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12 juin 2015
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
13/12981
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2015
N°2015/437
Rôle N° 13/12981
[U] [V]
C/
[T] [O]
ASSOCIATION CGEA MARSEILLE
Grosse délivrée le :
à :
Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Florent HERNECQ, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section AD – en date du 29 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/601.
APPELANT
Monsieur [U] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Maître [T] [O], mandataire liquidateur de la SARL ATES (ALARME TELESURVEILLANCE SECURITE), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Florent HERNECQ, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
ASSOCIATION CGEA MARSEILLE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Colette AIMINO-MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre
Madame Pascale MARTIN, Conseiller
Madame Annick CORONA, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015
Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
[U] [V] a été embauché par la SARL ATES suivant contrat à durée indéterminée du 1er avril 2010 en qualité de maître chien, dépendant de la convention collective entreprises de surveillance et de gardiennage.
Il était rémunéré 1.492,43 € brut outre des primes.
Par courrier du 18 octobre 2011, [U] [V] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 31 octobre 2011.
[U] [V] a signé le 21 novembre 2011 un contrat de sécurisation professionnelle.
Il a été licencié pour motif économique par courrier du 16 décembre 2011, avec dispense de préavis et rupture du contrat de travail à la date de signature du contrat de sécurisation.
La SARL ATES a été déclarée en redressement judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Marseille du 4 janvier 2012, puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 juin 2012.
Le 7 mars 2012, [U] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille en contestation de son licenciement et en paiement d’une somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 mai 2013, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
– dit que le licenciement économique de [U] [V] était légitime,
– débouté [U] [V] de ses demandes,
– débouté Me [O] liquidateur de la SARL ATES de ses demandes.
La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2013.
[U] [V] a relevé appel par déclaration du 24 juin 2013.
Il conclut à l’infirmation du jugement aux motifs que :
– l’employeur a omis de notifier à la SARL ATES une lettre de licenciement motivée, visant les motifs économiques dont il entendait se prévaloir, le justificatif de l’accusé de réception étant surchargé,
– l’employeur a omis d’accomplir préalablement les obligations qui sont les siennes en matière de reclassement,
– si son licenciement est intervenu en raison de la perte par son employeur du marché de gardiennage du chantier de la tour CMA où il était affecté, il aurait dû bénéficier de la reprise de son contrat de travail dans le cadre de l’annexe 7 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
Subsidiairement, il fait valoir que la SARL ATES n’a pas respecté l’ordre des licenciements lors de son licenciement.
Il demande que sa créance sur la liquidation judiciaire de Me [O] liquidateur de la SARL ATES soit fixée à 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime de ce chef.
Me [O], liquidateur de la SARL ATES conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes. Il réclame en outre la somme de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
– la lettre de licenciement a été expédiée le 21 décembre 2011 à 11h21 et n’a pas été retirée par son destinataire,
– le caractère économique du licenciement est réel et sérieux puisque la société a été placée en redressement judiciaire le 4 janvier 2001 en lien avec une diminution du chiffre d’affaires, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 6 décembre 2010,
– le poste de travail de [U] [V] étant supprimé, la société, qui ne pouvait le reclasser en son sein, a contacté sans succès d’autres entreprises,
– si la société avait été à l’origine chargée par la société CGE-CMA de la surveillance des chantiers en cours, le licenciement de [U] [V] n’est pas lié à la perte du chantier de la tour CMA, pour lequel elle n’a pas connaissance qu’une autre entreprise lui aurait succédé,
– [U] [V] était le seul maître-chien de l’entreprise et son poste a été supprimé et en tout état de cause il avait peu d’ancienneté, n’avait pas de charges et ses qualités professionnelles étaient faibles.
Le CGEA-AGS conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement à la diminution des sommes accordées qu’il garantira dans les conditions légales.
Sur le licenciement, il s’en rapporte aux observations du liquidateur de la société en faisant remarquer que l’absence de notification du licenciement est inopérante dans la mesure où [U] [V] a adhéré au CSP et que l’employeur peut énoncer le caractère économique dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, ce qui a été fait en l’espèce.
Il fait valoir que le reclassement de [U] [V] a été recherché comme l’indique le liquidateur.
À titre subsidiaire, il observe que la situation de [U] [V] ne lui permet d’être indemnisé que du préjudice réel subi et que les dommages et intérêts devront être réduits.
Il rappelle que le non respect des critères d’ordre, permet d’obtenir des dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi, qui devra être justifié.
Le CGEA-AGS rappelle enfin que le jugement ouvrant la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.
DISCUSSION
– sur le licenciement :
Selon l’article L 1236 du code du travail lorsque le licenciement est prononcé pour motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs économiques ou le changement technologique invoqués par l’employeur.
Il résulte de ce texte que la lettre de rupture doit énoncer aussi bien l’élément causal du licenciement, c’est à dire les raisons économiques motivant la décision de licencier, que son élément matériel, lequel en vertu de l’article L 1233-3 du code du travail est constitué soit par une suppression d’emploi, soit par une transformation d’emploi ou une modification du contrat de travail.
– sur la forme :
La lettre de licenciement a été adressée par voie recommandée à [U] [V]. L’employeur justifie du dépôt de cette lettre le 21 décembre 2011 à 11h21 aux services de la Poste qui a vainement présenté ce courrier à son destinataire les 22 décembre 2011 et 12 janvier 2012,et l’a mis ensuite à disposition au bureau distributeur les 22 décembre 2011 et 12 janvier 2012.
La non réception de la lettre recommandée est donc du fait de [U] [V] qui n’a pas retiré le courrier qui lui avait été adressé de manière régulière par son employeur.
Ses contestations sur ce point seront en conséquence écartées.
-sur le fond :
La lettre de licenciement de [U] [V], du 16 décembre 2011 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
‘Par la présente, je vous fais connaître que la société est contrainte de procéder à votre licenciement pour motif économique, que je vous notifie par la présente.
En effet, depuis plusieurs mois, la société connaît une importante diminution des commandes de prestations de la part de son principal client, la CMA-CGM, ce qui entraîne une baisse importante du chiffre d’affaires.
Il apparaît en outre que la société n’a pas de perspectives de reprise d’un volume important de commandes par la CMA-CGM et n’a pas trouvé de nouveaux chantiers pour y pallier.
Cette situation cause de graves difficultés financières à la société qui viennent s’ajouter à celles provoquées par le défaut de paiement de nombreuses factures de la société AMO SUD, déclarée en liquidation judiciaire.
Ce motif conduit la société à supprimer votre poste d’agent de sécurité.
Comme je vous l’ai indiqué dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, aucune solution de reclassement n’a pu être trouvée tant à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci .
Je vous ai remis le 31 octobre 2011 un contrat de sécurisation professionnelle que vous avez accepté le 21 novembre 2011 .
Je vous rappelle donc qu’en raison de cette adhésion, votre contrat de travail est réputé rompu d’un commun accord au 21 novembre 2011, aux conditions qui figurent dans le document d’information qui vous a été remis le 31 octobre 2011.
Vous êtes donc dispensé de tout préavis.’
Les difficultés économiques rencontrées par la SARL ATES, évoquées dans la lettre de licenciement, sont réelles puisque dès le 18 septembre 2011, la société avait reçu une assignation de l’URSSAF devant le tribunal de commerce en paiement d’une somme de 162.686 € et qu’elle a déclaré sa cessation des paiements le 6 décembre 2011 avant d’être placée en redressement judiciaire le 4 janvier 2012 puis liquidée le 27 juin 2012.
Ces difficultés avaient déjà été évoquées dans la lettre de convocation de [U] [V] à l’entretien préalable du 18 octobre 2011, puis lors de cet entretien le 31 octobre 2011, au cours duquel la convention de sécurisation signée le 21 novembre 2001 lui avait été remise.
De plus, la lettre de licenciement du 16 décembre reprend, développe et explique les causes économiques de la diminution de l’activité.
Le motif économique du licenciement de [U] [V] est en conséquence suffisamment motivé.
Selon l’article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou un emploi équivalent. A défaut et avec l’accord exprès du salarié, il s’opère sur un emploi d’une catégorie inférieure.
En l’espèce le contrat de travail précise que [U] [V] est employé en qualité de conducteur de chien.
Il était le seul maître chien dans l’entreprise et son poste a été supprimé. Dans ces conditions, aucun ordre des licenciements ne pouvait être établi le concernant.
Aucun reclassement interne ne pouvait être envisagé, alors que la société, qui ne faisait partie d’aucun groupe a été effectivement liquidée quelques mois plus tard.
L’employeur justifie en outre avoir vainement sollicité, par courriers des 4 et 8 octobre 2011, les sociétés de sécurité ETIC et SÉCURITAS.
L’employeur a respecté les obligations mises à sa charge par le législateur.
Enfin, si [U] [V] suppose dans ses écritures que son licenciement est lié à la perte du marché de la Tour CMA par son employeur et qu’il aurait dû de ce fait bénéficier de la reprise de son contrat de travail, il n’apporte aucun élément de nature à corroborer ses suppositions.
En conséquence le licenciement de [U] [V] intervenu pour un motif économique avéré doit être déclaré légitime.
[U] [V] sera débouté de ses demandes,
– sur l’intervention du CGEA-AGS :
Compte tenu de la décision prise, le CGEA-AGS sera mis hors de cause.
– sur la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile :
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Me [O] liquidateur de la SARL ATES qui sera débouté de sa demande de ce chef.
– sur les dépens :
[U] [V] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille
DÉBOUTE [U] [V] de ses demandes,
MET hors de cause le CGEA-AGS,
DÉBOUTE Me [O] liquidateur de la SARL ATES de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE [U] [V] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT