlantique s’applique à la relation de travail.
La SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES intervient dans le secteur de la construction des équipements industriels pour la génération et la conversion d’énergie qui se compose d’une activité de construction de chaudière industrielles et de systèmes de combustion.
La SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES est intégrée au groupe ALTAWEST, lequel en 2016 était composé, sur le même secteur d’activité de la société LEROUX ET LOTZ MAINTYS, la société INOVA CONSTRUCTION et la société EUROBIOMASS.
Le 5 décembre 2016, la société LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES a notifié au salarié son licenciement pour motif économique et impossibilité de procéder au reclassement.
M. [B] a adhéré au congé de reclassement.
Le 28 novembre 2017, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins essentiellement de :
‘Dire et juger que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
‘Dire et juger que les règles concernant les critères d’ordre n’ont pas été respectées,
‘ Condamner la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à lui verser la somme de 40.000 nets à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire, la somme de 40.000 € nets en raison du manquement relatif aux critères d’ordre des licenciements.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 16 décembre 2019 par la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES contre le jugement de départage du 14 novembre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Rejeté des débats l’attestation de Mme [X],
‘ Condamné la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à verser à M. [B] les sommes suivantes :
– 40.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement aux critères d’ordre de licenciement,
– 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Fixé le salaire moyen mensuel de M. [B] à la somme de 2.675,79 € bruts,
‘ Débouté M. [B] de sa demande au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse pour défaut de reclassement et absence de cause économique,
‘ Débouté la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamné la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES aux dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, suivant lesquelles la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES demande à la cour de :
A titre principal,
‘ Juger recevable l’attestation de Mme [X],
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté des débats l’attestation de Mme [X],
‘ Juger que le licenciement de M. [B] repose sur une cause réelle et sérieuse,
‘ Juger que la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES s’est conformée à l’ensemble de ses obligations en matière de reclassement,
‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique et de respect de la procédure de reclassement,
‘ Juger que la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES a respecté l’ensemble de ses obligations en matière d’ordre des licenciements,
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à verser à M. [B] au titre de dommages et intérêts pour manquement relatif aux critères d’ordre de licenciement la somme de 40.000 € nets,
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire,
‘ Débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire, sur la caractérisation et l’évaluation d’un supposé préjudice du salarié, si par extraordinaire la Cour venait à juger qu’elle n’a pas respecté les règles relatives aux critères d’ordre de licenciement,
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser M. [B] la somme de 40.000 € nets au titre de dommages et intérêts pour manquement relatif aux critères d’ordre de licenciement,
‘ Apprécier dans de plus justes proportions les prétentions indemnitaires du salarié au titre de l’indemnisation de l’éventuel préjudice résultant de la non application des critères d’ordre par la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES,
En tout état de cause,
‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à verser au salarié la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES aux dépens,
Statuant à nouveau
‘ Condamner le salarié à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner le salarié aux dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022 par M. [B] suivant lesquelles il demande à la cour de :
‘ Infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes du 14 novembre 2019,
‘ Dire et juger que le licenciement pour motif économique du 5 décembre 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS LEROUX ET LOTZ TECNOLOGIES à lui verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 40.000 € nets,
‘ Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
‘ Rejeter des débats l’attestation de Mme [X],
A titre subsidiaire,
‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les règles concernant les critères d’ordre n’ont pas été respectées,
‘ Condamner la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à lui verser au titre de dommages et intérêts pour manquement relatif aux critères d’ordre de licenciement la somme de 40.000 € nets,
‘ Condamner la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la même en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2022.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
* * *
*
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’attestation de Mme [X]
Le Conseil de prud’hommes de Nantes a jugé irrecevable l’attestation de Mme [X] versée aux débats par l’employeur.
Le salarié demande que soit rejetée des débats l’attestation établie par Mme [X], Directrice des Ressources Humaines de la société, au motif qu’elle émane d’une partie.
Aux termes de l’article 199 du code de procédure civile, ‘Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le juge peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l’éclairer sur les faits litigieux dont ils ont personnellement connaissance. Ces déclarations sont faites par attestations ou recueillies par voie d’enquête selon qu’elles sont écrites ou orales’.
Et suivant l’article 202 du code précité ‘l’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Elle mentionne [‘] s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, collaboration ou de communauté d’intérêts avec elle’.
Il sera rappelé qu’en matière prud’homale la preuve est libre et que rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal examine une attestation établie par un salarié ayant représenté l’employeur lors de l’entretien préalable, il appartient seulement à ce juge d’en apprécier souverainement la valeur et la portée.
En l’espèce, l’attestation de Mme [X] a été établie selon la forme légalement requise et mentionne précisément le lien de subordination existant entre le témoin et la société.
Mme [X] a précisé dans le corps de son attestation qu’elle disposait de la qualité de directrice des Ressources Humaines de la société, de sorte qu’aucun doute ne pouvait exister quant à la réalité de ses fonctions.
Il s’ensuit que cette attestation est recevable et la Cour en appréciera ultérieurement la portée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le licenciement
1. Sur le bien-fondé du licenciement pour motif économique
Selon l’article L. 1233-3, dans sa version en vigueur du 1er décembre 2016 au 24 septembre 2017 tel que modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 :
‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus’.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 5 décembre 2016 précise le motif économique dans les termes suivants :
‘ (…) Depuis ces dernières années, le secteur d’activité de la construction des équipements industriels pour la génération et la conversion d’énergie souffre de :
– la baisse du prix du baril de pétrole,
– de la suppression des subventions publiques sur la période 2012/2015, permettant de compenser l’écart de compétitivité entre les énergies fossile et les énergies renouvelables,
– du rejet de la population à toutes nouvelles constructions d’incinérateur de déchets en France pénalisant fortement l’activité H et P
– de la Concurrence de plus en plus vive en provenance des pays de l’est et l’émergence d’une concurrence en provenance des pays d’Asie du Sud Est instaurant sur les prix une pression importante.
Par ailleurs, nos clients reportent leurs investissements en prolongeant la durée de vie de leur installation existante.
Ainsi, depuis quelques années, la majorité des acteurs du secteur sont en difficulté (placement en liquidation judiciaire, résultats nets négatifs très importants, mise en place d’activité partielle suite à une baisse de charge très importante,…).
Les sociétés du groupe oeuvrant dans ce secteur d’activité connaissent des pertes financières importantes récurrentes liées à un contexte économique défavorable. LLM (redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de ROMANS du 19 octobre 2016) et INOVA CONSTRUCTION (ouverture d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 26 octobre 2016) font l’objet de procédures collectives.
Concernant LLT, ses résultats financiers se sont sensiblement dégradés au cours de ces cinq derniers exercices (Résultat net de 926 k€ en 2012 à 112 k en 2015), avec une prévision largement déficitaire pour l’exercice 2016 (Résultat d’exploitation prévisionnel 2016 de – 3.110 k à date).
Si une hausse du chiffre d’affaires de l’exercice 2015 peut être constatée, celle-ci s’expliquant par des événements particuliers (hausse de l’export, bonne prise de commande en 2012 et 2013 et redémarrage de projets début 2015…), l’activité dégage une insuffisance de capacité
d’autofinancement. Entre 2014/2015, le résultat d’exploitation est en baisse, et le résultat net en hausse mais cette situation est liée à des causes exogènes (CICE, crédit d’impôt recherche, reprise de provisions). En leur absence, l’exercice 2015 se serait soldé par une perte de 1,4 M€.
Depuis 2014, l’activité accuse une nette dégradation de ses taux de marge brute.
– La forte dégradation du résultat prévue sur 2016, qui s’annonce largement déficitaire, s’explique par une forte baisse du chiffre d’affaires (39M€, soit environ 15M€ en dessous de l’année 2015), et la difficulté de juguler les taux de marge. L’année 2013, a présenté un chiffre d’affaires équivalent au prévisionnel de 2016, mais les marges sur affaires ont baissé de 6.4 points (17.5% en 2013 à 11.1% en 2016).
– Une très forte contraction de la prise de commande entre 2013 et 2015 a également été constatée (de 65 M€ en 2013, 22 M € en 2014, et 40 M, en 2015). La prise de commande de 2015 a généré 20 m€ de chiffres d’affaires sur l’année 2015 et va générer 17 M€ et 3 M€ de chiffres d’affaires respectivement sur 2016 et 2017.
La prévision de prise de commandes pour 2016 s’élève à 40.7 M€ à date, par rapport à un seuil de rentabilité a 50 M€. En outre, et comme évoqué lors de l’entretien préalable du 23 novembre 2016, les perspectives de commandes sur 2017 n’auront pas pour effet de modifier la situation financière de LLT dès 2017.
Pour faire face à la dégradation de sa situation financière, l’entreprise a été contrainte de mettre en oeuvre des mesures d’aménagement du temps de travail en janvier et février 2015.
Par ailleurs, diverses mesures adaptées tant à la baisse de l’activité, qu’à la nécessité de réduire les charges fixes, ont été mises en oeuvre ; mobilité inter services, tendant à plus de flexibilité afin de gérer les périodes de sous charge, mise en place d’une nouvelle organisation à compter d’avril 2016.
Compte tenu de ce contexte, et afin de traiter les pertes récurrentes du département Ressources Techniques (perte de l’ordre de 500/700 k€ par année sur la période 2012-2015 et de l’ordre d’1M€ sur 2016), LLT a défini une série de mesures pour réduire les frais fixes et retrouver une compétitivité industrielle :
– Rapatriement des ateliers cintrage/faisceaux, tuyauterie, chaudronnerie (qui composent le département RT) dans le bâtiment AP5 pour limiter les frais généraux,
– Démarche de réduction des frais généraux sur le pôle RT : renégociation des contrats de prestations, maîtrise des dépenses de sortie de stock,
– Sous-traitance de l’ensemble des parois habillées qui est une activité très peu compétitive,
– Remplacement de deux vieilles machines a cintrer par une nouvelle cintreuse permettant d’augmenter notre productivité de cintrage et de rapatrier les heures sous-traitées vers l’atelier.
– Nouvelle mise en flux de la production (tuyauterie, chaudronnerie, cintrage/faisceaux) afin de limiter les temps de manutentions et les temps d’attentes.
A ce titre également, LLT est contrainte de décider de la fermeture de l’atelier mécanique.
En effet, le faible volume d’activité de l’atelier, présentant une tendance baissière durable, et la faible compétitivité de ses tarifs, pénalisent la Société par rapport a la concurrence. L’activité sera confiée à plusieurs sous-traitants, principalement locaux, afin de préserver les autres activités du pôle RT.
D’autres réflexions ont été menées sur des modes temporaires de réduction du temps de travail, d’activité réduite, ou encore sur la recherche de nouveaux marchés, ou de nouvelles activités, mais celles-ci, s’avéreraient inadaptées, ou insuffisantes, pour redresser la situation financière de LLT compte tenu tant de la situation financière actuelle que de la récente révision des modalités d’organisation du temps de travail.
Bien que l’ensemble de ces mesures ait vocation à préserver au maximum le niveau des effectifs, la fermeture de l’atelier mécanique nous contraint à devoir mettre en ‘uvre la suppression de 7 postes, dont le poste de tourneur que vous occupez actuellement (…).
Ce courrier répond aux exigences légales dès lors que les faits qui y sont énoncés sont précis et matériellement vérifiables et qu’ils indiquent que le licenciement a pour motif économique la suppression de l’emploi du salarié consécutive aux difficultés économiques rencontrées par la société.
En cas de contestation du motif économique du licenciement, le juge doit vérifier que les difficultés économiques de l’entreprise sont suffisamment sérieuses et qu’elles ne revêtent pas un caractère purement conjoncturel et passager.
En l’espèce, la société produit aux débats les éléments :
– une note d’information économique du 29 juin 2016, transmise à la délégation unique du personnel, indiquant que les résultats financiers de la société étaient en diminution constante sur les cinq derniers exercices avec une prévision 2016 déficitaire ;
– qu’elle fait état d’un soutien financier du groupe pour continuer à fonctionner, d’une baisse de confiance de la cote de crédit de la banque ou d’assureurs de crédit et d’abandon de créance du groupe Altawest ;
– que dans le contexte économique difficile et avant d’envisager des suppressions de postes, la société avait adopté plusieurs mesures au cours des exercices 2014 et 2015 ;
– que de nouvelles mesures étaient nécessaires et plus spécifiquement sur le département ressources techniques face aux pertes récurrentes de ce secteur sur les cinq dernières années ;
– que l’atelier mécanique du département ressources techniques est confronté à une sous activité avec le taux d’occupation le plus faible de l’ensemble des ateliers ;
– que le rapport d’expertise comptable confirme le contexte économique difficile avec des charges fixes qui pénalise l’entreprise dans un contexte de baisse d’activité et du taux de marge.
Au vu de ces pièces, c’est à bon droit et par une exacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont retenu l’existence de difficultés économiques avérées et non passagères de la société nécessitant la suppression de l’emploi occupé par le salarié.
2. Sur la recherche de reclassement
Selon l’article L.1233-4 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 applicable au litige, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur doit étendre ses recherches aux autres entreprises du groupe parmi celles dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité.
Les possibilités de reclassement s’apprécient antérieurement à la date du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé.
La recherche de reclassement doit être loyale et sérieuse. Les offres de reclassement adressées au salarié doivent être précises, concrètes et personnalisées.
Et il appartient à l’employeur d’établir qu’il a satisfait à son obligation de reclassement.
En l’espèce, il résulte des pièces versées à la procédure que l’employeur justifie des recherches de reclassement interne en octobre 2016 auprès des entreprises du groupe (territoire national et hors territoire national).
Par courrier remis en main propre, trois postes disponibles avec le profil professionnel des salariés ont été proposés au salarié. Ces offres ont été refusées.
Par mail du 30 novembre 2016 de Mme [X], l’employeur a relancé la recherche d’offres et aucun nouveau poste n’a été détecté à cette date.
Enfin, contrairement aux allégations du salarié, il ressort du registre d’entrée et de sortie du personnel de l’entreprise que son nom figure à deux reprises sur le document correspondant aux dates d’entrée et de sortie.
Il apparaît au vu des éléments de la cause que la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES a procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement et que l’échec du processus engagé résulte du choix de M. [B].
Sur le non respect de l’ordre des licenciements
M. [B] fait valoir en substance que la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES aurait dû recourir aux critères d’ordre et comparer sa situation à celle d’autres salariés pour procéder au licenciement, alors que l’employeur objecte que le salarié étant le seul de sa catégorie professionnelle, il ne pouvait être comparé et qu’il n’y avait donc pas lieu d’établir un ordre des licenciements dès lors que tous les emplois de la catégorie dont relevait le salarié avaient été supprimés.
Selon l’article L.1233-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel. Ces critères prennent, notamment, en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;
2° l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
3° la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L’employeur peut privilégier un de ces critères à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article.
Il convient d’apprécier le respect des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements par référence aux catégories d’emploi et aux fonctions réellement exercées. La catégorie professionnelle qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements concerne l’ensemble des salariés qui exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.
Par ailleurs, il sera rappelé que les salariés exerçant des fonctions similaires pouvaient être comparés dans le cadre des critères d’ordre à leurs collègues des lors qu’ils pouvaient acquérir les qualifications nécessaires pour occuper l’emploi de ceux-ci dans le cadre d’une formation complémentaire relevant de l’obligation d’adaptation de l’employeur.
L’employeur doit communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s’est appuyé pour arrêter, selon les critères définis pour déterminer l’ordre des licenciements, son choix quant aux personnes licenciées pour motif économique.
L’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de l’emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages-intérêts.
En l’occurrence, les catégories professionnelles retenues par la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES comme étant différentes des catégories professionnelles des autres salariés de l’entreprise sont les suivantes : aléseur, fraiseur, tourneur, mécanicien, tourneur fraiseur et chef d’atelier mécanique.
Il est établi que l’atelier de fabrication comprenait sept unités, dont l’atelier mécanique et 45 salariés y étaient employés, pour la plupart ouvriers, auquel s’ajoutait l’atelier de la maintenance.
L’employeur produit des descriptions et définitions concernant les métalliers et chaudronniers qui, en dépit de leur caractère général, sont probantes, précises et objectives.
Il sera observé que les parties s’accordent pour considérer que les fonctions de soudeur, telles qu’exercées au sein de la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES, requièrent une technicité très particulière qui en fait une catégorie professionnelle à part.
De ce fait, il incombe à l’employeur, pour les fonctions d’ouvriers et de techniciens d’atelier, de fournir les éléments précis et vérifiables permettant de les distinguer des salariés licenciés.
M. [B], défini comme le seul tourneur de sa catégorie professionnelle dans l’entreprise, qui comprenait au 31 mai 2016, 167 salariés permanents, fait valoir que l’employeur ne justifie pas en quoi des salariés des autres ateliers et du service maintenance ne pourraient entrer dans sa catégorie.
Il ressort des pièces versées que le contrat de travail du salarié ne stipule pas une spécificité de tourneur en ‘atelier de mécanique’ et que son bulletin de paie mentionne un coefficient élevé issu de la convention collective applicable.
En outre, M. [B] justifie par la production d’ordre de mission qu’il a réalisé de l’usinage.
Le salarié verse une attestation de M. [S] qui a dirigé l’atelier de mécanique de 2002 à 2016 et qui précise la polyvalence des membres en ces termes : ‘L’équipe de la mécanique était amenée à faire d’autres tâches que celles de l’usinage à la demande de la société LLT qui demandait une polyvalence à l’équipe d’usinage’ et en particulier pour le salarié, écrit qu’il a ‘participé aux montages des LMU, GMU et a été en mission sur le site de l’arsenal de [Localité 6] avec l’équipe de montage ‘.
Le salarié verse également une attestation de M. [O], qui s’il a quitté l’entreprise en 2012 demeure opérante, dans laquelle il précise : ‘L”atelier de mécanique a régulièrement participé à des opérations de montage de sous-ensembles et de pièces telles que moto-réducteurs, roulements, boîte de vitesse, arbres, pignons sur des machines complexes en particulier destinées à la fabrication de câbles sous-marins, réacteurs d’unité de fabrication de graisse ainsi qu’à des revanpings et des missions pour DCN [Localité 6]’.
Il résulte de ces attestations et pièces que le listing des tâches par l’employeur n’est pas exhaustif et ne saurait constituer un élément de preuve précis de la catégorie professionnelle.
La cour relève, comme les premiers juges, que le salarié est titulaire de deux CAP (mécanicien-tourneur et réparateur machines agricoles) et qu’il a travaillé en qualité de tourneur au sein de neuf entreprises.
Or, la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES ne verse pas les éléments utiles, objectifs, précis et vérifiables sur la formation et fonctions des autres ouvriers et techniciens d’atelier qui permettraient une comparaison objective.
L’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais entraîne un préjudice pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de l’emploi qui doit être intégralement réparé.
Au jour de la rupture, M. [B] âgé de 52 ans bénéficiait d’une ancienneté de 12 ans au sein de la société. Il percevait un salaire mensuel brut de 2.675,79 bruts.
En l’état de l’ensemble de ces éléments, l’entier préjudice subi par le salarié résultant de l’inobservation par l’employeur des règles régissant l’ordre des licenciements sera fixé à la somme de 25.000 €. Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer au salarié une indemnité d’un montant de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE recevable l’attestation de Mme [X] ;
INFIRME partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à verser à M. [B] la somme de 25.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement aux critères d’ordre de licenciement ;
RAPPELLE que les sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES à verser à M. [B] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;
DÉBOUTE la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS LEROUX ET LOTZ TECHNOLOGIES aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT empêché
Ph. BELLOIR, Conseiller