Your cart is currently empty!
18 septembre 2013
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/10829
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 18 Septembre 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/10829
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 Mai 2011 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section encadrement – RG n° 09/06276
APPELANTE
S.C.P. [S] [J] [N]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Delphine RICARD, avocate au barreau de PARIS, E 1840 substituée par Me Emilie TRONEL, avocate au barreau de PARIS
INTIMÉ
Monsieur [B] [W]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Dominique PETAT, avocat au barreau de PARIS, A0756
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [B] [W] a été embauchée par la SCP [V], titulaire d’un office notarial, le 3 octobre 2000 en qualité de secrétaire.
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective du notariat.
En dernier lieu, elle exerçait un emploi de caissière taxatrice moyennant une rémunération moyenne de 3 500 €.
Elle a fait l’objet, le 28 novembre 2008, d’un licenciement pour motif économique.
Contestant le caractère réel et sérieux de ce dernier, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement en date du 19 mai 2011, a condamné l’employeur à lui payer les sommes de 1750 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article 12-2 de la convention collective du notariat, de 35 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de 700 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe le 25 octobre 2011, la SCP [V] en a interjeté appel.
Devant la cour, elle conclut à l’infirmation du jugement et au rejet de l’ensemble des demandes formées à son encontre ainsi qu’à la condamnation de Mme [B] [W] à lui payer la somme de 1500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, Mme [B] [W] conclut à l’infirmation du jugement mais seulement quant au montant des indemnités allouées et sollicite en conséquence la condamnation de la SCP [V] à lui verser les sommes suivantes :
– 1 862,67 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article 12-2 de la convention collective du notariat
– 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
– 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Pour conclure à l’absence de motif réel et sérieux, Mme [B] [W] fait valoir que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et qui doit énoncer un motif précis et vérifiable, invoquait exclusivement une baisse prévisionnelle du chiffre d’affaires nécessitant son licenciement alors qu’il est constant que la simple mention d’une baisse du chiffre d’affaires ne peut en aucune façon justifier un licenciement économique.
Elle ajoute que ni la lettre de licenciement ni les pièces produites ne permettent de vérifier la réalité des prétendues difficultés économiques rencontrées par l’employeur, qu’aucune recherche effective et de bonne foi de reclassement n’a été effectuée et qu’enfin, l’employeur n’a pas fait connaître quels étaient les critères qu’il retenait pour établir l’ordre des licenciements.
En l’espèce, la lettre de licenciement était ainsi rédigée :
«(‘)Depuis le début de l’année 2008, l’activité de l’étude est confrontée à des difficultés économiques tant structurelles que conjoncturelles qui nous ont contraints à envisager sa restructuration et par conséquent la suppression de six postes. Ce projet de restructuration a fait l’objet d’une réunion d’information auprès du personnel le 30 juillet 2008 au cours de laquelle nous vous avons communiqué un certain nombre d’informations que nous reprenons ci-après.
En 2007, notre chiffre d’affaires s’est élevé à la somme de 5,2 millions d’€. Au 31 août 2008, notre chiffre d’affaires n’atteint que la somme de 2,9 millions d’€, soit une diminution de près de 20 % par rapport à 2007 et de près de 10 % par rapport à notre budget prévisionnel. En l’état, notre chiffre d’affaires prévisionnel pour la fin de l’année 2008 atteindra difficilement 3,7 millions d’€, soit une baisse de près de 30 % par rapport à l’année 2007, avec un résultat d’exploitation déficitaire de -629 000 €.
Cette baisse substantielle s’explique en partie par la forte diminution de nos activités de crédit/investissement et de gestion du parc immobilier pour les particuliers depuis le début de l’année dans un contexte de crise immobilière liée elle-même à la crise des subprime. Ainsi, s’agissant de notre activité de rédaction d’actes de vente, nous avons constaté une perte de 20 % du chiffre d’affaires au cours du premier semestre 2008, ce qui a eu un impact significatif sur notre chiffre d’affaire global.
Par ailleurs, cette dégradation de notre activité devrait encore s’accentuer puisque notre carnet de commandes a considérablement réduit pour 2008 par rapport à 2007.
De surcroît, cette diminution du chiffre d’affaires ne s’est pas accompagnée d’une baisse de nos charges d’exploitation liées aux charges de personnel, aux loyers ou aux fournitures qui demeurent incompressibles, ce qui explique la baisse importante de notre résultat d’exploitation.
Cette importante diminution de notre résultat dû à la baisse du chiffre d’affaires d’une part et à l’augmentation des charges d’exploitation d’autre part, tend à se poursuivre sur l’année 2008 et, compte tenu des perspectives offertes par nos activités, devrait s’amplifier au cours des années suivantes si aucune restructuration n’est engagée.
Enfin, notre trésorerie est particulièrement tendue ce qui a obligé les deux dirigeants de l’étude à puiser dans leurs ressources personnelles afin d’être en mesure de payer les salaires de l’ensemble du personnel au mois de mars et avril 2008.
Cette situation ne pouvant perdurer, notre étude est confrontée à la nécessité d’adapter ses ressources à son niveau d’activité ainsi qu’aux difficultés du marché et ceci afin de sauvegarder sa compétitivité et assurer sa pérennité, ce qui nous contraint à supprimer le poste de caissière taxatrice que vous occupiez jusqu’à présent et à répartir l’ensemble des tâches que vous effectuiez parmi les autres membres du département comptable de l’étude afin d’adapter précisément les ressources aux besoins.
Malgré les recherches effectuées par notre société, aucun autre poste de reclassement équivalent, de catégorie supérieure ou même inférieure à l’emploi que vous occupiez précédemment ne peut vous être proposé actuellement.(…) ».
Il résulte de la lecture de ce document que l’employeur ne s’est pas limité à invoquer une baisse prévisionnelle de son chiffre d’affaires, appuyant ses prévisions sur la constatation des chiffres d’affaires effectivement réalisés tant en 2007 qu’à la date du 31 août 2008.
Plus généralement, la lettre de licenciement comporte, de manière suffisante, la mention des raisons économiques invoquées par l’employeur et leur incidence sur l’emploi de la salariée.
S’agissant du caractère réel et sérieux de ces motifs et de la suppression de l’emploi, il résulte des pièces versées aux débats par l’employeur, notamment des documents comptables, que tout au long de l’année 2008, le chiffre d’affaires cumulé, à la fin de chaque mois, était toujours inférieur à celui qui pouvait être observé à la fin du mois correspondant pour 2007.
Il en est résulté qu’au 31 décembre 2008, ce chiffre d’affaires ne s’élevait qu’à 4 127 264,13 € au lieu de 5 120 356,66 € au 31 décembre 2007, ce qui signifiait une baisse de près de 20 %.
Contrairement à ce qu’affirme la salariée, l’évolution du chiffre d’affaires est parfaitement significative puisqu’elle traduit dans une large mesure le volume d’activité de l’entreprise.
En ce qui concerne le résultat d’exploitation, il apparaît que celui-ci, toujours en chiffres cumulés, a été négatif à plusieurs reprises, notamment en avril, en juin, juillet et août 2008 et qu’au 31 décembre de l’année, il n’était plus que de 33 541,95 € au lieu de 933 046,14 € au 31 décembre 2007, soit une baisse de 96 %.
Cette situation de quasi perte n’a pourtant pas pu être enrayée par des versements effectués à titre personnel par l’un des associés ainsi qu’en atteste l’expert-comptable de l’entreprise, versements à hauteur de 80 000 € le 31 décembre 2007, 84 1755 € le 16 juin 2008, 970,91 € le 30 juin 2008, 5242,93 € le 24 juillet 2008 et 6213,84 € le 30 septembre 2008.
Cette situation a d’ailleurs amené le commissaire aux comptes à mettre en ‘uvre la procédure d’alerte prévue par le code de commerce, en informant le président du tribunal de grande instance de Paris en juin 2008, après avoir sollicité les explications des gérants sur la situation ainsi constatée.
Elle a également conduit les associés à décider de mettre en place différentes mesures d’économies aux termes d’une assemblée générale extraordinaire du 17 juillet 2008.
Parmi celles-ci, il a été décidé que les associés suspendraient tout prélèvement, direct ou indirect sur leur compte d’associé tandis qu’il a été décidé de réorganiser l’occupation des locaux loués de manière à pouvoir procéder à une sous-location qui a été mise en ‘uvre dès le 26 septembre 2008.
Il convient de noter qu’en 2009 encore, c’est-à-dire après l’exécution de ces mesures de restriction et celle des licenciements prévus, un rapport de l’expert-comptable, notait le 22 juin 2009, que « face à une perspective probable d’état de cessation des paiements, nous recommandons à nouveau de rechercher une solution de refinancement de l’étude, à hauteur estimée de 150 000 €, soit par l’entrée d’un nouvel associé, soit par apport en compte courant des associés actuels. ».
Il est donc parfaitement établi que, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, le motif économique invoqué par l’employeur était réel et sérieux.
Par ailleurs, la suppression de l’emploi de Mme [B] [W], au demeurant non contestée, est établie, notamment à la lecture du registre du personnel dont il résulte qu’entre le 17 mars 2008 et le 23 février 2010, il n’a été procédé à aucune embauche.
Même s’il s’agissait d’un licenciement collectif, il n’y avait lieu d’établir aucun ordre des licenciements puisque l’emploi occupé par Mme [B] [W] était unique et que les attributions qui étaient les siennes ont été réparties sur d’autres emplois.
S’agissant enfin de l’obligation de reclassement, il n’est pas contesté qu’il n’existait aucun emploi vacant et disponible au sein de l’étude qui voyait au contraire ses effectifs se réduire sensiblement.
Dans ces conditions, il apparaît que le licenciement de Mme [B] [W] obéissait bien à une cause réelle et sérieuse et le jugement du conseil de prud’hommes sera donc infirmé de ce chef.
Sur la violation de l’article 12-2 de la convention collective du notariat
L’article 12-2 la convention collective du notariat dispose :
« Le licenciement doit dans le mois de sa notification être signalé par lettre recommandée avec AR par l’employeur à la commission nationale paritaire de l’emploi dans le notariat [Adresse 2] sous peine d’une pénalité au profit du salarié égale à un demi mois de salaire calculé sur les mêmes bases que l’indemnité de licenciement. ».
Se fondant sur ce texte, Mme [B] [W], qui reproche à l’employeur de n’avoir pas respecté cette formalité, réclame donc à ce titre la somme de 1862,67 €.
Or l’employeur, qui se borne à affirmer qu’il a effectivement rempli son obligation à cet égard au motif qu’il en aurait été fait état lors d’une inspection de la chambre des notaires en fin d’année 2008, n’en justifie aucunement.
Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à hauteur de la somme réclamée.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu’elles ont exposées en cause d’appel et qui ne sont pas comprises dans les dépens.
S’agissant des frais irrépétibles de première instance, les demandes formées par Mme [B] [W] étant partiellement fondées, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 19 mai 2011 ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SCP [V] à payer à Mme [B] [W] la somme de 1862,67 € à titre de pénalité en application de l’article 12-2 de la convention collective du notariat ;
DÉBOUTE Mme [B] [W] du surplus de ses demandes consécutives à son licenciement ;
CONFIRME le jugement quant à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu de faire application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCP [S]-[J], qui succombe partiellement, aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE