Obligations fiscales et redressements sociaux en matière de gestion d’entreprise

·

·

Obligations fiscales et redressements sociaux en matière de gestion d’entreprise

La SARL [4] conteste une mise en demeure de l’Urssaf d’Alsace lui réclamant 72 225 euros pour des cotisations et contributions de sécurité sociale. Après une saisine infructueuse de la commission de recours amiable, le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 28 novembre 2022, a déclaré le recours recevable et a condamné la société à verser plusieurs montants au titre de cotisations dues, notamment 11 454 euros pour un crédit de compte courant, 21 512 euros et 15 450 euros pour des mises à disposition de sommes d’argent, ainsi que 2 828 euros pour des paiements à un gérant. Le tribunal a également constaté des rémunérations dissimulées et a fixé le total dû à 72 225 euros, incluant des majorations. La société a interjeté appel le 19 janvier 2023, contestant les montants et la justification des redressements. L’Urssaf a demandé la confirmation du jugement et a proposé des montants supplémentaires à recouvrer. Les parties ont présenté leurs arguments lors de l’audience du 23 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 août 2024
Cour d’appel de Colmar
RG
23/00372
MINUTE N° 24/615

NOTIFICATION :

Copie aux parties

– DRASS

Clause exécutoire aux :

– avocats

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 28 Août 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 23/00372 – N°��Portalis DBVW-V-B7H-H72K

Décision déférée à la Cour : 28 Novembre 2022 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.R.L. [4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique Serge BERGMANN, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

URSSAF ALSACE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [R], munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. LEVEQUE, Président de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. LEVEQUE, Président de chambre

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par M. LEVEQUE, Président de chambre,

– signé par M. LEVEQUE, Président de chambre, et Mme VELLAINE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Sur contestation par la SARL [4], après vaine saisine de la commission de recours amiable, d’une mise en demeure de payer à l’Urssaf d’Alsace la somme de 72 225 euros au titre d’un rappel de cotisations et de contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’assurance générale des salariés, le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 28 novembre 2022, a :

– déclaré le recours recevable ;

– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 11 454 euros au titre des cotisations dues sur une somme de 18 000 euros portées au crédit du compte courant du dirigeant au 31 décembre 2017 ;

– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 21 512 euros de cotisations au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2016 et la somme de 15 450 euros de cotisation au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2017 ;

– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 2 828 euros au titre des 4 263 euros versés à M. [G] [U] au moyen de huit chèques émis entre le 12 janvier 2018 et le 31 décembre 2018 ;

– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 4 586 euros de cotisation pour l’année 2016, la somme de 4 737 euros de cotisation pour l’année 2017 et la somme de 4 864 euros pour l’année 2018 au titre de rémunérations dissimulées par le paiement d’un loyer fictif ;

– donné acte à la société qu’elle ne conteste pas les points de redressement 5 à 8 ;

– condamné la société payer à l’Urssaf la somme de 51 euros de cotisations au titre du point 5 du redressement, la somme de 93 euros de cotisations au titre du point 6, la somme de 74 euros de cotisation au titre du point 7 et la somme de 81 euros de cotisations au titre du point 8 ;

– constaté que la société doit au final à l’Urssaf la somme de 65 730 euros au titre des cotisations ;

– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 6 495 euros au titre des majorations ;

– constaté que la société doit à l’Urssaf au final la somme de 72 225 euros au titre des cotisations et des majorations ;

– constaté l’incompétence du pôle sociale pour statuer sur la remise gracieuse de majorations ;

– constaté l’incompétence du pôle social pour statuer sur la demande d’échéance de paiement ;

– condamné la société aux dépens ;

– rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

– ordonné l’exécution provisoire.

La société [4] a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique du 19 janvier 2023. L’appel critique expressément tous les chefs de jugement, sauf la recevabilité du recours et les dépens.

L’appelante, par conclusions récapitulatives en date du 27 février 2024, demande à la cour de :

– recevoir son appel ;

– infirmer le jugement ;

– débouter l’Urssaf de sa demande ;

– la condamner aux entiers dépens.

La société soutient que c’est à tort que son argumentation devant la commission de recours amiable n’a pas été retenue ; que le tribunal propose une motivation qui ne reprend pas d’une manière organisée l’analyse des quatre points contestés ; qu’en tout état de cause la somme de 18 000 euros portée au crédit du compte courant du dirigeant au 31 décembre 2017 ne peut être assimilée à un élément de revenu d’activité lié au travail en vertu de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que le redressement n’est pas justifié de ce chef ; que les sommes de 21 512 euros pour l’année 2016 et de 15 450 euros pour l’année 2017 ne sont pas justifiées ; qu’est également contestable le redressement de 2 828 euros évoqué en raison du statut de salarié de M. [G], également gérant de la société ; que les redressements de 4 586 euros pour l’année 2016, de 4 737 euros pour l’année 2017 et de 4 864 euros pour l’année 2018 ne résultent pas de la méthode de calcul choisie par l’Urssaf ; que les points 5 à 8 du redressement ne sont pas contestés ; et que la société montre sa bonne foi en procédant à des règlements mensuels depuis le mois de mars 2020.

L’Urssaf, par conclusions en date du 15 mai 2024, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a

* condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 11 454 euros au titre des cotisations dues sur une somme de 18 000 euros portées au crédit du compte courant du dirigeant le 31 décembre 2017 ; la somme de 21 512 euros de cotisations au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2016 et la somme de 15 450 euros de cotisation au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2017 ; la somme de 2 828 euros au titre des 4 263 euros versés à M. [G] [U] au moyen de huit chèques émis entre le 12 janvier 2018 et le 31 décembre 2018 ; la somme de 4 586 euros de cotisation pour l’année 2016, la somme de 4 737 euros de cotisation pour l’année 2017 et la somme de 4 864 euros pour l’année 2018 au titre de rémunérations dissimulées par le paiement d’un loyer fictif ;

* donné acte à la société qu’elle ne conteste pas les points de redressement 5 à 8 ;

* condamné la société payer à l’Urssaf la somme de 51 euros de cotisations au titre du point 5 du redressement, la somme de 93 euros de cotisations au titre du point 6, la somme de 74 euros de cotisation au titre du point 7 et la somme de 81 euros de cotisations au titre du point 8 ;

* constaté que la société doit au final à l’Urssaf la somme de 65 730 euros au titre des cotisations ;

* condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 6 495 euros au titre des majorations ;

* constaté que la société doit à l’Urssaf au final la somme de 72 225 euros au titre des cotisations et des majorations ;

– valider les points de redressement 1 à 4 ;

– valider la mise en demeure du 29 novembre 2019 pour le montant de 65 730 euros en cotisations et de 6 495 euros en majorations de retard ;

– constater que la société effectue des versements auprès de l’Urssaf ;

– reconventionnellement condamner la société à lui payer la somme de 47 264 euros en cotisations et la somme de 6 495 euros en majorations de retard, soit la somme totale de 53 759 euros ;

– débouter la société de ses autres demandes.

À l’audience du 23 mai 2024, les parties ont demandé le bénéfice de leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Dès lors que la société [4] a demandé à l’audience le bénéfice de ses dernières conclusions datées du 27 février 2024 et qualifiées expressément récapitulatives, ce qui implique l’abandon de ses écritures antérieures, la cour n’est saisie que des prétentions et moyens contenu dans ces dernières écritures.

Ne peuvent être considérés comme contenus dans les dernières écritures les prétentions et moyens qui ont pu être développés antérieurement devant la commission de recours amiable notamment, qui ne sont pas reproduits dans les dernières écritures de l’appelante, mais auxquels elle semble vouloir se référer en soutenant que c’est à tort que son argumentation devant la commission de recours amiable n’a pas été retenue, que sa requête particulièrement motivée concentrait sa contestation sur les points 1 à 4 de la lettre d’observation de l’Urssaf, et que la motivation du tribunal ne reprend pas d’une manière organisée l’analyse des quatre points contestés.

En conséquence, la cour ne répondra qu’aux prétentions et demandes formulées expressément dans les dernières écritures de l’appelante.

Sur le point de redressement n° 1

Les sommes versées par la société sur le compte-courant de M. [G] [U], associé à 50 % et gérant, lorsqu’elles placent ce compte-courant en position débitrice alors que le solde d’un tel compte, destiné à recevoir les avances de fonds faites par l’associé t à permettre leur remboursement par la société, doit rester obligatoirement créditeur, c’est-à-dire constatant le crédit consenti par l’associé à la société, ne peuvent pas être regardées comme des sommes versées non pas en remboursement d’avances faites par l’associé, puisque le passage du compte en débit signifie que ces avances sont déjà remboursées, mais doivent au contraire être regardées comme versées en contrepartie ou à l’occasion de l’activité de l’associé-gérant, au sens de l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, ce qui les soumet à cotisation en application de l’article L. 242-1 du même code.

La société ne reprend pas devant la cour les moyens qu’elle tirait de la prétendue nature de dividendes de ces sommes.

C’est dès lors à bon droit que le premier juge, suivant l’Urssaf, a retenu que la somme de 18 000 euros portée au crédit du compte courant du dirigeant au 31 décembre 2017 était soumise à cotisation et justifiait le redressement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 11 454 euros au titre des cotisations dues sur une somme de 18 000 euros portées au crédit du compte courant du dirigeant au 31 décembre 2017.

Sur le point de redressement n° 2

En se bornant à soutenir que les sommes de 21 512 euros pour l’année 2016 et de 15 450 euros pour l’année 2017 ne sont pas justifiées, sans plus de précision, l’appelante ne présente à la cour aucun moyen consistant pouvant conduire à écarter la motivation du premier juge et à infirmer le chef de jugement qui a condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 21 512 euros de cotisations au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2016 et la somme de 15 450 euros de cotisation au titre de la mise à disposition de sommes d’argent par un compte courant associé débiteur en 2017.

Dès lors, adoptant les motifs du premier juge relatifs au point de redressement n°2, la cour confirmera le jugement de ce chef.

Sur le point de redressement n° 3

Comme précédemment, en se bornant à soutenir qu’est contestable le redressement de 2 828 euros en raison du statut de salarié de M. [G], également gérant de la société, sans indiquer en quoi le statut de salarié rendrait contestable le redressement pratiqué sur le montant des huit chèques émis par la société à l’ordre de M. [G] entre le 12 janvier et le 31 décembre 2018 pour un montant global de 4 263 euros, dont aucun élément n’établit qu’il s’agissait de salaires déclarés et déjà soumis à cotisation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 2 828 euros au titre des 4 263 euros versés à M. [G] [U] au moyen de huit chèques émis entre le 12 janvier 2018 et le 31 décembre 2018.

Sur le point de redressement n° 4

Dès lors que l’appelante conteste ce chef de redressement au seul moyen que les redressements de 4 586 euros pour l’année 2016, de 4 737 euros pour l’année 2017 et de 4 864 euros pour l’année 2018 ne résulteraient pas de la méthode de calcul choisie par l’Urssaf, sans indiquer en quoi ni préciser autrement sa critique, la cour, constatant comme le premier juge que l’Urssaf présente un tableau de calcul des régularisations qui mentionne clairement pour chacune des trois années concernées et pour chacun des postes de redressement l’assiette de calcul et le taux appliqué, confirmera le jugement en ce qu’il a condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 4 586 euros de cotisation pour l’année 2016, la somme de 4 737 euros de cotisation pour l’année 2017 et la somme de 4 864 euros pour l’année 2018 au titre de rémunérations dissimulées par le paiement d’un loyer fictif.

Sur la validation des points de redressement n° 1 à 4

La demande de l’Urssaf tendant à valider les points de redressement 1 à 4 est sans objet dès lors que ces points sont déjà validés par la condamnation de la société à en payer les montants. La cour n’a donc pas à y répondre.

Sur les points de redressement n° 5 à 8

Ne sont finalement pas contestés et seront en conséquence confirmés les chefs de jugement qui donnent acte à la société qu’elle ne conteste pas les points de redressement 5 à 8 et qui condamnent condamné la société payer à l’Urssaf la somme de 51 euros de cotisations au titre du point 5 du redressement, la somme de 93 euros de cotisations au titre du point 6, la somme de 74 euros de cotisation au titre du point 7 et la somme de 81 euros de cotisations au titre du point 8.

Sur les sommes dues

Les montants du redressement étant confirmés et les majorations n’étant plus contestées, la cour confirmera les dispositions par lesquelles le premier juge a constaté que la société doit au final à l’Urssaf la somme de 65 730 euros au titre des cotisations, condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 6 495 euros au titre des majorations, constaté que la société doit à l’Urssaf au final la somme de 72 225 euros au titre des cotisations et des majorations.

Ces condamnations rendent sans objet, comme redondante, la demande de l’Urssaf tendant à voir valider la mise en demeure du 29 novembre 2019 pour le montant de 65 730 euros en cotisations et de 6 495 euros en majorations de retard.

De même, est redondante la demande de l’Urssaf tendant à la condamnation la société à lui payer la somme de 47 264 euros en cotisations et la somme de 6 495 euros en majorations de retard, soit la somme totale de 53 759 euros, alors qu’elle a déjà obtenu satisfaction par les condamnations confirmées. L’objet de cette demande apparaissant en réalité être de réduire le montant des condamnations à raison des paiements partiels déjà effectués par la société, la cour y répondra en ajoutant au jugement que les condamnations confirmées sont prononcées en deniers ou quittances.

Sur la remise gracieuse et les délais de paiement

Les dispositions par lesquelles le premier juge a constaté l’incompétence du pôle social pour statuer sur la remise gracieuse de majorations et sur la demande d’échéance de paiement, non critiquées dans les écritures de l’appelante, seront confirmées.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

Confirme le jugement rendu entre les parties le 28 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

y ajoutant,

Dit que les condamnations prononcées par ce jugement sont payables en deniers ou quittance ;

Condamne la SARL [4] aux dépens d’appel.

La greffière Le président


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x