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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2022
N° 2022/ 253
Rôle N° RG 19/10764 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BERHU
[B] [Z]
C/
SA HSBC FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Arnaud LUCIEN
Me Marco FRISCIA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de TOULON en date du 14 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1117003238.
APPELANT
Monsieur [B] [Z]
né le 21 Juin 1973 à PARIS, demeurant 25 Boulevard Marcel Parraud – 13760 SAINT CANNAT
représenté par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA HSBC FRANCE, demeurant 103 AVENUE DES CHAMPS ELYSEES – 75419 PARIS
représentée par Me Marco FRISCIA, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 06 Avril 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 31 mai 2009, Monsieur [B] [Z] a conclu auprès de la SA HSBC FRANCE une convention d’ouverture de compte professionnel.
Se prévalant de l’existence d’un solde débiteur du compte, la SA HSBC FRANCE a notifié à Monsieur [Z] la cessation de la relation bancaire avec un préavis de 60 jours par lettre recommandée avec accusé de réception du 08 février 2011.
Par ordonnance du 02 décembre 2013, le président du tribunal de Toulon a enjoint à Monsieur [B] [Z] de payer à la SA HSBC FRANCE la somme de 16.695, 90 euros avec intérêts au taux légal à compter de cette date.
Cette ordonnance a été signifiée à la personne de Monsieur [Z] par acte d’huissier du 29 avril 2014.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2014, Monsieur [Z] a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 30 mars 2015, le tribunal d’instance de Toulon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Toulon.
Par jugement du 02 juin 2016, le tribunal de grande instance de Toulon a constaté n’être saisi d’aucune demande, le débiteur n’ayant pas constitué avocat et aucune des parties n’ayant déposé au greffe de conclusions écrites. Cette décision a été signifiée à Monsieur [Z] par acte d’huissier du 20 juillet 2016, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses.
Le 19 septembre 2016, le greffier en chef de la cour d’appel a délivré un certificat de non appel.
Le 15 février 2017, le greffier en chef du tribunal d’instance de Toulon a apposé la formule exécutoire sur l’ordonnance.
Par acte d’huissier du 07 juillet 2017, la SA HSBC FRANCE a signifié à Monsieur [Z] (signification faite à étude) l’ordonnance portant injonction de payer exécutoire du 02 décembre 2013.
Par courrier du 12 juillet 2017 reçu au greffe du tribunal d’instance le 20 juillet 2017, Maître [P] [H], agissant pour le compte de Monsieur [Z] a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement contradictoire du 14 mai 2019, le tribunal d’instance de Toulon a :
– déclaré irrecevable l’opposition formée par Monsieur [B] [Z] par l’intermédiaire de son conseil le 12 juillet 2017,
– dit que l’ordonnance d’injonction de payer du 02 décembre 2013 est définitive,
– dit n’y avoir lieu à examen de la demande en paiement de la SA HSBC FRANCE portant sur la somme de 16.695, 90 euros et la demande de réouverture des débats et de délais de paiement de Monsieur [Z] devenues sans objet,
– rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SA HSBC FRANCE pour procédure abusive,
– rejeté la demande de Monsieur [Z] faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [Z] à payer à la SA HSBC FRANCE la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le premier juge a relevé que l’ordonnance d’injonction de payer du 02 décembre 2013 avait été signifiée à Monsieur [Z] dans les six mois de sa date, soit le 29 avril 2014. Il a relevé que Monsieur [Z] avait formé opposition le 26 mai 2014, que l’affaire avait été portée devant le tribunal d’instance qui, par décision du 30 mars 2015, s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance. Il a noté que Monsieur [Z] n’avait pas constitué avocat devant cette juridiction et qu’aucune parties n’avait déposé de conclusions écrites, si bien que par jugement du 02 juin 2016, le tribunal avait constaté n’avoir été saisi d’aucune demande.
Le premier juge a estimé que Monsieur [Z] ne pouvait former une nouvelle fois opposition à l’ordonnance d’injonction de payer. Il a ajouté que l’absence de dépôt de conclusions écrites par Monsieur [Z] devant le tribunal de grande instance s’analysait en un désistement de sa première opposition à injonction de payer. Il a ainsi souligné que l’ordonnance était devenue définitive.
Il a écarté le caractère abusif de la procédure intentée par Monsieur [Z].
Le 03 juillet 2019, Monsieur [Z] a relevé de appel de cette décision en ce qu’elle a :
‘Dit que l’ordonnance portant injonction de payer en date du 2 décembre 2013 est définitive
Dit n’y avoir lieu à examen de la demande en paiement de la SA HSBC France portant sur la somme de 16.695,90 € et la demande de réouverture des débats et de délais de paiement de Monsieur [B] [Z], devenues sans objet,
Rejeté la demande de Monsieur [B] [Z] faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Monsieur [B] [Z] à payer à la SA HSBC France la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Monsieur [B] [Z] aux entiers dépens’
Par conclusions notifiées le 26 octobre 2020 sur le RPVA, Monsieur [Z] demande à la cour :
– de déclarer recevable et bien fondée son opposition du 17 juillet 2017,
en conséquence
– d’ordonner la réouverture des débats,
* à titre principal :
– de débouter la SA HSBC FRANCE de ses demandes,
* à titre subsidiaire :
– de lui accorder des délais de paiement,
– de condamner la SA HSBC FRANCE à lui verser 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la SA HSBC FRANCE aux entiers dépens.
Il relève que le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 02 juin 2016 n’a pas été signifié à sa personne alors que son adresse était connue puisqu’il était avocat au barreau de Toulon.
Il soutient que l’opposition à injonction de payer qu’il a formée le 12 juillet 2017 est valable.
Il expose que le compte courant qu’il a ouvert était lié à l’exercice de son activité d’avocat, relève que son actif et son passif ont été absorbés par la SELARL PANON [Z] qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 03 décembre 2015, un jugement de clôture pour insuffisance d’actif ayant par la suite été rendu le 15 février 2018.
Il note que la SA HSBC FRANCE n’a pas déclaré sa créance et qu’elle n’est donc pas en mesure de solliciter le paiement du solde débiteur du compte.
Subsidiairement, il sollicite des délais de paiement.
Par conclusions notifiées le 17 décembre 2019 sur le RPVA, la SA HSBC FRANCE demande à la cour :
– de débouter Monsieur [Z] de ses demandes,
– de confirmer le jugement déféré,
– de condamner Monsieur [Z] à lui verser la somme de 5000 euros pour procédure abusive et dilatoire,
– de condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la confirmation du jugement déféré en reprenant les moyens soulevés par le premier juge.
Subsidiairement, elle relève que le compte professionnel a été ouvert avant la création de la SELARL PANON [Z] et souligne qu’il n’est pas justifié d’une absorption des dettes de Monsieur [Z] au profit de cette société.
Elle indique n’avoir jamais été informée de cette situation.
Elle s’oppose à tout délai de paiement en l’absence de justificatif de la situation financière de Monsieur [Z].
Par arrêt avant dire droit du 02 décembre 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la réouverture des débats, invité les parties à s’expliquer sur une éventuelle caducité de la déclaration d’appel et sursis à statuer sur les demandes. La cour a constaté que les seules conclusions de l’appelant prises dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l’infirmation totale ou partielle du jugement déféré.
Par conclusions notifiées le 15 mars 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [Z] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement déféré,
– de déclarer recevable et bien fondée l’opposition formée le 17 juillet 2017,
en conséquence,
– d’ordonner la réouverture des débats,
au principal,
– de débouter la SA HSBC de ses demandes,
à titre subsidiaire,
– de lui accorder les plus larges délais de paiement,
– de condamner la SA HSBC à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il souligne qu’un arrêt du 30 septembre 2021 de la Cour de cassation a indiqué que la sanction de caducité de la déclaration d’appel en raison de l’absence de mention au dispositif des conclusions de l’appelant d’une demande d’infirmation totale ou partielle ne pouvait être prononcée que pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020.
Il ajoute régulariser cette difficulté par les conclusions qu’il notifie.
Il indique que la SA HSBC n’a pas déclaré sa créance à la suite de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SELARL PANON [Z] si bien qu’elle n’est plus fondée, en application de l’article L 622-26 du code du commerce, à en solliciter le paiement.
Il soutient que le compte qui a été ouvert était lié à son activité professionnelle.
Subsidiairement, il sollicite les plus larges délais de paiement si les demandes de la SA HSBC étaient déclarées recevables.
Par conclusions notifiées le 30 mars 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, la SA HSBC France demande à la cour :
– de déclarer caduc l’appel formé par Monsieur [Z],
– de condamner Monsieur [Z] à lui verser la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
– de condamner Monsieur [Z] à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient que l’appel de Monsieur [Z] est caduc puisque le dispositif des conclusions qu’il a déposées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile ne font pas état d’une demande d’infirmation totale ou partielle du jugement déféré.
Elle ajoute que le dispositif des conclusions de ce dernier ne vise aucun fondement juridique, ni demande d’annulation ou d’infirmation, qu’il y est sollicité sans cohérence une réouverture des débats et que l’appelant se contente de reprendre ce qui était sollicité en première instance, sans formuler de critique du jugement déféré.
MOTIVATION
Sur la caducité de la déclaration d’appel
L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel est déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code et le respect de la diligence impartie par l’article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l’article 954 du même code.
Il est exact que les seules conclusions de l’appelant prises dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile (celles notifiées le 27 septembre 2019 sur le RPVA) comportent un dispositif qui ne conclut pas à l’infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré et que les conclusions notifiées avant l’arrêt avant-dire droit ne comportaient pas non plus un dispositif concluant à l’infirmation totale ou partielle de la décision de première instance; en conséquence, Monsieur [Z] devrait encourir la caducité de sa déclaration d’appel; toutefois, la règle consistant pour l’appelant à mentionner dans le dispositif de ses conclusions qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement sous la sanction de la caducité instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties affirmée par une jurisprudence du 17 septembre 2020,qui, si elle était appliquée, aboutirait à priver l’appelant (qui a formé appel le 03 juillet 2019) du droit à un procès équitable.
En conséquence, il n’y a pas lieu de relever la caducité de l’appel formé par Monsieur [Z].
Sur la recevabilité de l’opposition du 17 juillet 2017 et sur l’ordonnance d’injonction de payer
L’article 542 du code de procédure civile stipule que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Aussi, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
Monsieur [Z] ne vise pas, dans sa déclaration d’appel, le chef du jugement qui a déclaré irrecevable l’opposition qu’il a formée le 12 juillet 2017.
Il ne peut donc plus discuter ce point devant la cour qui n’est pas saisie de cette question.
Pour discuter le fait que l’ordonnance d’injonction de payer ne serait pas définitive, encore faudrait-il que Monsieur [Z] sollicite de la cour qu’elle dise recevable l’opposition qu’il avait formée le 29 avril 2014, ce qu’il ne fait pas. Il ne le sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions et ne l’évoque même pas comme moyen. Il ne s’appuie , dans ses conclusions, que sur la recevabilité de son opposition du 12 juillet 2017. Or, il a été indiqué précédemment que ce point n’est pas déféré à la cour.
Selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
L’article 1419 du code de procédure civile, qui dispose que la juridiction constate l’extinction de l’instance si aucune parties ne comparaît ne trouve pas application, puisque la SA HSBC avait comparu devant le tribunal de grande instance en constituant avocat mais n’avait fait aucune demande. Dès lors, la disposition de l’article 1419 du même code qui stipule que l’extinction de l’instance rend non avenue l’ordonnance portant injonction de payer ne trouve pas non plus application ; l’ordonnance d’injonction de payer reste donc valable.
Ainsi, en raison de l’absence de toute discussion de Monsieur [Z] sur son opposition du 29 avril 2014 et de toute demande de sa part sur ce point, alors qu’il ne peut plus discuter de l’irrecevabilité de son opposition du 12 juillet 2017, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a estimé définitive l’ordonnance d’injonction de payer.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société HSBC
La société HSBC ne démontre pas le caractère abusif de la procédure intentée par Monsieur [Z] ni l’existence d’une faute commise par ce dernier de nature à faire dégénérer en abus son droit d’agir en justice. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de délais de paiement formée par Monsieur [Z]
Ce dernier ne fournit à la cour aucun élément relatif à sa situation patrimoniale. Il sera en conséquence débouté de sa demande de délais de paiement.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Monsieur [Z] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré qui l’a condamné aux dépens et qui a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmé.
Il n’est pas équitable de laisser à la charge de la société HSBC les frais irrépétibles qu’elle a exposés en première instance et en appel.
Le jugement déféré qui a condamné Monsieur [Z] à lui verser la somme de 750 euros sur ce fondement sera confirmé. Monsieur [Z] sera en outre condamné à verser à la société HSBC la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
DIT que l’appel formé par Monsieur [B] [Z] n’encourt pas la caducité,
CONFIRME le jugement déféré,
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par la société HSBC France,
REJETTE la demande de délais de paiement formée par Monsieur [B] [Z],
CONDAMNE Monsieur [B] [Z] à verser à la société HSBC France la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [B] [Z] aux dépens de la présente procédure.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,