Obligations précontractuelles et vérification de la solvabilité : enjeux et conséquences pour les emprunteurs et les prêteurs

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Obligations précontractuelles et vérification de la solvabilité : enjeux et conséquences pour les emprunteurs et les prêteurs

La société Banque Postale Financement a accordé un prêt personnel de 20 000 euros à M. et Mme [R] en août 2017. En octobre 2022, la banque a assigné les époux devant le tribunal pour obtenir le paiement d’une somme due. Le jugement du 19 janvier 2023 a débouté la banque de sa demande, prononçant la déchéance du droit aux intérêts et constatant que les versements des emprunteurs excédaient le capital emprunté. La banque a interjeté appel. Dans ses conclusions, elle a demandé l’infirmation du jugement et le paiement d’une somme due. M. et Mme [R] ont demandé à la cour de débouter la banque et ont formulé des demandes reconventionnelles. La cour a finalement infirmé le jugement initial, a prononcé la résiliation du contrat de prêt, et a condamné M. et Mme [R] à rembourser une somme avec des modalités de paiement échelonné.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/00709
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/00709 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VVAR

AFFAIRE :

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT devenenue BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE

C/

[M] [R] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2023 par le Tribunal de proximité de SANNOIS

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10/09/24

à :

Me Aude-françoise LAPALU

Me Vanessa LANDAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT devenenue BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Aude-françoise LAPALU de la SCP S.C.P. D’AVOCATS ALTY AUDE LAPALU THOMAS YESIL, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 131

APPELANTE

****************

Monsieur [M] [R] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Aïcha CONDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0023

Représentant : Me Vanessa LANDAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648

Madame [P] [N] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Aïcha CONDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0023

Représentant : Me Vanessa LANDAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Céline KOC,

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre de crédit préalable acceptée le 31 août 2017, la société Banque Postale Financement, devenue la société Banque Postale Consumer Finance, a consenti à M. [B] [M] [R] et Mme [P] [N] épouse [R] un prêt personnel n°50367681801 de 20 000euros au taux nominal de 4,75% et au TAEG de 5,16% remboursable en 60 mensualités de 375,60 euros hors assurance.

Par acte de commissaire de justice en date du 24 octobre 2022, la société Banque Postale Consumer Finance a fait assigner M. et Mme [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois aux fins de les voir condamner solidairement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de :

– la somme principale de 6 665,74 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,16% à compter du 6 août 2021,

– la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement contradictoire du 19 janvier 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Sannois a :

– déclaré la société Banque Postale Consumer Finance recevable en son action,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt personnel n°50367681801 conclu entre la société Banque Postale Consumer Finance et les époux [R] le 31 août 2017,

– constaté que la somme des versements effectués par les emprunteurs depuis l’origine excède le capital emprunté,

– débouté la société Banque Postale Consumer Finance de sa demande principale en paiement,

– débouté la société Banque Postale Consumer Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Banque Postale Consumer Finance aux dépens de l’instance,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.

Par déclaration déposée au greffe le 1er février 2023, la société Banque Postale Consumer Finance a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 mai 2024, la société Banque Postale Consumer Finance, appelante, demande à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

– infirmer le jugement du tribunal de proximité de Sannois en date du 19 janvier 2023 en ce qu’il:

* a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts,

* a constaté que la somme des versements effectués par les emprunteurs depuis l’origine excède le capital emprunté,

* l’a déboutée de sa demande principale en paiement,

* l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a condamnée aux dépens de l’instance.

Et statuant à nouveau,

– constater qu’elle justifie avoir satisfait à son obligation de consultation au FICP,

– constater que cette consultation est régulière,

En conséquence,

– déclarer qu’il n’y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts,

– condamner solidairement M. et Mme [R] à lui verser la somme de 5 774,51 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 5,16% à compter du 3 janvier 2023 jusqu’au parfait paiement,

Subsidiairement si par impossible l’absence de déchéance du terme était constatée,

– ordonner la résolution du contrat de crédit dont s’agit, pour manquement de M. et Mme [R] à leur obligation au règlement des échéances de remboursement, avec condamnation au paiement de la somme de 5 774,51 euros à son profit à titre de dommages et intérêts, en applications des articles 1224 du code civil,

En toutes hypothèses,

– débouter M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement M. et Mme [R] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. et Mme [R] aux dépens de première instance et d’appel, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 30 avril 2024, M. et Mme [R], intimés, demandent à la cour de :

– débouter la Banque Postale Consumer Finance de son appel, comme étant non-fondé,

– les recevoir en leurs demandes reconventionnelles,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

– condamner la société Banque Postale Consumer Finance à leur verser la somme de 1 071,63 euros, avec intérêt au taux légal,

Subsidiairement,

– faire application de l’article R. 632-1 du code de la consommation,

– infirmer le jugement, statuant à nouveau dire n’y avoir lieu à déchéance du terme; en conséquence condamner la société Banque Postale Consumer Finance à leur verser la somme de 1 071,63 euros, avec intérêts au taux légal au titre du trop-perçu,

Très subsidiairement,

– leur accorder un délai de 24 mois pour s’acquitter de leur dette,

– condamner la société Banque Postale Consumer Finance à leur verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 mai 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est précisé que l’offre préalable ayant été régularisée postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s’entendent dans leur version issue de cette ordonnance.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

* Sur la consultation du FICP

La société La Banque Postale Consumer Finance fait grief au premier juge d’avoir retenu qu’elle ne justifiait pas du respect de son obligation de vérification préalable du fait que le prêt avait été accepté le 31 août 2017 et que la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) était intervenue le 2 novembre 2017 soit après qu’elle eut pris la décision effective d’octroyer le prêt, le délai de 7 jours prévu par l’article L. 312-24 du code de la consommation ayant expiré.

Elle fait valoir qu’en application de l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010, la consultation du FICP doit être réalisée lorsque le prêteur décide d’agréer la personne de l’emprunteur en application de l’article L. 311-13 du code de la consommation, cet agrément étant matérialisé par le déblocage des fonds, et qu’elle avait donc jusqu’à cette date pour procéder à cette consultation.

Elle en conclut qu’ayant procédé à cette vérification le 2 novembre 2017, date du déblocage des fonds, elle a respecté ses obligations comme le reconnaissent M. et Mme [R] en appel.

M. et Mme [R] admettent que c’est à tort que le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement, la banque ayant valablement consulté le FICP le jour de la mise à disposition des fonds.

Sur ce,

En application de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L.511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.

En l’espèce, la société La Banque Postale Consumer Finance justifie avoir consulté le FICP le 2 novembre 2017, date du déblocage des fonds valant agrément de l’emprunteur par le prêteur.

Dans ces conditions, la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif n’est donc pas encourue, et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

* Sur le défaut de remise de la notice d’assurance

M. et Mme [R] font valoir qu’ils n’ont jamais reçu la notice se rapportant aux conditions générales de l’assurance, ni l’information sur les nom et adresse de l’assureur, les risques couverts et ceux qui en sont exclus, et que le fait qu’ils aient sollicité la mise en oeuvre de la garantie perte d’emploi à la banque et non à l’assureur suffit à le démontrer.

Ils ajoutent que le seul fait d’avoir signé le prêt comportant la mention selon laquelle ils reconnaissent avoir pris connaissance de la fiche conseil assurance et de la notice d’information assurance ainsi que la mention écrite de leurs mains de cette reconnaissance lors de l’acceptation de l’offre ne suffit pas à établir que la banque a respecté ses obligations conformément à la jurisprudence qui rappelle qu’il s’agit d’un simple commencement de preuve devant être corroboré par d’autres éléments.

La société La Banque Postale Consumer Finance soutient que M. et Mme [R] ne peuvent se prévaloir de n’avoir jamais reçu la notice d’information et qu’il ne saurait être fait droit à leur demande de déchéance du droit aux intérêts.

Elle fait valoir qu’ils ont signé l’offre de prêt dans laquelle ils ont indiqué avoir pris connaissance de la fiche conseil assurance et de la notice d’information assurance; de même qu’ils ont signé l’article VII du contrat dénommé ‘adhésion aux assurances facultatives en garantie du financement’ et ont apposé la mention manuscrite selon laquelle ils reconnaissant avoir pris connaissance de la fiche conseil assurance et de la notice d’information décrivant les garanties.

Elle ajoute que le contrat fait 11 feuillets et constitue une convention unique et indivisible; que la fiche conseil assurance se trouve au feuillet 7/11 et a été signée par M. et Mme [R] le 31 août 2017 et que la notice d’assurance se trouve en feuillets 8 et 9 / 11 sur laquelle est détaillé l’ensemble des conditions des assurances souscrites. Elle relève que les emprunteurs n’indiquent pas ne jamais avoir été en possession du contrat de prêt.

Sur ce,

En application de l’article L. 312-29 du code de la consommation dans sa version applicable au jour du contrat, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

L’article L. 341-4 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l’article L. 312-29 est déchu du droit aux intérêts.

Par arrêt rendu le 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles.

La signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la notice d’assurance constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires comme l’a déjà jugé la Cour de la cassation (1ère civ., 8 avril 2021, pourvoi n°19-20.890).

La jurisprudence récente (1ère civ. 7 juin 2023, pourvoi n°22-15.552) précise qu’un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt.

En l’espèce, la société La Banque Postale Consumer Finance produit une liasse de 11 pages qui se suivent, portant tous la référence du contrat et la mention ‘à signer et à renvoyer’, comprenant:

– la fiche d’informations précontractuelles remplie (page 1 et 2),

– l’offre de contrat de crédit (page 3 à 6) signée en page 5 à trois reprises par M. et Mme [R] et comportant en page 5:

* au paragraphe VI. Acceptation de l’offre: la mention, précédant la signature des emprunteurs, selon laquelle ‘Après avoir pris connaissance de (…) la fiche conseil assurance, de la notice d’information d’assurance, (…) le tout formant une convention unique et indivisible, je reconnais rester en possession d’une exemplaire de cet offre doté d’un formulaire détachable de rétractation’,

* au paragraphe VII. Adhésion aux assurances facultatives en garantie du financement: la signature de M. et Mme [R] et la mention selon laquelle ils reconnaissent ‘avoir pris connaissance de la fiche conseil assurance et de la notice d’information décrivant les garanties (incluses dans la présente offre) et demandent leur adhésion à l’assurance ADI + APE’,

– la fiche conseil assurance signée par M. et Mme [R] (page 7),

– la notice d’information des contrats collectifs d’assurance n°90.206 et 98.002 (page 8 et 9),

– le mandat de prélèvement SEPA renseigné et signé par M. et Mme [R] (page 10),

– la fiche de dialogue; revenus et charges renseignée et signée par M. et Mme [R] (page 11).

Dès lors, il doit être admis que la société La Banque Postale Consumer Finance a bien remis aux emprunteurs la notice d’assurance qu’elle produit et qui porte le numéro de contrat et la numérotation 8/11 et 9/11. Il est en outre relevé qu’elle contient les mentions imposées par l’article L. 312-29 du code de la consommation, à savoir les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur (SOGECAP et SOGESUR), la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus et la mention selon laquelle les correspondances doivent être adressées à la Banque Postale Financement Service Assurance comme l’ont fait M. et Mme [R] (pièce 3).

Il résulte de l’ensemble de ces éléments le respect par le prêteur de son obligation de remise de la notice d’assurance aux emprunteurs de sorte que la société La Banque Postale Consumer Finance n’encourt aucune déchéance du droit aux intérêts de ce chef contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [R] qui sont en conséquence déboutés de cette demande et de celle subséquente visant à condamner la société La Banque Postale Consumer Finance à leur verser la somme de 1 071,63 euros au titre d’un trop-versé.

Sur la déchéance du terme

M. et Mme [R] demandent à la cour de dire n’y avoir lieu à déchéance du terme aux motifs que l’article 4 du contrat de prêt comporte une clause abusive devant être déclarée non-écrite en application de l’article L. 212-1 du code de la consommation, en ce qu’elle prévoit un délai de 8 jours pour régulariser les impayés sous peine de déchéance du terme.

Ils exposent que la Cour de cassation (Civ. 1, 22 mars 2023, n°21-16.044) a considéré comme abusive une clause stipulant la résiliation de plein-droit huit jours après une mise en demeure restée infructueuse du fait qu’elle ne laissait pas à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable et créait ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Ils soutiennent que le fait que la mise en demeure mentionne un délai plus favorable que celui contractuellement prévu est indifférent dans la mesure où aux termes de cette jurisprudence, c’est le contrat de prêt qui contient une clause abusive qui est sanctionné et non le délai de régularisation fixé dans la mise en demeure.

Ils font également valoir que la lettre de mise en demeure adressée à M. [R] l’a été à une mauvaise adresse et que faute pour la banque de leur avoir notifié une mise en demeure préalable à la déchéance du terme, celle-ci ne peut avoir été valablement prononcée.

La société La Banque Postale Consumer Finance réplique avoir mis M. et Mme [R] en demeure de régler les échéances impayées dans un délai de 15 jours sous peine de déchéance du terme, soit un délai plus favorable que le délai de 8 jours contractuellement prévu.

Elle ajoute que si cette clause devait être réputée non-écrite, il convient d’appliquer la jurisprudence constante en la matière, à savoir offrir à l’emprunteur un délai raisonnable avant que la déchéance du terme soit prononcée, ce qu’elle a fait en octroyant à M. et Mme [R] un délai de 15 jours pour reprendre les paiements.

Elle ajoute avoir régulièrement adressé la lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme à M. [R] à sa bonne adresse puisque les courriers lui ont été retournés avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’ et non avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’.

Sur ce,

L’article L. 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En application des articles 1224 et 1225 du code civil, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle et régulariser sa situation.

En l’espèce, il résulte de l’article 4 du contrat de prêt ‘conséquences d’une défaillance de l’emprunteur’ que ‘la défaillance de l’emprunteur est établie huit jours après constatation du non-paiement des sommes exigibles à la date fixée dans les modalités de remboursement du présent contrat’.

Cette clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, de sorte qu’elle doit être regardée comme abusive et doit être déclarée non écrite.

La société La banque Postale Consumer Finance ne peut donc pas opposer à M. et Mme [R] la déchéance du terme fondée sur la mise en oeuvre de cette clause.

Au surplus, il apparaît que la société La Banque Postale Consumer Finance a adressé à chacun des emprunteurs un courrier de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, daté du 6 août 2021, les mettant en demeure de payer la somme de 2 264 euros au titre de 5 mensualités impayées, dans un délai de quinze jours, soit avant le 21 août 2021, sous peine de voir prononcer de la déchéance du terme entraînant la résiliation du contrat.

Elle a adressé ce courrier à M. [R] à l’adresse suivante :[Adresse 3] à [Localité 6] et à Mme [R] à l’adresse sis [Adresse 2] à [Localité 5].

Il convient de relever que dans le contrat de prêt, les deux emprunteurs étaient domiciliés à l’adresse de [Localité 6].

Mme [R] justifie cependant avoir signalé à la société La Banque Postale Consumer Finance, dans le cadre de sa demande d’application de la garantie perte d’emploi, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 14 mai 2020 (pièce 3) leur nouvelle adresse à [Localité 5], étant relevé que les courriers postérieurs adressés à Mme [R] l’ont bien été à cette nouvelle adresse contrairement à ceux envoyés à M. [R] qui l’ont toujours été à son ancien domicile.

Le seul fait que ce courrier ait été retourné avec la mention, par les services postaux, ‘pli avisé et non réclamé’ ne suffit pas à établir qu’il s’agissait toujours de l’adresse de M. [R] à cette date.

La société La Banque Postale Consumer Finance ne justifie donc pas avoir régulièrement adressé à M. [R] une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

En conséquence, l’appelante n’est pas fondée à se prévaloir de la déchéance du terme. Il convient ainsi d’examiner la demande subsidiaire en prononcé de la résolution du prêt pour inexécution laquelle doit être requalifiée en demande de résiliation.

Sur la demande subsidiaire en prononcé de la résolution judiciaire du contrat de prêt

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l’espèce, les pièces du dossier établissent que M. et Mme [R] ont cessé de s’acquitter du remboursement des mensualités du prêt à compter du mois de mars 2021, mettant ainsi en échec le paiement de leur crédit, quand bien même ils ont effectué des règlements partiels à compter du mois de novembre 2021 pour un montant total de 3 450 euros arrêté au 3 janvier 2023.

L’inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat à la date du 5 octobre 2023, date de la signification des conclusions sollicitant cette résiliation.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L’article D. 312-16 dudit code dispose que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il ressort des documents versés au débats par la société La Banque Postale Consumer Finance que M. et Mme [R] lui sont redevables des sommes suivantes:

– 5 148,41 euros au titre du capital restant dû,

– 2 910,60 euros au titre des échéances impayées,

soit 8 059,01 euros de laquelle il convient de déduire la somme de 3 450 euros versée par les intimés depuis la déchéance du terme, arrêtée au 3 janvier 2023.

Il convient donc de condamner M. et Mme [R] solidairement au paiement de la somme de 4 609,01 euros qui portera intérêts au taux contractuel de 4,75%, à compter du 5 octobre 2023.

La société La Banque Postale Consumer Finance sollicite également la condamnation solidaire de M. et Mme [R] à lui verser la somme de 607,42 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, le juge peut toujours, même d’office, modérer ou réduire la pénalité prévue au contrat si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Il convient pour apprécier, d’office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l’indemnité, de se référer à l’économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu’à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d’exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l’indemnité.

En l’espèce, compte tenu du montant et de la durée du prêt et des remboursements déjà effectués par l’emprunteur, l’indemnité contractuelle de 8 % apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice déjà retiré par le prêteur. Elle doit être réduite à la somme de 100 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt jusqu’à parfait paiement.

Sur les délais de paiement

M. et Mme [R] demandent à bénéficier de délais pour s’acquitter de leur dette pendant 24 mois en faisant valoir qu’ils ont continué à régler les échéances de leur prêt alors même qu’ils avaient perdu leur emploi et que l’appelante a refusé de faire jouer la garantie perte d’emploi; que depuis septembre 2021, M. [R] a retrouvé un emploi alors que Mme [R] est toujours sans activité en raison de son état de santé.

La société La Banque Postale Consumer Finance s’oppose à cette demande en faisant valoir que les appelants ne justifient pas de leurs revenus et qu’ils ont déjà bénéficié de larges délais et que leur bonne foi ne saurait être démontrée.

Sur ce,

Selon l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, s’il est exact que M. et Mme [R] ne justifient pas de leur situation financière actuelle, ils effectuent régulièrement des versements au profit de la société La Banque Postale Consumer Finance d’un montant de 300 euros pour une somme totale de 3 450 euros arrêtée au 3 janvier 2023, démontrant ainsi leur volonté d’apurer leur dette. Leur proposition conduirait à apurer la dette dans le délai de 24 mois par mensualités de 196 euros.

Au vu de ces éléments, il convient de faire droit à la demande des appelants et de leur accorder des délais de paiement dans les conditions fixées au présent dispositif, avec une clause de déchéance du terme en cas de non paiement d’une seule échéance.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. et Mme [R], qui succombent, sont condamnés aux dépens d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant infirmées.

Il convient de condamner M. et Mme [R] in solidum à verser à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré la société La Banque Postale Consumer Finance recevable en son action ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. et Mme [R] de leur demande visant à déchoir la société La Banque Postale Consumer Finance de son droit aux intérêts conventionnels ;

Prononce la résiliation du contrat de prêt n°50367681801 à la date du 5 octobre 2023 ;

Condamne M. et Mme [R] solidairement à payer à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 4 609,01 euros qui portera intérêts au taux contractuel de 4,75%, à compter du 5 octobre 2023, outre la somme de 100 euros au titre de l’indemnité de résiliation assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Autorise M. et Mme [R] se libérer de leur dette en 23 mensualités de 196 euros chacune, et une 24ème mensualité correspondant au solde du principal et des intérêts restant dus à cette date;

Dit que la première mensualité devra être réglée au plus tard le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt et les suivantes le 10 de chaque mois ;

Dit qu’à défaut d’un seul versement à l’échéance prévue, après une mise en demeure restée infructueuse de régulariser l’arriéré dans un délai de 15 jours, l’intégralité des sommes restant dues redeviendra immédiatement exigible ;

Condamne M. [B] [M] [R] et Mme [P] [N] épouse [R] in solidum à payer à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [B] [M] [R] et Mme [P] [N] épouse [R] in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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