Animateur radio : l’abus de CDD sanctionné
Animateur radio : l’abus de CDD sanctionné
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L’animation d’une tranche musicale inter émission, qui subsiste malgré le changement éventuel des émissions notamment lors de la revue de la grille à la rentrée, ne revêt pas un caractère temporaire.


Contrat d’animateur radio

En l’espèce, si le salarié a été engagé en qualité d’animateur sur un poste pour lequel il peut être d’usage d’avoir recours à un contrat à durée déterminée, il ressort des contrats de travail versés aux débats qu’ils ne mentionnent pas l’objet du recours à un CDD d’usage c’est à dire le titre de l’émission ou de la production pour laquelle le salarié était engagé.

Recrutement sur plus de 8 années

Or, le salarié n’était pas en charge d’une émission spécifique et temporaire mais a été recruté pendant plus de huit ans essentiellement pour animer une tranche horaire, inter émissions, qui variait et dont les horaires pouvaient changer également selon les semaines, à titre d’exemple : de 13 heures à 16 heures le samedi et dimanche, ou de 12 heures à 16 heures du lundi au vendredi, ou même à des horaires déterminés par le directeur d’antenne sans davantage de précision que le volume horaire et le volume d’heures de préparation, ou à des tranches horaires variant selon les semaines.

Dans ces conditions, l’ensemble des contrats en cause avait bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, comme le soutient justement le salarié, et l’employeur ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de ce poste.

Par conséquent, la juridiction a fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012, date d’embauche par le biais du premier contrat irrégulier.

Le recours aux CDD d’usage

Pour rappel, s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

L’article 4.4 de l’accord du 29 novembre 2007 relatif aux salariés employés sous contrat à durée déterminée d’usage, qui s’applique aux entreprises éditant ou produisant des services de radiodiffusion reprend cette obligation et prévoit que le contrat à durée déterminée d’usage doit comporter notamment ‘l’objet du recours à un CDD d’usage (le titre de[s] l’émission[s] ou de[s] la production[s] pour laquelle [lesquelles] le salarié est engagé) et, le cas échéant, le numéro d’objet’.

 

 


 

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/02297

N° Portalis DBV3-V-B7F-UUOL

AFFAIRE :

S.A. SOCIETE D’EXPLOITATION RADIO CHIC (SERC) FUN RADIO

C/

[R], [G] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE CEDEX

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F20/01465

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-claude CHEVILLER

Me Ingrid DIDION

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. SOCIETE D’EXPLOITATION RADIO CHIC (SERC) FUN RADIO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Claude CHEVILLER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0945 substitué par Me Elsa GAILLARD-DIZOU, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

Monsieur [R], [G] [P]

né le 07 août 1986 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Ingrid DIDION, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G831

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 1er décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [P] a été engagé par la société Canal Star, établissement de [Localité 6], filiale de la société d’Exploitation Radio Chic (ci-après dénommée SERC), du réseau Fun Radio, suivant un contrat de travail à durée déterminée d’usage à temps plein en date du 29 juin 2009 au 2 juillet 2010 en qualité d’animateur-planificateur, avec le statut d’employé.

Il a été reconduit dans ses fonctions pendant deux saisons supplémentaires du 5 juillet 2010 au 1er juillet 2011 puis du 4 juillet 2011 au 30 juin 2012.

Il a, par ailleurs, travaillé en région parisienne suivant des missions ponctuelles matérialisées par quatre lettres d’engagement en tant qu’animateur réseau avec la société SERC en juillet, novembre et décembre 2011 et le 1er janvier 2012 puis a été engagé en tant qu’animateur, à temps partiel sur la base de 51,96 heures de travail mensuel, par contrat à durée déterminée d’usage conclu avec la société SERC pour la période du 1er mars 2012 au 30 juin 2012.

Un cinquième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013.

Un avenant de prolongation a été conclu pour la période du 1er juillet 2013 au 25 août 2013.

Un sixième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 26 août 2013 au 29 juin 2014, la durée de travail étant augmentée à 108,33 heures de travail mensuel.

Un septième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu du 20 juin 2014 au 30 juin 2015.

Un huitième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2015 au 30 août 2015.

Un neuvième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 31 août 2015 au 30 juin 2016.

Un dixième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017.

Un onzième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018.

Un douzième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019.

Un treizième contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour la période du 1er juillet 2019 au 26 juin 2020, la durée de travail étant réduite à 86,67 heures de travail mensuel.

La relation de travail a pris fin à l’échéance du terme du dernier contrat le 26 juin 2020.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la radiodiffusion.

Le 3 août 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que la condamnation de la Société d’Exploitation Radio Chic au paiement de dommages et intérêts au titre de l’indemnité de requalification, du licenciement sans cause réelle et sérieuse, du travail dissimulé et de diverses indemnités et sommes liées tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 22 juin 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– fixé la rémunération de M. [P] à 3 413 euros par mois,

– requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus à compter du 1er mars 2012 en un contrat de travail à durée indéterminée,

– condamné la Société d’Exploitation Radio Chic à verser à M. [P] les sommes suivantes :

* 199,30 euros bruts au titre des heures de remplacement,

* 19,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 10 239 euros (3 mois) au titre de l’indemnité de requalification,

* 27 304 euros bruts (8 mois) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7 099,32 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 6 826,00 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 682,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– ordonné la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et de bulletins de paie conformes au présent jugement, avec une astreinte de 50 euros par document et par jour de retard après 30 jours suivant notification du jugement,

– ordonné l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile,

– condamné la Société d’Exploitation Radio Chic à payer la somme de 950 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

– débouté la Société d’Exploitation Radio Chic de ses demandes.

Le 13 juillet 2021, la société SERC a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 avril 2022, la société SERC demande à la cour de réformer ou annuler le jugement en ce qu’il:

– a fixé la rémunération de M. [P] à 3 413 euros par mois,

– a requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus à compter du 1er mars 2012 en un contrat de travail à durée indéterminée,

– l’a condamnée à verser à M. [P] les sommes suivantes :

* 199,30 euros bruts au titre des heures de remplacement,

* 19,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 10 239 euros (3 mois) au titre de l’indemnité de requalification,

* 27 304 euros bruts (8 mois) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7 099,32 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 6 826,00 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 682,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– a dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– a dit que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront,

– a ordonné la remise la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et de bulletins de paie conformes au présent jugement, avec une astreinte de 50 euros par document et par jour de retard après 30 jours suivant notification du jugement,

– a ordonné l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile,

– l’a condamnée à payer la somme de 950 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– l’a déboutée de ses demandes,

– statuant à nouveau:

– débouter M. [P] de toutes ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre subsidiaire, limiter l’indemnisation de M. [P] aux sommes suivantes :

* 3 411,15 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 6 822,30 euros bruts, outre 682,23 euros bruts au titre des congés payés y afférents, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 7 099,32 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 10 233,45 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [P] du surplus de ses demandes.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, M. [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié ses contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée,

– infirmer le jugement en ce qu’il :

– a jugé irrecevable la demande de reconnaissance du co-emploi à l’égard de la société SERC pour la période du 29 juin 2009 au 29 février 2012,

– l’a débouté de ses demandes de rappel d’heures complémentaires pour les fonctions supplémentaires occupées en plus de celle d’animateur, de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,

– a limité le montant de l’indemnité de requalification, de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base d’une ancienneté au 1er mars 2012 et d’un salaire de 3 413 euros bruts,

– en conséquence, requalifier les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée à compter du 29 juin 2009,

– fixer son salaire moyen à 3 854,58 euros bruts,

– condamner la société SERC à lui payer les sommes suivantes :

* 2 766,19 euros bruts à titre de rappel d’heures complémentaires,

* 276,62 euros au titre des congés payés afférents,

* 11 563,75 euros (3 mois) à titre d’indemnité de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée,

* 7 709,16 euros bruts (2 mois) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 770,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 10 921,32 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 40 473,13 euros (10,5 mois) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 23 127,50 euros (6 mois) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 11 563,75 euros (3 mois) à titre de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,

– ordonner la remise sous astreinte journalière de 50 euros par document et par jour de retard de l’attestation destinée au Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir et se réserver la faculté de liquider l’astreinte,

– condamner la société SERC à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la convocation du conseil de prud’hommes pour les sommes de nature salariale avec capitalisation,

– débouter la société SERC de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société SERC aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir au titre du co-emploi

L’action relative à l’exécution du contrat de travail se prescrit dans un délai de deux ans à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

En l’espèce, le dernier contrat de travail conclu entre M. [P] et la société Canal Star est relatif à la période du 4 juillet 2011 au 30 juin 2012.

L’action portant sur une demande de co-emploi relative aux contrats de travail conclus entre le salarié et la société Canal Star est donc prescrite, puisqu’un délai de plus de deux ans s’est écoulé entre le terme du dernier contrat le 30 juin 2012 et la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié. La fin de non recevoir soulevée par la société SERC au titre d’une période de co-emploi avec la société Canal Star doit donc être accueillie.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et l’indemnité de requalification

L’employeur fait valoir que le recours au contrat à durée déterminée d’usage est prévu par l’accord collectif national du 29 novembre 2007, accord qui a été étendu et qui vise dans son annexe I les fonctions d’animateur pour lesquelles le salarié a été embauché. Il indique que l’emploi pour lequel le salarié a été engagé est un emploi dont la nature objectivement temporaire a été démontrée. Il précise qu’à chaque fin de saison, les grilles de la rentrée suivante sont remises en question. Il retient que les émissions auxquelles le salarié a participé n’ont pas été, pendant toute la durée de la collaboration, diffusées dans la même tranche horaire, aux mêmes jours et n’ont pas été identiques.

Le salarié rappelle que l’avenant n° 2 du 30 avril 2016 à l’accord du 29 novembre 2007 instaure un droit à se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Il fait valoir qu’aucun des contrats n’a précisé l’objet du recours au CDD d’usage, ne mentionnant pas le titre de l’émission ou de la production pour laquelle il était engagé, mais uniquement la tranche musicale ou la tranche horaire. Il précise que d’une part, en réalité il animait une tranche musicale, inter émissions, qui variait et dont les horaires changeaient selon les saisons et que d’autre part, l’employeur ne justifie pas par des raisons objectives le caractère par nature temporaire de l’emploi d’animateur qu’il a occupé plus de onze années.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

L’article 4.4 de l’accord du 29 novembre 2007 relatif aux salariés employés sous contrat à durée déterminée d’usage, qui s’applique aux entreprises éditant ou produisant des services de radiodiffusion reprend cette obligation et prévoit que le contrat à durée déterminée d’usage doit comporter notamment ‘l’objet du recours à un CDD d’usage (le titre de[s] l’émission[s] ou de[s] la production[s] pour laquelle [lesquelles] le salarié est engagé) et, le cas échéant, le numéro d’objet’.

En l’espèce, si le salarié a été engagé en qualité d’animateur sur un poste pour lequel il peut être d’usage d’avoir recours à un contrat à durée déterminée, il ressort des contrats de travail versés aux débats qu’ils ne mentionnent pas l’objet du recours à un CDD d’usage c’est à dire le titre de l’émission ou de la production pour laquelle le salarié était engagé.

En outre, au vu des débats, le salarié n’était pas en charge d’une émission spécifique et temporaire mais a été recruté pendant plus de huit ans essentiellement pour animer une tranche horaire, inter émissions, qui variait et dont les horaires pouvaient changer également selon les semaines, à titre d’exemple : de 13 heures à 16 heures le samedi et dimanche, ou de 12 heures à 16 heures du lundi au vendredi, ou même à des horaires déterminés par le directeur d’antenne sans davantage de précision que le volume horaire et le volume d’heures de préparation, ou à des tranches horaires variant selon les semaines.

Or, l’animation d’une tranche musicale inter émission, qui subsiste malgré le changement éventuel des émissions notamment lors de la revue de la grille à la rentrée, ne revêt pas un caractère temporaire.

Dans ces conditions, l’ensemble des contrats en cause avait bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, comme le soutient justement le salarié, et l’employeur ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de ce poste.

Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012, date d’embauche par le biais du premier contrat irrégulier. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Aux termes de l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

La société SERC doit être condamnée à payer à M. [P] une indemnité de requalification d’une somme de 3 500 euros. Le jugement entrepris sera confirmé sur le principe de l’indemnité de requalification mais infirmé sur son quantum.

Sur la rupture et ses conséquences

L’employeur qui, à l’expiration d’un contrat à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, eu égard à la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée mentionnée ci-dessus et à l’absence de fourniture de travail et de paiement de salaire au-delà du 26 juin 2020, il y a lieu de dire que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié est fondé à soutenir que la rupture du contrat de travail est intervenue le 26 juin 2020 à raison du seul terme du dernier contrat à durée déterminée d’usage et sans la mise en ‘uvre d’une quelconque procédure de licenciement.

Il s’en déduit que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Par conséquent, il y a lieu d’allouer au salarié une somme de 7 099,32 euros à titre d’indemnité de licenciement, dont le montant n’est au demeurant pas discuté par l’employeur. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Le salarié est également fondé à réclamer l’allocation d’une indemnité compensatrice de préavis d’une durée de deux mois courant à compter du licenciement. Il y a donc lieu de lui allouer une somme de 6 822,3 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 682,23 euros au titre des congés payés afférents, montants non contestés par l’employeur. Le jugement entrepris sera confirmé sur le principe de l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, mais infirmé sur le quantum.

Le salarié est enfin fondé, eu égard à son âge et à son ancienneté de huit années complètes, à réclamer l’allocation d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et huit mois de salaire brut des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Eu égard à son âge (né en 1986), à son ancienneté, à sa rémunération, il y a lieu d’allouer au salarié une somme de 20 000 euros à ce titre. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur le principe de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais infirmé sur le quantum.

Il convient d’ordonner la remise par l’employeur de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte.

Sur la demande de rappel d’heures complémentaires

Le salarié sollicite une somme de 2 766,19 euros à titre de rappel d’heures complémentaires effectuées entre 2017 et 2020 au titre d’heures rémunérées à un taux minoré et au titre d’heures impayées, outre un montant de 276,62 euros au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l’article 4.3 de l’accord du 6 novembre 2014 relatif à la durée du travail à temps partiel annexé à la convention collective de la radiodiffusion : ‘Les heures de travail complémentaires effectuées dans la limite de 1/10 de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail sont majorées dès la première heure au taux de 25% par rapport aux heures normales. Au-delà de ce contingent d’heures complémentaires, le régime des heures supplémentaires est appliqué.’

Le salarié ne produit pas de volume d’heures de remplacement effectuées pour 2018, se contentant de solliciter la somme de 199,3 euros. Il y a lieu de considérer que cette demande est imprécise et de la rejeter.

A l’appui de sa demande au titre de tâches complémentaires pour 2017 à 2020, le salarié produit un décompte des heures complémentaires qu’il estime avoir accompli par tâche réalisée, par jour, semaine, et année pour un total de 22,08 heures en 2017, 14,17 heures en 2018 au taux de 32,30 euros et 9 heures au taux de 43,26 euros, 24 heures en 2019, 5,83 heures en 2020.

Il s’en déduit que le salarié produit des éléments précis des heures complémentaires non rémunérées qu’il considère avoir accomplies.

L’employeur indique que le salarié a régulièrement été rémunéré pour les heures réalisées au-delà de son temps de travail contractuel mais ne produit pas d’éléments propres montrant le suivi des heures travaillées par le salarié. L’analyse des bulletins de paie montre le règlement d’heures complémentaires majorées de 10% et d’heures supplémentaires majorées de 25% mais pour un volume d’heures inférieur au décompte du salarié.

Après pesée des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour considère que M. [P] a accompli des heures complémentaires non rémunérées à hauteur de 1 500 euros, outre un montant de 150 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’ ;

En l’espèce, il n’est pas établi que l’employeur ait volontairement mentionné sur certains bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Par conséquent, la demande d’indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée, faute d’élément intentionnel caractérisé.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande pour inexécution de bonne foi du contrat de travail

M. [P] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par les sommes allouées dans le cadre du présent litige. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus pour une année entière.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société SERC succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra régler une somme de 3 000 euros à M. [P] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce :

– qui concerne le quantum des indemnités suivantes : l’indemnité de requalification, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et séreuse, l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

– qu’il a condamné la Société d’Exploitation Radio Chic à payer à M. [R] [P] la somme de 199,3 euros au titre des heures de remplacement outre 19,93 euros au titre des congés payés afférents,

– qu’il a dit que les condamnations porteraient intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– qu’il a ordonné une astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la Société d’Exploitation Radio Chic à payer à M. [R] [P] les sommes suivantes:

3 500 euros au titre de l’indemnité de requalification,

20 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la Société d’Exploitation Radio Chic à payer à M. [R] [P] les sommes suivantes :

6 822,3 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

682,23 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros au titre des heures complémentaires,

150 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes,

Ordonne la remise par la Société d’Exploitation Radio Chic à M. [R] [P] de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Et y ajoutant :

Condamne la Société d’Exploitation Radio Chic aux dépens d’appel,

Condamne la Société d’Exploitation Radio Chic à payer à M. [R] [P] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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