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Y compris en matière de succession d’artiste décédé, le risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ou de l’un des indivisaires en cas de réalisation immédiate du partage est une condition du sursis à partage et non de l’attribution éliminatoire
En l’espèce, le défaut de risque d’atteinte à la valeur des biens indivis, retenu par le tribunal à raison de l’inexistence de droit de suite sur les cuivres laissés en succession par l’artiste défunt, ne pouvait justifier le rejet de la demande d’attribution éliminatoire sur laquelle le tribunal n’a pas statué au regard des intérêts en présence.
La cour ne peut statuer sur l’attribution éliminatoire en fonction des qualités respectives des demandeurs à l’attribution éliminatoire et des demandeurs au partage quant à leur connaissance du patrimoine artistique du défunt ou leurs actions passées ou futures pour valoriser ledit patrimoine. Il convient en effet d’examiner les intérêts en présence non au regard des qualités personnelles des héritiers mais au regard de l’oeuvre du défunt.
En l’occurrence, il est établi que [M] [HE] était un peintre graveur à renommée internationale, dont les oeuvres s’élevant à plusieurs milliers, ont été pour certaines exposées en France et à l’étranger.
Il a été retrouvé 389 plaques de cuivres gravées par l’auteur, dans son atelier ou chez son imprimeur [F] [L], dont un faible nombre ne permet plus la réalisation d’épreuves. L’immense majorité des cuivres permet donc la réalisation de tirages et certains d’entre eux sont d’ailleurs inconnus du public.
Il résulte du tableau récapitulatif des cuivres retrouvés, établi par M. [Z] [HE] aux fins de proposer une répartition en lots, que l’artiste défunt a maîtrisé le nombre de tirages de chaque gravure, nombre d’entre elles ayant fait l’objet d’un tirage en nombre limité au regard du nombre total d’épreuves possibles.
Le respect de l’oeuvre de [M] [HE], sa diffusion et sa divulgation pour les gravures non encore publiques, exigent que les cuivres gravés ne soient pas dispersés en plusieurs lots mais au contraire réunis afin de contrôler le nombre et la cohérence des tirages futurs le cas échéant.
Les intimés n’établissent pas que la répartition en lots tirés au sort des cuivres gravés permettrait une meilleure promotion et valorisation de l’oeuvre de [M] [HE] que le maintien de son unité et la maîtrise de ses tirages, étant précisé qu’en cas de partage, aucune disposition ne permet d’imposer à chaque alloti le respect d’un règlement tel que les intimés le proposent.
En conséquence, la juridiction a fait droit à la demande d’attribution éliminatoire formée par les appelantes qui demeureront en indivision nonobstant la demande de partage global formulée par les intimés.
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/03/2024
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
ARRÊT du : 12 MARS 2024
N° : – 24
N° RG 19/03086 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GAXW
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance d’ORLEANS en date du 06 Juin 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265251364487003
Madame [P] [HE]
née le [Date naissance 8] 1948 à [Localité 21]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Madame [Y] [HE]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 21]
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Adresse 19]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Madame [N] [HE]
née le [Date naissance 13] 1942 à [Localité 21]
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Adresse 19]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Madame [RH] [HE] épouse [D]
née le [Date naissance 1] 1934 à [Localité 22], décédée le [Date décès 4] 2022 à son domicile
[Adresse 11]
[Adresse 11]
de son vivant représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
D’UNE PART
INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265250583389847
Monsieur [Z] [HE]
né le [Date naissance 12] 1937 à [Localité 22]
[Adresse 17]
[Adresse 17]
ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Ingrid-Mery HAZIOT de la SELEURL IMH, avocat au barreau de PARIS
Madame [E] [HE] épouse [G]
née le [Date naissance 6] 1940 à [Localité 21]
[Adresse 18]
[Adresse 18]
ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Ingrid-Mery HAZIOT de la SELEURL IMH, avocat au barreau de PARIS
PARTIES INTERVENANTES:
Monsieur [O] [D] agissant en sa qualité d’héritier de Mme [RH] [D] née [HE] décédée le [Date décès 4] 2022 à son domicile sis [Adresse 11].
né le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 21]
[Adresse 3]
[Adresse 3] – SUISSE
représenté par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Monsieur [W] [D] agissant en sa qualité d’héritier de Mme [RH] [D] née [HE] décédée lee [Date décès 4] 2022 à son domicile sis [Adresse 11]
né le [Date naissance 9] 1969 à [Localité 21]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
représenté par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du :16 septembre 2019
ARRÊT AVANT DIRE DROIT (EXPERTISE) : 21 septembre 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 9 janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du 22 janvier 2024 à 14h00, l’affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller en charge du rapport, en l’absence d’opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 12 mars 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Exposé du litige
FAITS ET PROCÉDURE
[M] [HE], peintre-graveur, est décédé le [Date décès 14] 1954, laissant pour lui succéder son e’pouse be’ne’ficiaire de l’usufruit le’gal, [I] [HE], et leurs six enfants : [RH], [Z], [E], [N], [Y] et [P] [HE].
[I] [A] est décédée le [Date décès 7] 1997, laissant également pour lui succéder ses six enfants précités.
Par jugement du 4 juillet 2000, le tribunal de grande instance d’Orléans a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [M] [HE] et de son épouse [I] [A], ainsi que de la communauté ayant existé entre eux, et a ordonné une expertise de l’évaluation de l”uvre de [M] [HE] et une expertise immobilière.
Par arrêt du 5 novembre 2001, la cour d’appel d’Orléans a confirmé ce jugement et a ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[X] [A], s’ur de [I] [A], décédée le [Date décès 15] 1983.
Plusieurs expertises sont intervenues jusqu’au jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Orléans, le 23 mai 2006, fixant la créance de restitution due par la succession de [I] [A] à celle de [M] [HE] à la somme de 182 938 euros pour les ‘uvres éditées et vendues post mortem, et ordonnant notamment la licitation des biens immobiliers de la succession.
Des opérations de partage sont intervenues portant sur les biens de [M] [HE], à l’exception des tirages et plaques de cuivre gravées par celui-ci.
Le 5 décembre 2007, Me [B], notaire, a dressé un procès-verbal portant partage partiel, excluant les cuivres gravés par [M] [HE]. Le 3 février 2011, le notaire a établi un procès-verbal de difficultés.
Par ordonnance en date du 9 décembre 2015, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent sur la demande de Mme [RH] [HE] aux fins de production sous astreinte de six carnets de [M] [HE] et d’une liste de bois.
Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal de grande instance d’Orléans a :
Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que :
l’ensemble des droits moraux de l’auteur, alors que le testament dont elles se prévalent n’est pas versé aux débats, et elles doivent être déboutées de leur demande de sursis à partage pour atteinte à la valeur des biens indivis ;
Par déclaration en date du 16 septembre 2019, Mmes [P] [HE], [Y] [HE], [N] [HE] et [RH] [HE] ont interjeté appel du jugement en ce qu’il a :
La cour a interrogé les parties sur l’application éventuelle des dispositions du code civil applicables avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui prévoit que l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne lorsque l’instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de ladite loi. Les parties ont alors établi des notes en délibéré sur ce point.
Par arrêt du 21 septembre 2021, la cour d’appel a ordonné avant dire-droit une expertise confiée à M. [T] [WW], avec pour mission d’évaluer la valeur des cuivres gravés dépendant de la succession de [M] [HE] dans la perspective des opérations de partage successoral, et a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur. L’expert a déposé son rapport le 30 janvier 2023, évaluant la valeur patrimoniale des cuivres gravés à la somme de 91 700 euros.
[RH] [HE] est décédée le [Date décès 4] 2022, laissant pour lui succéder M. [O] [D] et M. [W] [D].
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024, M. [O] [D] et M. [W] [D], ès qualités d’héritiers de [RH] [HE], Mmes [P] [HE], [Y] [HE] et Mme [N] [HE] demandent à la cour de :
Déclarer MM. [O] [D] et [W] [D], Mmes [P] [HE], [Y] [HE] et [N] [HE] recevables et bien fondés en leur appel et t faisant droit :
présenté Mme [RH] [HE] comme demanderesse au partage et ne statue pas sur ses demandes ;
débouté Mmes [P], [Y] et [N] [HE] de leur demande de sursis au partage ;
débouté Mmes [P], [Y] et [N] [HE] de leur demande d’attribution éliminatoire ;
débouté Mmes [P], [Y] et [N] [HE] de leur demande tendant à voir ordonner à [Z] [HE] de remettre au notaire sous astreinte la griffe, les carnets et les manuscrits ;
rejeté en bloc toute contestation relative à l’inégalité du partage en l’état, ne répondant pas aux moyens des concluantes de ce chef ;
débouter Mmes [P], [Y] et [N] [HE] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et dépens ;
Statuant à nouveau,
revenu par le taux d’intérêt actualisé, appliqué aux ventes constatées en fonction des tirages potentiels : 26 000 € ;
prix résiduel des tirages potentiels déduction faite du coût des tirages en fonction des ventes
constatées : 27 165 € ;
prix moyen des tirages non signés différenciés : 39 442 € ;
prix moyen des tirages non signés indifférenciés : 54 849 € ;
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, Mme [E] [HE] et M. [Z] [HE] demandent de :
Et statuant de nouveau,
En conséquence de ce règlement et des listes joints en annexe aux conclusions :
En tout état de cause,
Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.
Motivation
MOTIFS
I- Sur la loi applicable
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que la survie de la loi ancienne n’est pas justifiée en matière d’attribution éliminatoire, dont les dispositions à l’article 824 du code civil sont simplement reprises de l’article 815 alinéa 3 ancien ; qu’il n’y a pas lieu de se départir du principe de l’application de la loi nouvelle au partage des cuivres de [M] [HE], dans les circonstances procédurales de l’espèce, en dépit d’une introduction de l’instance en partage datant de 1998 et du jugement du tribunal de grande instance d’Orléans en date du 4 juillet 2000 ayant ordonné simplement l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [M] [HE] et de son épouse [I] [A], ainsi que de la communauté avant existé entre eux ; que les cuivres ont été sortis des opérations de liquidation-partage ordonnées en 2000 et d’un commun accord ; que l’introduction de l’instance de partage des cuivres dans le cadre de laquelle a été présentée la demande d’attribution éliminatoire date de 2011, de sorte que la règle applicable au litige est l’article 824 nouveau du code civil ; que dans l’hypothèse où la cour jugerait que l’article 824 nouveau du code civil ne serait pas la règle de droit applicable à la demande d’attribution éliminatoire, soit les parties se mettent d’accord sur l’application au litige de l’article 824 du code civil issu de la loi du 23 juin 2006, soit la cour appliquera l’article 815, alinéa 3 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006 ; que la loi applicable au litige soit l’article 824 du code civil issu de la loi du 23 juin 2006 ou l’article 815, alinéa 3 du code civil, leurs demandes des concluantes ont le même fondement juridique et une teneur qui n’est pas affectée par les amendements rédactionnels intervenus lors du projet de loi portant réforme des successions de 2006.
Les intimés indiquent que l’action en partage a été introduite en 1998 et fait l’objet d’un jugement du 4 juillet 2000 et d’un arrêt du 5 novembre 2001 prononçant définitivement la liquidation de l’indivision et le partage des biens immobiliers et mobiliers, ces derniers comprenant des ‘uvres d’art de [M] [HE] ; que le partage de tous les biens successoraux a donc été effectué le 11 avril 2005 par tirage au sort sauf pour les plaques de cuivres gravées, matrices des ‘uvres lithographiques qui ont été écartées faute d’accord unanime sur leur sort ; que la présente instance sur les difficultés de partage des plaques en cuivre, a été introduite en 2011, mais n’est que la suite des opérations de partage intervenues avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi le 1er janvier 2007 ; que du fait du partage de la succession [HE] intervenue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du 23 juin 2006, celle-ci n’est pas applicable ; que les demandes des appelants doivent donc être examinées au regard des anciennes dispositions du code civil se rapportant à l’attribution éliminatoire (article 815 alinéa 3) qui ont cependant apporté peu de changements à celle-ci.
Réponse de la cour
L’article 47 II de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités dispose :
« Les dispositions des articles 2, 3, 4, 7 et 8 de la présente loi ainsi que les articles 116, 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil, tels qu’ils résultent de la présente loi, sont applicables, dès l’entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.
Par dérogation à l’alinéa précédent, lorsque l’instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation ».
En application des dispositions transitoires de la loi du 23 juin 2006, lorsque l’instance a été introduite avant la date d’entrée en vigueur de celle-ci, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-25.468 ; Civ. 1re, 29 mai 2013, pourvoi n° 12-12.730 ; Civ. 1re, 31 mars 2010, pourvoi n° 09-10.154).
Une assignation délivrée sur procès-verbal de difficultés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 ne justifie pas l’application de celle-ci lorsque l’assignation en liquidation partage a été introduite avant l’entrée en vigueur de cette loi (Civ. 1re, 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-25.468).
En l’espèce, l’instance en partage judiciaire a été engagée par assignations des 26 et 28 août 1998 à la demande de M. [Z] [HE], Mme [E] [HE] épouse [G] et Mme [RH] [HE] épouse [D]. Cette instance a donné lieu à l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre [M] [HE] et [I] [A], et de leurs successions.
Les opérations de partage n’ayant pas été clôturées, les cuivres gravés faisant toujours partie de l’indivision successorale, le procès-verbal de difficultés établi le 3 février 2011 se rapporte à l’instance en liquidation et partage introduite en 1998.
Il résulte de ces éléments que la loi du 23 juin 2006 n’est pas applicable à la liquidation de la succession de [M] [HE] de sorte qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions nouvelles relatives au régime légal de l’indivision (articles 815 à 815-18 du code civil) et aux opérations de partage (articles 816 à 842 du code civil), dont certaines sont invoquées par les parties devant la cour.
De même, lorsque la loi du 23 juin 2006 n’est pas applicable à la succession considérée, les articles 1359 à 1381 du code de procédure civile, relatifs à la nouvelle procédure du partage judiciaire issus du décret du 23 décembre 2006, ne sont pas non plus applicables, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 6 novembre 2013, n° 12-16.543 ; 16 décembre 2015, n° 14-20.517).
Les appelants sont donc mal fondés à solliciter l’application de dispositions issues du décret du 23 décembre 2006 dès lors que la loi du 23 juin 2006 n’est pas applicable à la liquidation de la succession de [M] [HE].
II- Sur la recevabilité de la demande d’attribution éliminatoire
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que l’attribution éliminatoire est une modalité de partage, qui peut donc être présentée en tout état de cause ; que n’aboutissant qu’à un partage partiel au moyen de l’allotissement de certains indivisaires qui le demandent, elle ne remet pas en cause un jugement qui a seulement ordonné le partage des biens indivis, mais n’a pas ordonné la licitation des cuivres ; qu’il est infondé de prétendre que le partage d’autres biens mobiliers par le passé exclurait l’attribution éliminatoire des cuivres, l’attribution éliminatoire étant recevable tant qu’il subsiste une indivision, quelle que soit la nature des biens restant à partager ; que seule pourrait être opposée à une demande d’attribution éliminatoire, l’autorité de la chose jugée par une décision de justice qui aurait prescrit des modalités de partage précises des cuivres ou fixé de manière irrévocable la composition de la masse à partager en y incluant expressément les cuivres litigieux ; que le jugement du tribunal de grande instance du 4 juillet 2000 et l’arrêt de la cour d’appel du 5 novembre 2001 ont simplement ouvert les opérations de liquidation et partage et aucune décision n’a fixé la composition de lots relativement aux cuivres, seuls des immeubles ayant été l’objet d’un ordre de licitation ; que les demandeurs au partage ne peuvent pas soutenir le contraire puisqu’ils présentent eux-mêmes des demandes de partage des cuivres par tirage au sort des lots, à défaut d’acceptation de la proposition de répartition par lots de M. [Z] [HE] ; que les intimés ne peuvent donc pas soutenir qu’un jugement définitif a fixé les modalités de partage ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande d’attribution éliminatoire, ce qui devra toutefois être étendu aux demandes identiques de Mme [D] qui étaient laissées à l’écart par le jugement déféré ayant statué infra petita.
Les intimés répliquent que lorsque le partage avait été ordonné par un jugement antérieur définitif, la demande d’attribution éliminatoire doit être rejetée automatiquement ; qu’en l’espèce, la demande d’attribution éliminatoire viole l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt dé’nitif de la cour d’appel d’Orléans du 5 novembre 2001 qui a ordonné la liquidation et le partage de tous les biens composant les successions des époux [HE], et ce compris les 389 plaques de cuivres gravées qui restent encore non attribuées ; qu’il est de jurisprudence constante que l’attribution éliminatoire ne peut être demandée que si aucun partage n’a été effectué ; qu’à partir du moment où il a déjà été mis fin à l’indivision par un partage partiel des biens en commun, les dames [HE] ne peuvent plus demander l’attribution éliminatoire qui aurait dû être demandée préalablement à tout partage et avant toute opération de division du patrimoine commun aux indivisaires ; que l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 5 novembre 2001 a ordonné sans réserve ni condition la liquidation et le partage de tous les biens composant les successions des époux [HE] ; que le 11 avril 2005, par application du jugement, les héritiers [HE] ont déjà procédé au partage d’une partie des biens mobiliers de la succession, sous le contrôle du commissaire-priseur Me [V] ; que depuis cette date, seules les plaques de cuivre gravées restent en indivision entre les six enfants [HE] ; que le jugement du 5 novembre 2001 a donné lieu à un partage partiel de l’indivision
en 2005 sans attribution éliminatoire, excluant de ce fait le recours à l’attribution éliminatoire comme modalité de partage aujourd’hui ; qu’il est donc demandé à la cour de réformer le jugement et de déclarer irrecevables les consorts [HE] et [D] dans leur demande d’attribution éliminatoire.
Réponse de la cour
L’application de l’article 815, alinéa 3 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui permet de maintenir l’indivision entre certains indivisaires en aboutissant aussi à l’allotissement de certains autres, et donc à la réalisation d’un partage partiel, n’est pas contraire aux dispositions d’une décision judiciaire antérieure, même passée en force de chose jugée, qui se borne à ordonner le partage des biens indivis, sans prescrire de licitation préalable, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 7 juin 1995, n° 93-14.766).
En l’espèce, la liquidation-partage de la succession de [M] [HE] a été ordonnée par jugement du tribunal de grande instance d’Orléans en date du 4 juillet 2000, confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Orléans en date du 5 novembre 2001.
La décision initiale ordonnant la liquidation-partage de la succession qui n’a pas prévu de licitation, ne fait donc pas obstacle, à une demande de maintien dans l’indivision de certains indivisaires à la suite de l’attribution éliminatoire effectuée en faveur de l’un d’eux et qui ne constitue qu’une opération de partage.
Les intimés n’allèguent ni ne justifient que l’actif de la succession aurait fait l’objet d’un partage total et définitif de nature à rendre impossible le partage partiel qu’implique le mécanisme de l’attribution éliminatoire. Le fait que les co-indivisaires aient déjà procédé à un partage partiel des biens de la succession, à l’exclusion des plaques de cuivres gravées, ne rend donc pas irrecevable une demande de maintien dans l’indivision portant sur celles-ci, dès lors que certains indivisaires sollicitent un partage global incluant les biens non encore partagés, et que d’autres souhaitent rester dans l’indivision sur ceux-ci.
Par ailleurs, l’attribution éliminatoire ayant été édictée dans le seul intérêt des parties souhaitant rester dans l’indivision, celui qui est à l’initiative de la demande en partage ne peut s’en prévaloir (Civ. 1re, 28 novembre 2007, n° 06-18.490).
La demande de partage global émanant des intimés, les appelants sont recevables à solliciter le maintien dans l’indivision pour les biens non encore partagés. La demande d’attribution éliminatoire est donc recevable et le jugement sera donc confirmé de ce chef.
III- Sur la demande d’attribution éliminatoire
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que la construction intellectuelle des intimés repose surtout sur un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1991 dans l’affaire [C], en prétendant qu’il s’agirait d’une solution particulièrement
applicable et la solution naturelle en cas de mésentente entre héritiers ; que c’est toutefois l’institution de l’attribution éliminatoire qui a pour objet de régler une mésentente dans une succession complexe ; que le partage total n’a aucun sens au regard de la fonction des cuivres pour produire ou authentifier des tirages, si ce n’est au regard de la défense des droits de propriété intellectuelle ; que les intimés ne peuvent pas prétendre que le partage total des cuivres répondrait à une logique patrimoniale, puisque selon eux nul n’entend vendre les plaques de cuivre gravées qui n’ont en soi aucune valeur et sont soumises à aucune fluctuation de valeur sur le marché de l’art ; qu’il importe de considérer que le partage des cuivres pris en tant que supports corporels et matériels d’une ‘uvre d’art et ‘uvres d’art originales de la main de l’artiste, ne répond à aucune logique du point de vue de la nécessité d’assurer l’exploitation et la protection d’une ‘uvre dont la valeur doit être ainsi préservée unitairement ; que les conclusions des demandeurs au partage ne justifient nullement leur prétention que [M] [HE] aurait eu la volonté de partager les cuivres, par référence à sa propre pratique ; que les écritures des consorts [G]-[HE] ne justifient pas non plus en quoi les gravures de l’artiste ne nécessiteraient pas une protection et une exploitation unitaires et que celle-ci serait impossible à mettre en place ; que les intimés prétendent postuler l’interdiction de procéder aux tirages d’estampes sans l’accord des autres héritiers, tout en affirmant au contraire qu’à la faveur du partage, chacun pourra procéder aux tirages qu’il souhaite ; que les cuivres ont une place très à part dans les arts, puisqu’à la différence d’une statue ou d’une ‘uvre peinte, ce sont des matrices dont la création artistique s’exprime dans des tirages multiples, de sorte que leur partage n’a guère de sens en soi, indépendamment de la question de savoir si ce sont des ‘uvres ou pas au regard du code de la propriété intellectuelle ; que les cuivres restent les matrices indispensables à l’authentification des tirages existants et à de nombreux tirages restant à réaliser ; que la dispersion des cuivres va permettre à M. [Z] [HE], unique détenteur de la griffe et des carnets de l’artiste, et les consorts de celui-ci, de procéder à leur discrétion à des tirages sans aucune possibilité de contrôle effectif par les autres héritiers de la volonté réelle de l’artiste, alors que la divulgation des ‘uvres méconnues du public et le retirage des autres cuivres en dépendent et que le nombre de tirages fixés par [M] [HE] conditionnent aussi bien la valeur des tirages et cuivres sur le marché de l’art, que le contrôle judiciaire de l’égalité même du partage des cuivres ; que l’attribution éliminatoire permettra de soulager la succession des conflits entretenus par une minorité d’indivisaires.
Les intimés répliquent que saisi d’une demande d’attribution éliminatoire, le juge doit estimer les intérêts en présence ; que l’intérêt qui doit prévaloir est celui de la préservation et de la valorisation de l’oeuvre de l’artiste d’une part, en exploitant de manière cohérente et stratégique les plaques de cuivre qui sont les matrices d’estampes ou de gravures pouvant circuler sur le marché de l’art, d’autre part, en organisant des actions de promotion de l’apport esthétique de l’artiste ; qu’ils ont démontré par leurs actions, par leur connaissance experte des techniques et de la composition du patrimoine artistique, par leur proposition solide de règlement de partage équitable, et de transparence dans les règles de gouvernance des tirages, qu’ils étaient les mieux placés pour mener à bien cette tâche, tout en permettant aux co-héritiers de profiter de leurs parts des cuivres ; qu’une telle démonstration
n’est pas rapportée par les consorts [HE]-[D] qui se livrent à un procès d’intention virulent à leur encontre ayant pour objectif de les priver de la jouissance de leurs lots sur les cuivres par une compensation en valeur dérisoire ; que les consorts [HE]-[D] confondent les supports originels, matrice des ‘uvres des ‘uvres restant à éditer, avec les droits patrimoniaux et moraux sur les ‘uvres ainsi éditées, en méconnaissance de la règle cardinale énoncée à l’article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle ; que les droits de propriété intellectuelle sur l’ensemble des ‘uvres existantes de [M] [HE] sont donc préservés, quelque soient les modalités de partage des matrices supports ; qu’en revanche, il est nécessaire de réguler les tirages pour maintenir la cote de l’artiste sur le marché de l’art et donc sa renommée dont les héritiers sont aussi les gardiens ; que les appelants peuvent préférer rester dans une indivision entre eux avec leurs lots, mais même dans cette solution, il faut bien adopter une solution de partage et un règlement de contrôle des tirages valable pour l’ensemble des parties, afin d’éviter justement de rompre la valorisation de l’unicité du patrimoine qu’elles prétendent, sans preuves, poursuivre efficacement ; que la cour confirmera, conformément à son appréciation des intérêts en présence, le débouté des appelants de leur demande d’attribution éliminatoire en valeur.
Réponse de la cour
La demande d’attribution éliminatoire doit être examinée avant la demande de partage formée par les intimés.
Le procès-verbal de difficultés relatait les dires de M. [Z] [HE] et de Mme [E] [HE] comme suit :
« Ils demandent l’application du jugement déjà rendu ordonnant le partage des cuivres en l’état et contre lequel aucune observation n’a été faite, et déclarent être d’accord sur la répartition des cuivres en six lots (selon document joint) en vue de ce partage, sans aucune condition ».
Le dire de Mmes [P], [Y] et [N] [HE], annexé au procès-verbal de difficultés était ainsi rédigé :
« Mesdemoiselles [P], [Y] et [N] [HE] se permettent de penser que leur père [M] [HE] préfèrerait que ses cuivres demeurent tous réunis. C’est dans cet esprit que nous ne souhaitions ne pas dissocier l’ensemble des cuivres en lots.
Après constatation des difficultés de demeurer dans cette situation et après réflexion, nous envisageons la solution d’un partage en 6 lots, ce partage pouvant être la répartition faite par M. [HE], en précisant qu’un certain nombre de cuivres apparaissant sur cette répartition, n’ont pas été remis au coffre comme il en avait été décidé lors de la réunion précédente.
Ce que nous demandons avant ce partage :
Le dire de Mme [RH] [HE], annexé au procès-verbal de difficultés mentionnait notamment :
« Dans la mesure où les 6 héritiers ne sont pas d’accord sur le partage des cuivres, il est entendu que la décision du tribunal ordonnant ce partage doit être exécutée, à moins qu’une unanimité des héritiers se fasse autour de l’idée de garder les cuivres ensemble dans une forme à dé’nir entre nous ce jour.
[‘]
S’il est acté ce jour que garder les cuivres en indivision est impossible, voilà ce que je propose d’éviter avant tout, pour le respect de l”uvre de LJS :
Pour satisfaire les personnes qui souhaitent disposer d’un lot de cuivres physiques chez eux, je propose :
[‘]
Cette proposition permet à ceux qui souhaitent aller au bout des tirages de leur lot de le faire, à ceux qui ne souhaitent pas que des tirages de leur lot soient réalisés de figer leur lot et elle permet en’n de se garantir de tout tirage sauvage dans l’avenir.
[‘]
Pour conclure, je dirai que les six enfants sont aujourd’hui responsables de l”uvre car personne ne peut présumer de ce qu’aurait décidé LJS dans la situation actuelle et mon intime conviction reste que LJS n’aurait pas souhaité un partage des cuivres risquant de nuire à son ‘uvre par la perte du contrôle des tirages futurs.
Mes propositions intéressent exclusivement la protection de l”uvre ».
Il résulte du procès-verbal de difficultés et des dires des parties que le litige porte sur le partage des cuivres gravés par [M] [HE]. Mmes [P], [Y] et [N] [HE] ont formé une demande d’attribution éliminatoire auprès du tribunal afin que les cuivres, carnets, notes et griffes de [M] [HE] demeurent en indivision, à laquelle [RH] [HE] s’était ralliée en cause d’appel, avant que ses héritiers fassent de même à la suite de son décès.
L’article 815 alinéa 3 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006, dispose :
« En outre, si des indivisaires entendent demeurer dans l’indivision, le tribunal peut, à la demande de l’un ou plusieurs d’entre eux, en fonction des intérêts en présence, et sans préjudice de l’application des articles 832 à 832-3, attribuer sa part, après expertise, à celui qui a demandé le partage, soit en nature, si elle est aisément détachable du reste des biens indivis, soit en argent, si l’attribution en nature ne peut être commodément effectuée, ou si le demandeur en exprime la préférence ; s’il n’existe pas dans l’indivision une somme suffisante, le complément est versé par ceux des indivisaires qui ont concouru à la demande, sans préjudice de la possibilité pour les autres indivisaires d’y participer s’ils en expriment la volonté. La part de chacun dans l’indivision est augmentée en proportion de son versement ».
Il appartenait au tribunal de statuer sur cette demande d’attribution éliminatoire en fonction des intérêts en présence. Or, le jugement a statué par les mêmes motifs sur la demande de sursis au partage relevant de l’alinéa 2 de l’article 815 du code civil dans sa version applicable, et sur la demande d’attribution éliminatoire relevant de l’alinéa 3 de ce même article,
en estimant que le tribunal a ordonné le partage en 2000 et que les cuivres ne peuvent faire l’objet du droit de suite. Cependant, la demande de sursis à partage, non maintenue devant la cour, et la demande d’attribution éliminatoire constituent deux prétentions distinctes.
Le risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ou de l’un des indivisaires en cas de réalisation immédiate du partage est une condition du sursis à partage et non de l’attribution éliminatoire. Le défaut de risque d’atteinte à la valeur des biens indivis, retenu par le tribunal à raison de l’inexistence de droit de suite sur les cuivres, ne pouvait justifier le rejet de la demande d’attribution éliminatoire sur laquelle le tribunal n’a pas statué au regard des intérêts en présence.
La cour ne saurait statuer sur l’attribution éliminatoire en fonction des qualités respectives des demandeurs à l’attribution éliminatoire et des demandeurs au partage quant à leur connaissance du patrimoine artistique du défunt ou leurs actions passées ou futures pour valoriser ledit patrimoine. Il convient en effet d’examiner les intérêts en présence non au regard des qualités personnelles des héritiers mais au regard de l’oeuvre du défunt.
Il est établi que [M] [HE] était un peintre graveur à renommée internationale, dont les ‘uvres s’élevant à plusieurs milliers, ont été pour certaines exposées en France et à l’étranger. Il a été retrouvé 389 plaques de cuivres gravées par l’auteur, dans son atelier ou chez son imprimeur [F] [L], dont un faible nombre ne permet plus la réalisation d’épreuves. L’immense majorité des cuivres permet donc la réalisation de tirages et certains d’entre eux sont d’ailleurs inconnus du public.
Il résulte du tableau récapitulatif des cuivres retrouvés, établi par M. [Z] [HE] aux fins de proposer une répartition en lots, que l’artiste défunt a maîtrisé le nombre de tirages de chaque gravure, nombre d’entre elles ayant fait l’objet d’un tirage en nombre limité au regard du nombre total d’épreuves possibles.
Le respect de l’oeuvre de [M] [HE], sa diffusion et sa divulgation pour les gravures non encore publiques, exigent que les cuivres gravés ne soient pas dispersés en plusieurs lots mais au contraire réunis afin de contrôler le nombre et la cohérence des tirages futurs le cas échéant.
Les intimés n’établissent pas que la répartition en lots tirés au sort des cuivres gravés permettrait une meilleure promotion et valorisation de l’oeuvre de [M] [HE] que le maintien de son unité et la maîtrise de ses tirages, étant précisé qu’en cas de partage, aucune disposition ne permet d’imposer à chaque alloti le respect d’un règlement tel que les intimés le proposent.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande d’attribution éliminatoire formée par les appelantes qui demeureront en indivision nonobstant la demande de partage global formulée par les intimés.
IV- Sur la part à attribuer à M. [Z] [HE] et Mme [E] [HE]
Au regard des motifs précités tenant au respect de l’oeuvre de [M] [HE], justifiant que les cuivres gravés ne soient pas dispersés en plusieurs lots mais au contraire réunis afin de contrôler le nombre et la cohérence des
tirages futurs, il convient de considérer que la part revenant aux indivisaires ayant sollicité le partage ne peut être effectuée en nature, et doit donc être attribuée en argent.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions récapitulatives, M. [Z] [HE] et Mme [E] [HE] ne forment aucune demande relative à la part à leur attribuer en cas d’attribution éliminatoire. Il n’en demeure pas moins, qu’en application de l’article 815 alinéa 3 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006, la cour doit leur attribuer leur part, après expertise, dès lors que les autres indivisaires ont entendu demeurer dans l’indivision.
Les appelants contestant la valeur patrimoniale des cuivres gravés de 91 700 euros retenue par l’expert judiciaire, demandent à la cour de fixer la valeur de la part de M. [Z] [HE] et de la part de Mme [E] [HE] à une somme qui ne peut excéder le sixième de l’une des méthodes d’évaluation suivantes :
Il y a lieu d’examiner les différentes valeurs calculées par l’expert judiciaire au regard des contestations des parties exprimées notamment dans leurs dires au cours des opérations d’expertise.
Il convient toutefois de relever, ainsi que l’expert judiciaire l’a souligné, le caractère inédit de l’expertise prononcée concernant des cuivres gravés, qui n’ont pas en soi de valeur commerciale, mais qui sont le support d’une ‘uvre destinée à faire l’objet de tirages par un imprimeur.
L’expert judiciaire a dégagé trois approches permettant d’estimer la valeur des 389 plaques de cuivres de [M] [HE], dépendant de son actif successoral, qui seront examinés ci-après avec les critiques formulées par les parties au cours des opérations d’expertise.
1- Valeur des matériaux
Selon cette approche, les cuivres gravés seraient évalués selon la seule valeur des matériaux soit 400 kg de cuivre d’une valeur totale de 2 948 euros. Ainsi que l’a justement relevé l’expert, judiciaire, cette approche ne peut être retenue, car elle ne prend en compte que le matériau sans considération pour la valeur artistique des cuivres et du travail de [M] [HE]. Aucune partie n’a d’ailleurs souhaité retenir ce mode d’évaluation.
2- Valeur potentielle de tirage
Cette approche vise à déterminer la valeur des cuivres gravés en s’intéressant à la valeur potentielle de tirage, dans le cadre d’une exploitation commerciale, déduction faite du coût des tirages et des frais d’intermédiaire.
L’expert a retenu un nombre de tirages restant de 6 350, ce qui n’a pas été contesté. Il a ensuite déterminé la valeur commerciale supposée de ces 6 350 tirages restants. Pour ce faire, l’expert a rappelé que selon le rapport
d’expertise précédent du 21 septembre 2001 de Mme [CP], la valeur unitaire d’une estampe de [M] [HE] avait été évaluée à 800 francs correspondant aujourd’hui à 159 euros. Il a actualisé cette valeur en se référant aux rapports sur le marché de l’art réalisés par la société [20], base de données internationale du marché de l’art, révélant que sur les 20 dernières années, la valeur moyenne d’une estampe de [M] [HE] était de 141 euros. L’expert judiciaire en a conclu que la valeur totale de revente des 6 530 tirages pourrait alors s’élever à 920 730 euros (141 € x 6 530 tirages). Après déduction du coût de tirage et des coûts d’intermédiaires, l’expert a conclu que le prix de revient net des 6 530 tirages restants de [M] [HE] était évalué à 573 664 euros.
Dans leur dire à l’expert judiciaire, les intimés ont demandé de retenir cette valeur dans le cadre de la proposition de partage, en faisant valoir que le prix de 141 euros est un prix moyen de vente tout à fait raisonnable, sur une période durant laquelle les ‘uvres de [M] [HE] ont été écoulés, à un rythme qui aurait pu être plus fort, si les plaques de cuivres permettant d’autres tirages avaient été accessibles. Ils indiquaient que cette méthode d’évaluation ne pouvait être écartée en supposant que tous les tirages possibles sont hypothétiques, ce qui signifierait que tous les héritiers renonceraient à tout tirage, alors qu’il existe au moins une chance sur deux que chaque héritier exerce son droit de tirage, de sorte qu’il pourrait être possible de lui appliquer une décote en fonction de l’aléa du tirage.
La cour n’entend pas retenir cette méthode d’estimation dès lors que, dans le cadre de l’attribution éliminatoire, il s’agit d’estimer la valeur des cuivres gravés de [M] [HE] et non la valeur de tous les tirages restants, soit 6 350, dont aucun élément ne permet d’affirmer qu’ils trouveraient tous acquéreur qui plus est au prix moyen de 141 euros.
L’expert judiciaire a ainsi relevé avec pertinence : « Cette valeur potentielle de prix de revient nette des tirages est toutefois à relativiser au regard du nombre très important d’estampes restant (6 530), qui serait 37 fois plus important que le nombre d’estampes vendues depuis 20 ans (174).
En effet, le marché de l’art ne saurait absorber sans décote un af’ux aussi important de pièces, d’autant que la cote de l’artiste ne semble pas augmenter, son prix moyen ayant au contraire diminué de 12 % depuis 2001 (141 € contre 157 €). »
Ainsi, si les héritiers attributaires des cuivres de [M] [HE] décidaient de procéder à l’intégralité des tirages restants, le prix moyen des estampes chuterait de manière conséquente au regard d’un déséquilibre entre l’offre artistique et le nombre d’acquéreurs potentiels, de sorte que l’exploitation de l’ensemble des tirages ne permettrait nullement de dégager une valeur de 573 664 euros. Celle-ci constitue donc une valeur théorique, le plafond résultant d’une exploitation commerciale, à un prix moyen fixe, qui ne se déprécierait pas au fur et à mesure de l’afflux des tirages. La valeur des cuivres gravés ne peut donc résulter d’une seule formule mathématique de calcul du prix de revient des 6 350 tirages restants sur les cuivres dépendant de l’actif successoral. La cour ne retiendra donc pas une valeur des cuivres de 573 664 euros.
Les appelants ont quant à eux fait valoir une approche tenant compte des revenus, à partir des ventes réelles, consistant à partir du revenu réel des ventes sur les 20 dernières années soit environ 24 000 euros pour en déduire
un revenu annuel de 1 200 euros par an. A raison d’un prix moyen d’une gravure à 141 euros, il s’est vendu en moyenne 8,5 ‘uvres par an sur les 20 dernières années, de sorte qu’il faudrait 767 ans pour vendre tous les 6 530 tirages disponibles, étalement qui permettrait, selon les appelants, d’éviter l’effondrement de la cote des ‘uvres de [M] [HE] évoqué par l’expert judiciaire. Au moyen d’un calcul financier et d’un taux d’intérêt de 5 %, les appelants ont calculé que la valeur en 2023 des revenus des ventes sur les 767 prochaines années ne devrait pas dépasser la somme de 26 000 euros.
Ce calcul visant à déterminer le taux de rendement actuariel d’un actif pour un taux de 5 %, est inadapté à l’évaluation de la valeur des cuivres gravés au jour de l’attribution éliminatoire. En effet, ce calcul financier détermine la valeur future d’un actif en fonction d’un taux d’intérêt, alors que le litige porte sur des plaques de cuivres établies par un artiste, et non sur un actif financier, dont il convient de déterminer la valeur. Sur le marché de l’art, aucun élément objectif ne permet d’établir avec certitude que les tirages persisteront à être vendus à 141 euros en moyenne, surtout sur une période aussi longue que 767 années, jamais envisagée par l’expert judiciaire. L’expert a d’ailleurs répondu à cette hypothèse de calcul en considérant qu’elle semblait « relever d’un exercice essentiellement théorique, pour les mêmes raisons qu’expliquées quant à l’évaluation du prix de revient net des tirages ». La valeur de 26 000 euros ne sera donc pas retenue.
La deuxième évaluation proposée par les appelants, d’un montant de 27 165 euros s’appuie sur la thèse selon laquelle la valeur d’un tirage consécutif au décès et non signé par l’artiste, ne peut pas correspondre à la cote des ‘uvres signées par l’artiste de 141 euros, de sorte que la mise sur le marché de 6 530 gravures qui n’ont pas été imprimées et signées par l’artiste de son vivant ne peut pas rencontrer de clientèle. Selon les appelants, de tels tirages ne vaudraient guère davantage que le coût du tirage et tout au mieux pas plus que 15 €, soit « le prix d’une affiche », ce qui ferait un total brut de 97 950 euros (6 350 tirages x 15 €), et un revenu net après déduction des coûts de tirage de 27 165 euros.
Dans leur dire à l’expert, les intimés font valoir que Mmes [HE] ont, avec leur mère, pendant 43 ans, effectué et vendu 1 632 tirages posthumes, numérotés sans rigueur pour une somme de 2 157 000 francs en 1996, et que leur proposition d’évaluation devait être rejetée.
Aucun élément objectif ne permet d’attester que les gravures imprimées postérieurement au décès de l’artiste présenteraient une valeur à peine supérieure au coût de tirage, l’expert judiciaire ayant au contraire indiqué : « il est tout à fait envisageable à une succession d’artiste de faire apposer la griffe de l’auteur défunt ou un cachet d’atelier sur des ‘uvres non signées sans que cela n’altère foncièrement leur valeur, mais les authentifient ».
Ces ‘uvres, à la différence d’affiche, sont d’ailleurs établies au moyen de plaques de cuivres originales gravées par l’artiste, ce qui en confère leur valeur artistique. Surtout, la valeur d’exploitation commerciale de cuivres gravés constitue une valeur théorique qui ne permet pas de fixer la valeur intrinsèque des plaques de cuivres. La valeur de 27 165 euros ne sera donc pas retenue.
Enfin, les deux dernières méthodes de calcul proposées par les appelants visent à fixer une valorisation maximale de chaque cuivre au prix moyen d’un tirage signé à 141 euros (méthode « prix moyen des tirages non signés indifférenciés ») soit une somme de 54 849 euros, soit en les valorisant pour 172 cuivres au prix moyen de 141 euros, et pour 217 cuivres aux prix de 70 euros, en fonction de leur caractère vendable (méthode « prix moyen des tirages non signés différenciés ») soit une somme de 39 442 euros. Les appelants justifient ces deux méthodes par le fait que les cuivres existants ne peuvent produire que des tirages à très faible valeur, sans la signature de la main de l’artiste et une numérotation fiable.
Cependant, ces méthodes confondent le prix des cuivres gravés avec le prix moyen d’une estampe constaté sur les 20 dernières années, pour ce qui est du prix de 141 euros, et aucun élément ne permet de considérer que 217 cuivres donneraient lieu à des tirages d’un prix de 70 euros. Aucun élément objectif ne permet de réduire le prix d’un cuivre gravé de [M] [HE] au prix d’une estampe qui en serait imprimée. Ces deux méthodes possèdent donc le vice inverse de celle consistant à déterminer la valeur des cuivres gravés en faisant le produit du prix moyen d’une estampe et du nombre de tirages restant. La valeur des cuivres gravés est nécessairement située entre la valeur moyenne d’une estampe soit 141 euros et la valeur théorique de l’exploitation commerciale de l’ensemble des tirages restants soit 573 664 euros. Les valeurs de 54 849 euros ou de 39 442 euros ne sauraient donc être retenues.
3- Valeur patrimoniale
Après avoir écarté les deux premières approches (valeur des matériaux, valeur potentielle de tirage) l’expert judiciaire a examiné la valeur dite patrimoniale des cuivres gravés de [M] [HE] « considérant chacune de ces plaques comme une ‘uvre d’art à part entière, nonobstant la valeur potentielle des tirages ».
Pour ce faire, l’expert judiciaire s’est intéressé non à la vente de tirages d’estampes, mais à la vente publique de cuivres d’artistes dont il a eu connaissance et qu’il a justifié en annexe à son rapport :
Au regard de ces éléments constatés dans ces ventes publiques, l’expert judiciaire a appliqué un prix moyen par taille à chacun des 389 cuivres de [M] [HE], soit 100 € pour les petits cuivres, 250 € pour les cuivres moyens et 500 € pour les grands cuivres, soit une somme totale de 91 700 euros.
Les appelants critiquent cette évaluation, considérant qu’elle est complètement théorique et qu’elle ne repose pas sur les ventes réelles. Toutefois, en l’absence de vente précédente de cuivre gravé de [M] [HE], l’expert judiciaire ne pouvait se fonder sur le prix de vente réel et devait nécessairement procéder à une estimation. Il était donc fondé pour y procéder, à se référer aux rares ventes publiques de cuivres d’artistes, la valeur des tirages ne donnant pas une exacte vision de la valeur des cuivres qui ne constituent qu’une matrice.
Dans leur dire à expert, les intimés ont demandé d’écarter cette évaluation de 91 700 euros au motif qu’elle « ne tient pas compte de la nature non fongible et de l’unicité de chaque plaque de cuivre et repose sur le principe qu’une plaque de cuivre dont le tirage est épuisé, a la même valeur qu’un cuivre pour lequel tous les tirages sont encore disponibles ». Cependant, aucune vente publique de cuivres recensée par l’expert judiciaire ne comportait d’estimation de prix fondée sur le seul nombre de tirages restant à effectuer. L’expert a justement considéré qu’il ne pouvait pas être procédé à une évaluation du prix cuivre par cuivre, et qu’il devait procéder à une évaluation globale à laquelle les parties ne se sont d’ailleurs pas opposé sur le principe, il ne peut être reproché à l’expert l’absence de prise en compte du caractère unique de chaque cuivre, dont l’évaluation individuelle aurait été encore plus ardue que l’évaluation globale.
Les intimés ont également critiqué l’évaluation de l’expert en indiquant que le prix moyen des cuivres avait été déterminé en fonction de prix comparés avec des tirages non signés de grands peintres, qui n’ont pas une cote comparable sur le marché de l’art, et ont communiqué à l’expert des pages du site E-bay mentionnant les prix de vente au 24 janvier 2022.
Cette critique entretient à nouveau la confusion entre le prix d’un tirage et la valeur d’un cuivre gravé. Ainsi, les copies de pages du site E-Bay portent toutes sur des ventes d’estampes de [M] [HE] et non sur les plaques de cuivre de l’artiste qui ne sont pas dans le commerce.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, la cour considère que la valeur des cuivres gravés dépendant de la succession de [M] [HE] ne peut qu’être fixée au regard de leur prix estimé pour des ventes publiques, et cette évaluation ne pouvait être réalisée qu’en se référant à des ventes de cuivres passées qui ne pouvaient concerner le même artiste puisque ses cuivres n’étaient pas en vente. Les cuivres gravés présentent en effet une valeur intrinsèque, résultant du travail de l’artiste, indépendamment de la valeur commerciale de l’exploitation de ses tirages dont le prix dépend du marché de l’art mais également du nombre de tirages effectués.
En conséquence, la valeur des 389 cuivres gravés de [M] [HE] dépendant de sa succession doit être fixée à 91 700 euros. La part revenant à M. [Z] [HE] d’une part et à Mme [E] [HE], suite à l’attribution éliminatoire, s’élève à 1/6e de cette somme soit 15 283,33 euros.
Il convient de rappeler que s’il n’existe pas dans l’indivision une somme suffisante, le complément est versé par ceux des indivisaires qui ont concouru à la demande.
V- Sur le partage des cuivres et le règlement de partage
L’attribution éliminatoire ayant été ordonnée et les cuivres demeurant des biens indivis, il ne peut être fait droit à la demande de partage de ceux-ci formée par les intimés, d’adoption d’un règlement de partage et de désignation de M. [Z] [HE] en qualité d’administrateur dudit règlement.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [Z] [HE] et Mme [E] [HE] au titre du règlement du partage, et leurs autres demandes seront rejetées.
VI- Sur la remise au notaire de la griffe, des carnets et des manuscrits de [M] [HE]
Ces biens sont détenus par M. [Z] [HE], qui est désormais éliminé de l’indivision demeurant entre les appelants, portant tant sur les cuivres que sur la griffe, les carnets et manuscrits de [M] [HE].
La demande des appelants tendant à la remise de ces biens est donc fondée et il y a donc lieu d’ordonner à M. [Z] [HE] de les remettre à Maître [J] [B], notaire chargé des opérations de liquidation-partage sous 15 jours après signification de l’arrêt, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
VII- Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de dire que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu’il a :
CONFIRME le jugement pour le surplus des chefs critiqués ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FAIT droit à la demande d’attribution éliminatoire formée par Mme [P] [HE], Mme [Y] [HE], Mme [N] [HE] et Mme [RH] [HE] qui demeureront en indivision pour les biens non partagés de la succession de [M] [HE] ;
FIXE la part revenant à M. [Z] [HE] d’une part et à Mme [E] [HE], suite à l’attribution éliminatoire, à la somme de 15 283,33 euros chacun ;
DÉBOUTE M. [Z] [HE] et Mme [E] [HE] de toutes leurs demandes relatives au partage des plaques de cuivres gravées de [M] [HE] ;
ORDONNE à M. [Z] [HE] de remettre à Maître [J] [B], notaire chargé des opérations de liquidation-partage sous 15 jours après signification de l’arrêt, la griffe, les trois carnets originaux, les trois carnets recopiés et complétés et les manuscrits de [M] [HE] qu’il détient ;
DIT n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT