La SCCV Joliot a conclu plusieurs marchés de travaux avec les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] pour la construction d’un centre d’affaires, incluant des menuiseries extérieures en aluminium et PVC, ainsi que des menuiseries intérieures, pour des montants totaux de 70 500 €, 39 000 €, 164 500 € et 124 500 € HT. En janvier 2024, les entreprises ont mis en demeure la SCCV Joliot de régler des sommes dues, totalisant 74 739,34 € et 197 335,32 € TTC. La SCCV a promis un règlement d’ici la fin du mois. En avril 2024, les entreprises ont renouvelé leurs demandes, portant le montant à 203 540,05 € TTC. En mai 2024, elles ont assigné la SCCV Joliot en référé pour obtenir le paiement des sommes dues, ainsi qu’une garantie de paiement. Lors de l’audience d’août 2024, la SCCV Joliot n’était pas présente.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
Du 18 Octobre 2024
N° RG 24/00387 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K6WX
54D
c par le RPVA
le
à
Me Aurélie GRENARD
– copie dossier
Expédition et copie executoire délivrée le:
à
Me Aurélie GRENARD
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
OR D O N N A N C E
DEMANDEURS AU REFERE:
S.A.S. ENTREPRISE [W], dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 2]
représentée par Me Aurélie GRENARD, avocat au barreau de RENNES substituée par Me CHEKKAT, avocat au barreau de Rennes,
S.A.S. [W] MENUISERIE ALUMINIUM, dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 2]
représentée par Me Aurélie GRENARD, avocat au barreau de RENNES
substituée par Me CHEKKAT, avocat au barreau de Rennes,
DEFENDEUR AU REFERE:
Société JOLIOT, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 3]
non comparante
LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président
LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.
DEBATS: à l’audience publique du 14 Août 2024,
ORDONNANCE: réputée contradictoire, au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2024 prorogé au 14 octobre 2024 puis au 18 octobre 2024
VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.
Suivant deux marchés de travaux privés régularisés le 20 février 2023, la société civile de construction vente (SCCV) Joliot a confié aux sociétés par actions simplifiée (SAS) [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W], pour des prix de 70 500 et 39 000 € HT, le lot n°7a menuiseries extérieures aluminium de la construction d’un centre d’affaires situé [Adresse 1] à [Localité 3] (35).
Suivant autre marché de travaux privés régularisé le même jour, la SCCV Joliot a confié à la SAS Entreprise [W], pour un prix de 164 500 € HT, le lot n°8 menuiseries extérieures PVC.
Suivant marché de travaux privés régularisé le 07 mars 2023, elle lui a également confié, pour un prix de 124 500 € HT, le lot n°10 menuiseries intérieures.
Suivant lettres recommandées du 16 janvier 2024, avec accusé de réception, les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] ont mis en demeure la SCCV Joliot d’avoir à leur régler leurs premières situations pour des montants totaux de 74 739,34 et 197 335,32 € TTC.
Par courriel du 18 janvier 2024, la SCCV Joliot a avisé les entreprises attributaires de ce que l’ensemble de leurs situations seront réglées pour la fin du mois.
Par lettre recommandée du 11 avril 2024, avec accusé de réception, les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] ont renouvelé leurs demandes en paiement, la SAS Entreprise [W] portant la sienne à hauteur de 203 540,05 € TTC.
Par acte de commissaire de justice du 30 mai 2024, les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] ont ensuite assigné, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes, la SCCV Joliot, au visa notamment de l’article 835 du code de procédure civile, aux fins d’obtenir sa condamnation à leur payer par provision les sommes de 74 739,34 et 203 540,05 € TTC avec intérêts de retard à compter du 4 janvier 2024 et capitalisation, au titre du prix de la partie de leurs ouvrages déjà réalisée ainsi qu’à leur fournir une garantie de paiement prévue à l’article 1799-1 du code civil, le tout sous le bénéfice des dépens et de l’allocation d’une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.
Lors de l’audience du 14 août 2024, les demandeurs, représentés par avocat, ont sollicité le bénéfice de leur assignation.
Bien que régulièrement assignée par dépôt de l’acte à l’étude, la SCCV Joliot n’a pas comparu, ni ne s’est faite représenter.
Pour plus ample exposé du litige, des moyens et prétentions des demandeurs, la juridiction se réfère à leur assignation, comme le lui permet l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire
Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que lorsque le défendeur ne comparaît pas, comme en l’espèce, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur les demandes de provision
L’ article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que :
« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, (le juge des référés peut, NDR) accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
Il appartient au demandeur à une provision d’établir l’existence de l’obligation qu’il invoque à son appui (Civ. 1ère 25 mars 2010 n° 09-13.382).
L’article 1103 du code civil dispose que :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
La SAS [W] menuiserie aluminium produit aux débats une copie du marché privé de travaux qu’elle a conclu, le 20 février 2023, avec la SCCV Joliot, pour un prix de 70 500 € HT, soit 84 600 € TTC (pièce demandeurs n°2 b), lequel a été ensuite réduit de la somme de 5 927,02 € TTC par avenant du 18 septembre suivant. Elle verse également trois situations de travaux, datées des 29 septembre, 8 novembre et 18 décembre 2023, visées par le maître d’œuvre, pour un montant total de 74 739,32 € TTC (pièce demandeurs n° 2e).
La SAS Entreprise [W] verse aux débats une copie des marchés privés de travaux qu’elle a conclus, les 20 février et 07 mars 2023, avec la SCCV Joliot, pour un prix total de 328 000 € HT, soit 393 600 € TTC (pièce demandeurs n° 2 b, g et k). Elle produit également six situations de travaux, datées des 05 juillet, 29 septembre, 26 octobre et 24 novembre 2023 ainsi que du 26 janvier 2024, visées par le maître d’œuvre, pour un montant total de 203 540,11 € TTC (pièces demandeur n° 2 e, m et i).
Par courriel du 18 janvier 2024, la SCCV Joliot a avisé les entreprises attributaires que l’ensemble de leurs situations seraient réglées pour la fin du mois (pièce demandeur n°3g).
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] établissent l’existence d’une évidente obligation de la SCCV Joliot d’avoir à leur payer, au titre du prix de leurs ouvrages, les sommes de 74 739,32 et 203 540,11 € TTC.
Sur les pénalités de retard
L’article L 441-10 II du code de commerce dispose, en ses deux premières phrases, que :
« II.-Les conditions de règlement mentionnées au I de l’article L 441-1 précisent les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ».
Les SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] sollicitent le bénéfice de pénalités de retard au taux d’intérêt majoré prévu par l’article précité, à compter du 4 janvier 2024, outre leur capitalisation.
Elles n’articulent aucun moyen à l’appui de cette prétention.
Elles ne produisent pas non plus aux débats le ou les cahiers des clauses administratives relatives aux marchés litigieux, de sorte que les conditions de règlement du prix de leurs ouvrages ne sont pas connues. Elles ne démontrent pas, en conséquence, que les parties n’ont pas convenu d’une disposition contraire à celles de l’article L 441-10 II du code de commerce précité, de sorte qu’elles n’établissent pas l’évidente (Civ. 2ème 03 mars 2022 n° 21-13.892 publié au Bulletin) obligation du défendeur d’avoir à leur régler des pénalités de retard à un taux égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
Il en résulte qu’il n’y a pas lieu à référé sur cette prétention.
Sur la garantie de paiement
L’article 1799-1 du code civil dispose que :
« Le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’État.
Lorsque le maître de l’ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l’établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l’article 1779 tant que celles-ci n’ont pas reçu le paiement de l’intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l’ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l’ouvrage entre les mains de la personne ou d’un mandataire désigné à cet effet.
Lorsque le maître de l’ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu’il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d’une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque le maître de l’ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l’article L 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ou par une société d’économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par cet organisme ou cette société ».
Sur le fondement de ces dispositions et de l’article 835, alinéa 2 du code de procédure civile précité, les SAS [W] menuiserie aluminium menuiserie aluminium et Entreprise [W], qui soutiennent que la SCCV Joliot ne leur a fourni aucune garantie de paiement alors qu’elle en a pourtant l’obligation, sollicitent en conséquence sa condamnation sous astreinte à la leur fournir.
Il résulte des dispositions précitées que la garantie de paiement pouvant être sollicitée à tout moment, même après la résiliation du marché dès lors que le montant des travaux n’a pas été intégralement réglé, l’obligation du maître de l’ouvrage de la fournir à l’entrepreneur n’est pas sérieusement contestable, de sorte que le juge des référés a le pouvoir d’en ordonner l’exécution (Civ. 3ème 18 mai 2017 n° 16-16.795 Bull. n°62), au besoin sous astreinte, en application de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Au cas présent, les parties ont conclu des marchés de travaux privé visés au 3° de l’article 1779 du code civil (pièces demandeurs n° 2 b, g et k) et les sommes dues aux SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] sont supérieures au seuil de 12 000 € HT fixé par le décret n° 99-658 du 30 juillet 1999, édicté en application dudit article.
L’existence de l’obligation de la SCCV Joliot d’avoir à fournir à ces deux sociétés une garantie de paiement, n’est dès lors pas sérieusement contestable. En son absence à l’instance, il n’est pas contesté qu’elle ne s’est pas exécutée.
En conséquence, la SCCV Joliot sera condamnée sous astreinte, comme énoncé au dispositif de la présente ordonnance, à fournir aux SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] une garantie de paiement répondant aux prévisions de l’article 1799-1 du code civil et du décret du 30 juillet 1999 précité.
Sur les demandes annexes
L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».
Partie succombante, la SCCV Joliot supportera la charge des dépens.
L’équité commande, en outre, de la condamner à payer aux demandeurs la somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens.
DISPOSITIF
La juridiction des référés, statuant au nom du peuple français, par ordonnance mise à disposition au greffe :
CONDAMNE la SCCV Joliot à payer à la SAS [W] menuiserie aluminium la somme de 74 739,32 € (soixante-quatorze mille sept cent trente-neuf euros et trente-deux centimes) et à la SAS Entreprise [W] celle de 203 540,11 € (deux cent trois mille cinq cent quarante euros et onze centimes) à titre de provision ;
la CONDAMNE à justifier auprès des SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] de la souscription d’une garantie de paiement de leurs marchés de travaux, conformément aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil et ce, sous astreinte de 500 € (cinq cents euros) par jour de retard à l’expiration d’un délai trente jours à compter de la signification de la présente ordonnance et ce, pendant soixante jours, délai à l’issue duquel il sera de nouveau statué, le cas échéant, par le juge de l’exécution ;
CONDAMNE la SCCV Joliot aux dépens ;
la CONDAMNE à payer aux SAS [W] menuiserie aluminium et Entreprise [W] la somme de 1 000 € (mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens.
REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.
La greffière Le juge des référés