Obligations de preuve et transparence dans les relations de crédit

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Obligations de preuve et transparence dans les relations de crédit

Madame [F] [M] a contracté un crédit personnel de 12 800 euros auprès de la caisse régionale du crédit agricole mutuel Toulouse 31, remboursable en 60 mensualités. En janvier 2012, elle a été déclarée recevable à la procédure de surendettement, avec un réaménagement de ses dettes. En septembre 2012, des mesures de rééchelonnement ont été adoptées, confirmées par un jugement en janvier 2013. En juin 2015, un nouveau dossier de surendettement a été ouvert, mais une demande de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire a été rejetée en août 2016. En janvier 2017, la commission de surendettement a recommandé un rééchelonnement des créances sur 60 mois à taux 0 %. En mai 2018, le tribunal a déchu Madame [F] [M] de la procédure, mais cette décision a été infirmée par la cour d’appel de Versailles en janvier 2020, rétablissant la procédure de surendettement. En mars 2019, la caisse régionale a assigné Madame [F] [M] pour le paiement de 11 267 euros, entraînant plusieurs renvois et radiations de l’affaire. En mars 2024, le crédit agricole a demandé le rétablissement de l’affaire, et lors de l’audience de juin 2024, il a sollicité le paiement de la somme due, tandis que Madame [F] [M] a demandé le déboutement de la caisse. La décision est mise en délibéré pour le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Chartres
RG
23/01596
N° RG 23/01596 – N° Portalis DBXV-W-B7H-GBCL

Minute : JCP

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 35,

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
Madame [F] [M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES

Juge des Contentieux de la Protection

JUGEMENT Contradictoire

DU 17 Septembre 2024

DEMANDEUR :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE TOULOUSE 31,
dont le siège social est sis 6, Place Jeanne d’Arc – BP 40535 – 31000 TOULOUSE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me KARM de la SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, demeurant 3 Place de la Porte Saint Michel – 28000 CHARTRES, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 35

D’une part,

DÉFENDEUR :

Madame [F] [M]
demeurant 3, Rue du Village Les Gatineaux – 28320 BAILLEAU ARMENONVILLE
comparante en personne

D’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : François RABY

Greffier: Séverine FONTAINE

DÉBATS :

L’affaire a été plaidée à l’audience publique du 11 Juin 2024 et mise en délibéré au 17 Septembre 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 27 novembre 2010, la caisse régionale du crédit agricole mutuel Toulouse 31 a consenti à Madame [F] [M] un crédit personnel d’un montant en capital de de 12 800 euros remboursable au taux nominal de 4,55% (soit un TAEG de 4,646%) en 60 mensualités de 245,32 euros avec assurance.

Par décision de la commission de surendettement des particuliers de l’Ariège en date du 31 janvier 2012, Madame [F] [M] a été déclarée recevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers et son dossier a été orienté vers un traitement amiable par un réaménagement négocié des dettes.

Par décision en date du 25 septembre 2012, la commission de surendettement des particuliers de l’Ariège a adopté des mesures imposées et, par jugement rendu le 4 janvier 2013, le tribunal d’instance de FOIX a confirmé lesdites mesures prévoyant un rééchelonnement sur 24 mois afin de permettre à Madame [F] [M] de procéder à la vente de son bien immobilier.

Le 26 juin 2015, sur saisine de la défenderesse, la commission de surendettement des particuliers de l’Eure-et-Loir déclarait recevable Madame [F] [M] au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers et son dossier a été orienté vers une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

Par jugement en date du 11 août 2016, le tribunal d’instance de CHARTRES a rejeté la demande d’ouverture de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire et renvoyé le dossier à la commission de surendettement.

La commission de surendettement des particuliers de l’Eure-et-Loir, par décision en date du 26 janvier 2017, a recommandé le rééchelonnement de tout ou partie des créances sur une durée maximum de 60 mois au taux de 0 %.

Sur contestation du crédit agricole, le tribunal de Chartres a déchu Madame [F] [M] du bénéfice de la procédure de surendettement par jugement en date du 17 mai 2018.

Par arrêt en date du 16 janvier 2020, la cour d’appel de VERSAILLES a infirmé cette décision en toutes ses dispositions, déclaré Madame [F] [M] au bénéfice de la procédure de surendettement et dit que les modalités élaborées le 27 janvier 2017 par la commission de surendettement doivent recevoir application sur 60 mois.

Par exploit d’huissier signifié à étude le 4 mars 2019, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse 31 a fait assigner Madame [F] [M] à comparaître devant le tribunal d’instance de CHARTRES en paiement des sommes suivantes :
11 267,00 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ; 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Appelée à l’audience du 19 mars 2019, l’affaire a fait l’objet de renvois puis d’une décision de radiation le 18 mai 2021, puis, après réinscription, de nouveaux renvois et d’une nouvelle décision de radiation en date du 17 novembre 2022, relevant, malgré les dispositions du jugement avant-dire droit en date du 23 août 2022 invitant les parties à produire aux débats le tableau d’amortissement du contrat de prêt litigieux ainsi que l’historique de compte actualisé du prêt, le défaut de diligences des parties.

Par conclusions déposées au greffe le 19 septembre 2023, la caisse régionale du crédit agricole Toulouse 31 a demandé le rétablissement de l’affaire. A l’audience du 12 mars 2024, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi pour être finalement retenue le 11 juin 2024.

Lors de l’audience du 11 juin 2024, le crédit agricole, représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de ses dernières écritures déposées le 12 mars 2024 aux termes desquelles il sollicite de constater que l’action n’est pas forclose, et de condamner Madame [F] [M] au paiement de la somme de 11 267 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, et de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que la demanderesse ne présente d’observations complémentaires.

Lors de l’audience du 11 juin 2024, Madame [F] [M] a comparu personnellement et demandé au tribunal de débouter la caisse régionale du crédit agricole Toulouse 31 de ses demandes.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la partie demanderesse, il est fait référence aux termes de ses dernières écritures déposées à l’audience du 12 mars 2024.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé que la société de crédit peut engager une action en paiement à l’encontre de l’emprunteur et solliciter le remboursement du capital restant dû lorsque ce dernier est défaillant.

Or, en application des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient à la demanderesse d’établir sa créance.
A ce titre, il appartient au prêteur de verser aux débats un historique complet de la vie du crédit ainsi qu’un tableau d’amortissement afin notamment de déterminer la date de la défaillance de l’emprunteur et le capital restant dû par ce dernier ; ces pièces permettent, en outre, de vérifier que l’action en paiement exercée par le prêteur n’est pas atteinte de forclusion. De plus, cet historique doit détailler les sommes effectivement payées par le débiteur et la nature des sommes payées, en précisant ce qui relève du capital, des intérêts et des frais.

Il sera par ailleurs rappelé que le juge qui est tenu de vérifier si les sommes réclamées correspondent aux prescriptions légales doit être parfaitement éclairé quant au montant réclamé et aux justifications correspondantes et si l’historique est insuffisamment détaillé ou le décompte insuffisamment précis et détaillé, la demande du prêteur peut être écartée totalement ou partiellement. Le juge n’est en effet pas tenu de procéder à des calculs financiers complexes pour retrouver les sommes réellement dues par l’emprunteur, après avoir précisé les éléments de calcul à prendre en compte.

En l’espèce, malgré le jugement avant-dire droit en date du 23 août 2022 invitant les parties à produire un tableau d’amortissement ainsi qu’un historique de compte complet actualisé et la décision de radiation du 17 novembre 2022 constatant le défaut de diligences des parties quant à ces demandes, aucune des pièces mentionnées n’a été fournie par la société demanderesse. Dès lors, il n’est pas possible de déterminer la créance de la caisse régionale du crédit agricole Toulouse 31 ainsi que la date du premier incident de paiement.

La société demanderesse sera donc déboutée de ses demandes en paiement.

Déboutée de l’ensemble de ses demandes, la caisse régionale du crédit agricole Toulouse 31 sera condamnée aux dépens.

Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Toulouse 31 de l’ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Toulouse 31 de sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Toulouse 31 aux entiers dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Ainsi jugé et prononcé.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Séverine FONTAINE François RABY


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