Ordre des licenciements : 10 juin 2016 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/11041

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Ordre des licenciements : 10 juin 2016 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/11041
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10 juin 2016
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
14/11041

COUR D’APPEL D'[Localité 1]

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016

N°2016/362

Rôle N° 14/11041

SAS ALITHYA CONSULTING

C/

[Z] [O]

Grosse délivrée le :

à :

Me Laure SEMPE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau d’AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE – section E – en date du 06 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/390.

APPELANTE

SAS ALITHYA CONSULTING, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laure SEMPE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [Z] [O], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau d’AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 27 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2016, prorogé au 10 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016

Signé par Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller, et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 décembre 2000, M. [Z] [O] a été engagé par la SA IPSI, devenue la socité CIA France, en qualité d’analyste programmeur, statut cadre, position 2.1, coefficient 110, avec reprise de l’ancienneté au 1er novembre 1999. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel de 3.157 € bruts pour 151,67 heures. Les relations des parties étaient régies par la convention collective SYNTEC.

Après convocation le 11 mai 2010 à un entretien préalable fixé au 21’mai, l’employeur a licencié le salarié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juin 2010, rédigée en ces termes : «’ Comme nous vous l’avons indiqué lors de cet entretien, votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivant :

-fortes pertes enregistrées sur notre établissement d'[Localité 1] sur l’exercice 2009/10 (-320 k€ pour un chiffre d’affaires de 3.040 k€).

-très fort désengagement des deux clients principaux de l’établissement d'[Localité 1], CCS et GICR. Le CA mensuel moyen CCS était de 181.000 € en 2008, est passé à 57.000 € sur le premier trimestre 2010. Le CA mensuel moyen GICR était de 87.000 € en 2008, est passé à 54.000 € sur le premier trimestre 2010.

Ces 2 clients représentant sur l’exercice 2009/2010 environ 66 % de notre chiffre d’affaire totale.

Nous n’escomptons pas d’inversion de cette évolution chez ces deux clients, évolution lourde de conséquences pour notre établissement et notre société et ce malgré nos efforts afin de compenser la lourde baisse de notre chiffre d’affaires.

-Fort impact de la crise sur notre entreprise.

Outre les points décrits ci-dessus, notre carnet de commandes c’est donc drastiquement appauvri, passant de 1.456.000 € en date du 1er janvier 2009 à 420.000 € en date du 1er janvier 2010.

Si nous travaillons à améliorer cette situation, les prévisions établies sur le premier semestre d’activité sociétaire (1er avril 2010 au 30 septembre 2010) ne nous permettent pas d’envisager une amélioration de notre situation financière à court terme.

Les pertes que nous dégageons sont de nature à compromettre la continuité d’exploitation de l’agence d'[Localité 1].

Votre poste est donc supprimé.

Malgré nos recherches actives, nous n’avons pas de solution de reclassement à vous proposer’»

Le salarié a adhéré à la convention de reclassement personnalisée le 6 juin 2010, de sorte que le contrat de travail a été rompu le 11 juin. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2010, il a demandé la communication des critères d’ordre de licenciement et le bénéfice d’une priorité de réembauchage. Il a contesté son licenciement par courrier recommandé du 14 novembre 2010.

Le 22 juin 2011, soulevant la nullité de son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d'[Localité 1], section encadrement, lequel a, par jugement du 6 mai 2014, :

-dit que la prescription ne s’applique pas en l’état ;

-dit que la mise en place d’un PSE ne s’impose pas à l’employeur ;

-dit que la nullité du licenciement ne peut pas être prononcée ;

-jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de :

*75.768 € €à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*6.314 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;

*1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-fixé le salaire à 3.157 € bruts par mois ;

-dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et seront capitalisées ;

-condamné l’employeur à rembourser à Pôle Emploi six mois d’allocation chômage du salarié ;

-débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

-débouté l’employeur de l’ensemble de ses demandes ;

-condamné l’employeur aux entiers dépens.

Le 22 mai 2014, l’employeur a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées le 27 avril 2016, par la SAS ALITHYA CONSULTING, anciennement dénommée CIA France, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles L 1233-2 et suivants du code du travail, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les écritures de M. [Z] [O] déposées le 27 avril 2016, par lesquelles il demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré à l’exception du point concernant la nullité du licenciement et des condamnations afférentes et statuant à nouveau,

à titre principal :

-constater l’absence de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;

-prononcer la nullité du licenciement ;

-condamner l’employeur à lui payer les sommes de :

*250.034,40 € pour la période du 2 juin 2010 au 2 juin 2016 ;

*3.472,70 € par mois du 3 juin 2005 jusqu’au jour de l’arrêt de la cour d’appel à intervenir ;

-réformer le jugement en ce qu’il n’a pas statué sur les critères d’ordre ;

à titre subsidiaire :

-juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamner l’employeur à lui payer la somme de 75.768 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse ;

à titre infiniment subsidiaire :

-juger que l’employeur n’a pas respecté les critères d’ordre ;

-condamner l’employeur à lui payer la somme de 75.768 € à titre de dommages-intérêts à ce titre, ce manquement ayant conduit à la perte injustifiée de son emploi ;

en tout état de cause,

-condamner l’employeur au paiement des sommes de :

*6.314 € pour non-respect de la priorité embauchage ;

*3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-fixer le salaire mensuel brut moyen à 3.157 € ;

-juger que la totalité des sommes produira intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud’hommes et qu’ils seront capitalisés ;

-condamner l’employeur à rembourser à Pôle Emploi six mois d’allocation chômage ;

-condamner l’employeur aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l’audience du 27 avril 2016.

SUR CE

Sur la nullité du licenciement pour absence d’un plan de sauvegarde de l’emploi :

Conformément à l’article L 1233-61 du code du travail, sont assujetties à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi les entreprises employant au moins 50 salariés qui procèdent à des licenciements collectifs concernant 10 salariés au moins sur une même période de 30 jours.

Pour déterminer si l’employeur a l’obligation de mettre en place un plan de sauvagarde de l’emploi, il convient de prendre en compte toutes les ruptures du contrat de travail, licenciement ou rupture conventionnelle, qui ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou les modalités.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier que le comité d’entreprise a été convoqué le 30 avril 2010 pour se prononcer sur le projet de licenciement pour motif économique de 6 salariés dont 5 emplois cadres, lequel a été rejeté à l’unanimité au motif, notamment, que l’évaluation économique, financière et comptable n’était pas possible au vu des documents présentés et que les mesures économiques envisagées étaient trop globales, pour permettre une évaluation sur l’opportunité de se séparer de collaborateurs sur le moyen terme.

Le salarié a été licencié pour motif économique avec cinq autres salariés le 11 juin 2010. Un dernier salarié a été licenciée pour motif économique, le 25 août 2010. Tous les sept faisaient partie de l’agence d'[Localité 1].

Pour contester les allégations du salarié selon lesquelles plus de 9 salariés étaient concernés, l’employeur verse au débat une édition du registre du personnel en date du 6 octobre 2011, ainsi que deux listes de sorties de personnel, l’une pour le mois de mars 2010 et l’autre d’avril à décembre 2010.

Bien que le registre du personnel ne mentionne comme adresse de l’emploi occupé que celles d’Aix-en-Provence et de Sophia-Antipolis, il apparaît qu’il regroupe à la fois les agences de Nice, d’Aix-en-Provence et de Paris. Il ressort de ces documents que de mars à décembre 2010 :

-un CDD est arrivé à son terme et n’a pas été renouvelé pour un salarié de l’agence de [Localité 2] ;

-trois contrats ont été rompu pendant la période d’essai, dont deux à l’initiative de l’employeur et parmi ceux-ci, un concernait un salarié de l’agence d'[Localité 1] ;

-un salarié affecté sur l’agence de [Localité 2] a été licencié pour insuffisance de résultats le 30 mars 2010 ;

-trois licenciements pour faute ont été prononcés courant mars 2010 à l’encontre de salariés faisant partie de l’agence d'[Localité 1] : l’employeur justifie que deux de ces licenciements ont été autorisés par l’inspection du travail, s’agissant de salariés protégés et que le troisième salarié a été licencié le 8 mars 2010 en raison d’une grave altercation qu’il a eu avec son employeur ;

-une rupture conventionnelle a été signée le 15 juin 2010 concernant un salarié affecté à l’agence de [Localité 2] : l’employeur justifie que cette rupture n’avait pas une cause économique et qu’elle ne s’inscrivait pas dans un processus de réduction des effectifs, puisque le poste a été pourvu ;

-onze démissions ont été données, dont trois émanant de salariés de l’agence d'[Localité 1].

L’employeur produit également les attestations Pôle Emplois délivrées aux salariés qui ont quitté l’entreprise, les autorisations de licenciement des deux salariés protégés et la lettre de licenciement pour faute grave du 8 mars 2010.

Le salarié soutient que l’employeur a usé de pressions à l’encontre de certains salariés pour qu’ils quittent l’entreprise, afin de ne pas avoir à les licencier pour motif économique.

Au soutien de ses allégations, il produit le procés-verbal de la réunion ordinaire du comité d’entreprise du 29 janvier 2010 duquel il ressort que les élus du comité d’entreprise ont fait remarquer à l’employeur qu’au sein de l’agence d'[Localité 1], les avertissements devenaient monnaie courante et qu’il semblait que des actions avaient été menées afin d’aboutir à des départs négociés et l’ont prévenu qu’ils se tenaient à la disposition des salariés qui seraient approchés pour négocier un licenciement, afin de les conseiller ou de les accompagner dans leurs démarches.

Lors de la réunion du 25 mars 2010, les élus du comité d’entreprise ont constaté que quatre licenciements avaient abouti à une transaction entre le salarié et la direction, qu’un départ était dû à l’interruption d’une période d’essai, que deux collaborateurs au moins avaient été approchés avec des méthodes musclées pour une incitation à un départ négocié.

Le salarié établit par la production de l’échange de correspondance qu’il a eu avec son employeur courant avril 2010, qu’il a été convoqué à un entretien le 24 mars 2010 et que l’employeur lui a expliqué qu’en raison des difficultés économiques que rencontrait l’agence d'[Localité 1], il souhaitiait se séparer de lui et l’a menacé de licenciement pour faute, alors qu’il n’avait aucune faute à lui reprocher.

Cependant, le salarié n’allègue pas que l’employeur aurait exercé des pressions sur lui pour qu’il démissionne ou qu’il accepte une rupture conventionnelle. En outre, dans son communiqué du 22 avril 2010, le comité d’entreprise a expressément indiqué que l’employeur avait renoncé à exercer de fortes sollicitations pour provoquer le départ de collaborateurs.

Les éléments produits par le salarié n’apparaissent pas suffisants pour démonter que le nombre de salariés dont la rupture était envisagée pour motif économique était au moins égal à 10, de sorte que l’employeur n’avait pas à établir de plan de sauvegarde de l’emploi.

Il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir l’annulation de son licenciement.

Sur le licenciement pour motifs économiques :

Conformément aux articles L 1235-9 et R 1456-1 du code du travail, en cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l’employeur doit remettre au greffe du conseil de prud’hommes tous les éléments fournis aux représentants du personnel en application du chapitre III ou, à défaut de représentant du personnel dans l’entreprise, tous les éléments fournis à l’autorité administrative en application de ce même chapitre. Ces éléments doivent être transmis dans un délai de 8 jours à compter de la date à laquelle l’employeur reçoit la convocation devant le bureau de conciliation pour qu’ils soient versés au dossier.

En l’espèce l’employeur ne démontre pas qu’il a communiqué ces documents dans les 8 jours de la convocation à l’audience de conciliation, ni lors de l’audience de conciliation, ni dans les mois qui ont suivi. En effet, l’employeur a reçu la convocation à l’audience de conciliation du 19 septembre 2011, le 13 juillet 2011 et il n’a communiqué ses pièces au salarié que le 7 janvier 2013.

Cependant ces pièces ont été débattues contradictoirement entre les parties, de sorte qu’il n’y a pas lieu de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour ce seul motif.

*Sur le motif économique du licenciement :

Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Ainsi, le texte met en exergue deux éléments sans lesquels le licenciement ne pourrait être justifié par un motif économique : un élément d’ordre matériel ou objectif (la suppression ou transformation d’emploi, la modification du contrat de travail) et un élément causal (les difficultés économiques, les mutations technologiques, la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité et la cessation d’activité’).

En l’absence d’un des éléments constitutifs du motif économique ou de l’absence de mention des deux éléments dans la lettre de licenciement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la lettre de notification du licenciement pour motif économique du 2 juin 2010 fait état d’une suppression de l’emploi du salarié pour les motifs économiques suivant :

-fortes pertes enregistrées sur l’établissement d'[Localité 1] sur l’exercice 2009/2010 (-320 k€ pour un chiffre d’affaires de 3.040 k€) ;

-très fort désengagement des deux clients principaux de l’établissement d'[Localité 1], CCS et GICR ;

-Fort impact de la crise sur l’entreprise, le carnet de commandes passant de 1.456.000 € en janvier 2009 à 420.000 € en janvier 2010.

L’employeur établit par les éléments qu’il produit que :

-il appartient au secteur d’activité de la prestation de services informatiques (SSII) et que ce secteur a fortement été touché par la crise économique mondiale des années 2008, 2009 et 2010 en raison, notamment, d’une réduction considérable du budget informatique de nombreux donneurs d’ordre. (Cf : articles de presse du Journal du Net du 26 février 2009, de l’ITR Manager du 25 mars 2009 et du Monde Informatique du 9 juin 2010) ;

-il n’a pu poursuivre son activité que grâce à l’aide de la société mère, CIA Canada, sur plusieurs exercices qui a dû procéder en 2006 à une augmentations de capital, le portant de 40.000 € à 2.400.000 € et à une augmentation des capitaux propres les portants de -780.234 € à 1.022.865 € (cf : liasse fiscale au 31 mars 2006) ;

-ses bénéfices qui étaient au 31 mars 2010 de 407.531 € sont passés à 80.895 € l’année suivante (cf : liasse fiscale au 31 mars 2010) et l’agence d'[Localité 1] a enregistré une perte sur ce même exercice de 185.658 € (cf : balance résultat activité Aix au 31/03/10) ;

-les deux principaux client de l’établissement d'[Localité 1], CCS et GICR, ont réduit leur budeget informatique, le premier suite à la crise internationale, le deuxième en raison des mutations du secteur de la retraite, alors qu’ils représentaient sur l’exercice 2009/2010 environ 67 % du chiffre d’affaire total de l’agence et 21,64 % du chiffre d’affaire total de CIA France. C’est ainsi qu’il résulte du document intitulé ‘évolution du chiffre d’affaires du CA CCS et du CA GICR du 01/01/08 au 31/03/10″ que :

*le chiffre d’affaires HT mensuel moyen de CCS qui était de 181.387 € en 2008 a été ramené à 57.889 € sur le premier trimestre 2010 ;

*le chiffre d’affaires HT mensuel moyen de GICR qui était de 86.986 € en 2008 est passée à 53.909 € en 2010.

-le carnet de commande est passé de 1.456.000 € en janvier 2009 à 420.000 € en janvier 2010, soit une diminution de plus de 70 % de sa valeur (cf : carnets de commandes au 01/01/09 et au 01.01.10) ;

-ce désengagement a entraîné une augmentation du nombre de salarié en ‘inter-contrat’, c’est à dire en attente d’affectation chez un client, ce qui a alourdi les charges, sans générer aucun chiffre d’affaires puisque ces salariés sont sans mission, de sorte qu’aucune facturation n’est établie. En 2010,16 salariés étaient en inter contrat sur les 37 salariés productifs dans l’agence d'[Localité 1], ce qui représente un coût salarial mensuel de 72.097 €, soit 36,97 % du coût salarial total mensuel de l’agence d’Aix (cf : liste des salariés de l’agence mentionnant leur affectation auprès des différents clients et ceux dépourvu de mission arrêté au 01.04.10 et tableau intitulé ‘perspectives au 1er avril 2010 pour l’agence d'[Localité 1]) ;

-en 2010, l’agence d'[Localité 1] employait la moitié des effectifs de la société CIA France, alors que son chiffre d’affaire représentait 32,19 % du chiffre d’affaires de CIA France et avait le taux d’inter-contrat le plus important, de sorte que cette perte sèche ne pouvait pas être compensée par les deux autres agences de la société, lesquelles sont composées chacune d’une vingtaine de salariés.

Ces éléments établissent la réalité des difficultés économiques invoquées par l’employeur, ainsi que l’absence de perspectives, de sorte que la continuité de l’exploitation de l’agence d'[Localité 1] était compromise, lorsque l’employeur a procédé au licenciement du salarié.

Il est démontré qu’à la suite du désengagement des deux clients principaux de l’agence, le nombre de salariés inter contrat a progressé jusqu’à atteindre le nombre de 16 au 1er avril 2010. Au moment de son licenciement, le salarié n’avait pas de mission, de sorte que son emploi a été supprimé et n’a pas été remplacé.

Force est de constater que l’employeur établit la réalité du motif économique ayant justifié le licenciement du salarié.

*Sur la recherche de reclassement du salarié :

L’article L 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

S’agissant d’une obligation de moyens renforcée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour permettre le reclassement du salarié concerné et donc éviter son licenciement et, particulièrement, qu’il a procédé à une recherche de reclassement individualisée et adaptée à la situation particulière du salarié.

En l’espèce, l’emplouyeur établit qu’il a adressé des fax présentant les compétences techniques du salarié aux agences de [Localité 2] et de Sophia-Antipolis, aux trois agences de la CIA Canada, à CGI France, à CGI Canada et à deux sociétés informatiques partenaires locaux, EGM SOLUTIONS et PROXIEL et que toutes ces entreprises ont répondu par la négative, aucun poste disponible correspondant au profil technique du salarié n’étant disponible.

Le fait que ces courriers soient datés de l’année 2009 résulte d’une erreur matérielle comme le révèlent les accusés de réception des fax et les réponses, lesquels sont datés de 2010.

Il produit également le registre du personnel des trois agences françaises duquel il ressort qu’aucun poste n’était disponible pour permettre le reclassement du salarié.

Aucun manquement à l’obligation de recherche de reclassement du salarié n’apparaît établi à l’encontre de l’employeur. La décision déférée qui a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc réformée.

Sur les critères d’ordre des licenciements :

Avant tout licenciement pour motif économique, l’employeur est tenu de définir un ordre des licenciements.

L’employeur, doit communiquer au juge les données objectives, précises, vérifiables et personnalisées sur lesquelles il s’est appuyé pour arrêter, selon les critères définis pour déterminer l’ordre des licenciements, son choix quant aux personnes licenciées pour motif économique. En application de l’ article L.1233-5 du code du travail, les critères sont notamment :

-les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
-l’ancienneté dans l’entreprise ;
-la situation des salariés qui présente des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celles des salariés âgés ;
-les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

En l’espèce, l’employeur a soumis les critères d’ordre des licenciements qu’il entendait appliquer au comité d’entreprise, lequel en a débattu lors de la réunion extraordinaire du 30 avril 2010 et obtenu une modification partielle des règles d’application de ces critères.

Il apparaît que l’ensemble des critères légaux a été pris en compte, affecté de différents coefficients et que l’employeur a ajouté des critères professionnels, afin de pouvoir conserver la capacité technique lui permettant de répondre à la demande de sa clientèle. C’est donc à juste titre que l’employeur a rajouté des critères spécifiques pour les postes d’opérationnels, la spécificité de leur domaine de compétence pouvant correspondre, ou pas, aux missions conservées par l’employeur.

De même, le choix de l’employeur de licencier en priorité les salariés en inter-contrat n’apparaît pas discutable, dans la mesure où chaque salarié informaticien a une compétence technique spécifique, ce que ne conteste pas le salarié, qu’ils possèdent chacun la maîtrise et la compétence d’une technologie informatique précise, mais aussi une expertise métier différente d’un salarié à l’autre, de sorte qu’ils ne sont pas interchangeables. Ainsi, ce sont les missions demandées par les clients qui correspondent à des expertises et des technologies particulières qui vont induire l’affectation d’un salarié plutôt qu’un autre. L’employeur n’avait donc aucun intérêt à licencier un salarié qui était déjà affecté chez un client.

Enfin, l’employeur établit qu’il a appliqué ces critères à l’ensemble des salariés, ainsi que le révèle le tableau comparatif qu’il verse aux débats.

Il convient par conséquent de débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir des dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement.

Sur le non-respect de la priorité de réembauchage :

Conformément à l’article L 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauchage durant un délai d’un an.

Le salarié a sollicité la possibilité de bénéficier de la priorité de réembauchage, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2010.

Par lettre du 6 octobre 2010, l’employeur a proposé au salarié un poste correspondant à ses compétences et expériences. Le salarié a indiqué le 13 octobre 2010 qu’il était intéressé, mais que les conditions proposées ne lui apparaissaient pas acceptables. L’employeur a répondu à ce courrier le 27 octobre en maintenant son offre. Aucune suite à ce courrier n’a été donnée par le salarié et le poste n’a pas été pourvu.

Le poste qui a été attribué à M. [M], suivant contrat à durée indéterminée du 22 novembre 2010, est un emploi d’ingénieur d’études, position 2.3, coefficient 150 de la grille de la convention collective. Or, l’emploi qu’occupait le salarié au sein de la société était celui d’analyste programmeur, position 2.1, coefficient 110. Outre le fait que M. [M] avait un niveau initial supérieur à celui du salarié, puisqu’il était ingénieur, il avait également onze de pratique EDI, alors que le salarié n’en avait que 5, comme le révèlent leurs CV respectifs. L’employeur n’était donc pas tenu de lui proposer cet emploi qui ne correspondait pas à son profil.

Il ressort du registre du personnel arrêté au 6 octobre 2011, qu’aucun poste d’analyste programmeur n’a été pourvu dans l’année qui a suivi le licenciement du salarié.

Ainsi, il n’est pas démontré que l’employeur n’a pas respecté la priorité de réembauchage, de sorte que la décision déférée qui a jugé le contraire doit être réformée et le salarié débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

La décision déférée qui a condamné l’employeur à régler au salarié la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance doit être réformée.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d’appel.

Le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens d’appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à régler au salarié des dommages-intérêts à ce titre, ainsi que des dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour motif économique est justifié.

Déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni en cause d’appel.

Condamne M. [Z] [O] aux dépens de première instance et d’appel.

Le GreffierPour le Président empêché

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller ,

En ayant délibéré

 


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