Obligations locatives et conséquences des retards d’exécution : enjeux et responsabilités des parties en matière de travaux d’entretien.

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Obligations locatives et conséquences des retards d’exécution : enjeux et responsabilités des parties en matière de travaux d’entretien.
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Contexte du litige

Le 1er octobre 2016, un bail à usage d’habitation a été consenti par Mme [R] à Mme [V] pour une maison située à [Localité 2], avec un loyer mensuel de 1.400 € et une provision sur charges de 200 €.

Jugement du tribunal

Le 14 octobre 2022, le tribunal de proximité d’AUBAGNE a ordonné à Mme [R] de réaliser plusieurs travaux dans un délai de trois mois, sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard. Le jugement a été signifié à Mme [R] le 24 octobre 2022.

Demande de liquidation de l’astreinte

Le 28 février 2024, Mme [V] a demandé la liquidation de l’astreinte, chiffrée à 21.000 € pour 210 jours de retard, ainsi que le remboursement de 85 € pour des travaux complémentaires et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de Mme [V]

Mme [V] a soutenu que les travaux n’avaient été réalisés que le 29 août 2023, après l’expiration du délai. Elle a également mentionné avoir engagé des frais pour mettre en conformité les équipements de la piscine, et a justifié son refus de laisser l’ex-mari de Mme [R] intervenir pour des raisons de sécurité.

Réponse de Mme [R]

Mme [R] a contesté les demandes de Mme [V], affirmant avoir réalisé deux des trois obligations dans le délai imparti et invoquant une cause étrangère pour la troisième obligation, en raison du refus de Mme [V] de laisser son époux intervenir.

Évaluation des travaux réalisés

Le tribunal a examiné les attestations fournies par Mme [R] et a constaté que les travaux de câblage n’avaient pas été prouvés comme réalisés dans les délais. La facture d’un artisan a montré qu’une intervention supplémentaire était nécessaire, ce qui a conduit à considérer que les obligations n’avaient été remplies que le 26 avril 2023.

Retard dans l’exécution des travaux

Concernant la réparation de la ventilation, bien que Mme [R] ait contacté une entreprise, le tribunal a jugé que les raisons invoquées pour le retard n’étaient pas suffisantes pour justifier un délai de 7 mois.

Décision du tribunal

Le tribunal a fixé le montant de l’astreinte à 3.000 €, a rejeté la demande de remboursement de 85 € de Mme [V], et a condamné Mme [R] à verser 1.500 € à Mme [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en lui faisant supporter les dépens de l’instance.

Exécution provisoire du jugement

Le jugement a été déclaré exécutoire par provision, permettant ainsi son application immédiate.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
24/02768
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
JUGE DE L’EXECUTION

DOSSIER : N° RG 24/02768 – N° Portalis DBW3-W-B7I-4STB
MINUTE N° : 24/

Copie exécutoire délivrée le 07/11/2024
à Me BOMEL
Copie certifiée conforme délivrée le 07/11/2024
à Me PUVENEL
Copie aux parties délivrée le

JUGEMENT DU 07 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame PHILIPS, Vice Présidente
GREFFIER : Madame RAMONDETTI, Greffière

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 03 Octobre 2024 du tribunal judiciaire DE MARSEILLE, tenue par Madame PHILIPS, Vice Présidente juge de l’exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de Marseille, assistée de Madame RAMONDETTI, Greffière.

L’affaire oppose :

DEMANDERESSE

Madame [Y] [V]
née le 24 Juin 1985, demeurant [Adresse 3]

non comparante, représentée par Maître Sophie BOMEL, avocat au barreau de Marseille,

DEFENDERESSE

Madame [I] (ou [J]) [R]
née le 20 Février 1956 à [Localité 4] (RUSSIE), demeurant [Adresse 1]

non comparante, représentée par Maître Jocelyne PUVENEL, avocat au barreau de Marseille,

Al’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré. Le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 07 novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

NATURE DE LA DECISION : contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE:

Le 1er octobre 2016, Mme [R] a consenti à Mme [V] un bail à usage d’habitation concernant une maison sis à [Localité 2], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 1.400 €, outre une provision sur charge de 200 €.

Par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal de proximité d’AUBAGNE a notamment dit que Mme [R] « devra procéder ou faire procéder à ses frais :
au câblage du fils électrique extérieur en façade, au câblage de l’installation électrique de la piscine installé par le précédent locataire et à la réparation du dysfonctionnement de la ventilation mécanique de la salle de bain dans les trois mois de la notification du présent jugement », sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai imparti.

Le jugement a été signifié à Mme [R] le 24 octobre 2022.

Par assignation du 28 février 2024, Mme [V] sollicite la liquidation de l’astreinte prononcée par jugement du 14 octobre 2022.

A l’audience du 03 octobre 2024, Mme [V] se réfère à ses écritures et sollicite :
– la liquidation de l’astreinte provisoire mise à la charge de Mme [R] à hauteur de 21.000 € (100 € x 210 jours de retard),
– la condamnation de Mme [R] à lui verser la somme de 85 € correspondant au montant de la facture de travaux complémentaires de mise en conformité de la piscine,
– la condamnation de Mme [R] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que Mme [R] disposait d’un délai expirant le 25 janvier 2023 pour procéder aux travaux mis à sa charge et que ces travaux n’ont été exécutés que le 29 août 2023. Elle indique, en outre, avoir été contrainte d’exposer des frais pour réaliser des travaux afin de mettre en conformité les équipements de la piscine avec ce qui avait été édicté dans le jugement.

En réponse au moyen tiré de la cause étrangère, elle fait valoir qu’elle était fondée à imposer l’intervention d’une entreprise professionnelle et assurée, et à refuser l’intervention à son domicile de l’ex-mari de Mme [R] pour réaliser les travaux, en ce que ces travaux comportaient un risque, notamment de blessure et d’accident, qui aurait pu amener M. [B], à se retourner contre elle, outre le climat de tension entre les parties qui a également motivé son refus. Elle ajoute qu’en tout état de cause, le délai d’exécution des travaux était déjà expiré lorsque Mme [R] a pris attache avec Mme [V] pour réaliser les travaux.

Concernant la proportionnalité entre l’objet du litige et le montant de l’astreinte, elle rappelle qu’elle sollicite le remplacement de la VMC depuis cinq années.

Mme [R] s’oppose aux demandes de Mme [V] et sollicite la suppression de l’astreinte ou, à titre subsidiaire sa diminution, outre la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle entend démontrer qu’elle avait réalisé deux des trois obligations mise à sa charge, à savoir le câblage du fils électrique extérieur en façade et le câblage de l’installation électrique de la piscine, dès le mois de novembre 2022, soit dans le délai imparti. Ces travaux ayant été réalisés par M. [B], son époux.

S’agissant de la troisième obligation, à savoir la réparation du dysfonctionnement de la ventilation mécanique de la salle de bain, elle se prévaut d’une cause étrangère, en ce que Mme [V] a refusé l’intervention de M. [B] pour les réaliser. Elle fait valoir qu’elle était légitime à faire intervenir son époux au titre de l’entraide familiale. Elle expose, en outre, avoir rencontré des difficultés dans l’exécution.

MOTIVATION

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère. »

A l’aune de l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, cet article a été interprété de manière à imposer au juge un contrôle du rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant de l’astreinte et l’enjeu du litige.

En outre, s’agissant d’une obligation de faire, il appartient au débiteur de prouver qu’il a respecté son obligation.

En l’espèce, le jugement du 14 octobre 2022 a condamné Mme [R] à « procéder ou faire procéder à ses frais au câblage du fils électrique extérieur en façade, au câblage de l’installation électrique de la piscine installé par le précédent locataire et à la réparation du dysfonctionnement de la ventilation mécanique de la salle de bain dans les trois mois de la notification du présent jugement ». Le jugement assortit cette obligation d’une astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai indiqué et précise que « pour que l’astreinte commence à courir, il devra être procédé par une partie à la signification par voie d’huissier de justice de la présente décision ».

Mme [V] a fait signifier le jugement à Mme [R] le 24 octobre 2022.

Mme [R] disposait donc d’un délai jusqu’au 24 janvier 2023 pour réaliser l’ensemble des travaux.

L’astreinte prononcée étant par défaut provisoire, son montant doit être évalué en tenant compte du comportement de Mme [R] et des difficultés qu’elle a rencontrées pour l’exécuter, ainsi que de la cause étrangère, le cas échéant.

S’agissant des deux premières obligations de faire mises à la charge de Mme [R] à savoir :
le câblage du fils électrique extérieur en façade, etle câblage de l’installation électrique de la piscine,Mme [R] entend démontrer qu’elle les a exécutées.

Elle verse à ce titre une attestation de M. [B] qui indique « Le câblage d’alimentation de la prise de courant extérieure qui était passé sous la piscine a été enlevé et nous avons repassé un nouveau câble RO2V 3G 2.5mm2 sous gaine protectrice sous et contre le mur de la clôture, de plus nous avons installé une prise plexo (prise extérieure protégée aux normes) pour permettre l’alimentation de la piscine ».

L’attestation précise que suite à ces travaux une entreprise a fourni une attestation de conformité des travaux à Mme [V]. Toutefois Mme [R] ne verse pas cette attestation de conformité.

Mme [V] conteste la parfaite réalisation des travaux par Mme [R] et fait valoir que la prise installée était trop éloignée du moteur de la piscine. Elle verse à ce titre une facture du 26 avril 2023 de l’entrepreneur individuel [N] [E], portant sur une « Intervention sur piscine hors sol, Remplacement du tuyau de raccordement entre filtre à sable et moteur de la piscine », pour un montant de 85€.

Il y a lieu de constater que l’attestation de M. [B] est insuffisante à démontrer la réalisation des travaux de câblage du fils électrique extérieur en façade et de câblage de l’installation électrique de la piscine dès le mois de novembre 2022. En effet, d’une part, en raison du lien d’alliance avec Mme [R], la force probante de cette attestation doit être considérée comme moins importante que celle d’une pièce établie par un tiers neutre, et, d’autre part, Mme [V] verse une facture qui montre que l’intervention d’un artisan a été nécessaire pour parachever les travaux le 26 avril 2023 en installant un tuyau de raccordement au moteur de la piscine.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les deux premières obligations de faire relatives au câblage ont été accomplies définitivement le 26 avril 2023, soit trois mois après le délai imparti.

S’agissant de la troisième obligation de faire, relative à la réparation du dysfonctionnement de la ventilation mécanique de la salle de bain, il est constant entre les parties, qu’elle a été accomplie le 29 août 2023, suite à l’intervention de l’entreprise ML TERRASSEMENT.

Mme [R] fait valoir que son comportement montre sa volonté d’exécuter son obligation dans le délai imparti, notamment en contactant l’entreprise FARELEC au mois de janvier 2023 (pièce n° 8 – Attestation de demande d’intervention), et qu’elle a été confrontée non seulement à des difficultés dans l’exécution, en ce que l’entreprise diligentée n’a pas pu intervenir plus tôt en raison des conditions météorologiques et de son planning chargé (pièce n° 9 – Attestation de ML TERRASSEMENT), mais également à une cause étrangère résidant dans le refus de Mme [V] de laisser M. [B] intervenir.

Mme [V] estime qu’elle était légitime à refuser l’intervention de M. [B], en raison de questions de sécurité et de compétence. S’agissant du comportement de Mme [R] et des difficultés rencontrées, Mme [V] conteste la pertinence des attestations des entreprises FARELEC et ML TERRASSEMENT. L’entreprise FARELEC atteste avoir été contactée par Mme [R] au mois de janvier 2023 et l’entreprise ML TERRASSEMENT atteste de ce qu’elle n’a pas pu intervenir avant le 29 août 2023 en raisons des conditions météorologie et de son planning, alors que le délai d’exécution a expiré le 24 janvier.

Dans ces conditions, concernant le comportement de Mme [R], il y a lieu de considérer que la sollicitation d’une entreprise au mois de janvier 2023, alors que la décision du 14 octobre 2022, lui a été signifiée le 24 octobre 2022, doit être considérée comme tardive.

Concernant les difficultés rencontrées, il y a lieu de considérer que de mauvaises conditions météorologiques et un planning chargé de l’entreprise intervenue ne constituent pas des difficultés susceptibles d’expliquer un retard de 7 mois, soit un délai d’exécution total de 10 mois.

Relativement à la cause étrangère, il est constant entre les parties que Mme [V] s’est opposée à l’intervention de M. [B] à l’intérieur de son domicile pour réaliser les travaux sur la ventilation de la VMC. Le jugement n’a pas émis de restriction quant à la personne qui devait réaliser les travaux, toutefois il apparaît légitime d’interpréter cette décision de manière à considérer que les travaux doivent être réalisés de manière conforme aux règles de l’art par un artisan dont l’activité est déclarée et assurée. En l’espèce, la notion d’entraide familiale, propre au droit du travail et à la définition du salariat, n’est pas opérante. Mme [R] précise que son époux, M. [B], était compétent pour réaliser les travaux, en ce qu’il a construit plusieurs maisons et a exercé une activité professionnelle dans le BTP. Elle démontre qu’il a été entrepreneur individuel dans le domaine de la réparation de machines et d’équipements mécaniques. Toutefois, étant à la retraite, il ne bénéficiait pas d’un statut déclaré, ni d’une assurance. C’est donc à raison que Mme [V] a refusé l’intervention de M. [B].

Dans ces conditions, les critères légaux relatifs au comportement du débiteur de l’obligation, aux difficultés d’exécution et à la cause étrangère ne permettent pas de justifier les retards de 3 mois, pour les deux premières obligations, et 7 mois, pour la troisième obligation.

Cependant, au regard de l’enjeu du litige, il y a lieu de fixer le montant de l’astreinte à la somme de 3.000 €.

La demande en condamnation au paiement du montant de la facture de « remplacement du tuyau de raccordement entre filtre à sable et moteur de la piscine », pour un montant de 85 €, doit être rejetée comme étant irrecevable. Le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de condamner une partie au paiement d’une somme d’argent en l’absence de titre exécutoire constatant une créance.

Sur les demandes accessoires

Mme [R], qui succombe, supportera les dépens de la présente instance.

Mme [R] sera condamnée à payer à Mme [V] la somme de 1.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que le présent jugement est, de plein droit, exécutoire par provision.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe, rendue en premier ressort ;
COMDAMNE Mme [I] [R] à payer à Mme [Y] [V] la somme de 3.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par jugement du 14 octobre 2022 du tribunal de proximité d’AUBAGNE ;
REJETTE la demande de Mme [Y] [V] en condamnation de Mme [R] au paiement de la somme de 85 € ;
REJETTE la demande de Mme [I] [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [I] [R] à verser à MME [V] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [I] [R] aux dépens de l’instance ;

RAPPELLE que le jugement est revêtu de l’exécution provisoire ;

Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


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