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Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d’être qualifié de manifestement illicite au sens de l’article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l’évidence requise.
Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s’exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). Ainsi l’anormalité du trouble de voisinage s’apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s’en prévaut.
Le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.
Ainsi, en application de l’article L 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article R 1336-5 du même code dispose que, de manière générale, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.
En outre, l’article R 1336-4 du même code renvoie en son dernier alinéa aux articles R 571-25 et suivants du code de l’environnement, s’agissant des prescriptions applicables en matière de lutte contre le bruit aux lieux ouverts au public ou recevant du public accueillant des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.
L’article R 1336-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. L’article suivant dispose que si le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.
En vertu de l’article R 1336-7 du code de la santé publique, l’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.
L’article R 571-25 du code de l’environnement dispose que, sans préjudice de l’application de l’article R 1336-1 du code de la santé publique, l’exploitant du lieu, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal d’une activité se déroulant dans un lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, et impliquant la diffusion de sons amplifiés est tenu de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies dans la présente sous section.
Aux termes de l’article R 571-26 alinéa 1 du code de l’environnemnent, les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.
L’article R 571-27 du même code précise :
I. ‘ L’exploitant, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal du lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, accueillant à titre habituel des activités de diffusion de sons amplifiés, ou le responsable d’un festival, est tenu d’établir une étude de l’impact des nuisances sonores visant à prévenir les nuisances sonores de nature à porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.
II. ‘ L’étude de l’impact des nuisances sonores est réalisée conformément à l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Elle étudie l’impact sur les nuisances sonores des différentes configurations possibles d’aménagement du système de diffusion de sons amplifiés. Elle peut notamment conclure à la nécessité de mettre en place des limiteurs de pression acoustique dans le respect des conditions définies par l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Cette étude doit être mise à jour en cas de modification des aménagements des locaux, de modification des activités, ou de modification du système de diffusion sonore, non prévus par l’étude initiale.
III. ‘ En cas de contrôle, l’exploitant doit être en mesure de présenter le dossier d’étude de l’impact des nuisances sonores aux agents mentionnés à l’article L. 571-18.
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 16 MARS 2023
N° 2023/222
Rôle N° RG 22/09089 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJT7A
S.A.R.L. LES COMPAGNONS DU DESIGN
S.A.S. ROOFTOP DEVELOPMENT
C/
[N] [M] [PE]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Christophe VINOLO
Me Thomas CALLEN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 03 juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01136.
APPELANTES
S.A.R.L. LES COMPAGNONS DU DESIGN
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
S.A.S. ROOFTOP DEVELOPMENT
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentées par Me Christophe VINOLO, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Lucas FAURE, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIME
Monsieur [N] [M] [PE]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6] (TUNISIE), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Thomas CALLEN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Depuis l’été de l’année 2019, la société par action simplifiée (SAS) Rooftop Development, dont le président est M. [CD] [UB], conseiller municipal délégué aux fêtes et cérémonies de la Ville de [Localité 7], exploite, en période estivale, débutant à la mi-mai, l’établissement ‘Eight Rooftop’, sur la toiture d’un bâtiment situé, [Adresse 3], à proximité de la zone commerciale et du lotissement ‘[Adresse 5]’ ainsi que de l’habitation de M. [B] [PE].
Cette activité de type ‘restauration-débit de boisson’ s’exerce en vertu d’un bail commercial signé le 18 juillet 2019 par la précitée avec la société civile immobilière (SCI) ‘Les Compagnons’, gérée par [Z] [O].
La SARL Compagnons du Design, dont le siège social se situe à la même adresse que la SAS Rooftop Development et qui est également gérée par M. [UB], a déposé une déclaration de travaux, le 23 mai 2019. Cette démarche a été réalisée avant que la SAS Rooftop Development ne soit immatriculée, six jours plus tard, et ne dépose une nouvelle déclaration le 9 août 2019.
Depuis le début de l’exploitation, un important contentieux s’est développé entre M. [UB] et les habitants du lotissement voisin au sujet, essentiellement, des nuisances sonores. Diverses courriers ont été envoyés aux autorités municipales et préfectorales et plusieurs plaintes et mains courantes déposées auprès des services de police et du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon à ce sujet. M. [PE] a également dénoncé plusieurs violations de permis de construire et perturbations de la circulation au sein du lotissement.
Le 7 janvier 2021, M. [T], conciliateur de justice, actait l’échec d’une tentative de conciliation entre le collectif du Parc de Sainte Claire, représenté par M. [PE], et la SAS Rooftop Development.
Par acte d’huissier en date du 19 mai 2022, M. [B] [PE] a, sur autorisation pésidentielle, fait assigner la SARL Les Compagnons du Design, la SAS Rooftop Development et M. [CD] [UB] en référé d’heure à heure, aux fins :
– à titre principal, de les entendre condamner à cesser toute activité de bar/roof top ou toute autre activité de restauration sur la parcelle section AS n° [Cadastre 2] sise [Adresse 3] ;
– à titre subsidiaire, de les entendre condamner à cesser, à partir de 22 heures, toute activité de bar/roof top ou toute autre activité de restauration sur la parcelle section AS n° [Cadastre 2] sise [Adresse 3] ;
– en tout état de cause :
‘ assortir chacune de ces condamnations d’une astreinte de 1 000 euros par infraction contatée et s’en réserver la liquidation ;
‘ condamner la SARL Les Compagnons du Design, la SAS Rooftop Development et M. [CD] [UB] à lui verser la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son préjudice moral et de jouissance ainsi que 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire en date du 3 juin 2002, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :
– constaté que les demandes formulées à l’encontre de [CD] [UB] étaient irrecevables ;
– dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande de provision ;
– condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à avoir mis en ‘uvre un dispositif de limitation d’accès à tout type de véhicule au parking du Eight Rooftop jouxtant la limite de propriété entre leur terrain et celui du demandeur à partir de 20 heures tous les soirs ;
– à défaut d’exécution, passé ce délai, condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development au paiement d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
– condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à avoir mis en ‘uvre un procédé de calfeutrement des marches de l’escalier métallique accédant à l’établissement Eight Rooftop sis [Adresse 3] ;
– à défaut d’exécution passé ce délai, condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development au paiement d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
– condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à fermer, dès la signification de son ordonnance, l’établissement Eight Rooftop et cesser tout bruit, de quelque nature qu’elle soit, à compter de 22 heures et jusqu’à 07 heures, chaque jour ;
– à défaut d’exécution passé ce délai, condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development au paiement d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
– ordonné la communication d’une copie de son ordonnance au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon (service des débits de boissons), à toutes fins utiles, sans délai, à la diligence du greffe des référés ;
– condamné solidairement la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à payer à [B] [PE] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté la demande formulée par M. [CD] [UB] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development aux dépens de l’instance en référé.
Le juge des référé a notamment considéré que :
– M. [UB] n’avait pas été mis en cause en qualité de gérant de l’une ou l’autre des deux sociétés en cause ;
– suite aux rapport et constats des 7 août 2019 et 23 juillet 2021, la SAS Rooftop Development ne justifiait ni ne se prévalait de l’installation d’aucun nouvel équipement, et notamment d’un limitateur de bandes de fréquences, visant à préserver ses voisins de nuisances sonores ni d’aucun changement de politique de diffusion musicale, d’horaires ni d’accueil des clients alors qu’il est inexact de prétendre que le bruit n’a pas augmenté pour les voisins depuis l’installation du bar ;
– la réalité du trouble est également avérée par les nombreuses mains courantes, certificats médicaux et attestations de voisins ;
– le caractère manifestement illégal du trouble résultait notamment de la violation du règlement de copropriété du lotissement et des arrêtés préfectoraux des 26 octobre 2016 et 22 mars 2022.
Selon déclaration reçue au greffe le 23 juin 2022, la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 21 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elles demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et :
– à titre liminaire, déclarer irrecevable l’action de M. [PE] à l’encontre de la société Compagnons du Design en tant que cette dernière n’a pas qualité pour défendre à la présente instance ;
– à titre principal, débouter M. [PE] de l’ensemble de ses demandes principales et subsidiaires ;
– à titre subsidiaire et en tant que de besoin, condamner seulement de manière proportionnée et efficace uniquement la société Rooftop Development à :
‘ empêcher tout type de véhicule, d’accéder au parking du Eight Rooftop jouxtant la limite de propriété entre le terrain de ce dernier et le terrain de M. [PE] à partir de 20 h 00 ;
‘ mettre en ‘uvre un procédé technique permettant de calfeutrer les marches de l’escalier métallique permettant d’accéder à l’établissement, de manière à rendre inaudible l’usage de cet escalier ;
‘ fixer l’astreinte à une somme de 100 euros par infraction constatée ;
– débouter M. [PE] de son appel incident tendant à faire interdire toute activité de la société Rooftop Development ou à la faire cesser à partir de 20 heures ou 21 heures ;
– débouter M. [PE] de son appel incident tendant à les entendre condamner à lui verser la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son préjudice moral et de jouissance ;
– en toute hypothèse :
‘ débouter M. [PE] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner M. [PE] à payer la somme de :
‘ 3 000 euros à la société Compagnons du Design,
‘ 2 000 euros à la société Rooftop Development,
en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance, et dire que Maître [W] [HI] pourra recouvrer directement ceux dont il aura fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du Code procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 13 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [PE] sollicite de la cour qu’elle :
– confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
‘ condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development, dans un délai d’un mois à compter de sa signification, à mettre en ‘uvre un dispositif de limitation d’accès à tout type de véhicule au parking du Eight Rooftop jouxtant la limite de propriété entre leur terrain et le sien à partir de 20 heures tous les soirs ; ajoutant qu’à défaut d’exécution, passé ce délai, la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development seraient condamnées in solidum au paiement d’une astreinte de 1000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
‘ condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development, dans un délai d’un mois à compter de sa signification, à mettre en ‘uvre un procédé de calfeutrement des marches de l’escalier métallique accédant à l’établissement Eight Rooftop ; ajoutant qu’à défaut d’exécution, passé ce délai, la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development seraient condamnées in solidum au paiement d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
‘ condamné in solidum la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development au principe de cessation du bruit par fermeture, de quelque nature qu’elle soit, chaque jour ; ajoutant qu’à défaut d’exécution passé ce délai, la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development seraient condamnées in solidum au paiement d’une astreinte de 1000 euros par infraction constatée par huissier de justice ;
– infirme l’ordonnance entreprise sur l’étendue de l’interdiction d’ouverture et le principe d’allouer une provision et, statuant à nouveau :
‘ à titre principal, qu’elle condamne la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à cesser toute activité de bar/rooftop outre toute activité de restauration sur la parcelle sise Section AS n°[Cadastre 2] sise [Adresse 3] ;
‘ à titre subsidiaire, qu’elle condamne la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à cesser toute activité à partir de 20 heures ;
‘ à titre infiniment subsidiaire, qu’elle condamne la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à cesser toute activité à partir de 21 heures ;
‘ en toute hypothèse, qu’elle :
‘ déboute la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development de l’ensemble de leurs demandes principales et subsidiaires ;
‘ condamne solidairement la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à lui verser la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son préjudice moral et de jouissance de sa propriété ;
‘ condamne solidairement la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development à lui verser la somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
‘ condamne solidairement la SARL Les Compagnons du Design et la SAS Rooftop Development aux entiers dépens.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 24 janvier 2023.
A l’audience, le président a invité le conseil des appelantes à préciser s’il sollicitait bien l’infirmation de la décision sur les chefs concernant les aménagement ordonnés, qu’il avait lui-même suggérés en première instance, à savoir la limitation d’accès des véhicules au delà de 20 heures et la mise en oeuvre d’un procédé de calfeutrement des marches métalliques de l’établissement ‘Eight Rooftop’.
Elle a donc invité les parties, si elles l’estimaient utile, à lui faire parvenir une note en délibéré sur ce point précis.
Par note en délibéré transmise le 15 février 2023, le conseil des appelantes a repri le dispostif de ses dernières conclusions en remplaçant dans son ‘statuant à nouveau’ l’intitulé du paragraphe ‘sur les demandes au titres des mesures utiles’ par ‘sur les demandes au titre des mesures conservatoires’, paragraphe dans lequel il a simplement supprimé les mentions : ‘à titre principal’ et ‘à titre subsidiaire et en tant que de besoin’.
Par soit-transmis envoyé au greffe le 16 février 2023, le conseil de l’intimé a indiqué à la cour qu’il n’entendait formuler aucune observation sur la note en délibéré transmise par son contradicteur.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
L’article 122 du même code dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’action en référé intentée par M. [PE] vise à faire cesser le trouble manifestement illicite qu’il allègue, trouble constitué par les nuisances sonores générées par l’exploitation de l’établissement ‘Eight Rooftop’.
Ce bar-restaurant est exploité par la SAS Rooftop Development en vertu d’un bail commercial signé avec la SCI Les Compagnons le 18 juillet 2019. Cette société est seule titulaire de la licence 4 qu’elle a rachetée à la SCI Jemi, ce transfert ayant été autorisé par un arrêté préfectoral du 29 août 2019.
La SARL Les Compagnons du Design n’est ni l’exploitant de l’établissement ni le bailleur de la SAS Rooftop Development, contrairement à ce qu’à retenu par erreur le premier juge. Si elle a déposé une déclaration de travaux le 23 mai 2019, la SARL Les Compagnons du Design a repris lesdits travaux à son compte dans les suites de son immatriculation, intervenue le 29 mai suivant, en sollicitant des autorisations d’urbanisme, le 18 juillet suivant, et en déposant une nouvelle déclaration le 9 août 2019.
La SARL Les Compagnons du Design n’a donc pas qualité à défendre dans le cadre de la présente action de sorte que toutes prétentions émises à son encontre doivent être déclarées irrecevables.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a rejeté sa demande formulée de ce chef.
Sur le trouble manifestement illicite
Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu’il constate.
Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d’être qualifié de manifestement illicite au sens de l’article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l’évidence requise.
Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s’exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). Ainsi l’anormalité du trouble de voisinage s’apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s’en prévaut.
Le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.
Ainsi, en application de l’article L 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article R 1336-5 du même code dispose que, de manière générale, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.
En outre, l’article R 1336-4 du même code renvoie en son dernier alinéa aux articles R 571-25 et suivants du code de l’environnement, s’agissant des prescriptions applicables en matière de lutte contre le bruit aux lieux ouverts au public ou recevant du public accueillant des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.
L’article R 1336-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. L’article suivant dispose que si le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.
En vertu de l’article R 1336-7 du code de la santé publique, l’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.
L’article R 571-25 du code de l’environnement dispose que, sans préjudice de l’application de l’article R 1336-1 du code de la santé publique, l’exploitant du lieu, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal d’une activité se déroulant dans un lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, et impliquant la diffusion de sons amplifiés est tenu de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies dans la présente sous section.
Aux termes de l’article R 571-26 alinéa 1 du code de l’environnemnent, les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.
L’article R 571-27 du même code précise :
I. ‘ L’exploitant, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal du lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, accueillant à titre habituel des activités de diffusion de sons amplifiés, ou le responsable d’un festival, est tenu d’établir une étude de l’impact des nuisances sonores visant à prévenir les nuisances sonores de nature à porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.
II. ‘ L’étude de l’impact des nuisances sonores est réalisée conformément à l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Elle étudie l’impact sur les nuisances sonores des différentes configurations possibles d’aménagement du système de diffusion de sons amplifiés. Elle peut notamment conclure à la nécessité de mettre en place des limiteurs de pression acoustique dans le respect des conditions définies par l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Cette étude doit être mise à jour en cas de modification des aménagements des locaux, de modification des activités, ou de modification du système de diffusion sonore, non prévus par l’étude initiale.
III. ‘ En cas de contrôle, l’exploitant doit être en mesure de présenter le dossier d’étude de l’impact des nuisances sonores aux agents mentionnés à l’article L. 571-18.
Aux termes de l’article 17 du cahier des charges du lotissement ‘[Adresse 5]’ dont il n’est pas contesté qu’il régit l’ensemble de la zone, y compris sa partie commerciale, l’usage de moyens de reproduction sonore doit rester discret : après 22 heures, cet usage est absolument interdit hors des habitations.
Le ‘rapport d’essai’ de la SAS APAVE Sud-Europe évaluant l’émergence dans la chambre et le jardin de la maison la plus proche de l’établissement avec une ‘sonorisation en réglage max’, établi le 6 août 2019 à la demande de M. [UB], a mis en évidence des valeurs dépassant les maximales autorisées par le décret du 7 août 2017. Cet organisme a donc préconisé d’équiper la salle d’un limitateur ou d’adapter la sonorisation afin de gérer les niveaux par bandes de fréquences.
Il s’induit de l’attestation de la société Samba Musique Hifi, établie le 3 juin 2021, que la SAS Rooftop Development ne s’est conformée à cette obligation qu’après deux saisons d’exploitation en faisant installer et sceller un limitateur de niveau sonore de type AMIX SNA50-2-R. Une facture de la même entreprise, datée du 3 décembre 2022 et donc postérieure de six mois à l’ordonnance entreprise, atteste qu’elle a ensuite fait remplacer ce dispositif par un limitateur, a priori plus efficient, puisque référencé SNA70.
Le procès-verbal de constat dressé le 23 juillet 2021 par Maître [D], huissier de justice à [Localité 7], établit que la distance entre l’établissement ‘Le Eight Roof Top’ et la clôture du jardin de M. [PE] est de 11,4 mètres et que ce dernier donne sur le parking de l’établissement.
Muni d’un sonomètre, cet officier ministériel a relevé :
– sur la terrasse de la maison de M. [PE] : un bruit de fond permanent provenant du bar (musique, discussions, rires) dont le volume maximum atteignait 48,9 dB à 22 heures 50, ledit volume étant porté à 50,9 dB cinq minutes plus tard par l’arrivée d’un véhicule sur le parking et à 49,9 dB par un éclat de rire provenant de l’établissement ;
– dans le jardin de M. [PE], un bruit de fond de 46,3 dB puis des poussées à :
‘ 53,6 dB à 23 heures 55 du fait de la sortie d’un client ;
‘ 62 dB à 23 heures 57 du fait de la discussions de clients sur le parking ;
‘ 56,2 dB à 23 heures 58 du fait de la descente des marches métalliques par plusieurs clients ;
‘ 53,3 dB à 00 heures 07 du fait de discussions entre plusieurs clients sur le parking et du démarrage d’un véhicule ;
‘ 55,4 dB à 00 heures 10 en raison de la sortie de plusieurs autres clients ;
– chez M. [LG], voisin du précité, un bruit de fond de 46,4 dB, avec des basses nettement audibles à 23 heures 20, puis une saillie à 69,6 db à 23 heures 30 du fait du démarrage d’une motocyclette.
Les procès-verbaux de constats dressés les 1er juillet et 9 septembre 2022 par maîtres [H] et [R], commissaires de justice, font état de nuisances sonores du même type qui perduraient au départ de ces officiers ministériels, au delà de 22 heures 30, l’établissement demeurant ouvert, mais n’ont pas été mesurées. Celui du 1er octobre 2022, établi par maître [G], fait état, par vent fort de Nord-Ouest, de 70 dB en moyenne avec des pics à 80 dB et donc largement incommodants.
Il résulte de ces éléments, rapprochés du fait que le ‘Eight Rooftop’ est le seul établissement ‘de nuit’ situé dans cette partie de la zone commerciale, en limite immédiate du lotissement pavillonaire et à moins de 15 mètres des premières habitations, les autres commerces étant exclusivement diurnes, que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette installation a incontestablement entrainé des émergences sonores de nature à troubler la tranquillité des riverains. Ils mettent également en exergue que, pour en apprécier l’impact, l’on ne peut se contenter de raisonner par référence à la seule sonorisation de la terrasse mais qu’il échet, comme convenu par l’ensemble des parties, de prendre en considération les émergences sonores engendrées par les discussions sur le parking, les éclats de rires générés par l’ambiance festive et la consommation d’alcool mais aussi les démarrages des automobiles et motocyclettes des clients et personnels.
La diffusion d’une musique, fût-elle d’ambiance, par l’établissement ‘Eight Rooftop’ au-delà de 22 heures, le bar s’affichant sur internet comme ouvert jusqu’à minuit ou 00 heures 30, contrevient à l’évidence aux dispositions de l’article 17, précité, du cahier des charges du lotissement. Il ne saurait en effet être raisonnablement soutenu qu’une terrasse à ciel ouvert peut être considérée comme un ‘intérieur’ et ce, d’autant que toutes les photographies jointes au dossier attestent que la pergola n’est jamais fermée, à tout le moins par beau temps. Le trouble causé aux riverains par ce fond sonore est donc manifestement illicite au sens des dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile.
Reste la question de savoir si les autres émergences relevées par l’huissier, et dont le caractère nouveau pour des résidents de longue date du lotissement ne saurait être sérieusement discuté, constituent des troubles du voisinages. Sur ce point, outre les constatations des commissaires de justice, qui traduisent bien, de part leur temporalité et leurs termes, des situations à l’évidence contrariantes et potentiellement stressantes, il résulte des attestations, mains courantes et certificats médicaux versés aux débats qu’elles impactent directement la tranquillité ainsi que la santé physique et mentale des résidents, lesquels n’ont pas d’autre choix que de les subir. C’est ainsi que :
– M. [N] [S], âgé de 88 ans, a attesté, en août 2020, que son épouse et lui-même étaient inquiets, stressés et (vivaient) dans l’angoisse depuis un an ;
– le 29 août 2020, Mme [J] [X] et Mme [F] [Y] ont enregistré une main courante, pour tapage nocturne, auprès du commissariat de [Localité 7], les désagréments précédemment cités s’étant doublés, dans la nuit du 26 au 27 août 2020, de vociférations sur la voie publique et menaces verbales de clients du bar, fortement alcoolisés vers les habitants voisins ;
– le 23 juillet 2021, M. [I] [X] a également fait enregistrer une main courante, pour tapage nocturne jusqu’à 00 heures 30, la nuit précédente, puis a confirmé, par attestation du 13 août suivant, la constance des nuisances dénoncées ;
– le 10 août 2021, le docteur [LX] a établi un certificat médical aux termes duquel M. [RL] [LX] présentait des symptômes de fatigue chronique et se (plaignait) d’angoisses au quotidien et de troubles du sommeil qu’il (rattachait) à la présence d’un bar nocturne situé derrière son domicile ;
– le 6 août 2020, M. [AH] [PV], âgé de 64 ans, a attesté que, deux jours plus tôt, en promenant son chien à 21 heures 30, il avait entendu des nuisances sonores, musiques, cris, en provenance du bar lounge, ce qu’il qualifiait d’inadmissible eu égard à la proximité des habitations ;
– le 6 septembre 2021, Mme [L] [TK] épouse [ET] a attesté que, deux jours auparavant, elle avait constaté en passant devant le bar un grand vacarme de musique, personnes qui parlent fort et cris ;
– le 7 août 2020, M. [K] [LG] a attesté que le 5 août précédent, sa famille et lui avaient dû, de 21 heures 15 à 1 heures 45 subir, à l’intérieur de leur domicile, les nuisances provoquées par les clients du bar : voix de jeunes femmes, voitures au démarrage intempestif, bruits de portes, musique amplifiée du bar et autoradios de clients dans leur voiture, conversations très animées … : par deux nouvelles attestations, datée des 14 septembre 2021 et 10 juillet 2022, ce voisin a confirmé la persistance des troubles en mettant notamment l’accent sur les nuisances inhérentes au départ, parfois accompagnés de coup de klaxon, des clients et salariés à la fermeture de l’établissement ;
– le 9 août 2020, Mme [P] [PE] épouse [YP], fille de l’intimé, a attesté qu’à l’occasion d’une ‘soirée barbecue’ dans le jardin de ce dernier, le 31 juillet précédent, elle et ses enfants ont été à ce point dérangés par les conversations des clients du bar, entendues distinctement, les éclats de rire et cris, qu’ils ont décidé d’interrompre leur propre soirée à 22 heures 30 ;
– le 16 août 2022, Mme [GS] [XZ], épileptique et physiquement affectée par la situation, a témoigné qu’elle et son mari, M. [PE], ne sortaient plus et ne dînaient plus sous la tonnelle de leur jardin, en soirée, du mois de mai à la fin septembre de chaque année depuis l’ouverture de l’établissement : l’état de stress et de fatigue qu’elle décrit dans ce document sont médicalement attestés par un certificat établi, le 8 septembre 2022, par le docteur [U] [A], selon lequel les nuisances sonores alléguées par sa patiente entraînent chez l’intéressée un stress majeur générant d’avantage de crises d’épilepsie et un état anxieux quasi-constant, lesquels ont nécessité la prescription de traitements … augmentés selon les périodes ; ce diagnostic et notamment le risque d’aggravation de l’état de santé de cette patiente par le manque de sommeil, est confirmé par des certificats rédigés les 10 août 2020, 25 août, 6 et 24 novembre 2022, par les docteurs [LX], [E] et [V] ;
– M. [JH] [C] atteste, le 17 août 2022, que depuis sa terrasse située à l’arrière de sa maison, il entend des rires, éclats de voix provenant du Rooftop ;
– Mme [F] [Y], âgée de 78 ans, a attesté que le 13 août 2022, à 23 heures passées, (elle a été) réveillée par le bruit provoqué par la remise en place de la chaîne métallique au bas de l’escalier du ‘Eight Rooftop’ par le personnel, le bruit d’une portière et le départ d’un véhicule : elle avait déjà dénoncé des faits similaires, le 24 juillet 2022, ajoutant qu’elle avait même pensé à déménager pour fuir ces ‘incivilités’, ayant seulement été dissuadée par son âge ;
– le docteur [E], a attesté dans un certificat en date du 20 septembre 2022, qu’elle avait dû prescrire à M. [B] [PE] un traitement anxiolitique à deux reprises en juillet 2021 et juillet 2022 pour un état de stress mis sur le compte de nuisances sonores par le patient.
Il résulte, avec l’évidence requise en référé, de l’ensemble de ces éléments, pluriels, variés, précis, circonstanciés et concordants, que les nuisances générées par l’exploitation de l’établissement ‘Eight Rooftop’, bar-restaurant de terrasse et donc de plein air, sont constitutives d’une trouble de voisinage. Si son installation même dans une zone commerciale composée de commerces de journée, à quelques mètres seulement des premières habitations mérite d’être questionnée, le caractère anormal dudit trouble est surtout caractérisé, avec l’évidence requise en référé, à partir de 22 heures, heure limite de diffusion de toute ambiance sonore en extérieur, au termes du cahier des charges du lotissement et, surtout, heure d’aspiration légitime de tout le voisinage à un minimum de quiétude, silence et récupération dans les domiciles privés.
C’est donc par une exacte appréciation des circonstances de l’espèce que, par application du principe de proportionnalité, nécessitant de rechercher un équilibre entre la liberté de commercer (et/ou d’entreprendre) et la préservation de la santé physique et psychique des riverains, le premier juge a condamné la SAS Rooftop Development à fermer, dès la signification de son ordonnance, l’établissement Eight Rooftop et cesser tout bruit, de quelque nature qu’elle soit, à compter de 22 heures et jusqu’à 07 heures, chaque jour et ce, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Elle le sera également, s’agissant de moyens utiles à la résolution de troubles particulièrement saillants, pointés par les constats précités, en ce qu’elle a condamné la SAS Rooftop Development, à mettre en oeuvre, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé ce délai :
– un dispositif de limitation d’accès à tout type de véhicule au parking du Eight Rooftop jouxtant la limite de propriété entre leur terrain et celui du demandeur à partir de 20 heures tous les soirs,
– un procédé de calfeutrement des marches de l’escalier métallique accédant à l’établissement ‘Eight Rooftop’, sis [Adresse 3],
le tout sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé ce délai.
Sur la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral et de jouissance de l’intimé
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’absence de constestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, laquelle n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C’est enfin au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L’ensemble des pièces versées aux débats, analysées supra, atteste des nuisances subies par les riverains et plus singulièrement par M. [B] [PE] et son épouse, résidents les plus proches de l’établissement. L’intimé verse d’ailleurs aux débats un certificat médical attestant qu’il a dû être placé sous anxiolitiques à deux reprises alors qu’il n’a eu de cesse de se démener pour que sa souffrance soit prise en considération par les autorités administratives et judiciaires.
Si nul ne plaide par procureur, l’aggravation de l’état de santé de son épouse, telle qu’attestée par les pièces médicales versées aux débats, n’a pu que majorer sa propre souffrance psychique, au vu de son incapacité à lui venir en aide sachant que le couple réside dans le quartier depuis 38 ans alors que le bar restaurant ‘Eight Rooftop’ ne s’y est installé que depuis l’été 2019.
Le droit de M. [PE] de voir indemniser son préjudice moral et de jouissance, tel qu’attestés notamment par l’attestation, précitée, de sa fille, n’est donc pas sérieusement contestable.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a rejeté sa demande formulée de ce chef et la SAS Rooftop Development condamnée à lui verser une provision de 5 000 euros à valoir sur la réparation de ces préjudices.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné la SAS Rooftop Development aux dépens et à payer à [B] [PE] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS Rooftop Development, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il en ira de même, pour des raisons d’équité, pour la société la SARL Les Compagnons du Désign dont la défense était liée à la précitée.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais non compris dans les dépens, qu’il a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 3 000 euros en cause d’appel ;
La SAS Rooftop Development supportera en outre les dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de l’appel ;
Déclare les demandes formées à l’encontre de la SARL Compagnons du Design irrecevables ;
Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a débouté M. [B] [PE] de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral et de jouissance ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Rooftop Development à verser à M. [B] [PE] une provision de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral et de jouissance ;
Condamne la SAS Rooftop Development à verser à M. [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS Rooftop Development et la SARL Compagnons du Design de leurs demandes sur ce même fondement ;
Condamne la SAS Rooftop Development aux dépens d’appel.
La greffière Le président