Le 21 octobre 2017, la Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou a accordé un prêt immobilier de 126.089 euros à Monsieur [B] avec un taux d’intérêt de 1,61 % sur 240 mensualités. Le 25 janvier 2021, un juge a suspendu les obligations de paiement de Monsieur [B] jusqu’au 25 janvier 2022. Le 24 mai 2024, la banque a mis en demeure Monsieur [B] de régler son arriéré, et le 2 juillet 2022, elle a notifié la déchéance du terme. Le 18 juillet 2022, la commission de surendettement a déclaré recevable le dossier de Monsieur [B]. Le 2 mai 2023, la commission a suspendu le paiement du crédit pour 24 mois, annulant les intérêts, sous condition de vente du bien immobilier. Le 6 octobre 2022, la banque a assigné Monsieur [B] devant le tribunal judiciaire de Poitiers, demandant le paiement de 118.473,81 euros. Le tribunal a rendu un jugement le 25 juillet 2023, condamnant Monsieur [B] à payer cette somme avec intérêts et 500 euros de frais. Monsieur [B] a interjeté appel le 13 septembre 2023, demandant l’infirmation du jugement et des réparations. Le Crédit Agricole a demandé la confirmation du jugement. Le 27 août 2024, l’instruction a été close, et la cour a invité les parties à se prononcer sur la question des intérêts. Le 13 septembre 2024, la banque a soumis une note en délibéré. La cour a finalement infirmé le jugement en partie, prononçant la déchéance des intérêts pour la banque, condamnant Monsieur [B] à payer 108.788,86 euros avec intérêts au taux légal, et déboutant ses demandes de dommages-intérêts et de frais.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CL/KP
N° RG 23/02105 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G4FH
[B]
C/
S.C.O.P. S.A. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA T OURAINE ET DU POITOU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02105 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G4FH
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juillet 2023 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS.
APPELANT :
Monsieur [K] [B]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5] (86)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Pauline MARQUES-MELCHY, avocat au barreau de POITIERS.
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-004746 du 04/09/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
INTIMEE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 03 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 21 octobre 2017, la société coopérative à capital variable Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou (le Crédit Agricole ou la banque) a consenti à Monsieur [K] [B] un prêt immobilier de 126.089 euros au taux nominal de 1,61 % amortissable en 240 mensualités.
Le 25 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection a suspendu jusqu’au 25 janvier 2022 l’exécution des obligations de Monsieur [B] nées de ce prêt à l’égard de la banque.
Le 24 mai 2024, la banque a mis en demeure Monsieur [B] d’apurer sous 15 jours son arriéré à peine de déchéance du terme.
Le 2 juillet 2022, la banque a notifié à Monsieur [B] la déchéance du terme.
Le 18 juillet 2022, la commission de surendettement des particuliers de la Vienne (la commission) a déclaré recevable le dossier déposé par Monsieur [B].
Par décision en date du 2 mai 2023, la commission a suspendu pour une durée de 24 mois le paiement du crédit immobilier litigieux, en réduisant à néant les intérêts y afférents, mais en subordonnant l’octroi de ces mesures à la vente, dans le délai accordé, du bien immobilier objet du crédit litigieux.
Le 6 octobre 2022, la banque a attrait Monsieur [B] devant le tribunal judiciaire de Poitiers.
Dans le dernier état de ses demandes, la banque a demandé la condamnation de Monsieur [B] à lui payer la somme de 118.473,81 euros selon décompte arrêté au 1er juillet 2022 outre intérêts ‘ de droit ‘ sur cette somme à compter de la même date et jusqu’à complet paiement, outre 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.
Quoique régulièrement assigné, Monsieur [B] n’a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire en date du 25 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Poitiers a :
– condamné Monsieur [B] à payer au Crédit Agricole 118.473,81 euros selon décompte arrêté au 1er juillet 2022 avec intérêts au taux de 1,61 % à compter du 2 juillet 2022 jusqu’à complet paiement ;
– condamné Monsieur [B] à payer au Crédit Agricole 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 13 septembre 2023, Monsieur [B] a relevé appel de ce jugement en intimant le Crédit Agricole.
Le 12 décembre 2023, Monsieur [B] a demandé l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
– condamner le Crédit Agricole à lui verser la somme de 118.473,81 euros en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance née du manquement de la banque à son obligation d’information et à son devoir de conseil ;
à titre subsidiaire,
– lui accorder un report du paiement des sommes dues sur une période de deux ans et ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteraient intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, avec imputation des paiements sur le capital ;
– condamner le Crédit au versement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dont distraction au profit de son conseil.
Le 11 mars 2024, le Crédit Agricole a demandé la confirmation intégrale du jugement déféré, le débouté de toutes les prétentions de Monsieur [B], et la condamnation de ce dernier aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de son conseil, et à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.
Le 27 août 2024, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.
Par message sur le réseau privé virtuel avocat en date du 4 septembre 2024, la cour a invité les parties à présenter pour le mardi 17 septembre 2024 au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office, tenant à la période pendant laquelle une éventuelle condamnation de l’emprunteur serait susceptible d’être assortie des intérêts, au regard des articles L. 722-13 et L. 733-1 4 ° du code de la consommation, compte tenu des décisions de la commission de surendettement en date des :
– 18 juillet 2022, prononçant la recevabilité de la demande de surendettement de l’emprunteur,
– 6 mai 2023, prononçant la suspension du paiement des échéances pendant 24 mois avec un taux d’intérêt de 0 %.
Le 13 septembre 2024, la banque a produit une note en délibéré.
Sur la déchéance des intérêts :
Selon l’article L. 313-6 du code de la consommation, dans sa version applicable au 21 octobre 2017, date de l’offre de prêt immobilier acceptée, le préteur assure la disponibilité permanente des informations générales, claires et compréhensibles, sur les contrats de crédit.
L’article R. 313-3 du même code dans la même version énumère au titre de ces informations :
….
2° la nature, la destination et la durée possible des crédits proposés ;
….
8° l’éventail des différentes modalités de remboursement possibles, y compris le nombre, la périodicité et le montant des versements réguliers :
….
Selon l’article L. 341-23 du même code, le fait pour le prêteur de ne pas respecter ses obligations en matière d’information générale prévues à l’article L. 313-6 est puni d’une amende de 30 000 euros.
Selon l’article L. 313-7 du code de la consommation, dans sa version applicable au 21 octobre 2017, date de l’offre de prêt immobilier acceptée,
Au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, sous la forme d’une fiche d’information standardisée européenne ,les informations personnalisées permettant à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponible sur le marché, d’évaluer leurs implications et de se déterminer en toute connaissance de cause sur l’opportunité de conclure un contrat de crédit.
Un décret en Conseil d’État fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans cette fiche d’information standardisée européenne à fournir pour l’offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation.
Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite donner à l’emprunteur sont fournies dans un document distinct de la fiche mentionnée au présent article.
L’ensemble des informations fourni en application du présent article l’est gratuitement.
Selon l’article selon l’article L. 313-8 du même code, dans la même version,
Tout document remis à l’emprunteur préalablement à la formulation de l’offre mentionnée à l’article L. 313-24 et comportant un ou plusieurs éléments chiffrés sur l’assurance de groupe mentionnée au premier alinéa de l’article L. 313-29 mentionne le coût de cette assurance.
Ce coût est exprimé :
1° A l’exclusion de tout autre taux, en taux annuel effectif de l’assurance, qui permette la comparaison par l’emprunteur de ce taux avec le taux annuel effectif global du crédit ;
2° en montant total en euros dus par l’emprunteur au titre de l’assurance sur la durée totale du prêt ;
3° en euros et par période, selon la périodicité de paiement. Il est précisé si ce montant s’ajoute ou non à l’échéance de remboursement du crédit.
Simultanément à la remise de tous documents mentionnés au présent article, doivent être remises la fiche standardisée d’information mentionnée à l’article L. 313-10 ainsi que la notice mentionnée au 1° de l’article L. 313-29.
Selon l’article L. 341-26 du même code dans la même version, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur la fiche d’information standardisée européenne mentionnée à l’article L. 313-7 peut être déchu de son droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Selon l’article L. 341-47 du code de la consommation,
Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues à la présente section, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputé sur le capital restant dû.
L’article R. 313-4 du même code définit l’ensemble des mentions personnalisées devant figurer dans la fiche européenne d’information standardisée, et comporte en son annexe le modèle de cette fiche.
Par arrêt en date du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13) la Cour de Justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Dans le même arrêt, la Cour de Justice précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée.
Elle ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou de ce que celle-ci ne permettrait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’information précontractuelles lui incombant.
Selon cet arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Il appartient aux juridictions nationales de procéder à une interprétation de leur législation nationale conforme au droit de l’Union Européenne applicable en la cause.
Il en résulte que prononce à juste titre la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels la cour d’appel qui, après avoir énoncé qu’il incombe à celui-ci de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et constaté que le prêteur se prévalait d’une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats, en déduit que la signature de la mention d’une telle clause ne pouvait être considérée que comme un indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information (Cass. 1ère civ., 5 juin 2019, n°17-27.066, publié).
C’est ainsi que la mention selon laquelle l’emprunteur reconnaît rester en possession d’un exemplaire de l’offre doté d’un formulaire détachable de rétractation ne suffit pas à démontrer que l’offre était effectivement munie de ce formulaire (Cass. 1ère civ., 22 septembre 2011, n°10-30.828, diffusé).
Le prêteur ne prouve pas avoir rempli son obligation d’information en produisant une fiche précontractuelle d’information non signée ni paraphée par l’emprunteur, même si ce dernier a signé une clause attestant qu’il a bien reçu cette fiche (Cass. 1ère civ., 7 juin 2023, n°22-15.552).
L’emprunteur sollicite la déchéance du prêteur du droit aux intérêts.
Il fait valoir que les pièces versées par l’établissement de crédit ne permettent pas d’établir que celui-ci a effectivement respecté ses obligations d’information relatives tant aux informations personnalisées permettant à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit, que celles relatives au coût et aux éléments chiffrés sur l’assurance de groupe.
Il soutient encore qu’à l’issue de la période de suspension du paiement des échéances du prêt, tel que prévues à l’article 1.2 de l’offre, il appartenait à la banque de lui transmettre un tableau d’amortissement réactualisé.
Mais d’une part, le défaut d’information du prêteur relatif à l’assurance emprunteur, prévu à l’article L. 313-7 du code de la consommation, n’est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts.
Et en outre, aucun texte du code de la consommation ne vient sanctionner, par la déchéance des intérêts, le défaut de communication d’un échéancier réactualisé en cours d’exécution contractuelle après une période de suspension du paiement des échéances.
Car le manquement à cette obligation d’information, d’ordre général, ressortissant de l’article L. 313-6 du même code, est seulement assorti d’une sanction pénale prenant la forme d’une amende.
Cependant, l’examen de l’offre de crédit produite par la banque met en évidence que si celle-ci comporte en annexe une fiche d’information précontractuelle, certes signé et datée par l’emprunteur, cette fiche ne comporte en elle-même aucune mention personnalisée, pour se contenter d’un simple renvoi aux conditions de l’offre, et par ailleurs, ses rubriques ne répondent pas au modèle réglementaire prévu à l’article R. 313-4 du code de la consommation.
L’établissement de crédit défaille ainsi dans l’administration de la preuve qui lui incombe de ce que l’offre de crédit délivrée à l’emprunteur comportait effectivement la fiche d’information standardisée européenne exigée par l’article L. 312-7 du code de la consommation.
Il y aura donc lieu de prononcer la déchéance totale de la banque de son droit aux intérêts contractuels, et le jugement sera infirmé de ce chef.
En considération de la déchéance prononcée, et du montant des échéances déjà payées dont les intérêts s’imputeront en totalité sur le capital, et au regard des décomptes produits par la banque et de l’historique des règlements, d’un total selon 26 prélèvements du 7 décembre 2017 au 7 juillet 2020 d’un montant chacun de 614,84 euros, comprenant capital et intérêts, outre un premier prélèvement du 505,70 euros le 7 novembre 2017, pour un capital emprunté de 126 089 euros, il y aura lieu de condamner l’emprunteur à payer à la banque la somme de 108 788,86 euros [126 089 – (26 x 614,84) – 505,70 euros ].
Sur l’assortiment de la condamnation des intérêts au taux légal :
L’article L. 733-1 4° du code de la consommation offre à la commission de surendettement la faculté de suspendre l’exigibilité de la créance pour une durée ne pouvant excéder deux ans, sa décision emportant suspension du paiement des intérêts, sauf décision contraire.
Selon l’article L. 722-13 du même code, les intérêts cessent de courir à compter de la date de la décision de recevabilité du dossier de surendettement.
La banque a demandé que la condamnation soit assortie des intérêts à compter du 2 juillet 2022, date de mise en demeure, dont elle a par ailleurs justifié.
Mais par décision en date du 18 juillet 2022, la commission de surendettement a prononcé la recevabilité de la demande y afférente de Monsieur [B].
Et il ressort de la pièce n°2 de l’intimé que dans sa séance du 2 mai 2023, la commission de surendettement a préconisé la suspension de l’exigibilité des créances (comportant notamment le crédit immobilier litigieux) pour une durée de 24 mois au taux de 0%, en subordonnant ces mesures à une durée équivalente pour vendre le bien immobilier.
Il en résulte ainsi que les sommes dues au titre du crédit immobilier litigieux ne peuvent pas porter intérêts, même au taux légal, pour la période d’exécution du plan, soit du 18 juillet 2022 au 17 juillet 2024.
Invitée par note en délibéré à présenter ses observations sur le moyen ainsi relevé d’office par la cour, tenant au gel des intérêts à compter de la décision de recevabilité de la demande de surendettement, la banque s’est bornée à présenter un décompte de sa créance à la date de la recevabilité de la demande de surendettement de l’emprunteur, soit au 18 juillet 2022.
Il y aura donc lieu de condamner l’emprunteur à payer à la banque la somme de 108 788,86 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2022 jusqu’au 17 juillet 2022 inclus, puis à compter du 18 juillet 2024, en rejetant le surplus des demandes de la banque à ce titre : le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son obligation d’information et à son devoir de conseil en matière d’assurance du crédit :
La banque, souscriptrice d’une assurance de groupe, est tenue envers l’emprunteur qui y adhère d’une obligation d’information et d’un devoir de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de notice exigée par l’article L. 321-9 du code de la consommation afférente aux crédits immobiliers.
Car le banquier, souscripteur d’une assurance de groupe, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation (Cass. Ass. Plein., 2 mars 2007, n°06-15.567, Bull. n°4).
La connaissance par le client des stipulations du contrat d’assurance de groupe auquel il a adhéré ne peut dispenser le banquier de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts par ces stipulations, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle d’emprunteur (Cass. com., 14 décembre 2010, n°08-20.820).
Si le banquier doit s’inquiéter de la situation personnelle de l’emprunteur, de manière à l’éclairer quant à la souscription des assurances correspondant à sa situation, il satisfait à son obligation s’il lui propose une couverture suffisante au regard de son activité et conforme aux informations qui lui ont été communiquées (Cass. 1ère civ., 23 février 2012, n°10-23.696).
S’il est informé d’une situation particulière, il doit en tirer les conséquences et attirer spécialement l’attention de son client sur l’adéquation des risques couverts par le contrat à cette situation (Cass. 1ère civ., 30 octobre 2013, n°12-22.731).
La banque satisfait à son devoir de conseil lorsque la garantie souscrite est en adéquation avec les risques encourus (Cass. 1ère civ., 23 février 2012, n°10-23.696).
Mais sa responsabilité ne peut être engagée pour un conseil qu’en l’état des informations qui lui avaient été communiqués par l’emprunteur, elle ignorait devoir donner (Cass. com., 10 mars 2015, n°14-10.712).
En outre, le banquier est tenu d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas à la remise de la notice, mais peut s’étendre à la phase d’instruction du sinistre.
Le préjudice résultant, pour l’emprunteur, du manquement de la banque à l’obligation susdite, consiste en une perte de chance de souscrire une assurance mieux adaptée à sa situation personnelle (Cass. com., 31 janvier 2012, n°11-11.700).
Selon l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982, en cas d’exercice par un agent public de son droit de retrait, aucune retenue de salaire ne peut être prise à son encontre.
Fonctionnaire de police, Monsieur [B] fait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation d’information et à son devoir de conseil, motif pris de ce que cet intermédiaire d’assurance ne lui a pas proposé de souscrire une assurance garantissant sa perte d’emploi.
Il lui reproche encore d’avoir manqué à son obligation d’information, alors qu’il affirme l’avoir alerté sur ses difficultés financières en lien avec ses difficultés professionnelles, comme ayant fait l’objet de plusieurs arrêts maladie avant que l’autorité administrative ne décide de supprimer son traitement.
A ce titre, il considère que comme l’établissement bancaire était informé de ses arrêts de travail, il lui incombait de solliciter l’assurance de groupe pour que celle-ci prenne en charge le paiement des échéances du crédit au titre de la garantie qu’il avait souscrit couvrant l’incapacité temporaire totale.
Tout en concédant avoir été informée à compter du mois de juin 2017 de l’exercice de son droit de retrait par Monsieur [B], la banque réplique que l’exercice de ce droit n’a pas pour effet de suspendre ses revenus.
Elle observe que lors de la formulation de l’offre quatre mois plus tard au cours du mois d’octobre 2017, la situation de l’intéressé, qui exprimait le souhait de retourner rapidement à ses fonctions, ne pouvait pas laisser suspecter une potentielle dégradation de sa situation professionnelle.
Elle en déduit qu’elle n’avait pas alors à conseiller à l’intéressé de souscrire une garantie couvrant sa perte d’emploi.
Un examen attentif des pièces produites par les parties ne me pas en évidence que la banque ait été informée, après le mois de juin 2017, de la nature et de la persistance des circonstances de fait ayant motivé l’exercice, par l’intéressé, de son droit de retrait, ni de l’exacte gravité de son état de santé.
Elle n’était ainsi pas mise en mesure de déterminer en quoi l’intéressé, agent public titulaire, se trouvait potentiellement menacé d’une perte d’emploi.
En l’état de la situation de l’emprunteur dont elle se trouvait informée, la banque n’était ainsi pas tenue de lui conseiller de souscrire une garantie afférente à la perte d’emploi.
Enfin, l’emprunteur ne produit ni le contrat d’assurance, ni ses arrêts de travail, et dans ses écritures, il ne présente aucun moyen démontrant en quoi la garantie souscrite couvrant l’incapacité temporaire totale aurait pu être effectivement mobilisée.
Ainsi, faute de démontrer en quoi sa situation aurait été effectivement couverte par l’assurance de prêt de la banque, il ne démontre pas en quoi cet intermédiaire d’assurance aurait manqué à son obligation de l’informer de la possibilité de mobiliser cette garantie.
A l’issue de cette analyse, il ne peut être retenu aucune faute de la banque générant une perte de chance de chef de Monsieur [B].
Monsieur [B] sera donc débouté de demande de dommages-intérêts.
Sur les délais de paiement :
Selon l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues.
Monsieur [B] sollicite de reporter sur une durée de 2 ans le règlement des sommes dues, et de voir dire que celles-ci porteront intérêts à un taux réduit à l’intérêt légal, ses paiements s’imputant d’abord sur le capital.
Il fait valoir à ce jour ne percevoir aucun traitement ni aucun autre revenu, la procédure administrative étant toujours en cours.
Il indique avoir saisi à cette fin la commission de surendettement.
Ainsi, en l’absence de perception de tout revenu à ce jour, et sans qu’il soit fait état d’un délai prévisible d’achèvement de la procédure administrative, il n’apparaît pas en quoi l’intéressé pourrait mieux être mis à même de régler les causes de l’emprunt, même à l’issue du délai qu’il sollicite.
Il est topique que dans ses écritures, Monsieur [B] ne présente aucune proposition de règlement, fut-elle échelonnée et très éloignée dans le temps.
Car sa situation relève plus précisément d’une situation de surendettement, et il est opportun qu’il ait saisi en ce sens la commission éponyme.
Il conviendra donc de débouter Monsieur [B] de sa demande de délais de paiement.
* * * * *
Succombant, Monsieur [B] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Le jugement sera confirmé pour avoir condamné Monsieur [B] aux dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Monsieur [B] sera condamné aux dépens d’appel, avec distraction au profit du conseil de la banque, et à payer à celle-ci la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
La cour,
statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné [K] [B] à payer au Crédit Agricole 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens ;
Confirme le jugement de ce seul chef ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Prononce la déchéance totale de la société coopérative à capital variable Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou de son droit aux intérêts ;
Condamne Monsieur [K] [B] à payer à la société coopérative à capital variable Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 108 788,86 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2022 jusqu’au 17 juillet 2022 inclus, puis avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2024 ;
Déboute Monsieur [K] [B] de sa demande de dommages-intérêts ;
Déboute Monsieur [K] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne Monsieur [K] [B] à payer à la société coopérative à capital variable Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne Monsieur [K] [B] aux dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Marion Le Lain, conseil de la société coopérative à capital variable Caisse Régionale Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou, de ceux des dépens d’appel dont elle fait l’avance sans en avoir reçu provision ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,